2.4. Instabilité sociopolitique et croissance
économique
2.4.1. Arguments théoriques de l'impact
négatif de l'instabilité politique sur la
croissance économique
Comme le soulignent plusieurs auteurs, l'instabilité
politique peut affecter les performances économiques d'un pays selon
plusieurs modalités. Elle peut être préjudiciable à
l'activité de production lorsqu'elle entraîne directement des
ruptures dans le processus de création de richesse (Fosu, 1992). Elle
peut ne pas permettre aux institutions de garantir efficacement les droits de
propriété privés, entraînant de ce fait un
accroissement des coûts de transaction et empêchant le pays de
réaliser son potentiel productif (Azam, 1996).
Un second impact possible de l'instabilité politique,
plus indirect, passe par l'efficacité de l'accumulation des facteurs de
production. En effet, l'investissement et l'accumulation de capital humain
dépendent en dernier ressort du cadre institutionnel qui les
conditionne. Fosu (1992) souligne ainsi qu'en présence
d'instabilité politique, le risque de perte de capital augmente, ce qui
fait baisser le volume d'investissements effectivement entrepris. Ensuite,
l'instabilité politique réduit considérablement l'horizon
temporel, non plus seulement de l'investisseur, mais aussi du décideur
politique ; celui-ci se contente alors d'une pratique de gestionnaire et
attentiste du pouvoir, en particulier dans le domaine économique. De
même, un gouvernement à horizon temporel court, n'est pas
incité à respecter ses engagements, non plus que les
règles et principes qui doivent, en principe, réguler
l'activité économique (droit de propriété, droit
des contrats, fiscalité). Enfin, dans un contexte d'instabilité
politique, le gouvernement, désigné démocratiquement ou
non, peut être tenté de recourir à une politique
fondée sur la mise en place d'allégeances clientélistes,
et sur la corruption des groupes susceptibles de l'appuyer dans la conservation
du pouvoir (police, armée, administration, milieux économiques,
etc.).
Mémoire de DESS_GPE 11 (2009/2010)
Présenté par KOUAKOU Armand
16
Impact de l'instabilité sociopolitique sur les
investissements publics et privés en Côte d'Ivoire
2.4.2. Etudes empiriques sur l'impact des conflits
sociopolitiques sur la croissance
A la fin des années 1990, la persistance d'un nombre
important de conflits a commencé à attirer l'attention des
chercheurs. Le débat s'est largement focalisé autour des travaux
menés par le groupe de travail de la Banque Mondiale dirigé par
Collier. Depuis 1999, plusieurs analyses quantitatives et formelles sur les
guerres civiles et leurs impacts sur les économies ont été
menées. Ces travaux ont permis d'identifier, entre autres, l'importance
de facteurs socio- économiques dans l'éclatement, la durée
d'une guerre civile et les coûts qu'elle impose (Tsasa, 2009).
D'après les estimations de Collier et al.
(2003), un PVD en période de guerre consacre en moyenne 5% de son
P11B aux dépenses de guerre contre 2,8% en période de paix. Ce
taux supplémentaire de 2,2% du P11B consacrée aux dépenses
militaires pendant 7 ans (durée moyenne d'une guerre civile),
entraîne une perte durable du PIB de l'ordre de 2%. L'accroissement des
dépenses militaires qui constitue une part des détournements des
ressources au profit de la violence, a toutes les chances d'entraîner une
diminution des sommes affectées à d'autres postes, tels que
l'infrastructure et la santé. Les ressources sur lesquelles les rebelles
font main basse représentent elles aussi un détournement au
détriment des activités productives. A cela s'ajoutent les
coûts liés à la destruction des infrastructures de
production (installations hydroélectriques et de
télécommunication, routes, habitations, écoles,
hôpitaux, etc.). Une étude économétrique
effectué par Collier (1999), a également montré que,
pendant la guerre civile, la croissance économique se ralentit et est
inférieure de 2,2% environ à ce qu'elle est en temps de paix ;
l'étude conclut par conséquent qu'au terme d'une guerre civile de
7 ans, les revenus seront inférieurs de 15% à ce qu'ils auraient
été en l'absence de conflit.
Cependant, s'agissant des effets macroéconomiques des
dépenses publiques liées au financement de la guerre, les
estimations de Barro (1997) révèlent que les dépenses
temporaires rattachées à la défense ont un impact
expansionniste très significatif sur le P11B réel. Les
dépenses permanentes se rapportant à la défense ont un
effet plus petit. Selon Mankiew (1999), les dépenses publiques sont
l'une des variables exogènes qui se modifient substantiellement en temps
de guerre. Ces dépenses publiques en Grande Bretagne, ont brutalement et
considérablement augmenté au cours de chacune des 8 guerres entre
1730 et 1919. Le taux d'intérêt, en l'occurrence le taux des
obligations de l'Etat dit taux à rente perpétuelle, tend à
accroître parallèlement avec le niveau des dépenses
militaires
Impact de l'instabilité sociopolitique sur les
investissements publics et privés en Côte d'Ivoire
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