CONCLUSION
Hormis l'introduction, notre travail a abordé deux
chapitres. Le premier a analysé les formes classiques d'Etat dans lequel
nous avons parlé des formes unitaires et fédérales. Le
second s'est axé sur le vif de notre thème qui traite du
régionalisme constitutionnel comme forme de l'Etat de la
Troisième République Démocratique du Congo ce qui nous a
permis de comprendre que toutes les entités territoriales sont, certes
dotées de la personnalité juridique (Art 2 et 3 Constitution)
mais elles sont divisées en deux catégories selon leur nature
juridique : la province, une institution politique et les autres
entités territoriales décentralisées, des institutions
administratives.
En effet, l'étude des institutions politiques
provinciales relève du droit constitutionnel. Ainsi, en cas de
contentieux, c'est la cour constitutionnelle qui connaît des conflits
entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, d'une part,
et d'autre part entre l'Etat et les provinces. Par ailleurs, les entités
territoriales décentralisées de base, qu'on appelle
communément entités Administratives décentralisées,
E.A.D en abrégé, dénommées respectivement la ville,
la commune, le secteur et la chefferie, sont de simples institutions
administratives dont l'étude relève du droit administratif.
La nouvelle constitution de la RDC établit un
régime de type semi-présidentiel doublé d'un
régionalisme hybride, résultat d'un compromis entre les partisans
d'un régime de type fédéral, d'une part, et ceux qui
prônent le maintien d'un État unitaire ou Etat central fort,
d'autre part. Depuis l'indépendance, en l'absence, notamment,
d'infrastructures de communication suffisantes, le système
centralisé a démontré son incapacité à
rencontrer les défis posés par l'immensité du territoire
congolais. Outre les difficultés matérielles, c'est un climat de
suspicion permanente qui s'est progressivement installé entre le pouvoir
central et les autorités locales. Le premier se méfiant des
velléités sécessionnistes de certaines provinces, les
secondes déplorant l'absence de soutien et la captation de l'essentiel
des ressources par le métropole Kinshasa.
Cette méfiance réciproque a pesé sur le
processus constituant. Fruit d'un rapport de forces politiques, le
résultat obtenu n'est évidemment pas parfait. Pour l'essentiel,
toutefois, la nouvelle constitution parvient à trouver un certain
équilibre entre les impératifs de cohésion et ceux de la
décentralisation en dessinant une architecture institutionnelle
originale qui ne correspond à aucun des modèles de
référence habituellement utilisés en droit constitutionnel
comparé.
Si l'on sait que le groupe d'experts chargé d'appuyer
le processus constituant s'est largement inspiré de la constitution
belge, il convient de noter que le texte congolais renonce à qualifier
la nature du régime mis en place, à l'inverse de l'article
1er de la constitution belge qui affirme explicitement le
caractère fédéral du système institutionnel belge.
La nouvelle constitution congolaise ne reprend pas davantage à son
compte le principe d'équivalence des normes puisqu'elle établit,
à l'inverse, la supériorité des normes nationales sur les
édits provinciaux dans le domaine des compétences concurrentes
(art. 205).
En revanche, lorsque l'on parcourt la longue liste des
compétences que les provinces se voient confiées à titre
exclusif, la volonté du constituant d'établir un État
fortement décentralisé à caractère
quasi-fédéral ne fait l'ombre d'aucun doute. De surcroît,
en interdisant par l'article 220 toute révision constitutionnelle qui
reviendrait sur les compétences attribuées aux provinces, le
constituant a clairement indiqué que le déplacement du centre de
gravité politique était un fait irréversible.
Dès lors, il convient de noter que la structure
choisie, bien que notablement plus simple que le système belge,
présente néanmoins un certain nombre de subtilités dont la
mise en oeuvre ne va pas de soi dans un pays qui se trouve au tout début
de l'âge démocratique. La non-qualification du modèle
retenu, laisse en outre la porte ouverte à des interprétations
variables résultant soit de l'incompréhension soit de la mauvaise
volonté à accepter la nouvelle direction indiquée par la
constitution. Le premier défi est par conséquent celui de
l'appropriation de la nouvelle constitution par l'ensemble des acteurs
congolais impliqués dans la mise en oeuvre de ses dispositions. Seule
une compréhension partagée, claire et dénuée
d'arrières pensées permettra une mobilisation efficace des
énergies. On notera à cet égard qu'une confusion
sémantique s'est déjà installée dans les esprits
dans la mesure où la plupart des acteurs impliqués utilisent le
terme « décentralisation » pour désigner la mise en
oeuvre des dispositions constitutionnelles relatives non seulement aux
entités territoriales décentralisées (ETD)
énumérées par l'article 80 de la constitution (communes,
territoires, chefferies) mais aussi, voire surtout, vu les débats
récents, au transfert des compétences vers les provinces. Or, la
constitution ne considère pas les provinces comme des entités
décentralisées puisqu'elles ne figurent pas dans ladite liste. Il
est peu réaliste d'imaginer que l'on puisse revenir en arrière.
Il faudra donc accepter la cohabitation des deux acceptions du vocable «
décentralisation » en RDC. Une acception juridique qui
réserve cette appellation aux entités visées par l'article
80 de la constitution et une acception courante qui englobe lesdites
entités et les provinces.
A cela, il convient de signaler les dangers et risques que le
processus de décentralisation présente dans un État
fragile ou pays post conflits, aussi nécessaire soit-il, comporte des
risques que l'on aura d'autant plus de chance de prévenir qu'ils auront
été pris en compte dès le début du processus. La
liste qui suit n'est pas exhaustive mais donne un bon aperçu des
ornières à éviter :
§ Capture du pouvoir local par des forces politiques qui
n'ont pas intérêt à la réussite du processus ;
§ Accroissement du coût de la gouvernance ;
§ Dispersion du pouvoir ;
§ Prolifération de structures électives et
lassitude électorale ;
§ Capacité insuffisante des mandataires et des
administrations décentralisées ;
§ Concurrence fiscale et réglementaire entre
entités décentralisées ;
§ Évidement du pouvoir central ;
§ Tensions sécessionnistes ;
§ Correction insuffisante des différentiels de
développement entre entités décentralisées.
Voila en quelque mots, chers lecteurs notre contrebutions
quant a la problématique de la forme de l'Etat sous le régime de
la constitution du 18 Février 2006, et les préoccupations
majeures qui fait l'objet du présent T.FC
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