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La prohibition des punitions corporelles et ses difficultés d'application dans les écoles publiques au Togo. Cas des écoles primaires publiques de l'Inspection pédagogique de Lomé- ouest

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par Kokougan Mawoussé SODJAGO
Université de Lomé Togo - Maà®trise 2011
  

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1.3- Position du problème

Le Togo est un pays rectangulaire de l'Afrique occidentale. Il est précisément implanté entre le Burkina-Faso au nord, la République du Bénin à l'est, le Ghana à l'ouest et l'Océan Atlantique au sud. Avec une superficie de 56 600 km2, sa population est estimée à 5 millions d'habitants, soit une densité de 90 habitants par km2.

La première école au Togo fut ouverte à Petit-Popo (Aného) vers 1842 par Georges Akuété Zankli Lawson 1er (confère Lange, 1975). En 1850, l'oeuvre de Lawson fut appuyée par la mission de Wesley qui crée la première école méthodiste au Togo.

Ensuite vinrent les premiers missionnaires au Togo : la mission de Brême. L'oeuvre scolaire des missionnaires continua jusqu'à ce que l'administration allemande ne décide, sur l'insistance des populations, d'ouvrir en 1891 la première école primaire publique à Adjido. Cette école publique poursuivait deux objectifs : assurer la formation générale de la population et former des indigènes pour le service colonial.

En 1919, le Togo a été retiré à l'Allemagne et confié à la France par le traité de Versailles. Avec la France, le Togo a connu une évolution quantitative du système scolaire qui s'explique par la politique de la « dégermanisation » menée par la France. Selon Lange (1975), en 1960, alors que les pays de l'AOF ont généralement un taux de scolarisation de 13,5%, ce taux était de 42,0% au Togo. Malgré cette évolution quantitative de l'enseignement qui se matérialise par la hausse des effectifs scolaires au Togo, sur le plan qualitatif, les problèmes des temps coloniaux (problème des inégalités scolaires, de l'efficacité interne et externe, des déperditions scolaires) restent non résolus jusqu'à nos jours.

En 1960, le Togo -comme la plupart des pays africains- acquiert son indépendance et a à sa charge le devoir d'organiser lui-même son système d'enseignement. Mais depuis que l'administration togolaise a pris en main la destinée éducative du Togo, on peut remarquer une certaine continuité de la politique éducative coloniale comme nous le signale Gbikpi-Bénissan (2006). Plusieurs problèmes minent le système scolaire d'où une réforme fut proposée et adoptée en 1975. Mais on constate, sur fond de réalité, que malgré les efforts consentis, cette réforme n'a pas pu être totalement appliquée. Elle n'a jamais été évaluée par ceux qui l'ont initiée. D'où de géants problèmes demeurent et rongent le système comme du chancre.

Parmi ces problèmes, il y en a même qu'on ignore ou qu'on considère comme secondaires et subsidiaires notamment ceux liés aux pratiques punitives, à la discipline à l'école. C'est dans ce contexte que Bakali (1997) signale qu'il y a peu d'études consacrées à la discipline au Togo. Sur ces constats, nous voudrons explorer ce domaine qui, pour nous, participe aussi à l'amélioration surtout qualitative du système scolaire.

L'éducation est un processus continu. Le processus de la formation de l'individu est un processus complexe. Tout est prévu à l'occasion par les autorités éducatives, du moment où c'est l'Etat qui gère l'éducation. Dans ce processus, les autorités assurent la mobilisation des intrants (mobiliers et immobiliers) qui sont comme le carburant du système. Après la mobilisation de ces intrants, l'autorité administrative attend pour évaluer les extrants. Ces derniers sont le produit fini du système et sont le bon indicateur pour évaluer l'efficacité externe du système éducatif.

Mais il existe un troisième paramètre qu'on a souvent tendance à minorer et qui, pourtant, revêt une importance capitale méritant ainsi d'être examiné comme les intrants et les extrants : il s'agit des processus. Pour être clair, il s'agit de la relation maître-élève.

La pédagogie, comme discipline, semble se préoccuper plus de ce paramètre. La relation éducative, définie comme l'ensemble des rapports entre l'enseignant et l'apprenant, peut être triangulaire ou verticale.

Au Togo, comme le soulignent les études sur le sujet, les punitions de toutes sortes (corporelles et non corporelles) sont une réalité constatable.

Si nous partons de la réforme de 1975, il est consigné que les méthodes actives sont préconisées et que le maître doit devenir avant tout un animateur. Les punitions corporelles y sont prohibées.

Mais dans la réalité, bien que ces mesures aient participé à diminuer l'intensité du phénomène, elles ne sont pas respectées jusqu'au bout. La réalité quotidienne du milieu scolaire au Togo est marquée par des punitions corporelles et symboliques : des enfants frappés à longueur de journée, des bras cassés, des oreilles pincées jusqu'à ce que le sang ne coule, des enfants renvoyés qui abandonnent ainsi les cours, parfois des filles fessées même en période de menstruation, des enfants ridiculisés et humiliés devant leurs camarades, etc.

« Malgré les interdictions à l'école dans la plupart des pays, des recherches au Sénégal, Togo, en RCA, et en Guinée, ont montré que plus de la moitié des élèves des établissements d'enseignement primaire étaient victimes de châtiments corporels. La plupart des enseignants interrogés reconnaissent qu'ils utilisent les châtiments corporels comme mode de punition » (Saliou Sarr, 2010)

Alors il demeure là une question trop cruciale et sans précédent : Pourquoi, malgré les réglementations qui régissent les pratiques punitives, les enseignants s'obstinent-ils à les utiliser de façon illégale (le châtiment corporel est interdit, précise la réforme) d'une part, et pourquoi, d'autre part, les autorités éducatives brillent dans un silence éclatant ?

En ce qui nous concerne, nous pourrons essayer de répondre à la première partie de la question tout en se réservant le droit d'éluder la seconde partie. Les enseignants, ou mieux certains enseignants, n'hésitent pas à utiliser le bâton et les gifles, bien que ce soit interdit, parce qu'ils sont soucieux de l'avenir de l'enfant et que pour eux, la punition est le seul remède contre la paresse. Pour ceux-ci, partisans du « qui aime bien châtie bien », l'enseignant qui ne punit pas suffisamment ses élèves, et surtout corporellement ne pourra jamais motiver ses élèves. Et par conséquent, ceux-ci ne pourront obtenir un bon rendement scolaire.

Pour ces enseignants, tout doit commencer par les coups de bâton. Il ressort de cette analyse que ces pratiques, dans l'imaginaire pédagogique, sont pour la réussite des apprenants. Alors plus on punit corporellement, plus on obtient chez l'élève le goût de l'effort et plus l'élève réussit. Telle est la maxime de l'enseignant punisseur. Ce n'est que cette intention qui est reprise par Ségbo (2007 : 32) lorsqu'il disait : « l'enseignant qui aime bien ses élèves et qui veut la réussite de ceux-ci [...] doit pouvoir sanctionner par les punitions corporelles ». En fait, Ségbo ne fait que dire haut ce que les enseignants pensent tout bas. Pour notre compte, un interlocuteur nous confiait : « Moi, je connais des gens qui ont réussi grâce aux punitions. La punition a fait ces preuves. Des gens sont devenus de grands types aujourd'hui parce qu'on les a forcé à le devenir ». Cette conception sociale reste la résonnance de beaucoup de gens. A travers cette déclaration, c'est toute une conception socioculturelle qui se révèle. Le même interlocuteur nous demandait : « Et vous, voulez-vous qu'on supprime les punitions ? », ce à quoi nous nous sommes bien réservé de répondre.

Mais ce qui est patent, c'est que l'enseignant punisseur manque de pousser son raisonnement jusqu'au fond. Et d'ailleurs, il sait qu'il le fait illégalement. Pour Gbikpi-Benissan (2006), dans ces conditions, l'activité propre de l'élève est compromise. Toute initiative individuelle est interdite. L'élève fait tout pour plaire au maître et se conformer à ses ordres. Eviter les coups devient le principal moteur de l'activité conditionnée des élèves. C'est logiquement que les PC sont prohibées.

Si donc juridiquement les PC sont interdites, comment le justifier ? En d'autres termes, quelles sont les causes qui motivent la prohibition des PC ?

Le domaine des punitions est l'un des plus controversés. On a développé autour des punitions surtout corporelles de solides mythes notamment ceux selon lesquels :

- Les punitions corporels sont intrinsèques au processus éducatif ;

- Sans la punition corporelle, les élèves échoueront plus ;

- Sans les punitions corporelles, les élèves seront paresseux et ne pourront pas réussir (si l'élève réussit, c'est grâce aux châtiments corporels).

Beaucoup de témoignages sous-tendent ces mythes. Un universitaire interviewé nous disait :

« Que voulez-vous ? Les enfants d'aujourd'hui sont trop têtus. Ils ne veulent pas travailler. A notre temps, que tu le veuilles ou non, tu vas travailler. Parce que le bâton est toujours derrière toi. Aujourd'hui ceux qui luttent pour la suppression des punitions corporelles à l'école vont reconnaître plus tard qu'ils ont tort lorsqu'ils vont constater que le niveau des élèves continue par trop baisser ».

Par exemple au Sénégal le mot wolof Yaar signifie à la fois éduquer et fouet. Mais à l'encontre de ces mythes, d'autres conceptions se sont développées. Celles-ci se réclament de la préservation et du respect des droits et de la dignité de l'enfant et de l'enfance.

Ce qui est encore patent, c'est qu'on pense que l'enfant « africain » est trop têtu, que l'enfant « de peau noire, de cheveux noirs » a besoin incontournablement du bâton pour réussir.

Devant ces conceptions, les punitions corporelles font partie intégrante des formes de violence exercée sur l'enfant. Les châtiments corporels frisent la brimade, la torture et la violation des droits de l'Homme. Les effets immédiats des punitions physiques c'est des bras cassés, des oreilles pincées jusqu'à ce que le sang ne coule, des enfants qui abandonnent les cours pour ne citer que ceux-là. Voici un témoignage grisant que nous avons relevé sur icilome.com :

 

« Violation des droits des enfants : de la punition au sadisme


Une école privée située dans le quartier de Djidjolé à Lomé a eu à torturer très récemment ses élèves de la classe de troisième à qui il était administré presque 6 à 10 coups de bâton par enseignant pour les dix matières soit environ 60 coups et plus. Alors qu'un enseignant donnait sa dose à une fille, celle-ci s'est subitement mise à menstruer de façon précoce; ceci n'a pas empêché l'enseignant de continuer par la frapper. Et le reste, c'était à l'hôpital et au commissariat de Djidjolé où le Directeur de l'école à eu à sentir l'odeur des cellules. » ( www.icilome.com, consulté le 07/08/2010)

Dans une étude menée par l'UNICEF en 2001, il est relevé un témoignage selon lequel au Ghana, une fillette de 12 ans nommée Carmen Jones est décédée suite à un châtiment corporel infligé par son enseignant. (UNICEF WCARO, 15/08/2010). C'est surtout cette substance de violence qui se lit dans les châtiments corporels qui a lutté pour leur prohibition.

En effet, dans le cadre d'une étude sur les pratiques punitives, laquelle étude est commise en RDC en 2006-2007 par l'UNICEF, une enseignante s'indignait en ces termes : « ...qui aime bien châtie bien, on dit ici, mais ce n'est pas vrai. Quand nous punissons, nous sommes en colère, nous nous jetons sur les élèves avec rage, c'est comme si nous nous défoulions sur les enfants ». La législation scolaire au Togo déclare la punition corporelle « humiliante pour la personnalité de l'enfant ».

Bien que les conceptions collectives ne soient pas si d'accord, les punitions corporelles se recoupent avec la violence, ce pourquoi elles sont prohibées. Mais cette prohibition n'est pas une réalité sur le terrain. Ceci ne se passe pas sans conséquences notoires.

La non application de la prohibition des châtiments corporels en milieu scolaire au Togo n'est plus chose à démontrer. Elle se voit partout. Pour Messan Kodjo (1992 : 12), « les pratiques punitives réelles en milieu scolaire togolais sont plus ou moins incohérentes par rapport aux prescriptions administratives ». La réalité quotidienne du milieu scolaire au Togo est marquée par des punitions corporelles comme le confirme une fois encore ce témoignage :

« Moi j'ai eu 40 coups un jour d'un professeur. Parce que je n'avais pas copié trois phrases d'une leçon d'histoire. Si tu veux des précisions c'était au primaire en classe de CM2 à Kouvahey » (recueilli en 2006 sur www.icilome.com, consulté le 07/08/2010).

Au Togo, comme le soulignent les témoignages et constats sur le sujet, les punitions de toutes sortes (corporelles et non corporelles) sont une réalité probante. Nous n'avons pas assez cité ce témoignage : « Moi, je connais des gens qui ont réussi grâce aux punitions. La punition a fait ces preuves. Des gens sont devenus de grands types aujourd'hui parce qu'on les a forcé à le devenir ». Cette conception sociale reste la résonnance de beaucoup de gens. A travers cette déclaration, c'est toute une conception socioculturelle qui se révèle.

La tension bat son comble et la relation est tendue entre les enseignants et les élèves, ces derniers étant réduits à des objets qu'on doit façonner ou à des êtres « frivoles » et « asociaux » que le maître doit rendre social et ce, uniquement par le moyen de la contrainte et des punitions. On pourrait même parler de la pédagogie des muscles. Pour certains enseignants et responsables de l'éducation, supprimer les punitions corporelles serait supprimer en même temps la discipline.

Ceci engendre de nombreux problème du rang desquels le problème du conflit scolaire, c'est-à-dire des conflits entre enseignants et élèves. Ces derniers remettent en cause le système punitif et répondent par la désobéissance, le refus systématique d'exécuter les sanctions voire le décrochage (l'abandon des cours). Ceci engendre un véritable problème de la gestion du milieu scolaire.

Au problème des conflits scolaires, aujourd'hui préoccupant, s'ajoute le problème de la violence en éducation. L'éducation qui se fonde sur les châtiments corporels est perçue comme un vecteur de la violence, de la brutalité, de la légalisation de la force. Ceci, l'enfant le perçoit aussi bien et l'acquiert tout au long du processus éducatif. En amendant l'enfant par le moyen de la force, on lui apprend implicitement que par la force, on peut tout obtenir. Et il l'acquiert ! Comment, dans ces circonstances, former « des individus sains, équilibrés et épanouis dans toutes les dimensions » ? Pour Sarr (2010), les châtiments corporels, et les autres formes de violence peuvent avoir des conséquences graves sur la santé de l'enfant et sa personnalité ; en particulier, ils peuvent compromettre le développement physique, psychologique ou affectif de l'enfant. A long terme, ils renforcent le développement de comportements violents chez l'enfant. L'enfant victime de mauvais traitements a souvent des problèmes de communication, il ne peut s'exprimer qu'au travers de son comportement. Il s'agit d'enfants parfois agressifs, instables qui extériorisent de façon continue un excès de tension. Ils se montrent agités, et sont désobéissants. A côté de ses attitudes anormales de l'enfant, on ne doit pas minorer les problèmes d'abandon scolaire et d'échec scolaire qu'entraîne cette pratique.

Enfin, il se pose un problème organisationnel ou mieux un problème de gestion de l'école. La violation de la réglementation par les enseignants constitue un problème à résoudre. Si les autorités éducatives ont prohibé l'usage des châtiments corporels, c'est bien pour des raisons qui devront être défendues. Si les enseignants ne sont pas convaincus par ces raisons, les autorités devront procéder à une explication plus rigoureuse. Aussi devront-ils connaître l'univers pédagogique des enseignants qui n'obtempèrent pas pour mieux les amener à respecter la règlementation.

Il n'y a pas d'enseignement sans stratégie. Chaque enseignant a des méthodes et stratégies plus ou moins organisées et coordonnées vers la réalisation des objectifs qu'il s'est donnés.

Il est aussi à constater qu'il existe plusieurs méthodes mais nous les catégorisons en deux grands groupes : les méthodes traditionnelles et les méthodes actives ou nouvelles. Pour reconnaître les caractéristiques de chacune des deux méthodes, nous partirons de simples indices :

L'enseignant a-t-il la toute puissance sur la classe et use-t-il plus de la fonction d'imposition ? Se considère-t-il comme le seul détenteur du savoir ? Nous sommes dans les méthodes traditionnelles. Mais s'il responsabilise l'élève et le considère comme l'acteur principal de l'acte pédagogique, s'il insiste sur l'initiative des élèves et les implique dans la construction du savoir, s'il cherche à soutenir la motivation des élèves plutôt qu'à chercher à la créer (ce qui n'est même pas possible !), nous sommes dans les méthodes actives.

Dans les méthodes traditionnelles, étant donné que l'élève est extérieur au processus d'enseignement-apprentissage, on exerce sur lui toute forme de contrainte. Les punitions corporelles y sont pratiquées avec une surabondance marquée. On veut l'intégrer dans le processus par la force. En revanche, dans la deuxième méthode, l'élève se trouve déjà au coeur du processus. Il travaille par lui-même d'où l'usage d'un stimulus extérieur (punitions) est rare. Ici, le maître est avant tout un animateur et un guide pour les élèves.

Il est donc clair que les enseignants usent des punitions corporelles parce qu'ils se situent dans la perspective des pédagogies traditionnelles. Au Togo, certaines conditions notamment l'effectif pléthorique des élèves dans la classe, la non disposition à quantité des matériels didactiques (manuels scolaires, laboratoires, etc.), la carence de formation et de recyclage des enseignants, etc. rendent difficile l'usage des méthodes actives. D'où les enseignants optent plus facilement pour les méthodes traditionnelles. Or, une grande importance est accordée aux punitions corporelles dans ces méthodes.

L'usage des punitions en éducation est un fait social. Il est donc un fait général. Tout milieu éducatif, historiquement connu, dans son sein renferment l'idée de la contrainte. Même le terme éducation renferme en son sein même cette idée. Puisqu'elle consiste en « la socialisation méthodique » de l'individu. Cette socialisation suppose que l'apprenant acquiert de nouvelles connaissances sous la houlette de quelqu'un qui, en principe, exerce sur lui une certaine forme d'autorité.

Le milieu éducatif (ou plus précisément scolaire) togolais est donc marqué par la contrainte. C'est cette contrainte qui se matérialise par l'usage des punitions de toutes sortes. Dans sa thèse de doctorat, Kodjo Messan (1992), a eu à apporter des témoignages poignants : « C'est mon propre enfant, je vous le confie [...]. Faites en sorte qu'il devienne quelqu'un. [...]S'il ne travaille pas bien ou s'il n'obéit pas bien, je vous permets de le corriger comme il faut. S'il meurt, je vais l'enterrer... » (Messan K., 1992 : 7). Les punitions corporelles (PC) sont donc une réalité éducative dans le milieu scolaire au Togo.

En effet, il est à signaler que les pratiques punitives trouvent leur source dans la famille. C'est ce que souligne ce cas rapporté par K. Messan lors d'un entretien : 

« Dans certaines familles les filles qui s'adonnaient précocement aux activités sexuelles subissaient des traitements punitifs parfois très cruels. On les ligotait comme du bétail et on leur aspergeait le vagin de jus de piment écrasé et salé. Quant aux garçons qui se trouvaient intraitables, ils étaient suspendus par les pieds à une branche ou à une poutre du plafond et on faisait un feu doux à l'endroit où tombait la tête.... » (Messan Kodjo, 1992 : 6-7).

En bref, punir, c'est corriger. Et corriger l'enfant, c'est le remettre sur le droit chemin, faire en sorte qu'il ne répète pas la faute qu'il a commise. Et au Togo, la famille se montre éducatrice à cet égard.

A l'école, les punitions sont l'accompagnement de la discipline scolaire, laquelle est le support des activités pédagogiques. Les punitions sont utilisées pour libérer l'élève des fautes et surtout pour l'aider à "performer" dans son éducation. Elles revêtent donc un caractère positif. Dans une étude menée par Tchamenon (1984), il parvient à ressortir que la non utilisation du bâton derrière les élèves est à l'origine de leurs échecs. La punition est donc un remède contre la paresse et l'inattention. Le système discipline-punition trouve partout sa nécessité dans le milieu scolaire.

Mais il y a certains types de punitions qui soulèvent particulièrement des controverses. Ces types de punitions renferment une violation flagrante des droits de l'enfant puisqu'elle comporte une substance de violence qui n'est pas à nier. Ils ne sont guère compatibles avec le respect de la dignité et de la personne de l'enfant : il s'agit des punitions corporelles. Or, l'usage de ces types de punition est un fait indiscutable à l'école au Togo.

C'est en connaissance de ce fait que, sur le plan administratif, l'usage des punitions corporelles est interdit dans le système scolaire au Togo. La réforme de l'enseignement de 1975 précise : « le châtiment corporel est interdit » (République togolaise, 1975 : 32). La circulaire du ministère de l'Enseignement (1980) interdit les châtiments corporels dans les établissements scolaires. En lieu et place de celles-ci d'autres formes de punitions sont préconisées notamment la réprimande, les mauvais points, la privation partielle de récréation, l'exclusion temporaire, etc.

Mais dans la pratique, malgré la réglementation, on note l'usage des châtiments corporels. Pourquoi cet état de fait ? Est-ce un simple désir de braver l'administration scolaire ? Peut-on considérer ceci comme une déviance ou ces pratiques trouvent-elles leur source même dans la société ? Telles sont autant d'interrogations qui confèrent à notre étude une pertinence focale.

Ces pratiques engendrent, par ailleurs, de sérieux problèmes : le problème du conflit scolaire, c'est-à-dire des conflits entre enseignants et élèves, le problème d'abandon scolaire et du décrochage, le problème de la gestion de l'école.

L'objet de cette étude est d'examiner de plus près les facteurs qui expliquent la non application de cette réglementation pourtant en vigueur. Le problème réside à la fois dans l'absence de débats systématiques autour de la violence en éducation et de l'usage des PC en éducation, mais aussi dans les conceptions arrêtés (les clichés) qui cristallisent toute discussion autour de la thématique.

Cette préoccupation conduit à un certain nombre de questions. Elle nous a permis de poser comme question fondamentale, directrice de la recherche : quels sont les facteurs explicatifs de la non application de la prohibition des punitions corporelles à l'école au Togo ? Spécifiquement, nous aurons à répondre aux questions suivantes :

ü Quelles sont les punitions corporelles en usage dans le milieu scolaire au Togo ?

ü Quel est le fondement des punitions corporelles en milieu scolaire au Togo ?

ü Comment les enseignants se représentent-ils les punitions corporelles à l'école au Togo ?

ü Quelle est l'importance accordée par les enseignants aux punitions corporelles dans leurs méthodes pédagogiques ?

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore