MOTS-CLES
Punition, punition corporelle, discipline, prohibition,
système scolaire, violence.
INTRODUCTION
GENERALE
Toute société assure sa perpétuation au
travers de l'éducation. L'éducation est donc le socle et le pivot
de tout l'édifice social. C'est à juste titre que J. J. Natanson
(1973 : 13) affirmait : « Si l'éducation
n'est pas assurée, c'est la catastrophe. Tous les maux, d'ailleurs,
viennent de l'absence d'éducation ou de la mauvaise
éducation ». L'éducation est donc la nourriture de
la société. Elle est à la vie sociale ce qu'est la
nourriture à la vie biologique. Elle rend l'homme social, donc capable
de vivre en société comme le signalait E.
Durkheim (1966 : 90) : « L'homme que
l'éducation doit réaliser en nous, ce n'est pas l'homme tel que
la nature l'a fait, mais tel que la société veut qu'il
soit ». Pour Kant (1981 : 37) « L'homme ne
peut devenir homme que par l'éducation ».
Mis à part ce rôle social, l'éducation
assure le développement économique et sociopolitique de la
société. Elle reste le levier de tout progrès
économique, social, culturel et politique. Pour Joseph Ki-Zerbo
(1992 : 458), « l'éducation est la locomotive du
développement ». L'éducation crée un
capital humain mis au service du développement de la
société. Elle joue, par ailleurs un rôle intégrateur
de l'individu dans le tissu social. En un mot, elle transforme l'homme.
Dans ce sens, l'éducation est un droit
fondamentalement reconnu à tout individu. Puisque c'est elle qui
favorise son épanouissement. Pour Ibn Habib Bawa (2008 : 2),
« De nos jours, ne pas aller à l'école signifie ne
pas acquérir les savoirs de base ». Conscient de ce
rôle irremplaçable de l'éducation surtout scolaire, les
Nations Unies ont défini dans le deuxième objectif du
millénaire pour le développement (OMD) le droit d'accès
à l'éducation pour tous.
Dans ce cadre s'inscrit le fameux plan de l'EPT. Au Togo, ce
plan d'action national d'éducation pour tous (PAN/EPT) a
été clairement défini à travers des
priorités stipulées et conçues de façon concise.
Disons que sur le plan quantitatif, l'éducation scolaire a
été plus ou moins démocratisée. Mais, il est
à noter que sur le plan qualité, elle n'est pas ce que l'on
attend d'elle. C'est dans cette perspective que des conférences sont
organisées pour assurer la bonne qualité de l'éducation
(par exemple la conférence d'Addis Abéba en 1961, de Nairobi en
1968, de Dakar en 2000, etc.). Dans cette optique, nous voulons nous investir
dans le chantier pour y apporter des perspectives amélioratives, si l'on
peut nous permettre le terme.
Ce qui a le plus marqué historiquement,
géographiquement et pédagogiquement l'éducation et que,
paradoxalement l'on n'en parle pas assez -ou pas du tout- est la contrainte,
laquelle se matérialise par la discipline et les punitions. Les
punitions sont, en effet, un fait indéniable en éducation.
Cependant, on n'en parle pas assez. On feint d'ignorer ce
débat en prenant pour évidents et vrais des
préjugés, des idées arrêtées et
bloquées. Or, « Education et liberté, discipline et
autorité, sont des sujets classiques qu'un pédagogue [...] ne
peut se dispenser de traiter » disait Natanson (1973 : 22).
Pour notre compte, nous dirons que éducation et contrainte, punition et
travail scolaire des élèves sont des sujets qu'un
spécialiste de l'éducation ne peut passer sous silence. Notre
étude trouve précisément ici une pertinence focale.
Nous partirons de l'école comme l'institution
éducative prioritaire, puisque c'est elle qui fait l'objet de notre
étude. L'école est après tout le miroir de la
société. Toutes les pratiques sociales y trouvent leur
écho. Ce qui sous-tend qu'on puisse étudier la
société à travers l'école, ou mieux à
travers son école. Si donc l'usage de la contrainte en
éducation est « chose éminemment sociale »,
il a alors sa place dans « l'ordre des choses » à
l'école.
L'école, telle qu'elle est organisée
déjà renferme en son sein la contrainte : milieu clos,
règlement intérieur, l'enfant comme une cire molle, etc. La
littérature pédagogique est elle-même complice de l'usage
répété des formules normatives comme : "il faut", "on
doit", "tu dois", etc. Ces normes sont extérieures à l'enfant et
assurent l'équilibre du groupe scolaire. Tout manquement à ces
règles et normes est sévèrement réprimé au
travers des sanctions ou punitions qui peuvent être
prédéfinies ou non.
La punition est donc perçue comme un
élément incontournable en éducation surtout scolaire.
D'où le milieu scolaire devient un lieu où sévit une
discipline infaillible avec les pratiques punitives comme support. Le dressage
brutal, la correction corporelle ou morale, la surveillance étroite et
l'exigence d'obéissance absolue sont donc des formes de
sociabilité (ou de socialisation !) admises en éducation au
cours des siècles.
L'histoire de l'éducation nous a permis de nous rendre
compte des types de punitions pratiquées dans le milieu scolaire depuis
l'antiquité.
Au VIème siècle avant J-C, il n'existait pas
des textes officiels ou juridiques pouvant réglementer les punitions. On
châtiait les enfants comme en prison avec l'idée que c'est le seul
moyen d'obtenir d'eux une discipline chère à la réussite
scolaire. Donc les punitions de toutes sortes étaient
pratiquées.
Mais, au fil du temps, et avec le développement des
pédagogies dites nouvelles, des critiques acerbes et virulents sont
adressées au système de punitions qui est surtout perçu
comme un système de violence. Le développement des recherches sur
la psychologie de l'enfant et des thématiques comme
éducation à la paix, éduquer sans
violence, éducation conformément aux droits de
l'homme ont permis de percevoir les châtiments corporels comme
étant trop brutaux et trop oppressifs. Malgré cette perception,
l'usage la « pédagogie noire » ou de la
pédagogie des muscles persiste dans le milieu scolaire, surtout en
Afrique Noire.
Ce n'est qu'à partir du XIXème siècle
que l'on a assisté à un début d'abandon des punitions
corporelles avec la publication des textes juridiques. En France, par exemple,
en janvier 1887, les châtiments corporels étaient abolis par un
arrêté ministériel.
Au Togo, déjà en 1975, la législation
scolaire précise : « le châtiment corporel
est interdit » (République togolaise, 1975 : 32).
Mais, malgré ces précisions de la
législation et au grand dam de la réglementation, l'usage des
punitions de tout genre reste patent, parlant et probant dans le milieu
scolaire au Togo. Pour Saliou Sarr (2010), le président de l'Ecole
Instrument de Paix au Sénégal (EIP-Sénégal), dans
la plupart des écoles de la sous région ouest africaine,
près de 80 % des enseignants infligent des châtiments corporels
aux élèves.
La présente étude va s'atteler à
déterminer les facteurs qui sous-tendent l'usage des punitions
corporelles à l'école au Togo malgré son interdiction.
Par punition, nous entendons toute action capable de montrer
à l'enfant une faute commise, de l'humilier afin de l'amener à se
repentir. C'est donc une « action exercée » par
un individu sur un autre. Dans le cas d'une punition scolaire, l'action est
exercée par le maître qui incarne l'adulte. Sur ce,
l'exécution d'une punition est un devoir pour l'élève. La
punition est corporelle lorsqu'elle cause une douleur physique.
La littérature sur la question est hautement
polémique. Certains auteurs pensent qu'on ne peut pas éduquer
sans punir et d'autres pensent le contraire en insistant surtout sur la
suppression des punitions corporelles jugées trop rudes et surtout
inhumaines. Pour les premiers, les punitions aident l'élève
à améliorer son travail scolaire et pour les seconds, elles
inhibent le goût de l'effort et nuisent à
l'élève.
Cependant, en nous engageant dans ce domaine, nous nous
inscrivons dans une perspective améliorative du milieu et des pratiques
scolaires. Notre étude ne vise donc pas à choisir entre une
suppression systématique des punitions ou un maintien radical de
celles-ci. Concrètement, nous allons mettre en lumières les
raisons matérielles qui poussent les enseignants à user des
châtiments corporels bien que ce soit explicitement interdit. Pour ce
faire, nous allons partir des opinions des enseignants et des
élèves, les vrais protagonistes en situation.
Cette préoccupation conduit inéluctablement
à un certain nombre d'interrogations : pourquoi utilise-t-on la
punition en éducation ? Peut-on concevoir une éducation sans
punition ou peut-on éduquer sans punir? La punition peut-elle
amener l'enfant à développer le goût de l'effort ? La
punition amène-t-elle l'enfant à améliorer son travail
scolaire ? Si les punitions surtout corporelles continuent par être
pratiquées et ce, dans l'illicite (« le châtiment
corporel est interdit », précise la législation
scolaire) dans le milieu scolaire au Togo, c'est parce qu'elles ont un
fondement.
De crainte de ne pas pouvoir élucider certains aspects
du problème en n'adoptant qu'un point de vue sociologique, nous nous
sommes proposé d'adopter un point de vue pluridisciplinaire. Et la
littérature sur la question plaide en notre faveur. En effet,
psychologues, philosophes, sociologues et pédagogues se sont
sérieusement intéressés à la question.
Dans sa structure, le document comprend les différents
chapitres d'un mémoire classique.
Le premier chapitre intitulé
Problématique tente de poser et de justifier le
problème tout en mettant l'accent sur notre connaissance documentaire
concernant le sujet.
Le deuxième chapitre intitulé
Méthodologie nous a permis de présenter les
principales méthodes et techniques d'investigation utilisées.
Le troisième chapitre intitulé
Présentation du milieu d'étude tente de
décrire l'environnement où a lieu l'étude.
Le quatrième chapitre est intitulé
Présentation, analyse et interprétation des
résultats. Nous y avons présenté et
analysé les résultats de recherche et dressé le lien entre
ces résultats et nos hypothèses de départ.
Le cinquième chapitre est essentiellement
consacré aux recommandations.
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