CONCLUSION GENERALE
« Le Parlement est le coeur battant de la
démocratie, il faut que cela se sente », ces mots de Laurent
Fabius93 sonnant comme un réquisitoire pour le Parlement se
révèlent d'une actualité particulière au terme de
notre étude sur le Parlement et les engagements internationaux de l'Etat
du Cameroun. Comme nous avons pu l'observer, le rôle de
l'Assemblée nationale en matière d'engagements internationaux de
l'Etat au Cameroun est un rôle marginal et résiduel entre les
prérogatives exorbitantes reconnues par la Constitution au pouvoir
Exécutif et fait majoritaire se manifestant par un soutien
inconditionnel de la majorité parlementaire au Gouvernement. Cette
conjonction de la majorité parlementaire et de la majorité
présidentielle place dans la bouche du Parlement un mors
supplémentaire en matière de contrôle de l'action
gouvernementale dans la mise en oeuvre des engagements internationaux.
Le postulat de base selon lequel le président de la
République, chef de l'Exécutif est seul compétent pour
contracter des engagements internationaux se trouve largement
vérifié : la naissance des engagements internationaux
dépend pour l'essentiel du président de la République qui
non seulement dispose d'un pouvoir exclusif d'initiative mais aussi d'une
compétence discrétionnaire de parfaire l'engagement international
tant à l'international que dans l'ordre juridique interne. Toutefois, la
thèse de la « chambre d'enregistrement » est pour le moins
exagérée : même affaiblie ou concurrencée,
l'Assemblée nationale demeure un passage obligé de la
négociation et une tribune pour l'opposition. On y ajoutera le
rôle fondamental de la transparence du débat : l'existence d'un
Parlement, comme l'affirment messieurs Camby et Servent, c'est la garantie,
théorique parfois il est vrai, que le vote de la loi se fait « sous
l'oeil » du peuple, c'est-à-dire que l'article 17 de la
Constitution en prévoyant la publicité des débats,
constitue un élément central du caractère
démocratique des institutions. Si nul n'est censé ignorer la loi,
chacun doit pouvoir être informé des conditions dans lesquelles
elle s'élabore94.
De plus, ne disposant pas d'experts et d'une équipe
chargée de recenser et d'étudier tous les engagements liant
l'Etat, les députés découvrent souvent dans la presse ce
dont ils ne seront informés officiellement que des semaines plus tard.
Les ministres leur réservent rarement la primeur de leur communication.
Dépassé par la vitesse de l'information, surclassé par les
techniques qu'il ne maîtrise pas, éclipsé par les vedettes
de la télévision, le parlementaire est parfois en proie au
doute
93 Cité par Joseph Kankeu Op. Cit. p. 52.
94 Jean-Pierre Camby, Pierre Servent Op. Cit. p. 11.
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existentiel. « Il me paraît grave qu'il y'ait
une exportation du débat en dehors de l'enceinte parlementaire,
c'est-à-dire que les grands faits nouveaux en politique soient l'objet
d'un dialogue singulier entre le ministre et les journalistes, ou le ministre
et l'opinion. Le Parlement est court-circuité » notait
Jean-Michel Belorgey qui protestait alors contre la faiblesse des moyens de
travail des commissions permanentes95.
En définitive, les faits observés et les
conclusions obtenues à partir de l'exemple du Cameroun sont dans une
grande majorité généralisables non seulement à
l'ensemble des pays d'Afrique subsaharienne dont la Constitution et le
régime politique sont inspirés de la constitution
française de 1958 mais également aux pays à régime
semi-présidentiel où l'identité des majorités et
présidentielles doublée de la discipline du parti amenuise la
portée du rôle du Parlement comme contre-pouvoir. S'il fallait
faire une recommandation, ce serait celle d'une rénovation du travail
parlementaire. Cela passe par un assistanat obligatoire aux
députés, un assouplissement des modalités d'organisation
des questions afin de donner plus de liberté aux Parlementaires pour
utiliser leur temps à leur gré et développer le nombre de
questions de leur choix, une facilitation de la création des commissions
d'enquête parlementaire et de contrôle, et enfin la création
d'une commission pour veiller à la qualité de la loi et à
son application effective96.
Pour finir, nous faisons nôtres ces mots de Jean-Pierre
Camby et Pierre Servent sur le travail parlementaire et le rôle de
l'Assemblée nationale : « L'idée selon laquelle le
Parlement se réduirait aujourd'hui à une scène
déserte ou à un théâtre d'ombres est le fait d'une
société dans laquelle le poids de l'image est trop souvent plus
important que celui des réalités. Les stéréotypes
ont la vie dure, surtout face à une matière aussi complexe. Le
travail parlementaire, par sa minutie, son rythme et ses rites s'éloigne
souvent du spectaculaire. Mais le Parlement demeure un lieu de pouvoirs ;
l'image de parlementaires ne travaillant pas ou passant leur temps à des
oppositions stériles n'est pas exacte »97.
95 Ibid. p. 10.
96 Joseph Kankeu Op. Cit. p. 52.
97 Jean-Pierre Camby, Pierre Servent Op. Cit. p. 141.
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