3.2 La narration qui se rapproche du cinéma
En 2003, Jodi Bieder35 a entamé un essai
photographique sur le sida et la drogue en Espagne. L'homme
représenté semble désarmées devant l'objectif du
photographe. Le but de cette photographie n'est pas d'en faire une image belle
mais dure et provocante. L'esthétique n'est pas la principale recherche
de l'artiste mais plutôt elle souhaite tracer un portrait réel et
résolument contemporain du monde qui les entoure. Ses travaux peuvent
être assimilés à ceux de la photographe des années
80, Nan Goldin36. Effectivement, les thèmes principaux
évoqués par cette photographe américaine sont la
fête, la drogue, la violence, le sexe et l'angoisse. Mais elle a avant
tout le désir de photographier la vie telle qu'elle est, sans censure.
Or, d'après elle, ce qui l'intéresse, c'est le comportement
physique des gens. Elle traite de la condition humaine, la douleur et la
difficulté de survivre.

Jodie Bieder, Cristino, « Las canas »,
2003.
Nan Goldin, Benjamin, 2001.
35 Jodi Bieder est une photographe d'Afrique du Sud, née
en 1966.
36 Nan Goldin est une photographe américaine, née
en 1953.
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Cet exemple est très différent des autres
photographies proposées auparavant. Jodie Bieder était
journaliste et travaillait pour des journaux dans lesquels elle publiait ses
photographies. Sa façon de travailler est le reflet de sa formation
journalistique. Pendant 10 ans, de 1994 à 2004, elle a
dédié son travail à la société Sud Africaine
en photographiant dans les quartiers la jeunesse en marge. Dans tous ces
travaux, elle semble attachée à révéler des images
d'un pays au passé complexe où l'inégalité semble
ressurgir dans chacune de ses photos. La similitude avec une artiste
américaine est révélatrice de nos conclusions des
précédents chapitres, concernant l'ouverture vers l'international
et les différentes influences que la génération africaine
peut avoir aujourd'hui.
Dans la photographie narration, nous pouvons également
citer les travaux des artistes « Nouvelles images » qui sont apparus
avec l'édition de 2007. Sillonnant la ville de Bamako à la
recherche de leur sujet, les artistes ont témoigné de la
diversité sociologique de cette ville plurielle sur le thème
"ville et visage" en relation avec le thème "la ville et au
delà" de la Biennale Africaine de la Photographie. La technique de
travail est de trouver un thème et de l'exploiter par le biais d'un film
afin d'en raconter une histoire.
À ce propos, voici un extrait de vidéo couleur
de « Rue Saint-Jacques » 2007 de Nicène
Kossentini37. Depuis 2001, elle photographie des paysages lorsque
l'intensité diminue, souhaitant ainsi saisir et prolonger des instants
éphémères, immortaliser des traces effacées. Depuis
2002, elle utilise une caméra standard sur trépied, en plan fixe,
pour représenter « ce qui se transforme et ce qui change, ce qui
disparaît et apparaît. En effet, la vidéo montre, la
fragilité de l'image dans son mouvement et permet une plongée
silencieuse vers des territoires inaccessibles »38.
37 Nicéne Kossentini est une vidéaste tunisienne,
née en 1976.
38 Citation de l'artiste tiré du catalogue du festival de
Bamako, 2007, p. 256.

« Rue Saint Jacques » extraits vidéo
couleur, 7min, 2007
L'introduction de la dimension du « mouvement » dans
les Rencontres de Bamako obéit à deux objectifs :
- ne pas figer l'image produite par les Africains qui voudrait
se limiter au documentaire, au portrait ou au photojournalisme,
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- donner à voir d'autres manières d'envisager
l'image.
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