La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring( Télécharger le fichier original )par Daniel KIMBMBA KAHYA Université catholique du Congo - Licence 2012 |
IV.2.3.2. Le problème du sida et l'utilisation du préservatif en AfriqueLe Magistère s'est toujours prononcé sur le caractère intrinsèquement mauvais du préservatif en tant que contraceptif.359(*) Peut-on tolérer son emploi pour éviter la contagion du Sida ? Le Magistère a été clair pour la loi générale : le préservatif ne peut pas être considéré comme moyen de prévention du Sida. Tous les moralistes devraient être d'accord pour dire que l'enseignement du Magistère est explicite pour dire que le préservatif ne peut pas être admis comme moyen de prévention du Sida. Le premier voyage africain du pape Benoit XVI a commencé par une polémique sur le préservatif. Dans l'avion qui le menait au Cameroun360(*), Benoît XVI avait affirmé que l'on ne pouvait « pas régler le problème du sida, pandémie aux effets dévastateurs en Afrique, avec la distribution de préservatifs » et que leur utilisation (aggravait) le problème, réitérant ainsi la position de l'Eglise catholique qui est opposé à toute forme de contraception autre que l'abstinence (totale ou temporaire) et réprouve l'usage du préservatif, même pour des motifs prophylactiques (prévention de maladies). Dans un livre d'entretiens361(*) sur de nombreux sujets d'actualité, Benoit XVI, dans une affirmation de deux petites lignes qui vont marquer un tournant dans la politique du Vatican II à l'égard de la lutte contre le sida, admet que l'utilisation du préservatif peut se justifier dans certains cas, quand il s'agit d'empêcher la transmission du VIH et pour réduire les risques de contamination avec le virus du sida. À la question: «l'Église catholique n'est pas fondamentalement contre l'utilisation de préservatifs ?», le souverain pontife répond, selon la version originale allemande : « dans certains cas, quand l'intention est de réduire le risque de contamination, cela peut quand même être un premier pas pour ouvrir la voie à une sexualité plus humaine, vécue autrement.362(*) » Pour illustrer son propos, le pape donne même un exemple, celui d'un homme prostitué, considérant que « cela peut être un premier pas vers une moralisation, un début de responsabilité permettant de prendre à nouveau conscience que tout n'est pas permis et que l'on ne peut pas faire tout ce que l'on veut. »363(*) En préambule, le pape a certes rappelé que « se polariser seulement sur le préservatif signifie la banalisation de la sexualité et c'est exactement le danger que beaucoup de gens considèrent le sexe non plus comme une expression de leur amour, mais comme une sorte de drogue, qu'ils s'administrent eux-mêmes.364(*)» Néanmoins, Benoît XVI se démarque du discours de Jean-Paul II, qui affirmait notamment le 7 février 1993, à Kampala (Ouganda), devant des milliers de séropositifs, que « la chasteté est l'unique manière sûre et vertueuse pour mettre fin à cette plaie tragique qu'est le sida.365(*) » Ces propos de Benoît XVI sont d'autant plus inattendus qu'en mars 2009, ses prises de position sur le préservatif dans l'avion qui le menait en Afrique avaient suscité un tollé dans la presse et l'opinion internationales. Les réactions de colère et d'incompréhension que ces propos avaient soulevées, y compris au sein de l'Eglise catholique, ont-elles été entendues au Vatican ? Difficile de l'établir. Cependant, la question du préservatif nourrit un vif débat chez les catholiques depuis l'apparition de l'épidémie il y a trente ans. Et le problème se pose particulièrement avec acuité en Afrique. Comment alors comprendre cette affirmation du pape dans le contexte africain en rapport avec la position traditionnelle de l'église qui considère l'usage du préservatif comme un acte intrinsèquement mauvais ? Selon, Martin Rhonheimer dire, d'un côté, comme certains, qu'après les propos du pape rien n'a changé n'est pas vrai.366(*) Pour la première fois, il a été dit par le pape lui-même, bien que ce ne soit pas dans le cadre d'un enseignement formel du magistère de l'Église, que l'Église n'interdit pas de manière inconditionnelle l'utilisation prophylactique du préservatif. Au contraire, le Saint Père a dit que dans certains cas dans le cas du commerce du sexe, par exemple), son utilisation peut être un signe de ou un premier pas vers une attitude responsable (tout en précisant en même temps que ce n'est ni une solution pour vaincre l'épidémie de sida ni une solution morale ; la seule solution morale est d'abandonner un mode de vie immoral et de vivre sa sexualité d'une manière vraiment humanisée.367(*) D'un autre côté, affirmer que ce qu'a dit le pape est un changement radical est également inexact selon Martin Rhonheimer : Tout d'abord, la déclaration du pape ne change en rien la doctrine de l'Église en matière de contraception ; ce qu'a dit le pape confirme plutôt cette doctrine telle qu'elle est enseignée par Humanae Vitae.368(*) Deuxièmement, sa déclaration ne dit pas que l'utilisation du préservatif ne pose pas de problème moral ou qu'elle est permise d'une manière générale, même à des fins de prophylaxie. Le pape Benoît XVI parle de begründete Einzelfälle, ce qui, traduit littéralement, signifie certains cas justifiés - comme celui d'un(e) prostitué(e) - dans lesquels l'utilisation d'un préservatif peut être un premier pas vers une moralisation, une première prise de responsabilités. Ce qui est justifié, ce n'est pas l'utilisation du préservatif en tant que telle : pas, du moins, au sens d'une justification morale d'où découle une norme permissive du genre il est moralement permis et bon d'utiliser le préservatif dans tel et tel cas. Ce qui est justifié, plutôt, c'est le jugement selon lequel ce geste peut être considéré comme un premier pas et une première prise de responsabilités. Benoît XVI n'a certainement pas voulu établir une norme morale justifiant des exceptions.369(*) Troisièmement, ce que dit le pape ne se réfère pas aux gens mariés : il a seulement parlé de situations qui sont en elles-mêmes intrinsèquement désordonnées.370(*) Quatrièmement, comme il l'indique très clairement, le pape ne plaide pas en faveur de la distribution de préservatifs, qu'il considère comme conduisant à la banalisation de la sexualité qui est la cause majeure de la diffusion du sida. Il mentionne simplement la méthode ABC, en insistant sur l'importance de A et B (abstain [abstiens-toi] et be faithful [sois fidèle]) et en qualifiant le C (condoms [préservatifs]) de dernier recours (en allemand, Ausweichpunkt) au cas où certaines personnes refuseraient de se conformer à A ou B.371(*) Et, ce qui est très important, il déclare que ce dernier recours relève clairement de la sphère séculière, c'est-à-dire des programmes gouvernementaux de lutte contre le sida. Donc ce qu'a dit le pape ne concerne pas la manière dont les institutions sanitaires relevant de l'Église devraient gérer les préservatifs. Il a donné une indication sur ce qu'il faut penser d'un(e) prostitué(e) qui utilise habituellement des préservatifs, pas de ceux qui les distribuent systématiquement dans le but de contenir l'épidémie, ce qui est la responsabilité des autorités d'État. Pour sa part, l'Église continuera à dire la vérité à propos de la manière vraiment humaine de vivre la sexualité. Dans les pays africains les campagnes anti-sida fondées sur l'utilisation du préservatif sont généralement inefficaces. C'est la raison pour laquelle - et cela constitue une preuve notable en faveur de l'argument du pape - l'un des rares programmes efficaces en Afrique est celui de la RDC. Bien qu'il n'exclue pas le préservatif, ce programme encourage à un changement positif dans le comportement sexuel (fidélité et abstinence) qui le différencie des campagnes en faveur du préservatif, celles-ci contribuant à cacher ou même à détruire le sens de l'amour humain.372(*) Les campagnes qui promeuvent l'abstinence et la fidélité sont en définitive le seul moyen efficace à long terme de lutte contre le sida. L'Église n'a donc aucune raison de considérer les campagnes de promotion du préservatif comme utiles pour l'avenir de la société humaine. Mais l'Église ne peut pas non plus enseigner que ceux qui adoptent des modes de vie immoraux devraient s'abstenir d'utiliser le préservatif. Bref, Benoît XVI fut accusé de condamner à mort des dizaines de milliers d'Africains au nom d'une condamnation aveugle du préservatif. Alors qu'en réalité le pape voulait attirer l'attention sur le danger - prouvé par les faits en Afrique - qu'une plus large utilisation du préservatif s'accompagne non pas d'une diminution mais d'une augmentation des rapports sexuels occasionnels avec des partenaires multiples et d'une augmentation des taux d'infection. * 359 La continence périodique, les méthodes de régulation naturelle des naissances fondées sur l'auto observation et le recours aux périodes infécondes sont conformes aux critères objectifs de la moralité. Ces méthodes respectent le corps des époux, encouragent la tendresse entre eux et favorisent l'éducation d'une liberté authentique. En revanche, est intrinsèquement mauvaise « toute action qui, soit en prévision de l'acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen de rendre impossible la procréation ». (CEC 2370) Cette position est reprise par le point 498 du catéchisme abrégé de l'Église catholique paru en 2005. * 360 Le pape Benoît XVI a effectué sa première visite en Afrique le 17 mars 2009. * 361 BENOIT XVI, Lumière du monde. Le pape, l'Eglise et les signes des temps. Un entretien avec Peter Seewald. Paris, Bayard, 2010. * 362 Ibid., p. 103. * 363 Ibidem. * 364 Ibidem. * 365 La Documentation Catholique n° 2087, (6 février 1994), p. 101. * 366 Cfr. M. RHONHEIMER, « La vérité sur le préservatif », dans The Tablet 10 juillet 2004, p. 90. * 367 Cfr. Ibidem. * 368 Cfr. Ibid., p. 95. * 369 Cfr. Ibidem. * 370 Cfr. Ibidem. * 371 Cfr. Ibid., p. 102. * 372 Cfr. Ibidem. |
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