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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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III.1. Bernard Häring : formation et parcours

Bernard Häring a largement bénéficié de l'étude de saint Thomas. Il a su unir une formation théologique traditionnelle, appuyée sur la pensée de saint Thomas, à la pensée phénoménologique de Max Scheler qui a donné à la phénoménologie de la religion ses titres de noblesse philosophique. Ce double héritage a façonné la pensée d'un théologien en quelque sorte classique, se situant au carrefour de la longue tradition allemande, toujours ouverte à l'herméneutique philosophique du temps.

III.1.1. Cursus académique

Parler de la dimension du renouveau dans la théologie morale de Häring nous oblige à examiner des antécédents qui paraissent essentiels pour comprendre le cheminement de sa pensée. Sa vision d'une pastorale très humaine a pris sa source dans l'expérience des souffrances de la guerre. Quant à son désir de libérer la théologie morale chrétienne du directivisme et du légalisme des manuels théologiques, il s'en est imprégné dans l'atmosphère de l'école de Tübingen, d'Alphonse de Liguori et surtout en s'inspirant de la phénoménologie186(*)

a. L'École de Tübingen

La fameuse université fut fondée en 1477 dans l'ancienne capitale de Wurtenberg- Hohenzollern dans le sud-ouest de l'Allemagne. La Réforme luthérienne de 1517 bouleversa la carte du territoire allemand. En 1534, le prince Ulrich occupa la ville et transforma cette université en un bastion d'orthodoxie luthérienne et anti-romaine en s'établissant dans le monastère catholique. En 1817, 283 ans plus tard, les théologiens catholiques, s'y installent à leur tour, grâce notamment, à l'invasion des troupes napoléoniennes d'une grande partie de l'Europe. Cela eut pour effet d'adoucir les tensions entre les catholiques et les protestants.

Les théologiens catholiques étaient intéressés à saisir l'opportunité d'inscrire les nouvelles tendances philosophiques dans leurs travaux et d'examiner la vision et les origines de la pensée protestante. En Allemagne, la philosophie de la religion, la théologie catholique et la théologie protestante, surgissent de la même source culturelle, mais les contacts entre les traditions de ces deux Eglises étaient plutôt occasionnels, les deux facultés étant séparées.

Cette école favorisait l'éclosion de pensées libératrices, dans une direction d'ouverture au monde et à la pensée moderne de valorisation de la liberté de conscience et de l'authenticité évangélique, et d'une interprétation osée du corpus normatif de Magistère en matière morale. Dans la préface de La théologie morale, Idées maîtresses, Häring reconnaît que ses études furent marquées par le rayonnement des écrits des théologiens de Tübingen et par les courants philosophiques qui imprégnèrent l'oeuvre de ces théologiens «qui parlaient de l'éthique des valeurs [...] en vue d'une morale vivante et communicable. »187(*) Son approche se voulait moins liée à la dimension dogmatique de la foi chrétienne et davantage développée en fonction des exigences du temps, pour apporter des solutions pastorales concrètes et existentielles puisées dans l'Évangile. Elle permit la diffusion d'écrits sur le thème du dialogue entre Dieu et l'homme, source d'une morale conçue comme réponse de l'homme à l'appel divin, à l'exemple du Christ, soit une morale de la responsabilité dans le Christ.

Après ses années de service militaire et son ministère auprès des pauvres polonais, Häring poursuivit enfin ses études à Tübingen188(*). Il prépara sa thèse de doctorat sous la direction de Théodore Steinbüchel (1884-1949) qui veillait « à ce que la théologie morale ne s'enferme pas dans un pur souci juridique et des interdits et des préceptes de la casuistique d'une subtilité excessive, qui tiennent plus du droit que de la morale ». 189(*) Ensuite Steinbüchel précise les rapports de la théologie et de la philosophie morale. Il expose et discute des grandes conceptions modernes de la morale : l'idéalisme mystique inspiré de Herder et de Hegel, le piétisme romantique, la philosophie de Dilthey et l'éthique de la valeur de Scheler.

Dans les trois derniers chapitres de ses sept volumes, Steinbùchel parvient au dernier fondement du problème moral. Pour lui, l'attitude morale est finalement enracinée dans l'attitude religieuse et le bien ne peut être fondé que sur le sacré; de même la responsabilité personnelle a son fondement en Dieu. On y reconnaît la fondation de la théologie morale de Häring.

Durant ce processus de maturation théologique, Häring a pris contact aussi avec Fritz Tillmann (1874-1953) qui écrivit en collaboration avec Steinbüchel Handbuch der katholîschen Sittenlehre, un manuel de la doctrine morale catholique en sept volumes. Le centre de l'oeuvre est axé sur l'imitation du Christ, dans le volume trois intitulé Die Idee der Nachfolge Christi, l'auteur part de la notion de modèle et l'oppose à celle de la norme. Le modèle s'offre à l'imitation personnelle; la norme trace des règles générales. Mais dans le cas du Christ le modèle est unique et inégalable. L'imitation du Christ conduit à l'achèvement de la personnalité et se concrétise dans la vie d'enfants de Dieu.

L'impact de ces deux oeuvres sur Häring et l'ambiance de Tübingen ont une valeur inestimable. À Tübingen, l'enseignement de la morale prenait ainsi un virage qui faisait sortir d'un légalisme étroit et s'ouvrait sur la conscience et la liberté, comme il en témoigne : « La tradition de l'école théologique fondée sur la dynamique du rapport Dieu-homme, foi-histoire faisait de cette université un centre d'études engagé et serein, un centre très éloigné de la théologie romaine. »190(*)

* 186 L'influence de Scheler sur Häring ne peut être mise en rapport avec celle qu'il a eue sur Karol Wojtyla, influence notamment perceptible dans son oeuvre Personne et acte. A la différence de Häring qui en fait une réappropriation davantage éthico-pastorale, Wojtyla y puise une inspiration davantage eidético-cognitive. Lire J. DESCLOS, Op. cit., p. 79.

* 187 B. HÄRING, La théologie morale. Idées maîtresses, p. 16.

* 188 II est important de noter que Häring, déjà en 1939 avait fait la connaissance de son futur directeur de thèse. Ce fut « quasi » providentiel pour Häring, mais pas pour Steinbiichel car il fut expulsé par les nazis de sa cathedra de théologie morale de l'université de Munich et vécut en clandestinité au monastère Rédemptoriste à Gars am Inn. Ce fait regrettable a constitué une occasion propice pour le futur académique et intellectuel de Häring.

* 189 B. HÄRING, La théologie morale. Idées maîtresses, Op. cit., p. 1.

* 190 B. HARING, Quelle morale pour l'Église ? Op. cit., p. 9.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore