La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring( Télécharger le fichier original )par Daniel KIMBMBA KAHYA Université catholique du Congo - Licence 2012 |
Conclusion du chapitreNous venons là d'essayer une analyse sur base de la méthode historico-critique, de la question de la moralité des actes dans l'Eglise, c'est-à-dire nous venons d'analyser quelques documents de l'église qui sont les sources de la morale plus particulièrement les documents qui déterminent la position de l'Eglise sur la question des actes intrinsèquement mauvais. En partant du Concile jusqu'à l'encyclique Humanae vitae que nous avons pris comme paradigme, en passant par le catéchisme de l'Eglise catholique et l'encyclique Veritatis Splendor, nous avons montré la constance et la fermeté de l'Eglise concernant les actes intrinsèquement mauvais. Ils sont, des péchés graves et mortels tels que l'entend jean Paul II dans l'exhortation Réconciliation et Pénitence. Cependant, l'un des effets du renouveau conciliaire fut d'inviter la théologie morale à s'inspirer davantage de la sainte Écriture, à se relier de manière plus ferme à l'ensemble du mystère chrétien et à entrer en dialogue avec les acquis des sciences humaines. Il s'agissait de sortir d'une néo-scolastique qui avait figé le discours moral de l'Église dans les catégories normatives d'une philosophie métaphysique et dont la manifestation la plus probante était l'impressionnante série de manuels de théologie morale, à l'oeuvre depuis près de quatre siècles. Ce que Bernard Häring a appelé la parenthèse catholique.179(*) Ainsi, la nécessité de rénover la morale s'est manifestée à travers un débat critique avec la tradition de la loi naturelle et la théologie des manuels, en insistant sur la nécessité d'une théologie morale davantage nourrie par l'étude des Écritures saintes et l'invitation à concevoir la vie chrétienne comme une réponse à l'appel du Christ et au dessein salvifique de Dieu pour sa création. Plusieurs théologiens de renom se sont attelés à cette herméneutique notamment B. Häring. CHAPITRE TROISIEME :RECEPTION ET CONTOURS DE LA QUESTION DE LA MORALITE DES ACTES INTRINSEQUEMENT MAUVAIS CHEZ B. HÄRINGIII.0. IntroductionSi la théologie morale a vécu un renouveau majeur dans les décennies antérieures et postérieures à Vatican II, cela est dû principalement à l'effort de réflexion morale et philosophique poursuivi dans les voies nouvelles par certains théologiens, notamment le Père B. Häring. En effet, le rédemptoriste Bernhard Häring180(*) est probablement le théologien moraliste le plus connu du XXe siècle. Il est l'auteur d'une contribution majeure dans la rénovation de la théologie morale, avant le concile déjà, avec son célèbre Das Gesetz Christi181(*) (1954-1958), oeuvre emblématique du changement qui s'amorçait pour la morale catholique dans les années 1950.182(*) Il apporte un remaniement profond, non par purisme intellectuel, mais par souci pastoral, afin de construire une morale qui réponde à la fois à l'esprit évangélique et aux aspirations les plus valables de l'homme contemporain. Häring était persuadé qu'une morale authentique doit tenir compte de la réalité humaine telle qu'elle est concrètement. Selon lui, la tâche la plus urgente de la théologie est l'examen approfondi de toute la tradition morale chrétienne pour distinguer nettement ce qui est variable de ce qui est immuable : « Là où des communautés chrétiennes furent captives d'une tradition morte et d'un système de formulations doctrinales immuables, dans un tel christianisme les personnes les plus dynamiques furent tentées contre la foi. Si la Parole de Dieu est liée à des coutumes fossilisées, il peut arriver que la foi en Dieu et toutes les valeurs traditionnelles s'écroulent en même temps. »183(*) Häring a été éduqué à un type d'obéissance aveugle à une Église qui n'admettait pas la moindre objection de conscience. Pour lui, en théologien de Tübingen, une chose est sûre: « l'obéissance dans l'Église n'a de sens qu'à travers la réciprocité des consciences et le commun engagement à la vérité. »184(*) De même il est fidèle à son maître, Alphonse de Liguori, qui déclarait que « la liberté est antérieure à la loi, en soulignant le nécessaire primat de la conscience. » 185(*) De là provient l'exigence d'un concept fondateur d'un nouveau modèle de morale, celui de La loi du Christ, titre de son livre dont la formule paradoxale signale le début d'une véritable révolution, remettant en question la morale catholique officielle promue par des manuels théologiques traditionnels. Nous voulons ainsi dans ce chapitre mettre en évidence la contribution de Bernard Häring au renouveau de la théologie morale, par une triple démarche, historique, analytique et théologique des contextes et des contenus de cette contribution spécifique. A cet effet, nous allons analyser les concepts clés qui ont servi à l'élaboration du discours moral du Magistère, notamment celui de la loi naturelle qui est au coeur des débats entourant la morale conjugale, en particulier dans l'encyclique Humanae vitae, puis nous allons tenter de cerner les notions importantes de conscience, de fidélité et de liberté chez Häring qui influencent surement sa compréhension de l'agir humain et des actes intrinsèquement mauvais que nous analyserons en profondeur. Enfin, nous analyseront quelques points de divergences entre Häring et le Magistère plus particulièrement sur la question de la morale conjugale qui a valu à Häring le titre de dissident. En d'autres mots, nous entendons faire voir de manière nouvelle comment sa contribution originale a été marquée par un ensemble de contextes qui l'ont tour à tour amené à être salué comme le leader d'un renouveau fortement souhaité puis mis au rancart comme un acteur soupçonné de ne plus contribuer à la consolidation de la vérité morale. Notre propos veut montrer qu'au coeur de cette tourmente, Bernard Häring sut demeurer un théologien libre et fidèle. Ce faisant, la pensée d'un moraliste aussi important que Bernard Häring sur l'agir moral ne peut se comprendre et s'analyser qu'en faisant un parcours des écoles de pensée et des auteurs qui ont été à la source de sa formation. Sa formation est philosophique et théologique. Elle s'enracine dans la pensée thomiste, subit l'influence d'Alphonse de Liguori, des théologiens de Tübingen, et de la philosophie contemporaine de Husserl et Scheler. Avec cet immense bagage intellectuel Häring est également riche d'une expérience pastorale qui lui donne une vision nouvelle de la morale chrétienne. * 179 Ce que Bernard Häring a appelé la parenthèse catholique, c'est-à-dire la théologie des manuels, se manifestait entre autres choses par une considération essentiellement juridique des actes humains examinés sous l'angle des péchés et de la loi, et par une quasi-absence de références à l'Écriture (la seule citation qu'on y trouve est souvent celle des préceptes du Décalogue : Ex 20, 2-17 et Dt 5, 6-21). * 180 Bernhard Häring est né à Böttingen, en Allemagne, en 1912 et est mort à Gars-am-Inn, en 1998. Professeur de théologie morale pendant plusieurs années à l'Académie Alphonsienne, à Rome, il a aussi enseigné dans plusieurs institutions aux États-Unis, en Afrique et en Amérique latine. Häring est considéré comme un des architectes de la Constitution pastorale Gaudium et spes. Parmi les nombreux ouvrages que compte sa bibliographie, mentionnons : La morale après le Concile. Paris, Desclée, 1967 ; Etica cristiana in un'epoca di secolarizzazione. Rome, Éd. Paoline, 1972 ; La théologie morale : idées maîtresses, Paris, Cerf, 1992. * 181 B. HARING, La Loi du Christ. Théologie morale à l'intention des prêtres et des laïcs. Tome I. Théologie morale générale. Tournais, Desclée et Cie, 1955. Tome II Théologie morale spéciale. La vie en communion avec Dieu. 1957. Tome III. Théologie morale spéciale. La vie en communion fraternelle. Tournai, Desclée&cie, 1959. * 182 A. GESCHÉ, Le sens (coll. Dieu pour penser). Paris, Cerf, 2003, p. 16. * 183 B.HÄRING, Libres dans le Christ, Vol. I. Paris, Cerf, 1998, p. 357. * 184 Ibid., p. 334. * 185 J.DELUMEAU, Alphonse de Liguori, Pasteur et Docteur. Paris, Beauchesne, 1987, p. 6. |
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