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La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring

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par Daniel KIMBMBA KAHYA
Université catholique du Congo - Licence 2012
  

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II.3. Réconciliation et pénitence : réaffirmation de la doctrine catholique des actes intrinsèquement mauvais

1) Présentation

Dix-huit années après la promulgation du rituel romain de la pénitence156(*), Jean Paul II propose une exhortation apostolique post-synodale Reconciliatio et Poenitentia, (RP) adressée à l'épiscopat, au clergé et aux fidèles sur la réconciliation et la pénitence dans la mission de l'Eglise aujourd'hui, datée du 02/12/1984.

Commençant avec la prédominance du thème de la réconciliation sur celui de la pénitence, il s'achève à l'inverse. Ainsi le titre général Réconciliation et Pénitence se transforme au chapitre III en « la pastorale de la Pénitence et de la Réconciliation ». Nous voyons là un premier indice de l'argumentation générale d'un texte qui semble chercher à contenir les évolutions marquées par le Rituel Romain de 1973 en redonnant à l'ancien rituel toute sa place.

L'Exhortation s'ouvre sur la représentation de la réconciliation dans un monde éclaté, nostalgique de son unité passée (préambule). Cette représentation sert de cadre aux représentations des objets théologiques: Christ réconciliateur (RP7), Eglise réconciliatrice (RP8), Eglise réconciliée (RP9). Cette représentation, plutôt affective, issue de la représentation du péché comme brisure d'amitié, permet ainsi d'inclure des pratiques réconciliatrices non sacramentelles telles que la prière, la prédication, l'action pastorale et le témoignage (RP12).

Les actes de contrition, les oeuvres de charité, la prière et les rites pénitentiels seront cités comme moyens de pardon des péchés véniels, c'est-à-dire au sein d'une représentation judiciaire où s'établissent une échelle de gravité des fautes et une proportionnalité de la pénitence rédemptrice.

Dans cette exhortation la régulation sociologique est la seule qui soit explicite, avec la méthode du dialogue, reprise de l'encyclique Ecclesiam Suam (ES) de Paul VI157(*). Cette notion offrait une version adoucie de l'obéissance à la hiérarchie ecclésiastique. L'autorité est sauve : elle se fait persuasive par l'échange de paroles et non plus par des méthodes de dissuasion, d'inquisition, etc. Il est requis du fidèle qu'il ne rejette point cette autorité et qu'il accepte le dialogue, en échange de quoi l'autorité ne rejettera pas le pécheur (public) et se montrera tolérante en respectant la conscience de chacun. La régulation par la hiérarchie est ainsi tempérée par un jeu d'échanges.

2) Analyse

L'exhortation Réconciliation et pénitence part d'un fait : notre société connait une perte du sens du péché. Le pape définit le sens du péché comme, « une sensibilité et une capacité de perception qui permettent aussi de déceler ces ferments dans les mille formes que revêt le péché, dans les mille visages sous lesquels il se présente. » (RP 18) Ce sens du péché a sa racine dans la conscience de l'homme et en est comme l'instrument de mesure. Il est lié au sens de Dieu, puisqu'il provient du rapport conscient de l'homme avec Dieu comme son Créateur, son Seigneur et Père (RP 18).

Pour le pape, les raisons de cette altération du sens du péché sont multiples et reliées pour la plupart d'entre elles à l'évolution scientifique: « notre société, diagnostique le pape, vit sous la menace d'une éclipse de la conscience, d'une déformation de la conscience, d'un engourdissement ou d'une anesthésie des consciences (...) On a eu tendance à remplacer certaines attitudes excessives du passé par d'autres excès:  au lieu de voir le péché partout, on ne le distingue plus nulle part ; au lieu de trop mettre l'accent sur la peur des peines éternelles, on prêche un amour de Dieu qui exclurait toute peine méritée par le péché ; au lieu de la sévérité avec laquelle on s'efforce de corriger les consciences erronées, on prône un tel respect de la conscience qu'il supprime le devoir de dire la vérité (...).» (RP 18)

Ainsi, il est donc inévitable dans cette situation que le sens du péché soit lui aussi obnubilé, car il est étroitement lié à la conscience morale, à la recherche de la vérité, à la volonté de faire un usage responsable de sa liberté. Ce sens du péché, affirme le pape, disparaît également dans la société contemporaine à cause des équivoques ou l'on tombe en accueillant certains résultats des sciences humaines. (RP 19) Ainsi, en partant de quelques-unes des affirmations de la psychologie, la préoccupation de ne pas culpabiliser ou de ne pas mettre un frein à la liberté porte à ne jamais reconnaître aucun manquement. (RP 19) A cause d'une extrapolation indue des critères de la science sociologique, on en vient à reporter sur la société toutes les fautes dont l'individu est déclaré innocent. Egalement, une certaine anthropologie culturelle, à son tour, à force de grossir les conditionnements indéniables et l'influence du milieu et des conditions historiques sur l'homme, limite sa responsabilité au point de ne pas lui reconnaître la capacité d'accomplir de véritables actes humains et, par conséquent, la possibilité de pécher. (RP 19)

En outre, le sens du péché disparaît facilement aussi sous l'influence d'une éthique dérivée d'un certain relativisme historique. « Il peut s'agir, écrit Jean Paul II, de l'éthique qui relativise la norme morale, niant sa valeur absolue et inconditionnelle, et niant par conséquent qu'il puisse exister des actes intrinsèquement illicites, indépendamment des circonstances où ils sont posés par le sujet. Il s'agit d'un véritable ébranlement et d'une baisse des valeurs morales, et le problème, ce n'est pas tellement l'ignorance de l'éthique chrétienne, mais plutôt celui du sens, des fondements et des critères de l'attitude morale. L'effet de cet ébranlement éthique est toujours aussi d'étouffer à ce point la notion du péché qu'on finit presque par affirmer que le péché existe mais qu'on ne sait pas qui le commet. » (RP 20)

Partant de ce qui précède, le pape appelle dans l'exhortation à rétablir un juste sens du péché, c'est la première façon d'affronter la grave crise spirituelle qui pèse sur l'homme de notre temps. Mais le sens du péché ne se rétablira que par un recours clair aux principes inaliénables de la raison et de la foi que la doctrine morale de l'Eglise a toujours soutenus. (RP 18)

Il s'agit notamment, parmi ses principes séculaires et incessibles que l'Eglise conserve, des actes intrinsèquement mauvais que Jean Paul II qualifie de noyau de l'enseignement traditionnel de l'Eglise : « le synode a, en effet, non seulement réaffirmé ce qui avait été proclamé par le Concile de Trente sur l'existence et la nature des péchés mortels et véniels, mais il a voulu rappeler qu'est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave et qui, de plus, est commis en pleine conscience et de consentement délibéré. On doit ajouter, comme cela a été fait également au Synode, que certains péchés sont intrinsèquement graves et mortels quant à leur matière. C'est-à-dire qu'il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet. Ces actes, s'ils sont accomplis avec une conscience claire et une liberté suffisante, sont toujours des fautes graves. » (RP 20)

Fidèle à la tradition, Jean Paul II définit le péché mortel comme l'acte par lequel un homme, librement et consciemment, refuse Dieu, sa loi, l'alliance d'amour que Dieu lui propose, préférant se tourner vers lui-même, vers quelque réalité créée et finie, vers quelque chose de contraire à la volonté de Dieu (conversio ad creaturam). Cela peut se produire d'une manière directe et formelle, comme dans les péchés d'idolâtrie, d'apostasie, d'athéisme; ou d'une manière qui revient au même comme dans toutes les désobéissances aux commandements de Dieu en matière grave.

Aussi, le pape prévient contre toute réduction du péché mortel à l'acte qui exprime une option fondamentale contre Dieu. « Il y a, en fait, écrit le pape, péché mortel également quand l'homme choisit, consciemment et volontairement, pour quelque raison que ce soit, quelque chose de gravement désordonné. En effet, un tel choix comprend par lui-même un mépris de la loi divine, un refus de l'amour de Dieu pour l'humanité et toute la création: l'homme s'éloigne de Dieu et perd la charité. L'orientation fondamentale peut donc être radicalement modifiée par des actes particuliers. Sans aucun doute il peut y avoir des situations très complexes et obscures sur le plan psychologique, qui ont une incidence sur la responsabilité subjective du pécheur. Mais de considérations d'ordre psychologique, on ne peut passer à la constitution d'une nouvelle catégorie théologique, comme le serait précisément l'option fondamentale, entendue de telle manière que, sur le plan objectif, elle changerait ou mettrait en doute la conception traditionnelle du péché mortel. » (RP 17)

Bref, l'exhortation Réconciliation et Pénitence vient réaffirmer qu'un péché mortel donne la mort à l'âme en lui ôtant la grâce sanctifiante, et qu'il faut à cela trois conditions : désobéissance à Dieu en matière grave ; plein consentement de la volonté ; et pleine conscience de son acte. Et que certains péchés sont, par leur objet, des actes intrinsèquement mauvais.

* 156 S. CONGREGATIO PRO DOCTRINA FIDEI, Normae pastorales circa absolutionem sacramentalem generali modo impertiendam, dans AAS 64 (1973) 510-514

* 157 PAUL VI, Ecclesia suam, Encyclique sur l'ecclésiologie, dans Documentation catholique 1431 (6 Septembre 1964), col. 1058-1093.

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