La réception des actes intrinsèquement mauvais d'après Bernard HàĪring( Télécharger le fichier original )par Daniel KIMBMBA KAHYA Université catholique du Congo - Licence 2012 |
I.2.7. François Suarez1) Présentation Francisco Suárez (né le 5 janvier 1548 à Grenade, Espagne - mort le 25 septembre 1617) était un philosophe et théologien jésuite espagnol, généralement considéré comme l'un des plus grands scolastiques après Thomas d'Aquin. Il fit partie de la célèbre École de Salamanque.117(*) Jésuite par obligation si l'on ose dire, juriste par passion, Suarez, qui a longuement enseigné à Salamanque et à Rome avant de se retirer à Lisbonne, part de l'observation, courante à l'époque, que l'homme est un animal social. Par conséquent, il est naturel qu'il vive en compagnie d'autres de ses semblables.118(*) 2) Analyse Pour F. Suarez, étant suffisamment éclairés par la raison en ce qui concerne la moralité, les hommes ne s'assemblent pas pour des motifs moraux. Et c'est ici que Suarez se démarque de Thomas d'Aquin, qu'il donne pourtant l'impression de se contenter de commenter, à trois siècles de distance. Le droit positif ne peut être entièrement déterminé par la morale. « Les lois civiles, écrit Suarez, n'interdisent pas tous les vices. Et le pouvoir de contrainte de l'Etat ne s'étend pas à l'ensemble des vices, parce que cela excéderait la condition humaine ».119(*) De même, alors que pour Thomas la raison commande l'action, chez Suarez, c'est la volonté qui est au commencement de l'action. Dès lors, la loi n'acquiert de force obligatoire que comme expression de la volonté d'un supérieur, et non comme acte de raison.120(*) Les théologiens scolastiques de l'époque moderne étaient souvent pris au dépourvu entre, d'une part la conception de la morale issue du nominalisme et devenue générale, mais conduit logiquement au refus de la moralité intrinsèque, et d'autre part, leur souci de fidélité à Thomas d'Aquin et à la tradition de l'Eglise qui maintient l'existence d'actions intrinsèquement mauvaises. C'est seulement par des distinctions semblables à celle proposée par Suarez entre la relation de l'acte à la raison et à la loi obligatoire qu'ils pourront se tirer d'affaire.121(*) Dans son traité sur la bonté et la malice des actes humains, F. Suarez aborde explicitement le problème des actes intrinsèquement mauvais. Il emploie l'expression actus intrinsece mali qui ne figure pas encore dans le libellé de la question jusque-là. Ceci montre que la formulation qui deviendra classique est en train de se mettre en place. Pour lui, aucun acte volontaire ne peut être mauvais par son entité positive, mais seulement par son défaut à l'égard de la règle de la volonté qui est la loi, soit à l'égard de l'obligation qu'elle impose. Ainsi, il semble qu'on peut expliquer la malice de l'acte si ce n'est par sa relation à la loi extérieure qui ordonne ou interdit.122(*) La réponse de Suarez à la question des actes intrinsèquement mauvais et de la moralité intrinsèque ou objective est en grande partie inspirée par la position nominaliste du problème moral. Il réplique à l'opinion nominaliste en prenant position en faveur de la moralité intrinsèque, mais il accepte la manière dont le nominalisme a reconstruit l'univers moral avec, en son centre, l'obligation issue de la loi comme volonté extérieure de Dieu, comme aussi la réduction de l'acte, pris dans sa singularité, à sa tendance à l'objet avec le rejet de la fin parmi les circonstances.123(*) Il est un fait que la doctrine nominaliste a amené comme une vague et une remise en question progressives dans le domaine de la morale où se rencontrent la théorie et la pratique, la pensée et la vie de l'Eglise. Par rapport à la question de la moralité des actes plusieurs systèmes vont voir jour notamment le proportionnalisme et l'utilitarisme. * 117 J.-P. COUJOU Suárez et la refondation de la métaphysique comme ontologie. Paris, Peeters, 1999, p. 101. * 118 Cfr. Ibidem. * 119 Commentaire sur la Somme théologique de Thomas d'Aquin. Lire, S. PINCKAERS, Les sources de la morale chrétienne. Op. cit., p. 260. * 120 S. PINCKAERS, Ce qu'on ne peut jamais faire. Op. cit., p. 49. * 121 Cfr. Ibidem. * 122 Cfr. Ibidem. * 123 Cfr. Ibidem. |
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