Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )( Télécharger le fichier original )par Oumar KOUROUMA Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010 |
SECTION 2 : LES INSTRUMENTS THEORIQUES D'ANALYSE DES MUTATIONS POLITIQUES ET LA PROBLEMATIQUE LIEE A LEUR IMPORTATION (EN AFRIQUE)Comme nous venons de le souligner dans les propos de Rieffel, les travaux de sciences sociales ne peuvent se réaliser sans un cadrage théorique. C'est pour cette raison que dès leurs premiers jours, les politologues des transitions démocratiques ont élaboré un ensemble de schémas en vu de rendre intelligibles ces changements politiques de grandes ampleurs. Pour ce faire, ils partiront de la transitologie démocratique comme moyen d'analyse de la première phase de ce long processus de « métamorphose politique » pour aboutir à la consolidologie comme la seconde phase ou la phase la plus sérieuse (paragraphe1). Dans cette euphorie scientifique, les instruments d'analyse sont conçus et utilisés sur des terrains différents de l'Europe à l'Amérique latine en passant par l'Asie pour atteindre l'Afrique. Mais vu la diversité de ces mondes et les particularités des expériences, surtout dans le monde africain, au delà des traits communs non négligeables qui les lient, il était devenu nécessaire de s'interroger sur la portée épistémologique de ces instruments théoriques (paragraphe2). C'est donc ce que nous essayerons de faire dans les lignes qui vont suivre. PARAGRAPHE1 : LES GRANDS INSTRUMENTS THEORIQUES D'ANALYSE DES TRANSITIONS DEMOCRATIQUESLorsque le coup d'envoi était donné par les portugais en 1974, l'un des plus importants mouvements de changements politiques qui fut la troisième vague n'allait pas laisser indifférent, le monde des sciences sociales et particulièrement celui des sciences politiques. Commençant par l'Amérique pour toucher l'Europe, l'Amérique latine, l'Afrique et l'Asie, les écrits politologiques seront très nombreux pour expliquer ce phénomène. C'est dans ce contexte que de nombreux concepts feront objet d'une redéfinition théorique comme nous l'avions déjà signalé plus haut. Dans la même la perspective de nouvelles disciplines vont voir jours en études comparées : il s'agit de la transitologie et de la consolidologie qui tentent de rendre compte des deux phases importantes d'une transition démocratique. Ce sont deux disciplines opposées car la première s'attelant à l'action, une situation moins stable ; et la seconde mettant l'accent sur l'ordre. Dans cette réflexion nous analyserons successivement la transitologie (I) et la consolidologie (II). I. LA TRANSITOLOGIE DEMOCRATIQUE Dans cette partie il sera question essentiellement de définir cette discipline à travers son objet, donner sa méthode (A) avant de dégager ses différentes conceptions et les principaux modèles qu'elle a développés (B). A. DEFINITION ET METHODE DE LA TRANSITOLOGIE Née sur les ruines de la soviétologie qui avait pour objet d'étude le passage des régimes politiques capitalistes au communisme dont le régime soviétique était le model, la transitologie s'est affichée très tôt comme la sous discipline de la science politique qui cherche non seulement à rendre compte des transitions vers la démocratie libérale mais aussi à élaborer un ensemble de lois générales devant guider ces processus. C'est dans cette logique qu'elle est définie comme la proto-science (selon les termes de HAGMANN Tobias)46(*) qui a pour objet « le changement des procédures politiques au cours d'une période couvrant l'effacement d'un régime autocratique et les efforts pour implanter une démocratie »47(*). Cet objet ne se limite pas seulement à mettre en exergue des attributs procéduraux mais s'accentue surtout sur leur émergence elle-même, c'est-à-dire cette procédure par laquelle ces nouvelles normes du jeu politique sont produites et acceptées de tous avant qu'elles ne s'érigent en nouvel ordre politique. Dans ce contexte, l'analyse transitologique met l'accent sur l'acteur ou les acteurs dont l'action stratégique est déterminante dans le processus. En outre, il faut dire que la transitologie est aussi un paradigme48(*) dont les plus grands représentants sont Guillermo O'Donnell, Philippe C. Schmitter, Arendt Lijphart, Juan J. Linz ou Giovanni Sartori. Ces auteurs construisent cette théorie en partageant tous l'idée que les institutions et les normes qui font un régime déterminent les comportements des individus. C'est-à-dire, selon Claus OFFE, la relation entre les institutions et les normes n'est pas unilatérale mais réciproque et cyclique : les agents moraux engendrent les institutions et ces institutions en retour engendrent des agents moraux. Il faut toutefois préciser que cette circularité n'est pas séquentielle mais logique. C'est-à-dire la conséquence des premières actions (la production des institutions) c'est les secondes (la transformation des comportements par ces institutions). Cette idée est en réalité le fondement des théories transitologique et consolidologique. Car les actions de production des institutions par les agents (élites, armée etc.) résident dans la phase de transition et la consolidation n'interviendra qu'avec les influences de ces institutions vont exercer sur les attitudes de ces agents. Ainsi, il en découle que la transitologie est fondée sur l'idée d'une « fonction socialisante des normes49(*)» (Guilhot NICOLAS et Philippe SCHMITTER, p617). Par ailleurs, la transitologie comme toute construction théorique qui se veut une discipline, emploie un arsenal méthodologique dont le principal est la méthode comparative. Cette idée est soutenue par HAGMANN et GAZIBO. Il s'agit, selon le premier, d'une approche comparative à fort penchant quantitatif par laquelle les transitologues cherchent à démontrer qu'en appliquant des concepts et hypothèses « universels », on peut rendre intelligible une transition démocratique dans un pays non démocratique. Dans ce sens le travail du transitologue sera d'effectuer une observation rigoureuse des expériences passées afin d'informer les acteurs des transitions futures : d'où le caractère excessivement prescriptif de cette théorie. C'est d'ailleurs dans cette logique que la transition espagnole sera utilisée comme modèle. De son côté, Mamadou GAZIBO, politologue nigérien, conçoit que cette méthode très répandue dans les sciences sociales depuis Aristote49(*) jusqu'à Durkheim est très variées selon les modes de son usage par les auteurs. Ainsi pour la transitologie, il parle plus de comparaison binaire telle utilisée dans une étude sur les transitions politiques au Niger et au Bénin. Nonobstant ces idées, il faut signaler que dans cet article qu'il a publié dans la revue internationale de politique comparée, c'est surtout sur les controverses épistémologiques que soulève cette méthode qu'il insiste. Nous reviendrons surt cette question après avoir dégager quelques conceptions et modèles mis en place dans le cadre de cette sous-discipline. B. LES CONCEPTIONS ET LES MODELS TRANSITOLOGIQUES Comme le titre l'indique déjà, nous serons amenés ici à mettre en exergue les différentes visions que les auteurs ont de la transitologie ou leur conception de cette matière, et en dernier lieu les principaux modèles qui y servent d'instruments de travail. 1. Les conceptions de la transitologie Exposer les différentes conceptions de la transitologie ne peut être un travail facile vu le nombre d'auteurs qui y sont intervenus. C'est pourquoi dans ce travail il ne s'agira que de donner les points de vue de quelques auteurs. Cela ne sera autre que leur analyse du phénomène transitologique qui est la démocratisation par la transition. Nous irons, pour ce fait, de la thèse de PRZEWORSKI (a), passer par la réflexion d'O'DONNELL et de SCHMITTER (b), pour terminer par celle de MORLINO (c). a. La thèse de PZERWORSKI Cet auteur part de la conception selon laquelle la transition démocratique est une désintégration de régime autoritaire qui prend souvent la forme d'une libéralisation et d'installation d'institutions démocratique. Il soulève comme question fondamentale dans ce processus : le problème de la bonne voie de transition sans qu'il n'y ait violence politique ou économique. En outre, il soutient que la transition démocratique n'aboutit pas forcement à l'instauration de la démocratie d'où il distingue cinq résultats possibles qui se structurent autour du conflit marquant la transition: celui du retour du régime dictatorial précédent par absence de consensus entre les acteurs politiques ; celui de l'adoption par les forces politiques de la démocratie comme voie de sortie de crise ; les cas où malgré les chance de réussite des institutions démocratiques, mais les antidémocratique prennent le dessus ; aussi des cas où l'adoption des institutions démocratiques peut être possible, les acteurs les plus puissants mettent en place d'autres dont l'existence est de courte durée et enfin les cas où les institutions démocratiques mis en place ne peuvent durer qu'avec adaptation. b. Les idées d'O'DONNELL et de SCHMITTER La conception qu' O'Donnell et Schmitter développent sur la transition démocratique n'est pas trop différente de celle qui se trouve plus haut. Car, ces deux auteurs insistent dès le départ sut le caractère conflictuel d'une transition démocratique. Cela est dû au fait qu'ils considèrent que pendant cette période d'énormes intérêts individuels se trouvent en jeu et chaque acteur se bat d'abord pour préserver le sien avant de penser à une véritable démocratisation. Au delà de ce premier caractère, ils s'accentuent aussi sur celui de la nature incertain et aléatoire des transitions démocratiques dont la première réussite ne s'affirme qu'avec l'organisation de la première élection pluraliste. Toutefois, ils n'oublient pas de mettre en garde sur un éventuel échec de ce processus qui peut se solder, selon eux, par une dictature pire que celle qui avait précédée la tentative de transition. Dans le même cadre d'analyse s'inscrit Morlino. Mais qu'avance t-il réellement ? c. La conception de MORLINO Dans sa thèse, Léonardo MORLINO conçoit que l'objet d'une transition démocratique n'est pas le changement du système politique mais du régime car c'est ce dernier cas qui constitue un changement fondamental d'un régime autoritaire par un régime démocratique qui lui est manifestement différent. Aussi, l'auteur insiste sur le fait qu'un changement à petit pas, étalé sur le temps ne peut être véritablement conséquent ou fondamental mais plutôt, la transition doit être un ensemble de changements graduels et élargis pour constituer un seuil de transition véritable. En outre, cet auteur ne manque pas de déterminer les modalités de ce changement. Toute transition obéit à l'une de ces voies ou plusieurs. Ainsi, une transition peut être continue ou discontinue (dans le premier cas la transition se réalise de façon graduelle sans que les acteurs ne s'y rendent vraiment compte avant l'émergence d'un régime démocratiquement distinct du premier, par contre dans le second la rupture avec les règles précédentes est brusque et rapide) ; d'origine interne ou externe ; lent ou accéléré ; et enfin violente ou pacifique. A l'instar de ces différentes conceptions la nouvelle sous discipline de la science politique dispose aussi des modèles. 2. Les modèles d'analyse des transitions politiques Ces instruments d'analyses découlent des travaux de Léonardo Morlino. Ce dernier essaye de nous présenter deux principaux modèles de transitions dans lesquels on peut intégrer la quasi-totalité des transitions démocratiques. Il s'agit du modèle consensuel de transition (a) et le modèle conflictuel (b). a. Le modèle consensuel de transition Comme son nom l'indique déjà, ce modèle se caractérise par l'importance de la négociation qui marque tout le long du processus entre les principaux acteurs politiques. Autrement dit, il s'agit d'une transition concertée qui a eu lieu au moyen d'un accord ou pacte politique entre le régime autoritaire et l'opposition. Ainsi conçu, l'auteur apporte les formes sous lesquelles se déploie de tel modèle. Ce sont essentiellement : Ø la transformation : elle met en relief l'anticipation par des élites d'un processus démocratique dirigé qui leur permette de se maintenir au pouvoir de manière légitime ou tout au moins de conserver d'importants quotas au pouvoir. Ø le transfert par la négociation entre les groupes modérés des deux partenaires (opposition et pouvoir sortant) et qui conduit conjointement et selon des rythmes préétablis, le processus de transition. b. Le modèle conflictuel de transition Ce modèle de changement politique résulte de l'effondrement du régime autoritaire. Il se caractérise par l'absence des pactes politiques pour réguler la transition et l'existence d'une forte opposition qui a la capacité d'imposer le changement politique aux forces et secteurs politiques du pouvoir et de les substituer. Toutefois, les leaders et acteurs politiques disposent d'une marge de manoeuvre pour conduire le processus beaucoup plus large dans ce modèle que dans le modèle consensuel. Cependant, ce modèle présente certains inconvénients. Les auteurs ont pu remarquer dans les transitions non concertées qu'il existe un haut degré d'incertitude accentué par la présence de fortes oppositions déloyales et des confrontations directes et intenses entre les divers groupes, organisations, partis, factions et intérêts organisés. Ces cadres analytiques, sans nier le poids des facteurs structurels, sont centrés sur les stratégies des acteurs pour expliquer le type de dénouement que peut adopter une transition vers la démocratie. Si ces facteurs délimitent le jeu des acteurs ou définissent le cadre de leur activité, ils ne sont pas déterminants, car ce sont les facteurs structurants c'est-à-dire l'intervention des leaders et acteurs qui expliquent le résultat final d'un processus de changement politique. En outre, les modalités de la transition déterminent en grande partie les caractéristiques du nouveau régime, c'est-à-dire le type de régime démocratique établi reflète les conditions dans lesquelles s'est déroulé le processus de transition. Ainsi, en remettant toute critique de cette théorie au paragraphe suivant, il conviendra donc de retenir dans cette partie que la transitologie en tant que nouveau cadre d'analyse apporte de nouveaux concepts et hypothèses à la science politique. A son image, s'érige la consolidologie qui mérite d'être abordée dans les lignes qui vont suivre. II. LA CONSOLIDOLOGIE DEMOCRATIQUE Elle est la seconde théorie et sous discipline qui a été mise en place dans le cadre des travaux visant à donner une explication scientifique du passage des régimes autoritaires à la démocratie. Les pères fondateurs de cette théorie sont quasiment les mêmes qui ont donné naissance celle qui précède plus haut. Contrairement à cette dernière qui fait objet d'un consensus plus ou moins affirmée, la consolidologie est une théorie très controversées. Cette controverse que nous toucherons plus loin (dans le paragraphe suivant) tient à une multiplicité de conceptions parfois subjectives de ce qu'on puisse appeler consolidation. Car si par la transition de nouveaux arrangements politiques apparaissent, faut-il encore que ces derniers deviennent la référence des comportements politiques pour qu'on puisse parler d'un succès de la démocratisation ou sa consolidation. Mais comment peut-on vraiment déterminer cette période ? Pour répondre à cette question de nombreuses analyses ont été réalisées. Dans ce travail il sera juste question d'évoquer quelques unes. A. LA CONSOLIDOLOGIE selon Guilhot NICOLAS et Philippe C. SCHMITTER Dans un article publié dans la revue française de science politique50(*), ces deux grands ténors de la consolidologie développaient leur interprétation du concept. A cet effet il part de l'idée que le sens même de la consolidologie est le fait qu'elle soit opposée à la théorie de la modernisation. Ceci par le fait que cette dernière théorie soutient que la nouvelle démocratie instituée n'est autre la « manifestation visible et formelle d'une transformation préalable des habitudes des mentalités et des comportements sociaux, transformation qui n'attendait que sa traduction dans un arrangement politique approprié »51(*). Une telle conception exclut toute idée de stabilisation. Par contre le concept de consolidation selon les deux auteurs signifierait « la phase d'institutionnalisation des formes des nouvelles règles du jeu politique » après avoir été créées dans le cadre de la phase transitoire. C'est dans ce contexte qu'il considère que l'objet de la consolidologie est donc l'étude du degré d'institutionnalisation de ces nouvelles règles qui définissent le régime et non le régime lui-même. Il s'agit dans ce sens de mesurer l'importance du consensus social autour des nouvelles institutions normatives et procédurales tant au niveau de l'élite qu'au niveau de la masse des citoyens. A côté de cette position, il faut aussi exposer celle de Léonardo Morlino dont les travaux dans ce domaine sont aussi des plus importants. B. LA CONCEPTION DE LA CONSOLIDOLOGIE CHEZ LEONARDO MORLINO Cet auteur définit d'abord la consolidation comme « le processus par lequel un régime démocratique est renforcé de telle sorte qu'il persiste dans le temps et soit à même de prévenir ou de résister à d'éventuelles crises 52(*)» ; ou encore « la consolidation pourra être considérée comme la construction de relations (plus ou moins) stables entre les institutions gouvernementales instaurées depuis peu, les structures intermédiaires en voie d'émergence et la société civile elle-même ». Dans ces définitions il ressort que le facteur de stabilité est un élément central dans la conception de la consolidation chez Morlino. Aussi insiste -il sur le rôle déterminant des partis politiques dans ce nouveau processus ou toute la société civile dans son ensemble. Plus loin il identifie deux dimensions de cette consolidation : la légitimation et l'encrage. La première, avance t-il, signifie le développement d'attitudes positives des citoyens à l'égard des nouvelles institutions par la considération qu'elles constituent le régime approprié. Ou encore comme l'affirme LINZ «la légitimité démocratique repose sur la croyance que, pour un pays donné, à une époque donnée, aucun autre type de régime ne saurait mieux assurer la poursuite et la réalisation des fins collectives53(*).» Lorsque de telles idées forment l'essentiel du jugement de la population sur les nouvelles règles du jeu démocratique, nous nous trouvons donc, selon Morlino, dans la consolidation du régime. Et c'est ce nouveau processus qu'étudie la consolidologie. Quant au second, c'est-à-dire l'encrage, il signifie que les nouvelle institutions prennent corps et s'érigent en véritables instruments de représentation de la société civile ou de la population en général. Dans cette perspective l'auteur met l'accent sur la combinaison des actions de groupes de pression et des partis politiques. Cette action peut être soit sur la dépendance ou l'indépendance de ces deux catégories d'acteurs de la consolidation. Ils auront la lourde tache de contrôler et de coordonner, à défaut d'une forte présence Etatique, l'action des citoyens pour leur participation encadrée à la réussite du processus. Par ailleurs, dans ce travail très riche, Morlino, développement des modèles d'analyse à la suite de son étude des expériences sud européennes. Ainsi, il distingue entre : Ø une consolidation par l'Etat : où la légitimité a été acquise dès le départ et le poids des groupes d'opposition est faible. On y parle de légitimité incluse comme ce fut le cas au Portugal ; Ø une consolidation par les élites : dans ce cadre bien que la consolidation soit incluse, il se trouve qu'il y ait une carence de partis bien organisés, alors les élites prennent la charge de promouvoir la légitimité des nouvelles institutions, par exemple le cas Espagnol ; Ø une consolidation par partis : cette situation a lieu lorsque la consolidation intervient dans un contexte de faible légitimité du pouvoir transitionnel ou une situation de légitimité excluse ou limitée , c'est donc les partis politique qui deviennent les moyens de canalisation du peuple pour le faire accepter les nouvelles règles de la vie politique. Ce fut ainsi le cas en Italie. L'étude de Morlino débouche sur la conclusion suivante : « la consolidation peut s'accompagner d'une faible légitimité. Lorsqu'il en est ainsi, cependant, un solide ancrage est nécessaire. Mais une consolidation réussie entraîne à son tour une légitimation de plus en plus inclusive. Il s'ensuit qu'un fort ancrage devient superflu et ses coûts de plus en plus évidents et insupportables. La route est ouverte à la crise. Se trouve ainsi élucidé le rapport apparemment illogique entre consolidation et crise ».54(*) Par ailleurs, un exposé des conceptions de la consolidologie qui omet l'une de ces figures marquantes, en la personne d'O'Donnell, aurait manqué une des idées clef qui structurent la sous-discipline. C'est pourquoi il convient de terminer se cette présente réflexion par ce grand politologue. C. LA THESE O'DONNELLIENNE DE LA CONSOLIDOLOGIE En écrivant en 199655(*) «la démocratie n'est pas seulement un régime politique polyarchique mais également une relation particulière entre l'État et les citoyens, et entre les citoyens eux-mêmes, sous une sorte de gouverne de loi qui garantit la citoyenneté politique, mais aussi la citoyenneté civile et un réseau complet de responsabilité », Guillermo O'DONNELL présentait sa vision de la consolidologie essentiellement basée sur le concept d'Etat de droit ou l'Etat légal. Selon l'auteur, la légalité formelle consacrée par les nouvelles normes démocratiques n'est pas suffisante, elle doit se traduire dans les principales caractéristiques de l'Etat de droit qui est l'Etat légal démocratique. Ces caractéristiques sont : le respecter des libertés politiques et des garanties de la polyarchie ; le respect des droits civils de toute la population ; établir des réseaux de responsabilité qui assujettissent tous les agents au contrôle adéquat et légalement établi de la légalité de leurs gestes. Donc c'est selon le degré d'observation de ces principes que la consolidation devra être mesurée d'après l'auteur. D'où il affirme : « plus l'État légal prend de l'importance comme État de droit démocratique, plus il encourage l'indépendance et la force de la société, plus la démocratie est consolidée dans le sens de sa capacité à durer ». Au-delà de ces conceptions essentiellement axées sur le facteur politique, il faut souligner, pour terminer, que la consolidation d'un régime peut aussi être déterminée à travers le degré d'ouverture économique consacrée après la phase transitoire. C'est du moins l'idée qu'avance Diane Ethier. Et pour ce fait, le système de développement économique visé est celui d'une économie de marché. A la lumière de cet exposé non exhaustif sur les principales théories de la nouvelle analyse du phénomène de transformation d'une bonne partie du monde en démocratie libérale, il ressort que tous ces instruments « scientifiques » sont guidés comme nous l'avions déjà souligné par une seule idéologie : le libéralisme démocratique, et donc un seul modèle idéalisé : la démocratie et l'économie libérale. Ainsi toute partie du monde ou toute société qui serait en dehors de ce cercle se trouve dans l'autoritarisme généralement conçu comme opposé aux valeurs humaines. Mais puisque nous sommes en science et conscient que tous les peuples du monde sont régis par la loi de la différence, et encore particulièrement les voies suivies par les pays étant marquées de spécificités, la question qui se poserait est celle de savoir si ces constructions « scientifiques sont vraiment applicables dans toutes les analyses et partout ? Une réponse à cette question devra nous conduire à placer ces donner théorique sous la lumière de la critique épistémologique. * 46 Article publié dans son cite en Janvier 1998. * 47 Guilhot Nicolas, Schmitter Philippe C. De la transition à la consolidation. Une lecture rétrospective des democratization studies. In: Revue française de science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 615-632. doi : 10.3406/rfsp.2000.395500. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395500 * 48 Mamadou GAZIBO, la démarche comparative binaire : éléments Méthodologiques a partir d'une analyse De trajectoires contrastées de démocratisation, revue internationale de politique comparée, vol. 9, n 3, 2002 427 * 49 La comparaison des régimes politiques a été fortement pratiquée par Aristote. * 50 Guilhot Nicolas, Schmitter Philippe C. De la transition à la consolidation. Une lecture rétrospective des democratization studies. In: Revue française de science politique, 50e année, n°4-5, 2000. pp. 615-632. doi : 10.3406/rfsp.2000.395500 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395500 * 51 Ibid. p619 * 52 Ibid. p620 * 53 Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, n 2, 2001, p248 * 54 Léonardo MORLINO, Consolidation démocratique : La théorie de l'ancrage, Revue Internationale de Politique Comparée, Vol. 8, n2, 2001, p265 * 55 Comparative Perspectives from Southern Europe, Latin America and Eastern Europe, Brookfield, VT, Dartmouth Publishing Co., 1995. . O'DONNELL G., op. Cit. 1996. |
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