Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )( Télécharger le fichier original )par Oumar KOUROUMA Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010 |
PARAGRAPHE 2 : DES ECHECS ET DES DERIVES : une ouverture de façadeCette partie de notre réflexion est celle qui domine dans les écrits et les analyses : l'aspect négatif de la démocratisation en Guinée. Ce regard farouchement critique sur ce régime découle du fait que d'un point de vue institutionnel on se croirait dans l'une de ces grandes démocratie authentique. Cependant la réalité laisse voir parfois une véritable antinomie de ce système. Il s'agit essentiellement des échecs et des dérives qui ont caractérisés ce régime guinéen ainsi que les facteurs qui les ont engendrés. Ils sont identifiés d'une part dans le domaine politique, juridique et celui des droits de l'Homme (I) d'une part, et, d'autre part dans les cadres économique et socioculturel (II). I. EN MATIERE POLITIQUE, DE JUSTICE ET DE DROITS DE L'HOMME Sous la seconde république, la démocratie était au coeur des discours sur l'ouverture, De même la justice pour tous et le respect des droits de l'Homme servaient à attirer les bailleurs et les partenaires. Cependant entre discours et pratiques le fossé était énorme. C'est ce fossé qu'il faudra découvrir dans les lignes qui vont suivre. v Les échecs et dérives politiques L'ouverture en Guinée a été marquée dès le départ par le constat qu'elle n'était pas le fait des dirigeants militaires. Car ces derniers en prenant le pouvoir dans la violation des textes constitutionnels (bien que désavoués) cherchaient d'abord à se faire reconnaitre. Cette prise en otage du changement est déduite du retard pris pendant six ans (1984-1990) par la junte militaire (le comité militaire de redressement national) pour mettre en place un cadre juridique devant régir la transition. Ce qui leur permit de se donner les moyens nécessaire à la consolidation de leur pouvoir138(*). Par là s'annonçait la fermeture progressive du système. Cette fermeture s'explique en premier lieu par le fonctionnement antidémocratique des institutions de l'Etat. En ce lieu, il faut dire que la seconde république a été marquée par la toute puissance et omniprésence d'un seul des trois pouvoirs à savoir l'exécutif. Cette dernière institution avait une main mise totale sur les organes constitutionnels de l'Etat. A ce titre, le président de la cour suprême Monsieur Lamine Sidimé ne disait-il pas en Novembre 2003 qu'«être derrière le général Lansana Conté, c'est être derrière Dieu»139(*). C'est au nom d'une telle idée qu'il annula les votes des villes de Kankan et Siguiri en 1998 au profit du parti du général. Du côté de l'Assemblée nationale, nous nous retrouvons face à une autre institution fantôme marqué par une majorité à la solde du pouvoir politique. Le fonctionnement de cette institution n'a été connu des guinéens qu'à la suite des évènements du 27 Février 2007140(*). Cette confiscation des pouvoirs constitutionnels de l'Etat devait se répercuter sur la vie politique. En ce lieu, le pouvoir guinéen a très tôt commencé à exclure les oppositions depuis les années 1990. D'abord dans le cadre de l'élaboration de la loi constitutionnelle. Cette loi fut sévèrement critiquée par une coalition de partis politiques surtout au niveau de ses articles qui instauraient le bipartisme et la période de transition. Bien que cette constitution fût adoptée, le bras de faire entre les deux parties était amorcé. Les différentes élections, théoriquement démocratiques, de 1993 à 2005 seront fermement contestées tant par l'opposition que parfois par les observateurs internationaux. Par exemple les élections présidentielles de 1998 seront très tourmentées car juste au lendemain des scrutins, le principal opposant Alpha Condé sera emprisonné et il s'ensuivra de nombreux morts dans des violences interethniques. En 2003, les élections seront aussi boycottées par l'essentiel de l'opposition. Cette détérioration de la scène politique guinéenne fut affirmée deux ans auparavant lorsque le pouvoir révisait la constitution dans ses dispositions relatives à la limitation du mandat présidentiel. Ainsi le président pouvait se présenter de façon continue et illimitée aux élections présidentielles et la durée du mandat présidentiel passait de cinq ans à sept. Pour les partis politiques leur véritable faiblesse découlera de leur division : la primauté de l'ethnie ou les assises politique essentiellement régionalistes. C'est pour cette raison d'ailleurs que B. Lootvoet titre en 1996 que : « l'opposition a contribué à sa propre défaite,... en n'ayant pas cru que l'union faisait la force»141(*). Il s'agit de sa défaite en 1993 et de même que sa perte de l'organisation d'une conférence nationale. Cela dénotait tout simplement d'un manque de maturité de cette élite politique. L'autre aspect négatif marquant de cette démocratisation est le clanisme apparent qui assaille l'appareil politique. Ce dernier étant une sorte de propriété de l'ethnie du président et de sa famille. D'où la patrimonialisation du pouvoir politique. A cela, on peut ajouter le culte du chef dont fit objet le président de la république. Persistance du passé, le général n'excluait pas de soutenir que son pouvoir était d'essence divine. C'est ce qui découle de cette déclaration lorsqu'il dit : « je ne suis pas en train de chercher à être chef, Dieu, et vous avez voulu que je le sois (...)142(*)». Cette pseudo-démocratie politique que certains ont appelé « ethno-démocratie » n'était pas sans répercussion sur la justice et les droits de l'Homme. v Les défaillances du système juridique et la méprise des droits de l'Homme Logiquement il n'est pas difficile de se faire une idée de ce que peut être la justice et les droits de l'homme dans un régime politiquement antidémocratique. En effet, la justice guinéenne est fortement subordonnée au pouvoir exécutif. Cela s'explique par le fait que malgré l'inamovibilité des juges143(*), il n'est pas souvent impossible que les fonctionnaires de justice fassent objet de révocation par simple décret ou une simple note verbale. En tout cas c'est ce qui sortait d'un rapport de la FIDH144(*). Dans ce contexte, les normes régissant le fonctionnement de cette institution ne sont pas respectées par les agents de l'administration et les hauts fonctionnaires voire le chef de l'Etat lui-même. Pour ce dernier, l'exemple de la libération de Mamadou Sylla accusé de détournement de fonds publics est éloquent. Aussi les arrestations arbitraires étaient très fréquentes. A titre d'exemple nous pouvons citer l'arrestation des députés Bâ Mamadou et Ousmane Baldé à l'occasion de la démolition du quartier de Caporo-Rails à Conakry-Ratoma145(*) ; Dans le même ordre d'idée, il faut signaler les dérives policières, principalement celles de la brigade anti-criminalité qui était reconnue coupable de deux homicides à Conakry en 2003. Mais ces crimes sont restés impunis. C'est face à ce désordre qu'un agent de la justice confiait au membre de l'ONG146(*) que « l'armée et la police baignent dans une véritable culture de l'impunité ». Encore il faut dire que l'une des maladies de l'administration judiciaire guinéenne est la corruption à cause des salaires miséreux des fonctionnaires du domaine et l'état vétuste des locaux. Ainsi dans son traité de Mémoire, l'étudiant guinéen Abdourahmane Diallo citait le cas des greffiers qui sont conduits à hausser les frais de justice, accentuant par là cette pratique (corruption). En outre, les infractions financières ne sont pas prises en compte par la justice guinéenne car les cours de comptes restent inactifs, les normes signées dans le cadre de l'OHADA pour la règlementation du milieu des affaires ne sont pas appliquées. Quant aux droits de l'Homme, ils peuvent être placés dans la même atmosphère que la justice. Déjà nous pouvons avancer au primo qu'à travers les données plus hautes, les droits et libertés politiques et ceux relatifs à la justice sont méconnus dans ce pays. Mais pour aller plus loin, il faut parler des violations des libertés de manifestations qui sont pourtant autorisées par la constitution et les lois. C'est ainsi que les manifestations contre l'arrestation d'Alpha Condé furent durement réprimées en 1998 avec plus de 500 arrestations dans la ville de Conakry (rapport du FIDH). De même une demi-douzaine de militants de l'UFR (Union des forces républicaines) avaient été arrêtés en 2003 au cours d'un meeting de leur parti puis condamnés à de la prison avec sursis. Leur leader Sydia Touré ferra objet de plusieurs interpellations par la police. Dans le même sillage il peut être évoqué, la situation des syndicalistes et des étudiants dont les demandes pacifiques sont parfois réprimées dans le sang ou par des arrestations ou intimidations. A cet égard il faut rappeler les interpellations que furent objet quatre membres du syndicat des enseignants qui avaient lancés une grève en 2003147(*). Concernant les étudiants, ils ont fait objet de plusieurs interpellations dans le courant des années 2002. Ces restrictions sont allées jusqu'au refus de l'usage de leur droit d'association au sein de l'Université de Kankan. Ces même oppressions s'étendent à la liberté d'expression qui en dépit de la mulplication des organismes fait objet de strict contrôle par le pouvoir. Et comme nous l'avions souligné, c'est réellement en 2005 que les partis politiques ont pu faire usage des médias d'Etat qui ne les accordaient que 5minutes pour la télévision et 7 pour la radio. Aussi de nombreux journaliste font objet d'intimidations surtout ceux de la presse écrite. Ce fut le cas d'Alassane Abraham Keïta, directeur de publication, et Souleymane Diallo, administrateur de l'hebdomadaire satirique Le Lynx en Janvier 2004. Plus important sera la destruction des locaux de certaines radios privées comme FM liberté à Conakry en 2007. Sur la question des droits des femmes et surtout de la parité entre homme et femme, il faut reconnaitre que la première république connaissait assez d'avancées par rapport à la seconde. Car avec cette dernière, les mêmes textes ont été maintenus mais sans application. L'exemple le plus marquant est le statut de polygame du président lui-même. Aussi un autre recul est observable sur la participation des femmes à la vie politique car si on peut bien sûr compter quelques unes parmi les ministres et députés, elles ne sont pas présentes dans les postes de gouverneurs et de préfet. Au niveau scolaire elles restent les moins alphabétisées. Quelques chiffres de 2004 montrent que le taux net de scolarisation des filles dans le primaire est de 37%, soit 69% seulement de celui des garçons. Dans le secondaire, il est de 7%, soit 38% de celui des garçons. Toutes ces données montrent à plus d'un titre que ce régime eut d'énormes problèmes. Mais s'il ne s'agit que de trois secteurs, qu'en est -il des autres c'est-à dire les domaines économique et socioculturel. II. DANS LE DOMAINE ECONOMIQUE ET SOCIOCULTUREL Plus important, c'est surtout dans le domaine économique et socioculturel que l'échec de l'ouverture s'affirme. En effet, la théorie critique de la modernité politique soutient que le développement économique et socioculturel ne peut avoir lieu que lorsque les règles du jeu démocratique sont respectées. Mais au regard de ce qui vient d'être développés dans les précédentes on peut sans doute dire que les résultats du parcours économique et socioculturel du régime devrait être mitigés. Pour le démontrer nous toucherons successivement le domaine économique et celui socioculturel. v Dans le cadre économique Les difficultés n'ont pas tardées à se manifester dès les premières années du régime. En effet après une euphorie de croissance économique148(*) engendrée par le plan d'ajustement structurel issu du boum d'aides économiques des pays occidentaux et les institutions de Breton Woods, le conflit entre les deux parties (la Guinée et ses partenaires) naitra du désir du gouvernement guinéen de rehausser le salaire des fonctionnaires qui souffraient des effets néfastes de cet ajustement économique. Cependant, jugeant lourdes les charges de l'administration149(*), les institutions financières (Banque mondiale et FMI) ont suspendu leur aide en 1990 avant de la rétablir en 1991. Plutôt, le pays faisait face à un déficit budgétaire de 91 millions de francs guinéens en 1989. Ce déficit était supérieur à celui prévu par ces institutions qui était 69,6 millions de francs guinéens. Par là, le départ était déjà pris pour révéler l'état de la mauvaise gouvernance économique. En ce lieu, en même temps que le revenu national atteignait les 556 dollars (US) en 1993, et que l'inflation passait à son plus bas niveau (8,5 en 1994) depuis 1984, le taux de croissance faisait face à une baisse en passant de +6% en 1988 à +3,8% en 1992. Mais aussi c'est l'Etat qui affirmait son incapacité à recouvrir les ressources fiscales dont les résultats seront inférieurs aux prévisions. Quant à la dette extérieure, elle se doublait en se chiffrant dans l'ordre des 2,6milliards de dollars en 1992. C'est dans ce contexte de régression continue que l'économie guinéenne atteint les années 95 animées par une nouvelle discorde avec les institutions de Breton woods. Car le pays n'avait pas tenu sa promesse en ce qui concerne le nombre de fonctionnaires de l'Etat qui venait de dépasser le barème des 53.000 pour se hisser à 55.000. Aussi ces institutions dénoncent avec le patronat guinéen, une corruption galopante qui assaille tout l'appareil d'Etat. A cela il faut ajouter l'importance des fraudes et contrebandes qui envahissent non seulement le domaine fiscal mais aussi les différents marchés de l'or, du diamant, de la cigarette et de l'hydrocarbure. Les règlementations juridiques des affaires et du commerce restent archaïques. Cette situation décrédibilise le milieu des affaires guinéennes en cette année où les investisseurs ralentissent leur voyage en Guinée. Ce qui conduit le président en 1996 a nommé un premier ministre technocrate, ancien directeur de cabinet d'Alhassane Wattara alors premier ministre de la Côte d'Ivoire. Il s'agissait de Monsieur Sydia Touré. Cet économiste était donc mandaté de redorer l'image de l'économie guinéenne. C'est ce qui sera entamé dans le cadre d'un nouveau plan d'austérité. A partir des années 2003, la situation économique s'est dégradée. La Guinée, mauvaise élève en matière de démocratie150(*) n'avait plus la confiance de ses partenaires du Nord. Cette crise se manifesta par une baisse du PIB qui passait désormais à 2,5% (2004) et devant dépasser les 2,9% en 2005 ; cela allait correspondre aussi à la baisse du PIB par tête de 0,6% à 0,2%. A ces chiffres se greffent celui d'un budget déficitaire à 4,4% du PIB dans le cadre d'une inflation touchant les 27,6% en fin 2004. Cette inflation, il faut le rappeler, est le fait d'une forte émission bancaire151(*) sans précédent pour couvrir le déficit. Ce qui va entrainer une grande dépréciation des taux de change et creuser un écart de 20% entre le marché de change officiel et les marchés parallèles. Dans le même contexte, le ratio de la dette guinéenne va atteindre les 99,7 % du PIB. Il faut dire que cette évolution désastreuse de l'économie guinéenne n'est que la conséquence d'une sorte de corruption généralisée. A ce titre les chiffres publiés dans le cadre des audits organisés sont effrayants : pour l'ancien patron de la Banque centrale Monsieur Bah Ibrahima Chérif, on parle d'une somme de 10million de dollars, pour Idrissa Thiam, ancien ministre des affaires étrangères, il est question de 40millions de dollars152(*). Aussi la théorie de la politique de ventre semble se confirmée avec un président de la république vastement riche et monopolisant le système économique au profit de ses proches comme le cas de Mamadou Syllah qui devient maitre du patronat guinéen. De même des sommes énormes sont gaspillées dans les campagnes politiques. Dans le domaine du commerce privé autorisé dès les débuts du régime, le libertinage économique est considérable. Sans aucun contrôle de prix, les commerçants font vaciller la population de toute part dans une hausse de prix sans précédent. De tel marasme économique ne peut rester sans effets sur les conditions de vie des populations. v Sur le plan socioculturel C'est dans ce domaine que les défaillances du régime militaire sont le plus observables. En effet, la mauvaise gouvernance politique et économique qu'a connu la Guinée à entrainer sans doute une mise en mal des conditions de vie de la population. Cette dégradation de la situation sociale est résultat des fameux plans d'ajustement structurel qui soumettait les populations à une sorte d'austérités sans précédent. D'après des données des années 1988, un fonctionnaire, avec un salaire moyen, ne couvre que le cinquième de ses dépenses pour neuf personnes à charge. Cela ne faisait que révéler l'état dans lequel les citoyens devaient vivre sous le poids des interminables mesures de rigueur des institutions de Breton Woods. C'est pourquoi très tôt les tensions sociales vont germer de toute part. Des grèves incessantes sont entamées. En 1986 c'est le secteur du transport publics qui touché, puis en 1988 et 1991 les enseignants réclament une amélioration de leur conditions de vie et de travail. Mais avant, ils étaient précédés par les étudiants en 1988 et 1990 qui dénonçaient l'emprise du pouvoir militaire sur l'administration où l'essentiel des postes se trouvent désormais détenus par les hommes de l'armée. Ces réclamations estudiantines pouvaient être considérées comme celles de toute la jeunesse qui est frappée par le chômage et la délinquance. Ces protestations populaires sont souvent réprimées dans le sang par les forces de l'ordre et ne débouchent sur aucune mesure concrète répondant aux demandes faites. C'est ce qui va conduire à une intensification des protestations dans les années 2002 et 2003. En cette période, la santé du président s'est dégradée et le pays semble existé sans chef d'Etat. La gabegie dans la gestion financière s'est accentuée. A Conakry la population fait face à des pénuries d'eau et à des coupures répétées d'électricités. Pour les autres parties de la Guinée les deux précieuses denrées ne sont presque plus là depuis plusieurs années Car les chiffres montrent que seul 7,7%153(*) de la population ont vraiment accès à l'eau potable. Dans les mêmes périodes, les produits de premières nécessités connaissaient une flambée importante de prix : le prix du sac de riz est ainsi passé de 24.000 Francs Guinéens (FG) à plus de 34.000 FG en 2003, la bouteille de gaz est passée dans le même temps de 37.000 à 51.000 FG, le prix du pain de 350 FG à 450 FG. Ces prix ont continué à grimper jusqu'à déboucher sur les grèves de faim de 2007. En matière de santé, on compte en moyenne 1centre de pour 10000 154(*)habitants. Aussi l'état de vétusté de ces rares infrastructures et des équipements rend encore difficile leur fonctionnement. Aussi, la Guinée a connu de nombreuses épidémies choléra notamment en 1988 et en 2007. Des maladies comme le paludisme et le sida font objet de nombreux programmes dont la plupart restent des sources d'enrichissement des agents de l'Etat. Concernant la pauvreté, il faut dire que la Guinée fait parti les PPTE (pays pauvres très endettés155(*)). Cette pauvreté illustrée par ces chiffres selon lesquels 49% de la population serait pauvre en 2002 contre 40,3% en 1994-1995, et 27, 2% seraient très pauvres en 2002 contre 13% en 1994-1995. Ainsi, il ressort que cette pauvreté est un phénomène en croissance depuis plusieurs années. Lorsqu'on aborde la question des ethnies sous le régime Conté, d'énormes faillites peuvent être évoquées. Car là, les dérapages commencent pendant les dix premières années quand le régime engage des règlements de compte contre l'ethnie de l'ancien président, supprimant officiers supérieurs et des proches de ce dernier ainsi que les commerçants qui verront leur commerce et leurs biens pillés. C'est le moment du célèbre « Wonfatara156(*)». Aussi en 1991, on assiste à un affrontement entre des koniankés157(*) et les guerzés. Et en 1993 ce sera le tour des peulhs et des soussous à Conakry. Tout ceci montre que la question ethnique n'est pas encore résolue malgré les efforts fournis. En outre, nous pouvons souligner dans le cadre de l'éducation que le système éducatif guinéen fut l'une véritable victime de la faillite du régime. Cela s'explique tout d'abord par des infrastructures très délabrées des établissements d'enseignement supérieurs (université Gamal Abdel Nasser) aux établissements du primaire en passant par ceux du secondaire (les grands lycées de Conakry). En plus de leur état délabré, les salles de classes sont insuffisantes car en 2004 on parlait d'un besoin de 4767 .Pire, les conditions de travail et de vie des enseignants ont été si précaires que le secteur s'est vu mouillé dans la corruption158(*). Ainsi en 2008, l'examen d'entrée au lycée (BEPC) était annulé parce que les sujets étaient vendus dans tous les coins et marchés de la capitale. Cet échec touche aussi à la qualité des enseignements qui selon un ministre de l'Education159(*) n'a rien a voir avec les besoins du pays. Enfin, il faut rappeler que la guinéen abrite une sous région en proie à de nombreuses guerres civile et politiques160(*). Ce qui n'est pas n'est pas sans conséquences sur sa situation interne. Ainsi le pays accueillera des milliers de refugiés venant de ces pays. De même, en 2001 la Guinée sera la cible d'une attaque de rebelles libériens et sierra léonais. Ces conflits ont beaucoup contribué à la dégradation de la situation socioéconomique du pays. C'est donc dans ce contexte d'une fragilité avancée, que la Guinée connaitra de grandes grèves (ou de véritables révolutions) en Janvier et Février 2007161(*) en vu du départ de son président incapable de gérer le pays parce que gravement malade. Mais ce n'est pas ce soulèvement qui ferra partir le général Lansana Conté. Ce fut plutôt une mort naturelle du Lundi 23 Décembre 2008. Et delà, une nouvelle page du parcours politique devait s'ouvrir par une nouvelle transition conduite encore par les militaires qui ont anticonstitutionnellement pris le pouvoir le 24 Décembre 2008. En somme, il faut dire que si la seconde république a eu le mérite d'engager la Guinée sur la voie de la démocratie (libérale), il n'en reste pas moins que ce fut un périple difficile à surmonter. D'un début marqué par l'espoir nous sommes passés à un autre régime de parti unique qui ne dira pas son nom. Car le parti du pouvoir militaire, le PUP (parti de l'unité et du progrès) restera le seul de ce système dit ouvert. A l'image du système mis en place sous la première république, le système politique de la seconde république fut aussi répressif, fermé (car ce n'était qu'une démocratie de façade), centralisateur. Mais plus important, la seconde république, contrairement à la première, est marquée par l'absence d'un cadre d'idées qui est pourtant nécessaire à toute conduite d'un peuple autodéterminant et qui dont la construction fut amorcée sous la première république. La corruption généralisée et le tohu bohu162(*) économique qui marqua ce régime le différencient du premier où le chef d'Etat (Sékou Touré) mourrait en tant qu'un des rares chefs d'Etat africains qui n'auront laissé aucune fortune dans des banques à l'extérieur. Ce fut le même pour les fonctionnaires de ce régime. Mais après tout ce parcours, la vraie question qui se pose est celle de savoir : quelles leçons peuvent-elles être tirées de cette expérience guinéenne dans le cadre d'une évaluation et analyse critique ? Une tentative de réponse à cette question devra nous conduire au chapitre suivant. * 138 Et par ce fait, les militaires bafouaient la promesse faite au peuple d'assurer juste la transition, donner le pouvoir au civil et retourner dans les cavernes. * 139 http://fr.allafrica.com/stories/200311190200.html * 140 Les grèves générales de 2007. * 141 Bernard Lootvoet, l'Afrique politique, 1996, Paris, éd. Karthala, p. 94 * 142 Ibid. p98 * 143 L'article 81 de la constitution de 1990, et la loi L/91/011 du 23 décembre 1991 qui déclare en son article 9 que les magistrats du siège sont inamovibles, même par voie d'avancement. * 144 La Fédération Internationale des ligues des Droits de l'Homme. N°386, Avril 2004 * 145 http://www.guinea-dyama.com/analyse_blocage.html * 146 Le FIDH (cité plus haut) * 147 Aussi il faut révéler qu'à la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG), des menaces ont été proférées contre des syndicalistes de l'USTG, suite à la grève menée début mars 2003 par 600 des 1400 ouvriers de la CBG. * 148 5% en moyenne entre 1986 et 1988 * 149 A ce sujet, un audit de la Banque mondiale révélait en 1991 l'existence de plus de 5000 fonctionnaires fictifs. * 150 Car en 2001, le président Lansana Conté faisait réviser la constitution pour s'offrir la faculté de briguer de façon illimitée d'autres mandats. * 151 Selon le rapport de la Banque Africaine de développement en 2004, la moyenne de cette émission était de 37% * 152 Dans le cadre du fond koweitien, un fond que ce pays aurait offert à la Guinée à cause des attaques rebelles qu'elle aurait subi en Septembre 2001 * 153 Rapport du fonds Africain de développement, République de Guinée, Juin2005 * 154 Ibid. * 155 Une dette estimée en 2003 entre 2,2milliards de dollars US ou 3milliards si l'on ajoute la part de la Russie. * 156 De la langue soussou du président Conté et qui signifie : «on s'en fou » * 157 Sous-groupe malinké basé en guinée forestière. * 158 Ainsi dans le secteur éducatif guinéen il n'est pas difficile de se faire une note ou un diplôme à travers le paiement de sommes modiques. * 159 Ministre de l'Education du premier gouvernement d'Alpha Condé. * 160 Ce sont les guerres civiles du Libéria et de la Sierra Leone (déjà) et les récents conflits en Côte d'Ivoire. * 161 * 162 Du désordre total. |
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