PARAGRAPHE 2 : LA PERIODE TRANSITOIRE A LA
DEMOCRATISATION : quel départ ?
La démocratisation en elle-même comprend une
phase de transition qui précède la consolidation. Mais dans ce
cas guinéen, avant cette démocratisation proprement dite, le
pays a connu une période exceptionnel allant de l'effondrement total du
régime mis en place sous la première république à
la mise en place des premières institutions démocratiques (en1984
et 1990). C'est durant ces six ans que le comité militaire va prendre
d'importantes mesures qui conditionneront à nos yeux la réussite
de la future transition démocratique. Après avoir
dégagé les décisions à caractère
général (I) nous chercherons à toucher celles qui ont
visées l'armée dont la nouvelle emprise risque de compromettre la
suite des réformes (II).
I. LES DECISIONS A CARACTERE GENERAL
D'entrée, le Général Lansana Conté
va annoncer que : «l'ancien régime est
mort !» Ce fut vraiment la mort de ce régime
car le premier discours qui annonçait la prise du pouvoir par
l'armée va partir de la suppression du grand parti unique, la
dissolution de toutes les institutions politiques (assemblée nationale,
la jeunesse révolutionnaire, les différents comités et le
bureau politique national) et suspension de la Constitution. Seront
maintenues, la confédération nationale des travailleurs de
Guinée avec un rôle très encadré et la structure de
l'administration.
La table rase faite du régime s'en suivra d'autres
décisions importantes telles que: la libération de trois
cents détenus politiques et relaxe des détenus de droit commun,
l'emprisonnement d'une soixantaine d'ex-dirigeants. La création d'une
commission ad hoc pour étudier les dossiers des innombrables victimes
et martyrs. La libre circulation des personnes et des biens est
rétablie.
Sur le plan socioculturel, c'est la suppression
systématique de tout enseignement idéologique et le renforcement
de l'enseignement du français, l'autorisation des écoles
privées, la suppression de l'impôt en nature, le libre exercice de
la médecine privée...
Ces mesures urgentes concerneront aussi le domaine
économique où la nécessité de défaire le
système antérieur jugé improductif se posait. C'est ainsi
qu'un programme intérimaire de redressement national est engagé
pour 1985-1987 avec le concours de la Banque mondiale et le FMI. Aussi une
privatisation géante est lancée pour transférer au secteur
privé l'ensemble des entreprises détenues jusque là par
l'Etat (sauf quelques unes). On assiste à la dévaluation et
à la récréation du secteur bancaire avec le maintient de
la Banque centrale au détriment six autres banques insolvables, la
libéralisation des échanges et la liberté de prix
s'installent rapidement. De même le syli dévalué à
92 % est remplacé par le Franc guinéen.
De côté, la fonction publique ferra objet d'une
refonte profonde. Cette moralisation de l'administration est
réalisée par la mise en place d'un programme de départs
volontaires, des tests d'évaluation-sélection qui viseront les
fonctionnaires etc....
L'ensemble de ces mesures consacrait la disparition du
régime précédent. Il s'agit toutefois des premières
actions vers la libéralisation politique et économique dont nous
avancerons la suite des mises en oeuvre dans le chapitre qui leur est
consacré.
Par ailleurs à l'image des secteurs que nous venons
cités, ces premières mesures toucheront aussi bien le domaine de
l'armée. Cette dernière en prenant le devait se tailler la part
du lion.
II. LA PHASE TRANSITOIRE ET LE RENFORCEMENT DES
BASES MILITAIRE DU POUVOIR
La prise du pouvoir par l'armée dans un contexte de
totale illégitimité demandait qu'elle se donne les moyens de son
existence c'est-à-dire chercher une certaine légitimité.
Pour ce faire, elle allait commencer d'abord par l'armée où elle
devait taire toute éventuelle opposition. Cette politique de
neutralisation consistait en une promotion automatique aux grades
supérieurs. Ainsi tous les sous-officiers (du caporal à
l'adjudant-chef) et les sous-lieutenants allaient voir leur grade croitre. Dans
le même cadre d'autres grades qui avaient été
supprimés sous la première république sont rétablis
en 1984. D'autres promotions aux grades supérieurs interviendront en
Juin 1989 visant : 214 officiers et 233 sous-officiers. Ces derniers
passeront au grade de sous-lieutenant. Mais il faut dire que la première
de toutes ces mesures sera celle qui consacra une séparation entre la
fonction publique et l'armée car sous la première
république l'armée avait été intégrée
à la fonction publique en vu qu'elle soit contrôler de peur
qu'elle ne fasse un putsch. Cette fois ci elle prendra même la tête
de l'administration en remplaçant tous les gouverneurs en place depuis
l'ancien régime par des militaires.
Ces privilèges que bénéficient les
militaires vont s'étendre à leurs conditions sociales. En ce lieu
on peut noter les revalorisations successives de leur de solde : en 1984,
1986, faisant ainsi le double des salaires toujours retardés des civils.
Aussi, leur casernes sont en voie de modernisation (le camp Samory
rénové par les philippins à hauteur de 30 millions de
dollars) et des équipements nouveaux sont attachés surtout en
termes d'armements.
Les putschs ne se limiteront pas là car à la
suite de la tentative de coup d'Etat avorté, le colonel Diarra et de
nombreux officiers de l'ethnie malinké sont arrêtés et ils
mourront dans les prisons avec certains dignitaires et proches de l'anciens
président Sékou Touré comme : Siaka Touré,
Ismaël Touré et tant d'autres, sans jugement ni procès.
Cette incidence conduira d'ailleurs à un pillage chez l'ethnie de ces
derniers.
Par là, le nouveau gouvernement se donnait la main
libre pour gouverner avec moins d'obstacles. Et le comité militaire de
redressement national restera dans ce contexte l'exécutif et le
législatif : il s'agit en réalité d'un régime
d'exception.
Toutefois, si détruire quelque chose est souvent
facile, en reconstruire ne l'est pas toujours. C'est pourquoi plusieurs
facteurs liés à cette transition laissaient vraiment planer
l'incertitude sur ce que serait la future transition démocratique. Ces
facteurs tels qu'on peut les déduire sont la question ethnique, la
suprématie de plus en plus affirmée des militaires sur tous les
autres citoyens, la monopolisation du pouvoir. Et les répressions de
certains mouvements sont déjà présentes en 1988.
Par ailleurs, Il faut souligner que l'une
caractéristique de cette période de transition est l'absence
d'instituions véritable et de constitution. Aussi, elle mettait à
l'oubliette toute question liée aux dérives de l'ancien
régime sans pourtant organiser une véritable
réconciliation. C'est dans ce contexte que la démocratisation
allait être lancée par le CMRN.
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