Les transitions démocratiques en Afrique noire francophone. Réflexion sur le cas de la Guinée (Conakry )( Télécharger le fichier original )par Oumar KOUROUMA Université Hassan II, faculté de droit de Mohammedia (Maroc ) - Licence fondamentale de droit public 2010 |
PARAGRAPHE2 : LA PROCLAMATION DE LA COLONIE : organisation et fonctionnementComme résultat de ces conquêtes menées depuis plusieurs années, la France obtint une région plus ou moins pacifiée sur laquelle elle devait établir ces droits de propriété. Cette région par la suite devrait obtenir le statut de colonie indépendante de Guinée (I) avec son organisation et son fonctionnement (II). I. LA PROCLAMATION DE LA COLONIE INDEPENDANTE DE GUINEE : la Guinée française C'est par un décret du 17 Décembre 1891 que la colonie des Rivières du Sud devint la colonie indépendante de Guinée (à ne pas confondre avec la Guinée indépendante de 1958) sous l'initiative de son premier Gouverneur Dr Noël Ballay. Cependant avant cette date, la colonie de Guinée appelée encore Rivières du Sud était sous le contrôle d'un commandement particulier institué à Gorée au Sénégal par le décret du 20 février 1859. Ce commandement devait veiller sur les établissements commerciaux français et le respect des traités conclus avec les autochtones. En 1882, un décret du 12 Octobre attribut la qualité de colonie française aux rivières du Sud, tout en les gardant sous la dépendance du Sénégal. Le Dr Bayol sera le lieutenant- gouverneur, assurant sa direction avec de large pouvoir dépassant le cadre des rivières du sud pour toucher tout le littoral jusqu'au Gabon. Le 1er Août 1889, la colonie des Rivières du sud, constituées des établissements français de la Côte d'or et du golfe de Benin obtint son autonomie face à l'administration centrale du Sénégal. C'est après ce périple que le résultat plus haut sera atteint. Mais les frontières ne seront définies qu'en 1899 et reconnues par plusieurs textes internationaux tels que : Ø l'arrangement du 21 décembre 1885 avec l'Allemagne qui renonce à ses prétentions sur les territoires situés entre le Rio Nunez et la Mellacorée ; Ø la Convention du 12 mai 1886 avec le Portugal fixant les limites de la Guinée Portugaise et de la Guinée Française et reconnaissant notre protectorat sur le Fouta ; Ø la Convention franco-britannique du 10 août 1889, complétée par celles du 26 juin 1891 et du 24 janvier 1895, fixant la délimitation avec la Sierra-Leone ; Ø la Convention du 8 avril 1904 avec l'Angleterre cédant les îles de Los à la France ; Ø le traité franco-libérien du 13 janvier 1911 délimitant la frontière.73(*) Ainsi constituée, cette colonie devrait rentrer dans la Fédération Occidentale française et devenir un « territoire français d'outre-mer » par la constitution du 7 Octobre 1946. Mais comment cette colonie était-elle organisée et comment fonctionnait-elle ? II. ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COLONIE FRANCAISE DE GUINNEE La Guinée française était l'une des six colonies françaises d'AOF (Afrique occidentale française) dont la capitale fut Dakar où résidait le ministère des colonies créé en 1894. Dans tout cet espace colonial français, le système d'organisation et de fonctionnement était presque le même partout : une forte centralisation du pouvoir de décision marquait la hiérarchisation administrative, la quasi- exclusion des indigènes ou autochtones est présente. L'exploitation massive, la persistance de la traite et les inégalités entre citoyens français et africains faisaient le fonctionnement de cette administration. En somme il s'agissait d'une administration directe avec une politique d'assimilation. Ainsi après avoir fait la lumière sur l'organisation administrative de la colonie (A) nous tenterons d évoquer son fonctionnement (B). A. L'ORGANISATION ADMINISTRATIVE DE LA COLONIE DE GUINEE La colonie française de Guinée eut pour capitale Conakry. Son organisation est pyramidale et fortement hiérarchisée. A la tête de cette hiérarchie se trouvait un gouverneur de colonie établit dans la capitale. Placé sous l'autorité du gouverneur général des colonies (AOF à Dakar), il était le représentant et le dépositaire des pouvoir de la république. C'est le chef de toute l'administration de la colonie (justice, finance, enseignement, santé et police de maintient de l'ordre...). De ce fait il est compétent de prendre des décrets, de nouer des relations diplomatiques avec les pays voisins, d'interner les rebelles et expulser les étrangers etc.... Il faut dire que le gouverneur se fait assister d'un conseil composé de notables européens et Africains chargés de rôle essentiellement consultatif. La Guinée connaitra vingt deux gouverneurs jusqu'en 1956. Après le gouverneur de la colonie venaient les fonctionnaires et agents de l'administration de subdivision. Ces derniers sont appelés administrateurs de la colonie et on les classifie en deux groupes selon le découpage administratif. Les premiers sont les chefs de cercles ou les circonscriptions et les seconds s'occupent des subdivisions en tant que chefs de subdivision. Les chefs de cercles représentent le gouverneur et sont à leur tour représentés dans les divisions par les chefs de division. Ces fonctionnaires ont tous les pouvoirs dans leurs localités. Ces larges compétences touchent essentiellement : le maintient de l'ordre en tant chef de milice, la justice, le recensement et la perception de l'impôt, les travaux de constructions de routes, de bâtiments et chemins de fer. Il est le premier des européens et le représentant des indigènes. En somme il faut dire que rien ne se fait sans lui son autorisation ou son aide. Dans ces niveaux s'incèrent les hauts fonctionnaires français dont le nombre en Guinée ne dépassait pas les cinq cent. Ils occupent les bureaux des secrétariats ou les inspections etc... Subordonnés aux administrateurs, les chefs de cantons se trouvent dans l'un des plus petits découpages territoriaux à savoir le canton qui regroupera plusieurs villages. Ces chefs de cantons sont choisis par les administrateurs parmi les notables africains selon leur utilité et leur influence et ont essentiellement une fonction d'exécution. Leur nombre diminuera dans le cercle de Kissidougou de façon. Ainsi nous aurons 60 en 1918, 44 en 1938, 36 en 1957. Ainsi constituée, on se demande comment cette structure fonctionna t-elle en Guinée ? B. LE FONCTIONNEMENT DE L'ADMINISTRATION COLONIALE Parler du fonctionnement de l'administration vise à mettre l'accent sur deux cadres relationnels à savoir : la relation des autorités administratives entre elles mais aussi et surtout leurs relations avec les administrés. Tous concourent à mieux réaliser la colonisation ! Dans le premier cas la relation était purement celle d'une administration extrêmement centralisée guidée par le jacobinisme français. Chaque autorité administrative étaient soient un roi en son royaume même s'il devait rendre compte de ces actes. Les directives du chef hiérarchiques devaient être exécutées sans conditions, surtout pour les cadres subalternes africains dont la permanence de fonction était étroitement liée à leur obéissance. Du côté des relations de l'administration avec les administrés, une mise au point est importante à faire : c'est le fait qu'il y ait deux catégories juridiques d'administrés, les premiers étant des citoyens français soumis au code civils et aux juridictions françaises et les seconds sont des sujets ou les indigènes non citoyens qui sont soumis au droit coutumier pour ce qui concerne leur statut personnel. Cette différence de régimes juridiques n'est pas sans conséquence sur le traitement qui leur est réservé par l'administration. Ainsi tant disque les citoyens français jouissaient de tous les respects et privilèges, les sujets africains étaient par contre soumis à une exploitation cruelles manifestée par diverses prestations : les impôts en nature (dix jours par ans), les travaux de constructions de route et de chemin de fer. Si certains étaient au moins mal rémunérés, les abus qui en étaient liés étaient sévères : c'est le cas des travaux forcés, des corvées. Beaucoup seront ainsi enrôlés dans les milices et armées coloniales, transformés en transporteurs, serviteurs et main d'oeuvres dans une Guinée où l'agriculture coloniale (banane, caoutchouc, café et cacao) a prospéré. Ce statut d'indigénat qui était règlementé par le code de l'indigénat ne favorisait que les quelques cadres subalternes. Ce système autoritaire dispose en plus d'une machine de mise en oeuvre forcée des décisions qui est la force armée et les milices qui sèment la terreur sur les colonisés. C'est d'ailleurs ce qui va favoriser la politique d'assimilation au-delà des écoles. Si cette colonisation n'eut pas seulement que des conséquences négatives (telles que la découverte d'autre culture et savoir faire par exemple par les africains), ce sont pourtant ces conséquences (négatives) qui seront les plus dominantes. Car ce système sans se limiter au pillage des ressources, à l'humiliation et à l'exploitation des populations, va transmettre et renforcer de valeurs incompatibles à une gestion responsable : ce furent la corruption, le clientélisme, le goût du luxe qui consiste à se faire passer pour le maitre, l'autoritarisme et la répression administrative ainsi que le caractère sévère des lois pénales. Le poids de cette situation va conduire les populations à se révolter et à demander le transfert du pouvoir colonial c'est-à-dire le départ du colonisateur en tant que force de domination politique et économique. Révolte qui favorisera l'émergence du nouvel Etat. * 73 Maurice Houis, Ancien Directeur de l'Institut Français d'Afrique Noire (IFAN) en Guinée, La Guinée Française, éd. Maritimes et Coloniales. 1953. p.95 (depuis le site-bibliothèque guinéenne www.webguinee.net). |
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