CHAPITRE 3 : L'HISTOIRE POLITIQUE DE LA GUINEE
(Conakry) : héritage colonial et émergence de l'Etat
guinéen
Le titre de ce chapitre peut être
provocateur. Car il n'est pas vraiment exclu de se demander pourquoi parler de
l'histoire politique de la Guinée au beau milieu de ce travail et non
pas dans l'introduction. S'il est vrai que nous ne réfutons pas en bloc
de telle pensée, nous pensons cependant que les idées n'ont de
sens que dans le contexte dans lequel elles sont exprimées. Et pour ce
chapitre il s'agit de rendre notre travail plus cohérent dans
l'enchainement de son contenu : car, comme souligné plus haut, le
présent a toujours ses germes dans le passé.
Cela dit il convient de rappeler que la
Guinée a été depuis l'époque précoloniale le
foyer de grands peuplements et de grands empires et royaumes. Ce fut d'abord
les Baga et les Nalous qui s'installèrent au VIIème
siècle ; puis au XIème siècle ce fut le tour des
Jalonkés. C'est à la suite que vinrent les peulhs et les
mandingues entre XVIème et le XVIIIème siècle apportant
avec eux l'Islam. Cependant durant tout ce temps les peuples forestiers seront
toujours présents dans la région forestière de la
Guinée. Chacun de ses groupes formera soit un empire ou un royaume.
Ainsi les Baga et Nalous fonderont les royaumes de la basse côte, au
Fouta Djallon où vécut le royaume théocratique peulh, en
haute guinée exista l'empire Wassoulou de l'Almamy Samory Touré
et enfin dans les régions forestières vécurent des chefs
comme Kissi Kaba Keita et N'Zébéla Togba. Mais avant ces
entités moins vastes, la Guinée connut le très ancien
empire du Ghana (du VIIIème jusqu'au Xème siècle
après J.C), ensuite vint l'empire du Mali de Soundjata Keita qui durera
du XIIIème siècle jusqu'au XVème siècle.
Durant donc des siècles les royaumes et les
empires se succédaient, développant au fil du temps de
fructueuses relations commerciales, intellectuelles et religieuses avec
l'Afrique du Nord et les commerçants musulmans de l'Est. Mais
Bientôt ces structures vont être bouleversées avec
l'arrivée des européens d'abord pacifiquement puis par la
violence. Et, après de longues luttes avec les résistants
africains, ils finirent par triompher vers la fin XIXème siècle
et imposèrent donc le système colonial duquel est née
l'Etat guinéen.
Dans cette présente réflexion, nous
n'allons pas rentrer dans la période précoloniale, mais nous
partirons de la pénétration coloniale en Guinée et la
constitution de la colonie française de Guinée (Section1) pour
aboutir l'Emerge de l'Etat à travers le transfert du pouvoir colonial
(Section2).
SECTION 1 : DE LA PENETRATION COLONIALE A LA
CREATION DE LA GUINEE FRANÇAISE
C'est au nom d'une mission d'évangélisation que
fut ordonnée par le pape Alexandre VI Borgia (1431-1503) que la
conquête de l'Afrique par, principalement le Portugal (puissance mondiale
de l'époque avec l'Espagne). A cet argument s'ajouteront plutard ceux de
la recherche scientifique et du commerce avant de se solder par la
conquête politique qui mobilisera toutes les puissances coloniales
européennes : française, anglaise, hollandaise, allemande et
italienne en plus des deux premières déjà citées.
La Guinée située sur les terres côtières sera
très tôt envahie par les impérialistes (paragraphe1) avant
de rester pendant plus d'un demi-siècle une colonie française
(paragraphe2).
PARAGRAPHE1 : LES IMPERIALISTES A LA CONQUETE DE LA
GUINEE
La conquête de la Guinée ne s'est pas
faite d'un seul coup c'est-à-dire par la seule voie violente car, avant
cette dernière, le pays connut d'abord la présence de nombreux
explorateurs ayant des buts différents : le commerce,
l'évangélisation, la recherche scientifique. C'est donc ces
voyageurs qui préparèrent le terrain aux conquérants
grâces aux importantes informations qu'ils fournirent.
Dans cet ordre il faut cités d'abord le
portugais Nuno Tristao qui atteint la rivière Rio de Nunez à
laquelle il donna son nom. Il fut cité dans une chronique de 1453. La
découverte de cette rivière fut d'une importance capitale car
elle ouvrait la voie aux riches terres côtières guinéennes
et à la route de la région du Fouta Djallon. Ensuite vinrent les
anglais le Major Peddie et le Capitaine Campbell à la tête d'une
expédition en 1816 pour découvrir la route du Fouta sous la
délégation de leur pays. C'est à la suite que le
Français Mollien partit du Kayor au Sénégal, traversa le
Boundou pour atteindre le Fouta Djallon en visitant Timbo. Il sera suivi
à partir de 1827 par René Caillé qui alla de
Kakandé, passa par Boké puis Labé en 1828 pour continuer
vers Tombouctou, ville qu'il cherchait coûte que coûte à
voir. Mais c'est Olivier de Sanderval qui vint réellement en
Guinée en vue d'obtenir des avantages pour la France. C'est ainsi qu'il
réussit la signature d'un traité en 1881 avec l'Almamy du Fouta
Karamoko Alpha pour la construction d'un chemin de fer par la France. En somme,
tous ces voyages vont plutard ouvrir la porte à la véritable
occupation par la force qui sera réellement engagée par la France
après élimination de ces concurrents déjà en place
depuis plusieurs années.
En effet, en tant que principale puissance mondiale
de l'époque, le Portugal fut le premier à atterrir sur les
côtes guinéennes. Il y installa très tôt des
comptoirs pour le commerce portant essentiellement sur l'épice, l'huile
de palme, l'Ivoire, l'or, les esclaves avec les populations autochtones Baga et
landouma. Cette présence portugaise restera marquante grâce aux
noms qu'ils donnèrent aux principaux cours de la côte tels que le
Rio Nuñez, le Rio pongo, la Cap Verga...). Aussi des noms de famille
portugais furent portés par certaines familles. C'est le cas des Gomez,
des Fernandez de Guinée.
L'expansion coloniale portugaise sera rapidement
freinée dans les territoires de l'actuel Guinée Bissau avec
l'arrivée de nouvelles puissances coloniales : d'abord les
britanniques puis les français. Les premiers ne s'attarderont pas sur
les côtes guinéennes mais continueront vers le sud où ils
se concentreront et donneront naissance à l'actuel Sierra Léone.
Quant aux français futurs maitres de la Guinée, supplanteront
toutes les autres puissances coloniales en moins de quarante ans.
A cet égard avant de se donner la
propriété des territoires guinéens, la France dut
affronter d'énormes résistances.
Commençant par la basse côte, les
français y ont affronté les hostilités du chef nalou
musulman Dina Salifou. Mais ce ne fut très important car
déjà, avant leur arrivée, des rivalités intestines
étaient très présentes. C'est ce qui facilita
l'arrestation de Dina Salifou qui fut déporté au
Sénégal en 1900, où il mourût.
Au Fouta par contre, les français
découvrirent une société très organisée et
stratifiée. Ils y pénètrent grâce au premier voyage
de l'explorateur français Olivier de Sanderval en 1880 qui
prépara la future conquête en nouant de bonnes relations avec les
chefs et les populations. C'est à la suite que la France envahit le
Fouta Djallon, après avoir définitivement écarté
les anglais. Elle combattit l'Almamy Bocar Biro avec le soutient de
l'armée de Sanderval une partie des notables et le vainquit en 1896. Le
Fouta tombait ainsi sous la domination française. Partant, la France ne
va pas s'arrêter là, elle continuera vers le Nord pour s'attaquer
au royaume toucouleur d'El hadj Omar Tall et à l'empire Wassoulou de
l'Almamy (chef musulman) Samory Touré.
Avec ce dernier, la résistance dura
plusieurs années. Après avoir mis en déroute plusieurs
fois les troupes françaises notamment en 1882 et en 1885, l'Almamy
Samory Touré sera affaiblit successivement avec les attaques
répétées des français de 1891 jusqu'en 1898
où il fut arrêté à Guéléma en
Côte d'Ivoire, il fut fait prisonnier et déporté au Gabon
où il mourût le 2 Juin 1900. Dans la région
forestière la résistance ne prendra pas assez de temps. Elle fut
réellement le fait de Kissi Kaba Keita et de N'Zébéla
Togba Pivi.
Après avoir ainsi supprimé la
quasi-totalité des opposants à sa puissance la France
décrétera la Guinée comme colonie française en
établissant ses frontières avec les autres colonies.
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