Annexe 25 : Situation actuelle du FLE à Cuba
En 2003, pour pallier le déficit d'enseignants de FLE
qui existait dans le pays et frappait L'Alliance française, celle-ci -en
partenariat avec le Ministère de l'Éducation Nationale- a mis en
place sa propre formation de professeurs FLE (Pédagogie et Didactique),
qui a connu un grand succès pendant ses quatre éditions et qui a
été reproduite une fois à l'Alliance française de
Santiago. La formation de professeurs de français à Cuba continue
à ne pas être complètement assurée par les Instituts
Supérieurs Pédagogiques parce que leurs formations en professeurs
de langue continuent à prioriser l'anglais. Presque aucun des
professeurs formés (anglais-français) n'est employé pour
donner des cours de français dans des écoles de langue ou
à l'Université puisque l'anglais reste prioritaire sur
l'île et qu'on manque aussi de professeurs d'anglais. Les heures de
formation en français servent aux diplômés à
s'insérer dans d'autres secteurs tels que le tourisme et les
entreprises, abandonnant ainsi le métier d'enseignant. Les longues
périodes pendant lesquelles la formation de professeurs de
français a été insuffisante ou inefficace ont
créé aujourd'hui un déficit dans certaines tranches
d'âge chez les professeurs de français, qui sont soit assez
âgés soit très jeunes.
Le travail de l'AF tout au long des années, a pris
place au milieu des difficultés politiques et d'éventuelles
tensions diplomatiques. Jusqu'à cette année (2012) l'AF a
été la seule institution sur l'île ayant une direction 100%
étrangère. Dans ce cadre, l'AF a toujours essayé de
convaincre le gouvernement cubain d'autoriser des expériences et des
projets pilotes, de créer d'autres filières de français,
de recréer des filières d'apprentissage du français dans
les universités et dans les ISP, ainsi que de revoir son statut
légal (ayant ses particularités et des restrictions1),
afin de dynamiser l'enseignement du français à Cuba par la
formation de formateurs, qui offre le meilleur coefficient multiplicateur pour
une formation de masse. Le gouvernement cubain a été en
général, malgré de contretemps politiques ponctuels,
à l'écoute de ces objectifs (projet de création d'une
filière de français à l'Université de Santiago,
d'une licence de français en 2010 à l'ISP Varona) ce qui a
amené l'AF à perfectionner son offre sur les plans linguistique,
pédagogique et culturel2. En effet, au siège principal
de l'Alliance française à Cuba (La Havane), une centaine de
professeurs donnent des cours chaque année à 6000
étudiants.
Tableau illustratif 1 : Chiffres concernant
l'enseignement du français : année scolaire 2010-2011.
Établissements d'enseignement de français
|
Nombre de professeurs
|
Nombre d'élèves
|
Universités
|
52
|
1033
|
Universités Pédagogiques
|
28
|
1363
|
Alliance Française
|
1051
|
7200
|
Écoles de Langues
|
41
|
1688
|
Projet pour enfants et adolescents « Chantons et jouons en
français »
|
30
|
2200
|
TOTAL
|
|
13484
|
L'Alliance française est actuellement l'acteur de
diffusion de la langue française le plus important à Cuba, et
sans doute le plus puissant, mais il n'est pas le seul. Trois facultés
de langues étrangères (La Havane, Santa Clara et Santiago) des
Universités du Ministère de l'Éducation Supérieure
(MES) assurent la formation initiale (Licence et Master) de professionnels de
la langue française (chercheurs, traducteurs,
1 L'AF est un organisme cubain - local -
intégré au réseau des écoles de langue. Elle a
été placée sous la responsabilité du
Ministère de l'Éducation (MINED), essentiellement pour la
sélection des candidats (les critères de sélection restant
mystérieux) et pour certaines subventions. L'AF a gardé cependant
une certaine indépendance: la direction de l'Alliance a
été complètement étrangère jusqu'à
2012 (délégation générale formée de quatre
expatriés : un délégué général, un
directrice des cours à La Havane qui assure aussi le rôle
d'attachée de coopération depuis le gel des subventions
européennes en 2003, une directrice pédagogique à
Santiago, et une médiathécaire à La Havane. La direction a
toujours été libre de gérer les cours (d'enseignement du
FLE) comme elle l'entendait, mais elle n'a pas eu, jusqu'à 2012, le
droit d'exercer une activité commerciale.
2 La surface de l'AF présente plus de
1500m2 de bâtiments, une cinquantaine de personnes assurent le
fonctionnement général, et 1.100.000 heures de cours sont
données chaque année.
42
professeurs). Ainsi, 6 sur les 15 Instituts Supérieurs
Pédagogiques de l'île, qui appartiennent au MES mais aussi au
Ministère de l'Éducation Nationale (MINED), sont chargés
de la formation de professeurs de français (ayant l'anglais comme
première spécialité)3. La Faculté de
langues de La Havane continue à être le centre recteur de la
formation de spécialistes en langues étrangères. D'autre
part, 42 écoles de langues sur les 52 qui existent dans le réseau
national du MINED enseignent le français tout au long de l'île.
Les écoles FORMATUR -18 réparties sur l'ensemble du territoire
national- continuent à enseigner le français aux professionnels
du domaine du Tourisme. De plus, GELFRA continue à gagner des membres
actifs, organise un colloque national annuel, des réunions bimestrielles
et éventuellement des colloques internationaux (2011). D'ailleurs, en
2005 a été créée à La Havane, comme partie
du système culturel de l'Office de l'historien de la ville, la Maison
Victor Hugo ayant pour but la promotion et le développement de la
culture et la langue françaises à Cuba. Cette nouvelle maison du
français à Cuba offre entre autre, des salles pour
l'apprentissage du FLE. D'autre part, le français continue à
être présent dans les émissions de cours à distance
télévisés, diffusées par la
télévision nationale (ils sont déjà arrivés
au 5e niveau).
Par ailleurs, l'enseignement du français aux enfants,
se consolide à Cuba. Le projet Chantons et Jouons en
Français, a compté en 2012 plus de 2200 enfants inscrits les
âges allaient de 6 à 17 ans inscrits. Ce projet a
été officiellement accepté par le Ministère de
l'Éducation Nationale (MINED) et incorporé au programme «
officiel » de l'AF de La Havane. De même qu'avec les adultes, des
milliers d'enfants n'arrivent pas à y accéder car l'Alliance, qui
met à la disposition de ce développement la totalité de
ses capacités, ne peut pas accueillir toutes les demandes
d'inscriptions. L'enseignement précoce du FLE a aussi été
mis en place, en coordination avec ce projet et le MINED, à distance,
à travers de cours télévisés. D'autres tentatives
d'approcher les enfants cubains du français se font toujours jour
à la Maison Victor Hugo et ses différents projets culturels
communautaires.
Dernièrement, huit cubains ont été
sélectionnés par l'Organisation Mondiale de la Francophonie,
après une candidature ouverte à toutes les personnes de la
planète, pour participer au Premier forum mondial de la langue
française. Aussi la francophonie du monde veut-elle écouter la
voix des francophones et des francophiles cubains. Ainsi, chaque année,
des cubains professionnels ou amateurs du français sont choisis par
différents organismes étrangers pour représenter Cuba et
partager leurs expériences dans divers événements
internationaux, d'ordre académique, pédagogique, culturel,
politique (à savoir le 1er Forum Mondial de la langue française
organisé par l'OMF, à Québec).
Le gouvernement aimerait redonner au français la place
importante qu'il avait dans le système éducatif à Cuba
avant la Révolution, mais le manque de moyens financiers a
empêché la réalisation de ce voeu (Fidel Castro, 1993) de
faire devenir le français la deuxième langue
étrangère obligatoire dans le système éducatif
cubain. Depuis quelques années déjà, le pays a connu un
essor important du tourisme et des échanges économiques
croissants avec les pays francophones. D'ailleurs, l'apprentissage du
français est aussi vu par les entreprises, les techniciens et les
professionnels cubains comme une possibilité d'insertion dans le
marché économique et professionnel canadien, ainsi que dans
d'importants programmes migratoires, Le Canada constitue notre voisin
francophone naturel (car le plus proche), ainsi que le plus puissant
économiquement dans la région. À la différence de
la France, ce pays a toujours maintenu avec Cuba des relations diplomatiques
(et de tout genre) très stables. Il faut aussi remarquer que le Canada,
est l'un des trois principaux pays émetteurs de touristes vers
Cuba4. D'autre part, le français a également
été appris au cours des dernières années par de
nombreux médecins cubains, impliqués dans des projets de
coopération avec Haïti. De plus, Cuba est un membre actif de
l'Association d'États de la Caraïbe (AEC), qui préconise le
développement des trois langues principales de la région
(espagnol, anglais, français). Cette (nouvelle) réalité
nécessiterait d'être traduite par un enseignement du
français dans l'île moins centré sur la France (son
principal promoteur et partenaire), sa culture et ses accents, ce qui
requerrait l'implication et l'engagement d'autres pays francophones et de
l'OMF.
3 Approximativement 387
étudiants de didactique et pédagogie du FLE, 15
professeurs.
4 La collaboration (par le
biais de la FIPF) entre des professeurs québécois et des
professeurs cubains de FORMATUR (Felino Martinez, Gualfrido Hernandez, Catalina
Molina) a permis de créer en 2003 « Écho du Québec
» et « Avenue de Belgique », deux outils reflétant les
aspects socioculturels et linguistiques des Québécois/ Belges en
vacances.
43
Annexe 26 : Etat de lieux des TICE et de FOAD à
l'AFH : du présentiel enrichi au quasi existant
Besoin de mettre à distance l'enseignement :
implémentation de dispositifs hybrides
§ Le Laboratoire multimédia
Le laboratoire multimédia du siège havanais de
l'Alliance a ouvert en septembre 2006 et est équipé depuis de 16
postes reliés en réseau local, ayant tous une carte son, des
écouteurs et un micro. Son installation a été à la
charge de Leonardo Vinajeras, professeur de l'AFH qui avait suivi un stage sur
le multimédia et la gestion d'un laboratoire de langue au CAVILAM de
Vichy, en 2006. En 2007, une nouvelle tutrice (Raquel Pollo), après une
formation au CLA de Besançon, axés fondamentalement sur la FOAD,
le tutorat et l'élaboration de tâches collaboratives sur Internet,
a donné une approche beaucoup plus actionnelle au parcours
pédagogique qui se concevrait au laboratoire. Les parcours,
appuyés sur des sites Web libres téléchargés,
d'autres aspirés et des logiciels installés localement, ont
été conçus pour complémenter le travail dans la
salle de classe avec la méthode Tout va bien ! La connexion
à Internet à partir de ces postes, disponible seulement une
année plus tard, est encore aujourd'hui limitée aux professeurs
et accessible hors de moments de cours. La bande passante est encore
très faible de nos jours à Cuba, et le débit de connexion
téléphonique de 56 Ko/s en est le symptôme le plus
tangible. Bien évidemment, tout ceci a conditionné les choix
faits par les deux tuteurs du laboratoire au moment de la conception de
parcours d'apprentissage (fiches pédagogiques et feuilles de route).
Le nombre de fiches pédagogiques créées
(presque 50 du A1 au C1) pour les niveaux préparant le DELF A1, A2 et
B1, permettraient théoriquement de mettre en place du présentiel
allégé. En effet, des séries de cours en présentiel
pourraient être totalement remplacées par des séances de
travail en autoformation dans cet espace multimédia1. Or,
c'est loin d'être le cas : les professeurs y emmènent leurs
groupes surtout pour systématiser un contenu de langue
déjà abordé en classe et parce que l'institution a
établi un seuil minimum de passage au laboratoire d'une fois toutes les
deux unités de la méthode (à peu près, trois fois
dans l'année). Les tuteurs ont également remarqué qu'un
grand nombre d'enseignants ne se servent pas des feuilles de route (parcours
pédagogiques balisés) disponibles, mais se limitent à dire
aux apprenants de naviguer arbitrairement sur tel ou tel site ou logiciel. La
plupart de professeurs ne consultent pas les catalogues, guide précieux
pour l'utilisation des fiches pédagogiques et des feuilles de routes,
référant efficace pour connaître la correspondance exacte
entre les feuilles de routes et les contenus/ leçons de la
méthode Tout Va Bien ! Ces dysfonctionnements pourraient
répondre à un ensemble de facteurs : la conception erronée
des TICE selon laquelle il n'y aurait pas besoin de médiation humaine,
la fausse croyance que le travail au laboratoire ne peut pas remplacer
ponctuellement des cours conventionnels, la peur des professeurs de se
retrouver face à des étudiants plus forts qu'eux en informatique,
la méconnaissance du travail de balisage fait par les tuteurs : la
correspondance des feuilles de route avec la progression pédagogique de
la méthode Tout Va Bien, la dégradation des conditions
techniques du laboratoire depuis son ouverture, le manque d'un travail de
promotion et visualisation du laboratoire de ses ressources et de la labeur des
tuteurs, la contrainte de fréquence introduite par la direction mais non
justifiée pédagogiquement, etc.
Cette dernière hypothèse constitue le
symptôme d'un phénomène qui n'est pas privatif au
laboratoire, mais qui reflète une position couramment adoptée par
la direction face aux TICE. En effet, on a souvent l'impression que l'effort de
renouvellement des ressources et outils réalisés par
l'institution manque de la mise en place de mécanismes d'appropriation
concrets et d'indications méthodologiques précises et encore
moins d'un suivi adéquat après l'implantation de l'outil en
question. Ceci se traduit chez les professeurs par un sentiment
d'incapacité à appréhender les nouveaux outils mis
à leur disposition.
1 L'auteure de ce mémoire de Master 1 est une
tutrice du laboratoire multimédia de l'AFH, et conceptrice de fiches
pédagogiques et feuilles de route.
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