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UNIVERSITE DE NANTES
FACULTE
DE DROIT ET SCIENCES POLITIQUES DE NANTES
ET UNIVERSITES ASSOCIEES
AGENCE UNIVERSITAIRE DE LA
FRANCOPHONIE
![]()
ANNEE UNIVERSITAIRE 2009-2010
THEME :
LA PROTECTION DE L'ENFANCE DANS LES PAYS AFRICAINS
SORTANT D'UNE CRISE ARMEE : CAS DE LA CÔTE D'IVOIRE
MEMOIRE DE RECHERCHE POUR L'OBTENTION DU
MASTER 2 SPECIALITE DROIT INTERNATIONAL ET EUROPEEN
DES DROITS FONDAMENTAUX
Présenté par :
Tuteur :
Sèdjro Léonard SOSSOUKPE
M. Jérôme Benzimra-Hazan
Ingénieur
d'études en droit public à
l'Université
Paris II,
Secrétaire
général du Centre de
recherches sur les
droits de l'homme
Dédicaces
Ce mémoire est dédié :
A tous les enfants du monde et particulièrement ceux
des pays victimes de conflits armés ;
A feu mon père Sèdjro pour ses oeuvres en faveur
du droit l'éducation et de l'instruction pour tous les enfants ;
A ma mère Mêdénoukou pour ses
sacrifices ;
A mon épouse Pascaline pour ses sacrifices, sa
compréhension et l'acceptation de cette vocation que je me suis
donnée pour la défense des droits humains et la paix dans le
monde;
A mes enfants Gracia, Olivia, Christopher et Frédy, et
à mes neveux et nièces Annick, Ostwald et Morel pour qui ce
travail est un exemple à suivre et à dépasser.
Remerciements
Je remercie tout le personnel de Faculté de droit et de
sciences politiques de l'université de Nantes, le collège
pédagogique et tout le corps professoral pour toutes les diligences
faites en vue de l'aboutissement de cette formation.
J'exprime toute ma gratitude vis-à-vis de monsieur
Jérôme Benzimra-Hazan pour le suivi et l'encadrement de ce
travail.
Mes remerciements s'adressent également
à :
Ø Monsieur Touré Mamadou respectivement
président de la section de tribunal de Bondoukou et Procureur de la
république près la section de tribunal de Bondoukou ;
Ø Monsieur Bamadou Coulibali, vice-président de
la section de tribunal et juge des enfants ;
Ø Monsieur Noël Désiré Gnéka,
Chef du service de la liberté surveillée de Bondoukou ;
Ø A Monsieur Aimé Kouadio, Chef d'antenne de
l'ONG Save the Children Suède de Bondonkou ;
Ø A Mademoiselle Massouga Timité pour son
soutien et ses encouragements.
Avertissement
Les opinions émises dans ce document sont
personnelles à l'auteur et ne doivent nullement être
considérées comme celles de l'organisation dont l'auteur est
fonctionnaire ou employé.
Définition des sigles et abréviations
CDE : Convention relative aux droits de l'Enfant
CEDEAO : Communauté Economique des Etats de
l'Afrique de l'Ouest
CPI : Cour Pénale Internationale
FANCI : Forces Armées Nationales de Côte
d'Ivoire
FAFN : Forces Armées des forces Nouvelles
FIDH : Fédération Internationale des Ligues
des Droits de l'Homme
HCR : Haut Commissariat des Nations Unies pour les
Refugiés
ONUCI : Opération des Nations Unies en Côte
d'Ivoire
ONU : Organisation des Nations Unies
PAM : Programme Alimentaire Mondiale
UNICEF : Fonds des Nations Unies pour l'Enfance
SOMMAIRE
Avertissement
6
Définition des sigles et
abréviations
7
SOMMAIRE
8
INTRODUCTION
9
PARTIE I : APERÇU DES VIOLATIONS
GRAVES DES DROITS DE L'ENFANCE ET LES FACTEURS EN CAUSE
13
CHAPITRE I. LES FORMES GRAVES ET COURANTES DE
VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANCE
14
Section I. Les violations étroitement
liées à la crise et impliquant directement les forces en
présence
14
Paragraphe 1. Le recrutement d'enfants-soldats et
ses motivations
15
Paragraphe 2. Le recrutement dans les milices
19
Section II. Les autres violations graves des droits
de l'enfance liées à la crise
26
Paragraphe 1. Les violations
énumérées par le Bureau du Représentant
spécial des Nations.
26
Paragraphe 2. Les autres préjudices graves
à causes conjoncturelles
31
CHAPITRE II : LES FACTEURS EN CAUSE
35
Section I. Les facteurs conjoncturels
35
Paragraphe 1. Les facteurs militaires et
politiques
35
Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil
étatique
42
Section II. Les facteurs structurels
43
Paragraphe 1. Les facteurs historiques et
économico-socio-culturels
44
Paragraphe 2. Le cadre normatif interne et le
faible engagement de l'Etat dans les instruments internationaux
50
DEUXIEME PARTIE: LA PROTECTION DES ENFANTS DANS LE
CONTEXTE IVOIRIEN
62
CHAPITRE I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION
63
Section I. La protection juridictionnelle et quasi
juridictionnelle
63
Paragraphe 1. La protection de l'enfance par le
juge pénal
63
Paragraphe 2. La protection par le juge
civil et la protection quasi juridictionnelle
73
Section 2. La protection extra juridictionnelle
78
Paragraphe 1. La protection par le plaidoyer
79
Paragraphe 2. La protection par la
réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en
charge
84
CHAPITRE I. LES CONSTATS ET LES ENSEIGNEMENTS SUR
LA PROTECTION
87
Section I. L'inefficacité partielle de la
protection
87
Paragraphe 1. L'inefficacité liée aux
organes étatiques et organismes internationaux
87
Paragraphe 2. Les faiblesses de la protection par
les ONG
95
Section 2 : La responsabilité des
violations et les enseignements liés à la protection
100
Paragraphe 1.La responsabilité
partagée de l'Etat et de la rébellion
100
Paragraphe 2 : Les enseignements liés
à la protection
102
Conclusion générale
107
Bibliographie
109
Table des matières
115
INTRODUCTION
La protection de l'enfant s'entend de la prévention et
de la lutte contre toute forme d'abus, de négligence, d'exploitation et
de violence infligés aux enfants. Le mot enfant vient du latin "infans"
qui signifie "celui qui ne parle pas."1(*) Cette origine du mot enfant
exprime l'idée de faiblesse ou de vulnérabilité.
« La définition d'un mineur ou d'un enfant peut
varier d'un pays à l'autre. De manière analogue, la loi
n'établit pas toujours une distinction parfaitement claire entre enfant
et mineur »2(*) Dans son effort pour protéger et promouvoir les
droits de l'enfant, l'ONU à travers la résolution 44/25 du 20
novembre 1989 de l'Assemblée Générale portant la
Convention relative aux droits de l'enfant a définit l'enfant comme
: «... tout être humain âgé de moins de
dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu
de la législation qui lui est applicable ».3(*)
La Charte africaine des droits et du bien être de l'enfant est plus
large sur cette définition que la convention onusienne. Son article 2
stipule en effet « Aux termes de la présente Charte, on
entend par "Enfant" tout être humain âgé de moins de 18
ans ».
La protection des enfants est un sujet auquel la
communauté internationale a consacré une attention significative
et est une question thématique à l'ordre du jour du Conseil de
Sécurité des Nations Unies. Dans sa Résolution
révolutionnaire 1612, celui-ci a demandé l'établissement
d'un mécanisme de surveillance et de reportage (MSR) destiné
à améliorer notablement la protection des enfants dans les
conflits armés par la collection et la disposition "de l'information
opportune, objective, précise et fiable," pour que soit renforcée
la capacité du Conseil de sécurité pour prendre l'action
concrète sensible.
Malgré cette attention et ce souci de préserver
l'enfance, la vulnérabilité et les besoins spécifiques des
enfants sont souvent rendus plus cruciaux par les situations de conflit
armé qui éclatent et perdurent de par le monde et surtout en
Afrique noire, fragilisant davantage le sort des enfants notamment en
République Démocratique du Congo, en Somalie, au Tchad et en
Côte d'Ivoire.4(*)
S'agissant de la Côte d'Ivoire, depuis septembre 2002,
le pays est confronté à une crise politique et militaire. Les
affrontements militaires ont cessé en octobre 2004 mais, malgré
différents accords, la réunification définitive du pays
tarde à se réaliser, en dépit du déploiement de
forces onusiennes et françaises sous mandat onusien dont l'un des
objectifs est d'aider à la réalisation de cette unification.
Pendant ce temps, les forces rebelles aujourd'hui appelées Forces
Nouvelles, disposant d'une force militaire, continuent de contrôler la
moitié nord du pays. Cette situation de "ni paix, ni guerre" et de
division du pays en deux zones séparées par une ligne verte qui a
remplacé la Zone de Confiance5(*) ne favorise pas la situation des
droits de l'homme, et néglige singulièrement l'enfance.
Or l'Etat de Côte d'Ivoire a souvent manifesté
peu d'engouement à se lier par des accords internationaux relatifs aux
droits de l'homme en général et ceux des enfants en particulier.
A cet égard il parait utile de s'intéresser à la situation
de l'enfance, non pas relativement au moment de la guerre, puisque celui-ci
s'éloigne déjà dans le temps, mais en relation avec le
contexte actuel de "ni paix ni guerre", étant donné que les
rebelles sont toujours en arme.
C'est dans ce contexte que nous envisageons de mener cette
étude dont l'intitulé est "La protection de l'enfance
dans les pays africains sortant d'une crise armée : cas de la
Côte d'Ivoire"
Afin de circonscrire le sujet, nous ne l'avons pas
étendu à la question des rebelles individuellement
considérés, ce qui aurait pour conséquence de nous
astreindre à des développements sur des thématiques qui
ont déjà fait l'objet d'amples études dans le cadre de
cette même formation. Nous le situons dans le contexte de partition du
pays dont une portion est contrôlée par des rebelles. Ainsi nous
ne nous intéresserons pas à la question de la
responsabilité des enfants soldats, sachant que cette
responsabilité fait partie de celle des dirigeants rebelles. Cependant
nous y inclurons la question du recrutement d'enfants dans les milices et dans
la rébellion qui constitue l'une des violations les plus graves des
droits des enfants retenues par le Bureau du Représentant du
Secrétaire Général des Nations Unies pour les enfants et
les conflits armés.
Nous avons fondé cette étude, prioritairement
bien entendu, sur les instruments nationaux, régionaux et
internationaux ayant vocation à protéger l'enfance en
particulier, mais aussi sur ceux relatifs aux droits de l'homme en
général. Les instruments nationaux ont donc été
exploités. Il s'agit essentiellement de la Constitution, et des codes de
Côte d'Ivoire.
Au plan régional, l'étude s'est
intéressée à la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant
de juillet 1990.
Au plan international, notre étude s'est
référée en priorité à la Charte des Nations
Unies, à la Déclaration Universelle des droits de l'Homme,
à la Convention relative aux droits de l'enfant et à certains
instruments internationaux adoptés dans le cadre de l'OIT.
Dans le même souci de documentation, ce travail s'est
inspiré des ouvrages généraux et spécifiques ainsi
que des rapports, des productions du système des Nations Unies,
d'articles de revues et autres articles de presse qui se sont
intéressés à la question.
La présente étude s'organise autour de deux
parties : aperçu des graves violations des droits de l'enfance et
des facteurs en cause (Partie I), la protection de l'enfance dans le contexte
ivoirien (partie II).
PARTIE I : APERÇU DES VIOLATIONS GRAVES DES
DROITS DE L'ENFANCE ET LES FACTEURS EN CAUSE
Une étude réalisée par l'UNICEF6(*)
montre que la violation des droits de l'enfance en Côte d'Ivoire est une
donnée réelle, même si ce pays n'est pas dans le peloton de
tête. Elle se rencontre dans différentes régions du pays.
Elle se manifeste sous différentes formes (chapitre 1). Le
phénomène est d'un type particulier car il est sous-tendu par un
concours de facteurs qui le favorisent (chapitre 2).
CHAPITRE I. LES FORMES GRAVES ET COURANTES DE VIOLATIONS DES
DROITS DE L'ENFANCE
Les conflits armés sont des occasions de graves
violations des droits de l'enfant. Nous nous intéresserons en
particulier aux formes incluses dans les six graves
énumérées par le Bureau du Représentant
Spécial du Secrétaire Général des Nations Unies
pour les enfants et les conflits armés 7(*). Il
s'agit de :
· Assassinat ou mutilation d'enfants;
· Recrutement ou emploi d'enfants soldats;
· Attaques dirigées contre des écoles ou
des hôpitaux;
· Refus d'autoriser l'accès des organismes
humanitaires aux enfants ;
· Enlèvement d'enfants;
· Viol d'enfant ou autres actes graves de violence
sexuelle à leur égard.
Certaines de ces formes impliquent directement la
responsabilité des autorités tant régulières que de
fait et sont liées au contexte de crise. Ces formes se retrouvent aussi
bien dans la partie du territoire administrée par le gouvernement
régulier que celle contrôlée par les forces rebelles. Ce
sont notamment le recrutement d'enfants dans les forces armées et les
milices, les attaques contre des hôpitaux ou des écoles, le refus
d'autoriser l'accès des organismes humanitaires aux enfants.
Section
I. Les violations étroitement liées à la
crise et impliquant directement les forces en présence
«En Côte d'Ivoire, les enfants sont exposés
à un certain nombre de violations graves, notamment meurtres ou
mutilations, recrutement et utilisation d'enfants soldats, viols et autres
sévices sexuels (en particulier s'agissant des filles),
enlèvements et attaques dirigées contre des écoles et des
hôpitaux»8(*). Ces violations présentent des
aspects qui les identifient par rapport aux particularités des
régions où elles sont perpétrées. Elles impliquent
les forces ex-belligérantes. Il s'agit du recrutement d'enfants et, de
façon nuancée par rapport à l'énumération,
de l'utilisation d'enfants dans des manifestations violentes ou à
risque. Quant aux autres formes (assassinat ou mutilation, enlèvements,
viol ou autres actes graves de violence sexuelle à l'égard des
enfants), nous y reviendrons en détails dans la suite du
développement.
Paragraphe 1. Le recrutement d'enfants-soldats et ses
motivations
Le protocole facultatif à la convention relative aux
droits de l'enfant, concernant l'implication d'enfants dans les conflits
armés stipule en son article 2 que « Les Etats partie prennent
toutes les mesures possibles pour veiller à ce que les membres de leurs
forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de 18 ans ne participent
pas directement aux hostilités ». Cette stipulation
combinée avec l'article 8 al. 2 e vii du statut de Rome instituant la
Cour pénale internationale (CPI), qui élève le recrutement
d'enfants au rang de crime de guerre, devraient permettre de mettre les enfants
hors de cause dans les conflits armés. Malheureusement, tel n'a pas
été le cas dans le conflit armé en Côte d'Ivoire.
Pour les différentes forces armées, plusieurs raisons expliquent
les manquements graves au respect de ces instruments internationaux.
A. L'ampleur du recrutement d'enfants dans
les différentes forces armées
Deux armées sont présentes sur le territoire de
la Côte d'Ivoire depuis le déclenchement du conflit jusqu'à
ce jour. Il s'agit, d'une part, des Forces armées de Côte d'Ivoire
(FANCI) auxquelles s'ajoutent les forces de sécurité pour faire
Forces de défense et de sécurité (FDS) et, d'autre part,
des Forces armées des Forces Nouvelles (FAFN). Ces deux armées
contrôlent chacune une portion du territoire et violent à divers
degrés les droits de l'enfance. En témoigne le rapport du
Secrétaire général de l'ONU : «Toutes les
parties ont enrôlé ou utilisé des enfants lors du conflit
armé».9(*)Ces violations ont en commun
qu'elles consistent en des recrutements d'enfants tels que la notion est
définie dans les instruments internationaux et régionaux.
Dans un rapport publie en 200510(*), Amnesty International écrit que
« dans l'Ouest de la Côte d'Ivoire, depuis le début
du conflit interne en septembre 2002, plusieurs organisations non
gouvernementales de défense des droits humains ainsi que l'ONU ont
signalé à de nombreuses reprises des cas de recrutement et
d'utilisation d'enfants-soldats par toutes les parties au
conflit ». Les parties au conflit sont notamment les forces
gouvernementales et les milices qui les soutiennent d'une part, les forces
rebelles regroupées au sein des Forces Nouvelles, d'autre part. Ces
recrutements se font selon divers procédés.
Dans une situation de conflit, le recrutement de soldats peut
se faire selon les procédés suivants : la conscription, le
mercenariat et le recrutement forcé et violent.
La conscription consiste à enrôler
« des jeunes gens qui ont l'âge légal pour le
service militaire ».11(*) La conscription ou l'engagement d'enfants de moins de
15 ans ou leur utilisation pour participer activement aux hostilités
tant dans des conflits armés internationaux que ne présentant pas
de caractère international est catégorisée comme crime de
guerre par le Traité de Rome instituant la Cour Pénale
Internationale. Dans les Protocoles additionnels aux Conventions de
Genève, l'article 4(3) (c) du Protocole II, qui gouverne les conflits
armés n'ayant pas de caractère international, stipule que «
les enfants qui n'ont pas atteint l'âge de quinze ans ne doivent jamais
être recrutés dans les forces armées ou groupes
armés ni être autorisés à prendre part aux
hostilités».
Les responsables militaires dans la crise ivoirienne, au
mépris de ces instruments ont eu recours à la conscription. En
2006, le HCR avait signalé qu'une vingtaine d'enfants membres de la
force supplétive du LIMA12(*) opérant aux côtés des FANCI,
avaient été recrutés dans le camp de
réfugiés libériens de Nicla, à l'ouest de la
Côte d'Ivoire.13(*)
En effet, le conflit militaire qui avait ensanglanté le
Liberia voisin à partir de décembre 1989, avait forcé des
milliers de Libériens dont des enfants à fuir les combats et les
exactions des factions en conflit. Ils se sont alors réfugiés,
pour la plupart, dans les pays voisins avec qui ils partagent d'ailleurs une
communauté de langues. Aussi la faiblesse de l'autorité et le
manque d'agents pour faire appliquer les lois dans ce pays
éprouvé par un long conflit constituent-ils des facteurs qui
favorisent la traversée des frontières perméables vers la
Côte d'Ivoire. Au plus fort du conflit ivoirien, les camps de
réfugiés abritant les Libériens ont servi de viviers pour
les différentes forces en conflit et les FANCI se sont
particulièrement illustrées dans cette pratique.
Le recrutement forcé et violent consiste à
enrôler, sous la menace, les nouvelles recrues ou soldats.
« Un grand nombre d'enfants sont embrigadés après
avoir été menacés. Les groupes armés les
enlèvent dans les rues, dans les villages qu'ils attaquent ou dans leurs
écoles».14(*)Ce procédé est
particulièrement celui des groupes rebelles, catégorie à
laquelle appartiennent les FAFN15(*) . Dans un rapport publié
en 2002 sur la Côte d'Ivoire, Amnesty International
révélait que « des centaines de jeunes gens y
compris des enfants âgés d'à peu près quatorze ans
avaient été enrôlés dans les forces armées du
Mouvement Patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI) qui contrôle le nord
de la Côte d'Ivoire depuis le soulèvement armé de septembre
2002 ».16(*) Cette allégation a été
confirmée par l'ONG Human Rights Watch : « Dans
chaque unité libérienne de cinq ou six combattants liée au
MPIGO, il y avait habituellement au moins un enfant soldat, souvent de dix
à douze ans seulement, armé d'une mitraillette ».
Et cette ONG d'ajouter : «En Côte d'Ivoire,
les rebelles se sont livrés à des exactions
généralisées à l'encontre des civils dans certaines
zones sous leur contrôle. Exécutions extrajudiciaires, massacres,
torture, cannibalisme, mutilation, recrutement et utilisation d'enfants
soldats».17(*)
B.
Les raisons du recrutement d'enfants-soldats
Plusieurs raisons peuvent expliquer le recrutement d'enfants.
Il s'agit de renforcer les effectifs, de minimiser les pertes de soldats
réguliers et même de réduire les coûts financiers de
la guerre.
Remplacer les soldats tués ou blessés et
renfoncer les effectifs est un impératif pour les forces
belligérantes: «...plus un conflit dure, plus la
probabilité qu'on fasse appel à des enfants est grande. Il faut
bien remplacer, à un moment donné, les soldats adultes
tués ou blessés. La plupart du temps ces
« remplaçants » sont des enfants parfois très
jeunes... »18(*) Au début du conflit, les FANCI, ont
essuyé plusieurs défaites sur les fronts. Cette situation a
conduit les responsables militaires à engager des recrutements de masse
pour remplacer les soldats tués ou blessés aux fronts. Pour les
FAFN, l'occupation de territoires leur offre l'opportunité de recruter
d'autres combattants pour renfoncer leurs effectifs afin de contenir les
contre-offensives éventuelles.
La réduction des pertes de soldats et des coûts
financiers des combats est aussi un défi majeur dans tout conflit
armé pour chaque belligérant. Pour y parvenir il est fait recours
au recrutement des enfants et cette pratique, quoique contraire aux
règles du droit international humanitaire et au droit des conflits
armés, présente des avantages militaires pour les
belligérants. « Les enfants constituent de la chair
à canon bon marché. On les paye moins cher que des
adultes ...Un officier rebelle en République Démocratique du
Congo, opposé au président Kabila, n'hésite pas à
dire : "Les kadogos-[enfants-soldats] font de très
bons soldats. Ils ne pensent à rien. Ils obéissent, ne songent
pas à retrouver leur femme ou leurs enfants. Ils n'ont pas
peur !...Ils pensent que se battre l'arme à la main est un jeu,
alors ils n'ont pas peur."»19(*)
A ces atouts que représente le recrutement
d'enfants-soldats pour les belligérants, l'on doit ajouter qu'ils sont
obéissants et dociles aux consignes et à la discipline
imposée par les adultes. « Ils sont souvent inconscients
face au danger, ils désertent rarement et ne se plaignent
pas ».20(*)
Le témoignage de cet officier rebelle congolais exprime
bien, s'il en est encore besoin, les "avantages" pour les forces
belligérantes de faire recours au recrutement des enfants, peu importe
les procédés. Ces enfants insouciants sont utilisés
comme des espions qui traversent les lignes de front pour recueillir de
l'information sans grande difficulté parce la trop grande jeunesse de
leur âge ne laisse soupçonner la mission suicidaire qui leur est
confiée. Et lorsque leurs bras sont assez forts pour soutenir une arme,
«ils se retrouvent en première ligne ou sur des champs de
mines, souvent sacrifiés»13 et, plus ils sont
nombreux, mieux ils constituent une sorte de sentinelles contre les attaques,
parce que leur réplique aux attaques ennemies alerte les soldats adultes
dont l'on veut préserver la vie parce que ces derniers coûtent
cher.
Pour ces "avantages", les forces belligérantes en
Côte d'Ivoire ont cédé à cet appât et l'ont
saisi avec intensités diverses aussi bien au plus fort des combats
qu'après les différents accords de cessez-les feu puisque chacun
des camps de son côté manifeste la volonté de
ménager un plan "B" qui consiste à miser sur une victoire
militaire.
Paragraphe 2. Le recrutement dans les milices
L'une des caractéristiques du conflit ivoirien
réside aussi dans la création et l'implication de groupes de
milices aux côtés des forces régulières.
Revendiquant toutes le soutien aux institutions de la République, ces
milices présentent des caractéristiques différentes.
A.
La typologie des milices et leurs caractéristiques en Côte
d'Ivoire
Nous pouvons isoler à travers leur composition et leurs
modes opératoires deux types de milices dans le conflit : il s'agit
des milices militaires et des milices politiques.
I.
Les milices militaires
Pour faire face aux victoires remportées par les forces
rebelles sur les différents fronts, le gouvernement a suscité,
encouragé ou financé la création de plusieurs milices qui
se sont identifiées par rapport à différentes
régions. Ces milices ont dû recourir aux recrutements d'enfants
dans leurs rangs pour étoffer leurs effectifs. Il s'agit de :
- Front de libération du Grand Ouest (FLGO),
- Mouvement ivoirien de libération de l'Ouest de la
Côte d'Ivoire (MILOCI),
- Alliance patriotique de l'ethnie Wé (APWé)
- Union patriotique de résistance du Grand Ouest
(UPRGO). .
En 2005 « le FLGO, le MILOCI, l'APWé et
l'UPRGO dans l'ouest (Guiglo) à l'ouest du pays ont libéré
400 enfants. Toutefois, selon une tendance inquiétante observée
dans la région, les partenaires de la protection de l'enfance au
Libéria et en Côte d'Ivoire ont signalé que des enfants
avaient été recrutés ou ré-recrutés, de
l'autre côté de la frontière qui sépare le
Libéria et la Côte d'Ivoire, par des groupes armés qui
opèrent en Côte d'Ivoire.»21(*).
La caractéristique de ces milices est qu'elles portent
visiblement des armes et ont même revendiqué leur prise en charge
dans le processus de désarment de démobilisation et de
réinsertion (DDR). Cette caractéristique les distingue
fondamentalement des milices politiques. Mais toutes ces milices opèrent
dans la zone gouvernementale, parfois sous l'encadrement des forces FDS.
II. Les milices politiques
Il s'agit de groupes de jeunes proches des tendances
politiques. Ils constituent des groupes de pression qui opèrent de
manière souvent violente en faveur des ensembles politiques auxquels ils
appartiennent.
Ces milices sont caractérisées par le fait
qu'elles ne portent pas des armes de façon visible. Elles se distinguent
toutefois des groupes de manifestation spontanés du fait de leur mode
opératoire et de leur composition. Elles comportent des professionnels
c'est-à-dire des agents recrutés, formés qui en
constituent le noyau dur. Le rôle de ce noyau consiste à engager
les actions violentes ou susciter des répliques violentes susceptibles
de mobiliser plus de monde autour d'eux et de conduire les foules
déchainées vers les cibles identifiées. Il consiste
également à faire infiltrer les groupes de manifestants adverses
par des agents patentés ("loubards") pour commettre des infractions qui
seront imputables aux organisateurs desdites manifestations.
Bien qu'il soit difficile, hasardeux et illégal de leur
accorder le statut de combattants, ces groupes politiques, constitués
pour l'essentiel de mouvements de jeunesse, se répartissant entre les
différentes forces politiques dans le pays et ne constituent pas moins
des forces qui utilisent des méthodes violentes au regard desquelles ils
sont qualifiés d'"escadrons de la mort".
B.
Les modes opératoires des milices
Plusieurs méthodes sont utilisées par les
différents types de milices. Ces modes opératoires consistent
entre autres en des massacres de populations, des occupations d'écoles
et centres de santé, des manifestations violentes et des attaques contre
les forces de maintien de la paix et des blocages des convois du
système des Nations Unies et des ONG.
I.
Les massacres et assassinats
L'appui aux opérations militaire est le fait des
milices militaires, en l'occurrence celles notoirement connues qui
bénéficient du programme de
désarmement-démobilisation-réinsertion et que nous avons
déjà énumérées. Nées dans les
régions où les forces régulières ont le plus
essuyé des défaites au début des hostilités, ces
milices constituent un supplétif (mais ne se limitent pas à cette
fonction) pour ces forces qui ont démontré leur incapacité
à endiguer seules et repousser les offensives rebelles de fin 2002.
«L'expansion au sein de l'armée et l'utilisation de milices mal
ou non entraînées se sont révélées
désastreuses pour la population civile, qui a subi des atteintes
quotidiennes aux droits humains».22(*) Ces milices équipées en toutes sortes
d'armes légères identifiaient les présumés
"infiltrés" et les châtiaient. Ces châtiments consistaient
en des exécutions sommaires ou des disparitions forcées. Les
milices identifiaient aussi au sein des communautés de ressortissants du
nord ou des pays limitrophes, les présumés "sympathisants" des
rebelles. Plusieurs cas de disparitions ont été à tort ou
à raison imputés à ces milices qui utilisent aussi des
enfants enrôlés dans leurs rangs. En 2005 selon un rapport
d'Amnesty International «...des membres du Mouvement de
libération de l'ouest de la Côte d'Ivoire (MILOCI), une milice
progouvernementale ont lancé une attaque sur la ville de
Lougoualé (à 450 Km au nord ouest d'Abidjan) contre des positions
tenues par les Forces Nouvelles...Parmi les combattants interceptés par
l'Opération des Nations Unies en Côte d'Ivoire, se trouvaient deux
enfants, âgés de dix et onze ans apparemment d'origine
libérienne».23(*) Pendant leurs opérations, ces milices
peuvent enregistrer des meurtres et mutilations notamment sur les enfants en
raison de leur fragilité.
Les meurtres et mutilations d'enfants interviennent aussi dans
un contexte de tensions intercommunautaires liées au conflit. Des
milices progouvernementales et les FAFN soutiendraient des ethnies qui
s'affrontent violemment sans épargner les enfants ; en
témoignent les cas rapportés par les Nations Unies.24(*)
II. Occupation des écoles et centres de
santé
De façon générale, dans les milieux
ruraux en Côte d'Ivoire, inscrire un enfant à l'école
relève d'un luxe, tant les moyens de le faire sont limités par
rapport au poids démographique des familles. La solution alors pour les
responsables de famille consiste à opérer un tri en faveur de
ceux des enfants présumés intelligents. Dans ce tri, les filles
sont systématiquement mises de coté parce que selon les parents,
il s'agirait d'une gageure puisque de toutes les façons celles-ci sont
appelées à interrompre leur parcours scolaire pour se marier soit
à la suite d'une grossesse non désirée, soit parce le
terme du "confiage"25(*)
est arrivé et il faut honorer les engagements qui avaient
été préalablement souscrits. Cette situation,
déjà préjudiciable au droit à
l'égalité et à la non-discrimination ainsi qu'au droit
à l'éducation, est exacerbée par l'occupation des centres
scolaires et de santé à la faveur de la crise.
En effet, à l'instar des FAFN dans la partie nord de la
Côte d'Ivoire, les milices militaires progouvernementales se sont
emparés de certaines écoles et centres de santé et en ont
fait leur base. Le 12 juin 2006, une centaine d'éléments d'une
milice connue sous le nom de Groupe des patriotes pour la paix (GPP), une
faction favorable au Gouvernement, a occupé un centre pour enfants, le
centre de l'école pilote d'Adjamé, un quartier populaire
d'Abidjan et cet incident a empêché les enfants de se rendre dans
ce centre en cette période. « L'occupation a duré
jusqu'au 17 juin 2006, c'est-à-dire jusqu'à ce que la Gendarmerie
nationale intervienne, après de fermes condamnations et des efforts de
sensibilisation concertés des Nations Unies...»26(*). Cette occupation a
privé ces enfants de leur droit à l'éducation. Le
Ministère de la famille et des affaires sociales avait aussi
déclaré qu'en 2003, le même groupe de miliciens avait aussi
occupé l'Institut de formation et d'éducation féminine, un
centre de formation professionnelle pour jeunes filles toujours situé
à Adjamé (Abidjan). L'occupation avait duré jusqu'à
ce qu'en 2005 quand l'armée gouvernementale officielle (FANCI) a
expulsé le GPP et pris possession des locaux.
Dans les zones FAFN, la destruction des infrastructures
scolaires a empêché pendant plusieurs années l'organisation
des examens de fin d'année. Ce n'est qu'en 2006 que l'organisation des
examens a de nouveau été possible dans le nord, après des
efforts de sensibilisation concertés des Nations Unies.
Il s'agit, dans ces différents cas, d'atteintes graves
au droit à l'éducation reconnu aux enfants dans la convention
relative aux droits de l'enfant (article 28), au droit aux soins de
santé (article 24 al. 2.b). Ces dispositions obligent cependant les
Etats parties à garantir aux enfants le droit aux prestations
nécessaires à leur développement et à leur
épanouissement. C'est aussi dans le même dessein que le bureau du
Représentant du Secrétaire Général des Nations
Unies pour les "enfants et les conflits armés" a identifié les
attaques contre les infrastructures d'accueil pour enfants et les
hôpitaux comme des atteintes graves aux droits des enfants.
III. Les manifestations et attaques
violentes contre les forces de maintien de la paix
Elles sont le fait des milices politiques. Bien qu'elles ne
soient pas officiellement désignées milices, le mode
opératoire de ces groupes amène à s'interroger sur leur
typologie. Ces groupes utilisent des méthodes d'action
violentes à savoir:
- Attaques contre les troupes de maintien de la paix, du
personnel et des biens des Nations Unies ;
- Sabotage des infrastructures et des symboles du pouvoir en
place, ou des partis adverses ;
- Atteinte à l'intégrité physique des
ressortissants de régions jugées hostiles.
Ces groupes existent dans tous les camps politiques, que ce
soit la mouvance au pouvoir ou l'opposition politique non armée.
Les enfants sont souvent utilisés par l'Alliance des
Jeunes Patriotes pour le sursaut national, groupe favorable au FPI, dans de
violentes manifestations de masse organisées dans les territoires sous
le contrôle du Gouvernement, au cours desquelles ils courent le risque
d'être tués ou blessés. Ainsi «...des enfants
sont utilisés comme barricades humaines pour bloquer l'accès des
soldats de la paix des Nations Unies au cours des épisodes de violence,
en particulier dans les territoires sous contrôle du Gouvernement. Le 26
juillet 2005, au lendemain des attaques d'Agboville et d'Anyama, une importante
foule organisée, comprenant plusieurs enfants et des femmes portant un
bébé sur leur dos, a ainsi bloqué un convoi militaire de
l'ONUCI à Petit Yapo, empêchant tout accès à ces
zones.».27(*)
Parfois ces méthodes ont conduit à des incidents qui ont
occasionné un bilan humain très lourd y compris dans les rangs
des mineurs. « C'est ainsi aussi qu'en janvier 2006, une
manifestation de masse à Guiglo, au cours de laquelle des soldats de
maintien de la paix des Nations Unies ont aussi été
attaqués, s'est soldée par la mort de cinq Ivoiriens, dont deux
enfants âgés de 14 et de 16 ans» .28(*)
L'opposition non armée au président Gbagbo
compte aussi dans ses rangs de pareils groupes. En janvier 2010, le ministre de
l'intérieur a soulevé une allégation de fraude sur la
liste électorale, imputée au président de la Commission
électorale indépendante (CEI) et certains membres du bureau. Le
président et les membres du bureau, représentants des partis
d'opposition, ont réfuté l'allégation et exclu de
démissionner malgré les appels et l'exigence du parti au pouvoir.
Le 12 février 2010 le président Gbagbo, usant des pouvoirs
exceptionnels prévus par l'article 48 de la constitution, a dissout la
CEI et le gouvernement. En réaction les responsables de l'opposition
regroupés au sein du Rassemblement des Houphouétistes pour la
Démocratie et la Paix (RHDP), dans un communiqué, ont
déclaré : « nous ne reconnaissons plus
Monsieur Laurent Gbagbo comme chef de l'Etat de Côte
d'Ivoire».29(*)
Ces responsables ont alors appelé la population « à
se mobiliser et à s'opposer par tout moyen à cette
dictature». Il s'en est alors suivi des manifestations violentes dans
les villes du pays associant des enfants. Plusieurs personnes y ont
trouvé la mort.
IV. Les blocages des convois humanitaires
L'accès des organismes des Nations Unies aux enfants
touchés n'est généralement pas entravé, sauf dans
les zones où des hostilités et des violences imprévisibles
éclatent périodiquement. C'est ainsi, par exemple que dans la
ville de Guiglo à l'ouest du pays, la prestation de services aux enfants
a été très problématique pendant plusieurs mois en
raison des violents incidents de janvier 2006, lors desquels le personnel
onusien a été évacué après l'attaque de
soldats de la paix des Nations Unies par une foule nombreuse, dans laquelle se
trouvaient des enfants.
Section II. Les autres violations graves des droits de
l'enfance liées à la crise
Poursuivant toujours suivant l'énumération du le
Bureau du Représentant Spécial du Secrétaire
Général des Nations Unies pour les enfants et les conflits, on
relève deux violations : les enlèvements d'enfants, le viol
d'enfants ou autres actes graves de violence sexuelle à leur
égard.
S'agissant du contexte ivoirien, cette
énumération mérite d'être complétée
par d'autres préjudices graves causés aux enfants, du fait de la
situation politique et militaire. Il s'agit des atteintes à l'existence
juridique de l'enfant, de la traite et du travail des enfants, des
violations des droits aux prestations. Ces violations sont,
à l'instar des premières, liées au contexte de crise mais
s'en différent par l'absence de rôle particulièrement actif
des forces en présence. Elles interviennent dans le cadre familial ou en
dehors de ce cadre.
Paragraphe 1. Les violations énumérées
par le Bureau du Représentant spécial des Nations.
Ces sont des violations qui portent atteinte à
l'intégrité physique et morale des enfants. Ces violations
constituent des atteintes à l'intégrité parce qu'il peut
en résulter des coups et blessures sur la personne du mineur. Elles
constituent aussi des atteintes morales parce qu'elles laissent subsister des
séquelles morales faites des traumatismes au niveau des enfants
victimes. Conformément à l'énumération onusienne,
il s'agit, comme déjà signalé, des enlèvements
d'enfants d'une part, du viol d'enfants ou autres actes graves de violences
sexuelles à leur égard d'autre part.
A.
Les enlèvements d'enfants
L'enlèvement d'enfant se définit comme
l'« action de soustraire un enfant mineur à la personne
qui en a légalement la charge».30(*) Il s'agit d'un acte
répréhensible prévu et puni par le code pénal
ivoirien en ses articles 370 à 372. L'article 370 en son alinéa
1er dispose : «Quiconque, par fraude ou violence,
enlève sous quelque forme que ce soit des mineurs des lieux où
ils étaient placés par ceux à l'autorité desquels
ils étaient soumis est puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans
et d'une amende de 500 000 à 50 000 000 de francs».
La tentative est également punissable.
A l'instar des autres violations graves des droits de
l'enfant, cette pratique a fait l'objet d'une ferme condamnation dans la
résolution 1612 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies.
L'article 35 de la Convention relative aux droits de l'enfant
stipule que «Les Etats parties prennent toutes les mesures
appropriées sur les plans national, bilatéral et
multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la
traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce
soit».
Dans le contexte de crise ivoirienne, la question des
enlèvements est en partie liée à la traite des enfants.
Par « enfant victime de la traite » il faut entendre «toute
personne de moins de dix-huit (18) ans qui est recrutée,
transportée, transférée, hébergé ou
accueillie aux fins de l'exploitation, à l'intérieur ou à
l'extérieur d'un pays donné».31(*) Les enfants victimes de cette
traite sont soumis à la prostitution ou contraints de se marier. Ils
constituent une main d'oeuvre bon marché ou non
rémunéré ou travaillent comme domestiques ou mendiants.
Ils sont exposés au recrutement par les milices. L'enlèvement est
donc une méthode ou un moyen qui permet d'aboutir aux fins de la traite.
Plusieurs cas d'enlèvements de mineurs ont
été enregistrés et rapportés par les Nations
Unies.32(*)Ces cas qui
témoignent de l'ampleur du phénomène ont été
favorisés par la porosité des frontières, le climat
conflictuel, l'insécurité et la détérioration des
structures sociales et administratives.
B.
Le viol d'enfants ou autres actes graves de violences sexuelles à
l'égard des enfants
Pour les mêmes raisons évoquées plus haut,
les viols et autres violences sexuelles à l'égard des enfants se
développent, bénéficiant du climat
d'insécurité et d'impunité qui caractérise le
contexte de conflit et de division du territoire. Plusieurs violations de
droits se trouvent groupées dans cette énumération. Il y a
d'une part le viol à proprement parler qui est une infraction
pénale criminelle et d'autre part les infractions assimilées au
viol.
I.
Le viol
Le viol se définit comme « tout acte de
pénétration sexuelle, de quelle nature qu'il soit, commis sur la
personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise».33(*)Cette infraction prévue
et punie par le code pénal ivoirien (article 354), a des
particularités lorsqu'elle est commise sur la personne d'un mineur.
Les actes de pénétration sexuelle commis sur un
mineur sont qualifiés viol quel que soit le moyen utilisé pour y
parvenir (violence, contrainte, menace ou surprise) et même lorsqu'il n'y
a pas résistance de la part du mineur. Cela s'explique par le fait que
le consentement du mineur n'enlève pas le caractère
déviant de l'acte, le mineur étant présumé
(présomption irréfragable) n'avoir pas consenti ou que lorsqu'il
a consenti, ce consentement n'est pas éclairé. C'est cette
particularité qui distingue le viol commis sur la personne d'un enfant
de celui commis sur la personne d'un adulte, l'enfant étant celui qui
n'a pas atteint l'âge de dix huit ans. La Sodomie
(pénétration sexuelle anale) appartient à cette
catégorie parce qu'il y a une pénétration sexuelle
même si au niveau de la victime l'organe d'accueil n'est pas sexuel.
L'exploitation sexuelle des enfants est aussi une variante de
viol. Selon la définition donnée dans la déclaration du
Premier Congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants
à des fins commerciales, tenu à Stockholm (Suède) en
1996, «on entend par exploitation sexuelle des enfants à des
fins commerciales toute forme de maltraitance sexuelle commise par un adulte et
accompagnée d'une rémunération en espèce ou en
nature versée à l'enfant ou à une tierce
personne».34(*)
Le commerce du sexe est un phénomène
transfrontalier qui prend forme dans presque toutes les communautés. Ce
commerce illégal attire de nombreux enfants notamment ceux issus des
milieux pauvres et défavorisés. Ces derniers sont le plus souvent
forcés, enlevés ou persuadés par la ruse ou incités
par les medias de se livrer à des relations sexuelles telles que la
prostitution ou à des actes obscènes (pornographie, exhibition).
Pour endiguer le phénomène, la convention relative aux droits de
l'enfant à travers ses articles 32 et 34 combinés font obligation
aux Etats de protéger les enfants et de punir les responsables.
Malheureusement la perméabilité à l'excès des
frontières ivoiriennes engendrée par le conflit surtout du
côté des zones sous contrôle rebelle favorise ces
phénomènes.
La définition du viol telle qu'elle émane du
code pénal ivoirien est un peu étroite aujourd'hui pour englober
toutes les violences sexuelles qui sont commises sur les mineurs. C'est
pourquoi le groupe nominal "autres actes graves de violences sexuelles
à l'égard des enfants" mérite
toute son importance.
II. Les autres actes graves de violences sexuelles à
l'égard des enfants
Ce groupe nominal désigne les atteintes sexuelles.
L'atteinte sexuelle est tout « acte d'ordre sexuel, soit commis
avec violence, contrainte, menace ou surprise auquel cas il est constitutif
d'une agression sexuelle toujours punissable quelle qu'en soit la victime, soit
réalisé sans violence, contrainte, menace ni surprise auquel cas
il n'est punissable qu'à l'égard des
mineurs ».35(*)Dans cette catégorie, on peut retrouver
l'attentat à la pudeur, et les actes impudiques et contre nature commis
sur la personne d'un enfant.
L'attentat à la
pudeur désigne un
« acte illicite d'ordre sexuel, avec ou sans violence, auquel la
victime, personne de l'un ou l'autre sexe, se trouve physiquement
mêlée».36(*)En droit ivoirien, si l'absence de violences emporte
défaut de l'élément matériel pour la qualification
de l'infraction de viol lorsque l'acte est commis sur une personne
âgée de quinze ans et plus, il est par contre
réprimé par les articles 355 et 356 du code pénal
même en l'absence de
violences pour les mineurs
de moins de quinze ans. Même sans violences, l'infraction est aussi
constituée si la victime est une personne âgée entre quinze
et dix huit ans et que l'auteur de l'attentat est le père, la
mère, un ascendant de la victime ou une personne ayant l'autorité
sur elle ou est chargée de son éducation, de sa formation
professionnelle ou intellectuelle (articles 354, 355 et 357).
Quant aux actes impudiques et contre nature, on peut citer la
fellation (caresse buccale de l'organe sexuel masculin), le cunnilingus
(pratique sexuelle orale qui consiste à stimuler les différentes
parties de la vulve à l'aide de la langue et des lèvres
principalement) et les attouchements sur tout organe qui exprime un
caractère sexuel qui constituent une prémisse à l'acte
sexuel.
Dans le cadre de son mécanisme de protection des
enfants et de suivi des violations des droits des enfants, l'ONUCI a
rapporté plusieurs cas de viol commis sur les enfants et constaté
que « l'insécurité rampante et la
détérioration de l'infrastructure sociale et administrative qui
sont la conséquence du conflit ont notablement contribué aux
niveaux élevés de violence sexuelle à l'encontre des
filles et des femmes enregistrés en Côte d'Ivoire. Le climat
d'impunité des crimes sexuels a en outre exacerbé le
problème ».37(*)
Paragraphe 2. Les autres préjudices graves à
causes conjoncturelles
La situation de partition du territoire et la disparition des
services de l'état civil dans la zone rebelle a engendré
certaines atteintes aux droits de l'enfance, notamment les atteintes à
l'état civil relativement aux enfants. Les atteintes à
l'état civil sont un «ensemble d'infractions de caractère
délictuel ou contraventionnel, qui compromettent l'état civil des
personnes».38(*)Ces
atteintes sont graves parce qu'elles affectent soit l'existence juridique de
l'enfant, soit compromettent sa vie et son avenir. Il s'agit, relativement au
contexte ivoirien, de la non-déclaration des naissances et de la
célébration du mariage religieux sans mariage civil au
préalable.
A.
La non-déclaration de la naissance de l'enfant
Selon l'article 7 de la convention relative aux droits de
l'enfant, l'enfant doit être enregistré aussitôt à sa
naissance. De son coté, l'article 41 nouveau (Loi 99-691 du 14
décembre 1999) du code civil ivoirien dispose : «Les
naissances doivent être déclarées dans les trois mois de
l'accouchement».
L'enregistrement des naissances consiste à faire
enregistrer, par les autorités administratives, la naissance des
enfants. La déclaration de naissance est un support préalable
à la réalisation des droits de l'enfant car elle atteste de son
existence officielle. Subséquemment, elle lui donne droit à une
identification c'est-à-dire le droit à un nom et à une
nationalité et, par la même occasion, d'être des sujets de
droit. Déclarer un enfant, c'est implicitement actionner en sa faveur
tous les mécanismes de protection : accès à des services
de base, dont la vaccination, les soins de santé et l'inscription dans
un établissement scolaire. Cependant cette formalité qui consacre
l'existence juridique de l'enfant est souvent ignorée des parents
d'enfants qui naissent en dehors des centres d'accouchements officiels. Or ces
centres n'existent pas dans la plupart des localités
éloignées des capitales régionales.
Le second volet du problème est que même dans les
cas où ces centres existent, les centres d'état civil où
ces naissances doivent être enregistrées ont disparu dans les
zones occupées par les forces rebelles, du fait du conflit. Il s'ensuit
que la plupart des naissances qui sont intervenues pendant la période de
disparition des services de l'état civil (période qui a
duré jusqu'en 2007) ces naissances ne sont pas enregistrées parce
que les délais légaux sont dépassés.
B.
Les célébrations de mariages religieux sans mariages civils
Le mariage est défini comme une «union
légitime de l'homme et de la femme résultant d'une
déclaration reçue en forme solennelle par l'officier
d'état civil qui a reçu auparavant les consentements des futurs
[époux] en vue de la création d'une famille et d'une
aide mutuelle dans les traversées de l'existence».39(*) Il s'agit là de la
définition du mariage civil légal. Mais il existe aussi le
mariage religieux et le mariage traditionnel qui se concluent suivant les
conditions définies par chaque culture ou chaque religion, qui ne
coïncident pas toujours avec celles du mariage légal. L'article
1er nouveau de la loi ivoirienne 83-800 du 2 août 1983
dispose «L'homme avant vingt ans révolus, la femme avant dix
huit ans révolus, ne peuvent contracter mariage. Le Procureur de la
République peut accorder des dispenses pour motifs graves».
C'est dans les formes non légales de mariages que les
droits des enfants sont exposés à des violations. Dans ces formes
de mariage, un enfant peut se retrouver uni dans le lien conjugal avec un
adulte. Donc le mariage des enfants est celui des unions dans lesquelles les
enfants sont contraints en des liens matrimoniaux en deçà de
l'âge minimum requis. Selon des estimations de l'UNICEF, 36% des femmes
âgées de 20 à 24 ans se sont mariées ou vivaient en
ménage avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans.40(*). Ces mariages, dits
précoces, constituent en substance une violation des droits de l'enfant.
Car, le droit au libre et plein consentement au mariage est reconnu dans la
Déclaration universelle des droits de l'homme, étant entendu
qu'il ne peut y avoir de « libre et plein » consentement
lorsque l'une des parties concernées n'a pas atteint l'âge de
choisir en toute connaissance de cause un conjoint. Quant à la
convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination
à l'égard des femmes, elle stipule que les fiançailles et
les mariages d'enfants n'ont pas d'effets juridiques et que toutes les mesures
nécessaires, y compris des dispositions législatives, doivent
être prises afin de fixer un âge minimal pour le mariage. Le
Comité pour l'élimination de la discrimination à
l'égard des femmes recommande de fixer cet âge à 18 ans.
En raison de l'absence présumée de consentement
dans un mariage d'enfant relativement à la personne du mineur, ce
mariage est un mariage forcé. Le mariage forcé est un mariage
arrangé contre le gré de la fille (surtout) ; une dot est souvent
payée à sa famille ; en cas de refus, il en résulte des
violences et des abus. Il est doublé du caractère précoce
lorsqu'il est arrangé avant l'âge légal.
Les services d'état civil et judiciaires ayant disparu
des régions contrôlées par les rebelles, il s'avère
impossible d'exercer le contrôle habituel sur les conditions de
conclusion des mariages. Les célébrations de mariages religieux
sans mariages civils favorisent les mariages forcés et précoces
parce qu'elles n'offrent pas la possibilité de vérification des
conditions du mariage par l'officier d'état civil et de contrôle
par le parquet. Le mariage se déroule dans le secret d'une chapelle ou
d'une mosquée au mépris de la condition de publicité
préalable. Dans ces conditions les conditions essentielles d'âge,
de consentement en viennent à manquer. Ce défaut
étroitement lié à la situation de crise qui prévaut
depuis 2002 dans le pays est une violation des instruments nationaux et
internationaux de protection des droits de l'enfance.
CHAPITRE II : LES FACTEURS EN CAUSE
Dans un conflit armé ne présentant pas un
caractère international (CANI), les affrontements peuvent aboutir et
aboutissent souvent à une partition de facto du territoire
national, les forces régulières contrôlant une partie et
les forces rebelles l'autre. Même si les armes se taisent, cette
situation créée par les combats persiste pendant quelques temps
et engendre des conséquences malheureuses quant à la protection
des droits de l'homme. Cette situation peut être engendrée par des
facteurs conjoncturels et des facteurs structurels.
Section I. Les facteurs conjoncturels
Les facteurs conjoncturels sont ceux étroitement
liés au contexte de conflit, qui ont sous-tendu le déclic de la
situation déjà déplorable des droits de l'enfance. Ils
sont d'ordre politique et militaire mais tirent aussi leur origine du
fonctionnement des structures étatiques.
Paragraphe 1. Les facteurs militaires et politiques
Sous les auspices de la France qui a suscité une
rencontre entre les acteurs majeurs de la vie politique, les rebelles et la
partie gouvernementale, un accord a été conclu sur le cessez-le
feu et un partage de pouvoir. Mais cet accord (violé à
répétition) n'a été que partiellement
exécuté et les différents accords qui l'on suivi ont subi
le même sort, rendant la question du désarmement délicate
et encourageant chaque camp à user de stratégies politiques pour
faire la pression sur l'autre et sur les institutions de médiation.
A.
Le contexte militaire
Il s'agit essentiellement du processus de désarmement,
démobilisation et réinsertion des combattants rebelles, des
milices d'une part et des ruptures répétées du
cessez-le-feu conclu à travers plusieurs accords d'autre part.
I.
La gestion du processus de désarmement et de démobilisation
Depuis l'accord de Linas Marcoussis, tous les accords
inter-ivoiriens ont mentionné la nécessité de
réaliser un programme de désarmement, de démobilisation et
de réinsertion (DDR). Le désarmement devrait se faire dans le
cadre d'un programme mis en place à cet effet : le Programme
National de Réinsertion et de Réhabilitation communautaire
(PNRRC).
Le processus du DDR est un processus par lequel les
combattants sont amenés à déposer les armes et à
retourner à la vie civile ou à réintégrer les
forces armées. Cette opération se déroule en trois
phases : la phase de regroupement/désarmement, la phase de
démobilisation/encasernement et la phase de
réintégration/réinsertion.
A Accra le 30 juillet 2004, un troisième accord est
conclu entre le gouvernement ivoirien et les Forces Nouvelles, dans lequel les
parties se sont engagées à lancer le processus de DDR avant le 15
octobre 2004. Mais cette échéance n'a pas été
respectée et lors de la conclusion de l'Accord politique de Ouagadougou
en mars 2007, l'examen du volet militaire a été à nouveau
différé. C'est finalement le troisième accord
complémentaire de Ouagadougou qui a établi le chronogramme du
désarmement. Il avait fixé au 22 décembre 2007 le nouveau
délai pour le lancement de l'opération de regroupement des deux
forces armées. Ce délai n'a pas été non plus
respecté, mais selon le rapport du SG des Nations Unies,
« le 24 janvier, le chef d'état major des forces de
défense et de sécurité a annoncé que 12 000 de ses
soldats avaient été regroupés et enregistrés et
qu'ils avaient déposé leurs armes aux fins de stockage
conformément aux dispositions du troisième accord
complémentaire. Il a ultérieurement annoncé que cette
opération s'étant achevée dans le délai imparti de
10 jours, les soldats des forces de défense et de sécurité
de Côte d'Ivoire avaient rejoint leurs
garnisons »41(*). Il était cependant difficile de
vérifier ces déclarations puisque ces opérations n'avaient
pas été exécutées en présence des forces
impartiales alors qu'elles auraient dû l'être.
Dans les zones FAFN, le regroupement n'a guère
progressé et en avril 2008, seulement une centaine d'entre eux avaient
été regroupés. Le rapport du SG conclut que
« Les problèmes logistiques et financiers ainsi que
l'absence d'un programme de réintégration clairement
défini contribuent à entraver le regroupement des
éléments des Forces nouvelles. Sur les 109, 42 sont toujours
regroupés à Ferkessédougou42(*) tandis que le reste est démobilisé et
attend d'être réintégré ». Dans ces
zones, les éléments FAFN sont non seulement armés, mais
ils portent visiblement ces armes.
Quant aux milices progouvernementales, elles n'ont pas
été efficacement désarmées et les observateurs
militaires de l'Opération des Nations Unies ne cessent de
soupçonner que ces milices cachent encore des armes.
Par ailleurs, le déminage n'a pas retenu l'attention
des acteurs politiques lors de la conclusion des accords alors que plusieurs
fronts avaient été ouverts pendant les combats et les abords
immédiats de villages habités ont même servi de lignes de
front. La conséquence de ces combats est que des minutions ont
été dispersées et font des victimes même
après la fin des hostilités. 43(*)
II. Les ruptures répétées du
cessez-le-feu
Malgré les multiples accords de cessez-le-feu,
plusieurs combats sont intervenus entre les belligérants à
l'initiative de l'une ou de l'autre partie, mais de manière ponctuelle.
En novembre 2004, à la faveur d'une contre-offensive gouvernementale
dénommée opération
"Dignité"44(*) (qui visait à récupérer les
territoires occupés par les rebelles), l'armée nationale de
Côte d'Ivoire a lancé des bombardements aériens contre les
positions tenues par les forces rebelles. En février 2005, la milice
progouvernementale MILOCI a lancé une attaque sur la ville de
Logoualé (à 450km au nord ouest d'Abidjan à quelques
encablures de la ligne de cessez-le-le feu). En juillet 2005 deux attaques
simultanées ont été lancées sur des positions des
forces gouvernementales dans les villes d'Agbovile et d'Anyama (à une
dizaine de kilomètres d'Abidjan) par des hommes armés, attaques
que le gouvernement a attribuées aux forces rebelles et
qualifiées de « violation du cessez-le-feu
».
Chaque violation du cessez-le-feu fait des victimes
collatérales et déclenche une chasse à l'homme ou se
transforme en une occasion de violations des droits de l'homme.
B. Les facteurs politiques
La crise ivoirienne a aussi une origine politique : le
coup d'état de 1999, l'exclusion par le Cour Suprême de quatorze
candidats (et pas des moindres dont Alassane Ouattara) de l'élection
présidentielle de 2000 et la proclamation des résultats du
scrutin intervenu dans le cafouillage. Il s'en est suivi des massacres et la
persécution des militaires qui avaient soutenu le général
Robert Guei, auteur du coup d'état de 1999, qui a organisé le
scrutin de 2000 et tenté d'inverser les résultats. Ces massacres
ont été couverts par l'impunité sur le fondement du
militantisme politique ou par peur de démotiver les troupes.
I. Le règne de l'impunité
« L'impunité se définit par
l'absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la responsabilité
pénale des auteurs de violations, ainsi que de leur
responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce qu'ils
échappent à toute enquête tendant à permettre leur
mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s'ils sont reconnus
coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y compris
à réparer le préjudice subi par leurs
victimes ».45(*)
Depuis 2000, l'impunité de fait est la forme
récurrente en Côte d'Ivoire. Elle consiste en ce que les
violations de droits humains ne conduisent pas à l'ouverture
d'enquête pour en établir les faits et situer les
responsabilités ou que lorsqu'un enquête a été
ouverte (politique, administrative ou judiciaire), elle n'aboutisse pas
à des poursuites contre les présumés responsables quelle
que soit l'ampleur des violations (viols, assassinats ou massacres).
Quant à l'impunité de droit,
« elle consiste pour les pouvoirs publics à intervenir
directement pour prendre des mesures en vue d'absoudre les auteurs des
violations graves et massives des droits de l'homme ».46(*) L'objectif ultime visé
dans ce genre d'intervention est de donner à l'impunité une
couverture légale ou judiciaire et faire ainsi obstacle, au nom de
l'amnistie ou du principe Ne bis in idem47(*) à des poursuites qui pourraient
être engagées ultérieurement. L'ordonnance N°2007-457
du 12 avril 2007 portant amnistie, en est une illustration éloquente
parce qu'elle couvre d'impunité, tous les crimes qui ont
été commis depuis l'élection présidentielle en 2000
jusqu'au 12 avril 2007.48(*)
En effet, les résultats des élections de 2000
qui ont permis à M. Laurent Gbagbo de prendre le pouvoir ont
été proclamés dans le désordre. Ce dernier a pris
le pouvoir avec l'appui des gendarmes, après avoir demandé
à la population de descendre dans la rue pour barrer la route à
ce qu'il a appelé « l'imposture ».
Mais une fois au pouvoir, le régime qu'il a installé était
incapable de punir les crimes de sang commis pendant et après son
accession au pouvoir, notamment le charnier de Yopougon.
Plus tard, à la faveur de la guerre, le 6 octobre 2002,
les auteurs des exécutions sommaires de gendarmes à Bouaké
ont fait référence à ce crime impuni et « le
spectre a ressurgi dans les tueries de Daloa en octobre 2002, de Monoko-Zohi en
novembre 2002 et de Man en décembre de la même année au
cours desquelles les forces gouvernementales ont tué des dizaines de
personnes sur la base de listes établies sur des critères
politiques mais surtout ethniques et où figuraient de nombreux
ressortissants de la sous-région, notamment des Maliens, des
Burkinabè et des Guinéens soupçonnés d'être
des opposants du gouvernement d'Abidjan »49(*). De plus, les
autorités rebelles et gouvernementales semblent avoir directement ou
indirectement autorisé ou cautionné les violences sexuelles
commises par les éléments de leurs forces respectives depuis le
déclenchement de la guerre en 2002 et l'impunité qui
prévaut ne fait qu'encourager les auteurs et les commanditaires. Tous
ces crimes restés impunis ont favorisé dans le pays le sentiment
d'impunité, tout comme l'absence de système judiciaire efficace
dans le nord du pays a offert, pendant près de cinq ans, un vide
favorable à la commission de crimes sans suite judiciaire.
Au total, au nord comme au sud, les violences sexuelles
à l'encontre des femmes et des jeunes filles se sont poursuivies et la
plupart des coupables présumés n'étaient jamais traduits
en justice ou recouvraient la liberté peu après leur arrestation.
Cette situation s'explique par le fait que ceux qui en sont les auteurs sont
les soutiens armés des différentes parties au conflit,
gouvernement comme rebelles.
II. Le détournement du
militantisme politique au profit des actions militaires ou violentes
Les FANCI avaient subi de lourdes pertes dans les semaines qui
ont suivi le coup d'Etat manqué qui s'est mué en guerre civile.
Le recrutement de militants dont des enfants dans les milices
progouvernementales devrait permettre de contrer l'avancée des troupes
rebelles. Cela était d'autant nécessaire pour le gouvernement que
les soldats des FANCI n'avaient aucune tradition de combat face à des
rebelles intrépides et mieux entrainés. Les jeunes militants
mobilisés et bien endoctrinés avec des idées
xénophobes à travers les mouvements de jeunesse du parti au
pouvoir, étaient prêts à défendre " la patrie en
danger" et s'érigeaient en remparts humains susceptibles de
résister à "l'envahisseur venu de l'étranger".
D'ailleurs les termes de "résistance", de
"libération" et de "patriotique" apparaissent dans la
dénomination de la plupart de ces milices. C'est un lien bien
unificateur dans la patrie en danger face aux ennemis extérieurs
nommément désignés et stigmatisés.
Relativement au recrutement d'enfants-soldats sur la base du
volontariat, plusieurs motivations peuvent l'expliquer: la fascination
pour la vie militaire, l'uniforme, le prestige ; le désir de
venger la mort d'un proche durant le conflit ou simplement de participer au
combat pour la libération de son peuple ; le besoin de protection
de la famille, du pays ou de sa localité. De plus, le manque
d'accès à l'éducation est un facteur aggravant: les
enfants n'étant pas ou plus scolarisés doivent trouver une
occupation lucrative. L'engagement dans l'armée est alors une
alternative au problème d'emploi.
Au plan politique, en 2000, M. Laurent Gbagbo n'a
réussi à chasser du pouvoir le général GUEI que
grâce aux manifestations de rue qui se sont appuyées sur la
candeur de jeunes militants. Cette stratégie qui a payé, continue
à être utilisée comme recette depuis lors et le parti au
pouvoir se sert toujours des jeunes pour bloquer les artères des villes
et exprimer, non pas des préoccupations touchant à la condition
de ces jeunes, mais les siennes propres lorsque les voies officielles ou
diplomatiques se révèlent inopérantes. Ainsi en janvier
2006, lorsque le Groupe de Travail International sur la Côte d'Ivoire
avait publié un communiqué qui constatait la fin du mandat
constitutionnel de l'Assemblé Nationale dont le FPI dispose de la
majorité, le président Laurent Gbagbo a laissé les
militants de son parti politique lancer les jeunes patriotes à l'assaut
des biens et du personnel des Nations Unies, d'où il en était
résulté six tués par balles dont deux enfants.
Face à cette stratégie faite de mélange
sous fond de xénophobie, les enfants qui, de par leur
vulnérabilité, sont exposés en pareilles situations ne
mesurent pas ou mesurent à peine les risques auxquelles ils s'exposent
et cèdent facilement à ce charme en comparaison des avantages
qu'ils pourraient en tirer.
Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil étatique
Les affrontements militaires violents de 2002 ont abouti
à la partition du pays, les rebelles contrôlant une portion de
près de 60% du territoire caractérisée par la disparition
totale des organes étatiques. Cette situation, préjudiciable aux
droits humains et notamment aux droits des enfants, est bien
résumée par les propos de Mme Louise Arbour :
« A l'issue d'un conflit, les pays souffrent de la faiblesse ou
de l'inexistence de l'état de droit, de l'insuffisance des moyens
disponibles pour appliquer la loi et administrer la justice et de la
multiplication des violations des droits de l'homme...».50(*) Ces propos expriment
assez bien la situation de la Côte d'Ivoire caractérisée
par la désaffection de l'administration et l'interruption du service
public social.
A. Destruction de l'administration territoriale
Le contexte ivoirien actuel est caractérisé par
la division du territoire en deux zones. D'une part, dans la zone
contrôlée par les rebelles, les autorités de fait ne se
sentent pas liées par les engagements internationaux souscrits par le
gouvernement légal, et d'autre part tous les organes étatiques
ont été enraillées de cette zone. D'ailleurs, la
restauration de l'autorité de l'Etat en cours se fait par
priorité accordée aux régies et établissements
financiers et à l'administration territoriale. Les structures
déconcentrées de l'Etat chargées des affaires sociales et
de la solidarité sont encore absentes des zones FN. En zone rebelle, les
administrations judiciaire et territoriale et les services de l'état
civil ont complètement disparu jusqu'en 2007, année à
laquelle des magistrats, préfets et sous préfets ont
été à nouveau déployés de façon
ponctuel pour exécuter l'opération d'audiences foraines
destinée à délivrer les jugements et extraits de naissance
dans le cadre du processus d'enrôlement électoral. Juste à
la fin de cette opération, ces fonctionnaires se sont encore
repliés à leurs postes dans la zone gouvernementale. Ce n'est
qu'en fin 2008 que certains tribunaux et services de l'administration
territorial sont redevenus opérationnels, cohabitant avec des chefs de
guerre qui continuent de détenir une parcelle importante du pouvoir de
police administrative alors que dans la plupart des cas, ils n'en ont ni la
formation, ni la culture.
B. Interruption du service public
A la faveur des affrontements militaires et des exactions
perpétrées par les rebelles contre certaines populations civiles
pendant la guerre, ces dernières ont déserté les zones
occupées pour se refugier dans les zones gouvernementales. Ceci s'est
traduit par l'interruption de la scolarité des enfants et la dislocation
des familles à la recherche d'abris. Des enfants s'en sont
retrouvés éloignés de leurs parents biologiques,
auprès des personnes qui ne se sentent pas ou ne sont pas obligés
par le même degré de prise en charge vis-à-vis de ces
enfants. Pendant ce temps, sur place dans les zones occupées, les agents
des services sociaux, à corps défendant, ont aussi
déserté, abandonnant écoles, hôpitaux, centres
sociaux etc. Cette situation a d'ailleurs été aggravée par
l'occupation et/ou la destruction par les rebelles de certains bâtiments
publics (écoles, centres sociaux, établissements financiers,
camps militaires brigades de gendarmerie, etc.).
Par ailleurs, la création des milices et l'occupation
par celles-ci de centres sociocommunautaires (foyers de jeunes, centres sociaux
etc.) a compromis sérieusement les droits à l'éducation,
aux loisirs, et aggravé la mortalité infantile.
Dans ces conditions (rebelles encore en armes,
désarmement opaque et sans cesse reporté, démobilisation
des milices non réalisée, déminage non effectué,
cessez-le-feu violé de façon répétée,
structures étatiques désaffectées et service public
interrompu), il est difficile d'assurer une protection efficace de l'enfance.
Cela est d'autant ardu que l'application des instruments juridiques internes
qui ont vocation à assurer aux enfants la protection nécessaire
à leur statut est profondément affectée par des facteurs
structurels, situation d'ailleurs compliquée par le faible engagement de
l'Etat ivoirien dans les traités de protection des droits de l'homme.
Section II. Les facteurs structurels
Les obstacles au respect des droits de l'enfance dans le
contexte ivoirien peuvent se ramener, de façon globale, à deux
facteurs structurels : les facteurs historiques et
socio-économiques d'une part et les difficultés d'application du
cadre normatif de la protection d'autre part.
Paragraphe 1. Les facteurs historiques et
économico-socio-culturels
Les migrations effrénées en direction de la
Côte d'Ivoire sont facilitées par la porosité des
frontières héritées de la période coloniale et
engendré un sentiment de xénophobie à la faveur des crises
politique et économique des années 1990. A cela s'ajoute le
contexte économique, social et culturel du pays.
A. Le bornage et la gestion des frontières et les
politiques migratoires de la période postcoloniale
La colonisation a laissé, comme héritage, des
frontières dont la surveillance stricte se révèle ardue en
raison des liens culturels que les soixante ans d'occupation coloniale n'ont
pas pu dissoudre. Cette situation explique, au moins en partie, la
porosité des frontières qui s'est traduite par les mouvements de
populations entre les anciennes colonies, mouvements
accélérés et accentués par les disparités
économiques entre les anciennes colonies. Ces mouvements massifs et
effrénés en direction de la Côte d'Ivoire ont fini par
susciter le sentiment de xénophobie et engendrer ainsi des heurts
interethniques.
I. La porosité des frontières :
conséquence des bornages factices
La situation géographique de la Côte d'Ivoire
peut également expliquer la situation peu encourageante des droits de
l'enfance. En effet, le pays partage des frontières avec cinq pays
(Guinée, Burkina Faso, Mali, Liberia, Ghana) dont deux sont
enclavés. De façon générale, les frontières
des Etats africains sont très perméables et cela peut s'expliquer
par les circonstances dans lesquelles les territoires de ces Etats ont
été délimités et gérés.
D'abord du point de vue de la gestion des territoires de
l'ex-Afrique Occidentale Française, (AOF), entité coloniale dans
laquelle se trouvait la Côte d'Ivoire, les transferts et affectations des
fonctionnaires africains se faisaient sans considération des
frontières anciennes qui délimitaient ces territoires au point
que des fonctionnaires se sont retrouvés pendant plusieurs années
éloignés de leur territoire d'origine et se sont fixés
dans leurs lieux d'affectation.
Ensuite du point du bornage, les frontières actuelles
sont celles issues de la période coloniale alors que « les
délimitations coloniales n'ont pas toujours eu une grande
précision ou étaient en contradiction avec les données
géographiques et naturelles ».51(*) Cette balkanisation
consacrée à la Conférence de Berlin en 1884 entre les
puissances coloniales n'a pas pris en compte les frontières naturelles
et a abouti à séparer des populations de mêmes aires
culturelles qui continuent d'éprouver le besoin d'être
soudées autour de leurs cultures. A l'instar de la plupart des colonies
« la Côte-d'Ivoire ne connaissait pas de vraie cartographie
lors de la naissance de l'AOF »52(*) dont tous les territoires étaient
placés sous le contrôle du Gouverneur General de l'AOF.
Enfin, au moment de l'accession à l'indépendance
de ces pays, les dirigeants africains craignirent que la remise en cause des
frontières ne suscitât des conflits. Ils optèrent alors
pour le principe de l'uti possidetis juris, ita possideatis (principe
de droit international qui signifie "comme vous possédez, vous
continuez à posséder") et les frontières
héritées de la colonisation furent maintenues. Mais très
tôt, l'ancienne AOF vit naître un second pôle
économique et politique attractif qui concurrença, à
maints égards, le Sénégal où se trouvaient les
administrations coloniales : il s'agit de la Côte d'Ivoire. Plus
tard, le besoin d'intégration de plus en plus ressenti et la
volonté affichée par les dirigeants d'Afrique de l'Ouest a
conduit à la suppression des frontières étanches, rendant
ainsi les mouvements davantage fluides pour les populations africaines en
général et celles de la zone CEDEAO en particulier. Dans ces
conditions, les mouvements de populations sont tolérés sans les
formalités d'usage. C'est dans ce contexte qu'intervient la crise
militaire ivoirienne qui a aboutit à la division du territoire en deux
zones, l'une administrée par le gouvernement légal et l'autre par
les rebelles. Cette division a compromis gravement la mission régalienne
de l'Etat, notamment la surveillance des frontières, l'administration de
la justice et le maintien de l'ordre et de la sécurité
intérieurs.
II. La xénophobie et les heurts
interethniques : conséquence des disparités
économiques entre les anciennes colonies
Le territoire de Côte d'Ivoire était connu comme
terre d'immigration. En Afrique occidentale, elle « est le seul
pays où la population a doublé en vingt (20) ans et triplé
en trente (30) ans grâce à l'immigration massive des pays
limitrophes ».53(*) Cette attraction est en partie due à la
situation économique de la Côte d'Ivoire héritée de
la période coloniale pendant laquelle les produits de rente comme le
cacao et le café ont été promus par l'autorité
coloniale, attirant une main d'oeuvre massive et mieux
rémunérée que celle de la sous région. Après
l'indépendance cette politique a été
perpétuée, créant les conditions d'une immigration massive
en direction du pays. Les immigrés s'y sont établis et ont
cohabité pendant longtemps avec les autochtones sans heurts majeurs
jusqu'aux années 1990 marquées par la crise économique et
politique qui a suscité la xénophobie aggravée par la
théorie de l'ivoirité54(*) « développée lors d'un
forum qui s'est tenu à Abidjan en mars 1996 sous le titre
L'ivoirité ou l'esprit du nouveau contrat social du président
H.K. Bédié » 55(*). Plus tard, au déclenchement de la crise
militaire en septembre 2002, très rapidement certaines
communautés étrangères et celles du nord ont
été soupçonnées de sympathiser avec les rebelles et
ont été prises pour cibles par les milices. Alors, ont
éclaté, entre les communautés autochtones et allochtones
(burkinabè surtout), des conflits qui se focalisent, le plus souvent,
sur la revendication de la propriété foncière. Ces
conflits sont «attisés par une politique qui visait à
n'accorder le droit de posséder une terre qu'aux seuls citoyens
ivoiriens. Ces antagonismes ont également été
exacerbés par une rhétorique xénophobe alimentée
par certains hommes politiques et certains médias »
56(*). Les
autochtones en sont alors arrivés à réclamer que les
populations allochtones (Ivoiriens originaires de régions autres que
celle qu'ils habitent) et « allogènes» (appellation
donnée aux personnes venues de pays voisins, notamment le Burkina Faso,
afin de travailler dans les plantations de cacao et de café) quittent
leurs propriétés pour rentrer chez « eux ».
Ces revendications se sont souvent exprimées à travers des
violences, des attaques de villages et se sont soldées parfois par des
morts y compris parmi les enfants. La plupart de ces conflits ont
été enregistrés dans l'ancienne zone de confiance et
à l'ouest du pays, zones de prédilection des activités des
milices progouvernementales.
A cela s'ajoute le comportement des forces de
sécurité et des forces rebelles relativement à la question
du trafic des enfants. D'un côté comme de l'autre, la recherche
d'intérêts personnels a engendré une grande propension
à la corruption avec des conséquences aggravantes sur ce
phénomène.57(*)
B. L'environnement économico-socio-culturel
Le contexte économique, social et culturel de la
Côte d'Ivoire recèle de nombreux obstacles au respect des droits
de l'enfance. Ces obstacles tirent leurs origine de la pauvreté et du
sous-développement, mais également des pesanteurs sociologiques
(religions, traditions et ignorance).
I. La pauvreté et le sous-développement
Selon l'indice de développement humain, la Côte
d'Ivoire occupe le 164e rang sur un total de 177 pays. Le taux de
pauvreté est estimé à 43,2% en 2006 dans le rapport sur le
diagnostic de la pauvreté publié en 2007, sur la base d'un seuil
de dépense annuelle de 162 800 FCFA par habitant.58(*)
Dans ses efforts pour établir la relation entre
pauvreté et droits de l'homme, le Haut-commissariat des Nations Unies
aux Droits de l'Homme a examiné la question sous plusieurs angles y
compris sous l'angle des capacités et a écrit « La
pauvreté peut être considérée comme un niveau
réduit de possibilités ou l'impossibilité d'atteindre un
niveau minimal acceptable de capacités essentielles».59(*)
La pauvreté est un « obstacle relevant de
l'ordre économique et social, qui se ramène à la relation
complexe de cause à effet entre sous-développement, autoritarisme
et violation des droits de l'homme... ».60(*) Elle explique également
les violations des droits de l'enfance. Le sous-développement est un
facteur souvent ignoré, qui figure parmi les facteurs qui contribuent au
non-respect des droits de l'homme en général et ceux des enfants
en particulier. Certaines violations des droits comme les enlèvements et
la traite s'expliquent par des raisons économiques. Economiquement, les
réseaux de trafiquants tirent des gains financiers à travers les
rétributions qu'ils perçoivent sous forme de primes
versées par les employeurs au recrutement des enfants ou des ristournes
sur le traitement salarial des enfants travailleurs placés. Pour raison
de pauvreté également, «les familles ne pouvant
subsister aux besoins de leurs enfants, certains se désignent pour
s'enrôler dans l'armée ou les groupes paramilitaires, soulageant
ainsi leurs proches d'une bouche à nourrir, tout en assurant
eux-mêmes leur subsistance».61(*)
Les disparités sociales amènent à la mise
en place des systèmes de solidarité comme la pratique de
«confiage» entendu comme le fait de remettre l'enfant
à un membre de la famille à charge de son éducation, de
son instruction, et souvent son insertion dans une vie professionnelle. Les
zones de recrutement des enfants victimes de la traite sont celles de grande
extension de la pauvreté pour lesquelles les enfants constituent le
socle d'une revalorisation sociale certaine.
En plus, le chômage est très préoccupant
en Côte d'Ivoire (selon les sources de The World Factbook, CIA
3
et de l'ONU, le taux du chômage est de 13%) et le système
éducatif, depuis une vingtaine d'années est
désarticulé, livrant à la rue des milliers de
déscolarisés très peu encadrés par les parents.
Chaque année scolaire est interrompue par des grèves cycliques
qui confinent les enfants dans l'ennui du repos et les exposent à
l'appât des manifestations de rue qui, bien que ne procurant aucune
rétribution directe, leur offrent l'occasion de se distraire de
manière parfois violente contre des cibles souvent mal
désignées.
Par ailleurs, les raisons du travail des enfants sont
davantage d'ordre économique. Ils travaillent pour s'assurer l'autonomie
financière et subvenir à leurs propres besoins et, lorsqu'ils
sont en rupture avec le système scolaire, ils s'orientent ou sont
orientés vers un apprentissage professionnel, garantie d'une probable
promotion sociale.
II. L'ignorance des droits de l'enfant
et le poids des religions et traditions
L'un des freins au respect des droits de l'enfant en Afrique
en général réside dans la méconnaissance, par les
populations, des droits consacrés dans les différents instruments
nationaux régionaux et internationaux. Cet état de choses est
dû à l'alphabétisme et au faible taux de scolarisation
d'une part et, d'autre part, aux pratiques religieuses.
Le taux d'alphabétisme est assez élevé
(48,7%)62(*) même
si, de façon générale, la plupart des Ivoiriens
s'expriment dans un certain français comme le Nouchi63(*). Cette situation ne
permet pas aux populations d'accéder et d'assimiler les règles de
droit moderne sur l'enfance. C'est ce qui explique la persistance de pratiques
comme les mutilations génitales dans plusieurs communautés du
pays. C'est aussi cet état de choses qui explique la traite des enfants
sous toutes ses formes ainsi que les mariages forcés et
précoces.
Le faible taux de scolarisation (taux net
d'inscription/fréquentation à l'école primaire : 58
% ; au secondaire : hommes : 27%, femmes : 15%), qui est
déjà en soi une violation du droit à l'éducation et
à l'épanouissement, aggrave certaines autres formes de violations
des droits de l'enfance parce qu'il crée une situation de non-occupation
de l'enfant et l'expose en proie facile pour les traites, les recrutements
d'enfants-soldats, l'utilisation à des fins malsaines, les mariages
forcés et précoces, etc.
En particulier la scolarisation des filles est perçue
comme une gageure en raison des interruptions fréquentes du parcours
scolaire, dues à des grossesses prématurées. Dans
plusieurs cultures et régions de Côte d'Ivoire, très peu de
filles ont été inscrites à l'école (Taux de
scolarisation net 2003-2008, 49% dans le primaire et 14%dans le
secondaire)64(*). Les
filles sont considérées comme destinées au mariage
à court terme et n'ont donc pas besoin d'être scolarisées
car, de toute façon cette scolarisation sera interrompue par le mariage.
Concernant les religions, la population de Côte d'Ivoire
est multiculturelle et religieuse. Elle est composée de musulmans (38
%). Viennent ensuite les chrétiens, surtout catholiques (22%) et
protestants (5,5 %). Une forte proportion est restée fidèle aux
religions traditionnelles (17 %) et enfin le reste (17 %) pratique d'autres
religions.65(*)
Dans les communautés d'obédience musulmane ou
des religions traditionnelles les règles de droit traditionnel ou
musulman l'emportent sur celles du droit moderne élaboré en
conformité de l'évolution du temps. Les populations
préfèrent vivre en marge des règles de droit moderne et se
conformer à leurs coutumes respectives.
Dans un pareil environnement socio-culturel, le respect des
droits de l'enfant relève d'une utopie ou d'un voeu pieux, car le cadre
normatif interne et la relation entretenue par l'Etat avec les instruments
internationaux de droits de l'homme ne sont pas de nature à stimuler
l'épanouissement de l'enfance.
Paragraphe 2. Le cadre normatif interne et le faible
engagement de l'Etat dans les instruments internationaux
Dans un contexte de conflit interne, le système de
protection étatique des droits de l'homme s'affaiblit. Et pourtant les
organes étatiques ont un rôle crucial à jouer pour
résoudre les problèmes de protection de l'enfance. Des secteurs
comme l'application des lois et la justice tiennent une bonne part dans la
résolution des problèmes de l'enfance délinquante. Ces
problèmes sont réglés conformément au cadre
normatif interne qui, à lui seul, s'avère limité et
mérite d'être complété par les instruments
internationaux pour être efficace.
A. Aperçu du cadre normatif de la protection
Le cadre normatif interne est constitué de tous les
instruments juridiques internes à la Côte d'Ivoire et
destinées à assurer la protection des enfants. La mise en oeuvre
de ce cadre rencontre quelques difficultés.
I. Aspects de la protection
La protection juridique revêt plusieurs aspects qu'on
peut catégoriser en deux volets qui sont principalement l'aspect
pénal et l'aspect civil.
1. Au plan pénal
Afin d'assurer la protection des mineurs au plan pénal,
une organisation judiciaire spéciale leur a été
dédiée, conduisant ainsi à la détermination de
compétences propres pour les magistrats chargés des affaires
impliquant des enfants ainsi que l'application des règles de fond qui
prennent en compte leur statut.
a. L'organisation judiciaire pour les enfants et la
compétence rationae personae relativement aux mineurs
L'appareil judiciaire ivoirien est organisé par la loi
n° 61-155 du 18 mai 1961 portant organisation judiciaire, modifiée
et complétée par les lois n°64-227 du 14 juin 1964,
n°97-399 du 11 juillet 1997, n° 98-744 du 23 décembre 1998 et
n° 99-435 du 6 juillet 1999. Cette dernière modification du texte
rétablit le principe de la séparation des fonctions judiciaires
parce qu'elle consacre enfin, au niveau des sections détachées
des tribunaux de première instance, la séparation des fonctions
de poursuite, d'instruction et de jugement. Auparavant, en effet, un seul
magistrat cumulait ces différentes fonctions, ce qui était
contraire aux principes les plus élémentaires de justice et
était de nature à favoriser la toute puissance et l'arbitraire
des juges de section même en matière de délinquance
juvénile. Cette réforme a malheureusement mis du temps pour
être mise en application. Elle n'a été mise en oeuvre,
qu'à compter de la rentrée judiciaire 2004.
S'agissant de la compétence des juridictions
relativement à la délinquance infantile, le code de
procédure pénale de Côte d'Ivoire institue en ses articles
756 et suivants une justice pénale des mineurs depuis la constatation
des infractions jusqu'à leur répression. Il s'agit d'une justice
destinée à protéger et à rééduquer
les mineurs délinquants et les magistrats d'instruction disposent de
larges pouvoirs pour décider du régime approprié à
leur appliquer.
A l'étape de jugement les mêmes
spécificités prévalent. Ici, il s'agit essentiellement du
tribunal pour enfants ou du juge des enfants statuant en chambre de conseil ou
de la cour d'assises des enfants. La brigade des mineurs en tant que section de
la police judiciaire chargée de constater les infractions commises sur
les enfants, la recherche des preuves et des auteurs, contribue à
l'exécution des attributions des différentes juridictions dans la
protection des enfants.
b. Les lois pénales de fond et la reconnaissance
d'un statut spécial au mineur
Trois aspects de la protection de l'enfant ont
été mis en lumière à travers le code
pénal : il s'agit de la protection de l'enfant-victime, des
circonstances aggravantes tirées de la qualité de la victime
(enfant) et enfin de l'excuse de minorité dont bénéficie
l'enfant en conflit avec la loi. C'est l'aspect de la protection de
l'enfant-victime qui retiendra notre attention ici, les deux autres aspects
devant faire l'objet de développements dans la seconde partie de notre
étude.
S'agissant de l'incrimination des infractions commises sur
l'enfant, le code pénal la traite, en prenant la qualité d'enfant
comme une circonstance aggravante. Dans divers articles du code les
infractions suivantes ont été incriminées et
réprimées:
- le viol (art.354) ;
- l'attentat à la pudeur (art.355 et
suivants) ;
- l'outrage public à la pudeur (art. 360) ;
- l'infanticide (article 361) ;
- les violences et voies de fait (art.362) ;
- l'abandon d'enfant (article 363 et suivants).
- les atteintes à l'état civil d'un enfant (art.
383)
- l'enlèvement de mineur (articles 370 à 372)
Certaines de ces incriminations ne souffrent d'aucune
ambigüité, puisque les éléments matériel et
moral sont bien déterminés ou sont faciles à isoler
à travers les articles qui les incriminent. C'est le cas notamment
de:
- l'infanticide : «Est qualifié
infanticide, le meurtre d'un enfant dans le mois de sa naissance »
- l'abandon d'enfant « Quiconque expose ou fait
exposer, délaisse ou fait délaisser, en un lieu solitaire, un
enfant... ».
- atteintes à l'état civil d'un
enfant « Est puni d'un emprisonnement de cinq ans à dix
quiconque, par ses agissements, compromet, détruit ou modifie
l'état civil d'un enfant au dessous de l'âge de 10 ans ou d'un
enfant atteint d'une infirmité mentale le rendant incapable de connaitre
sa propre identité... »
- l'enlèvement de mineur « Quiconque par
fraude ou violences enlève sous quelques forme que ce soit des mineurs
des lieux où ils étaient placés par ceux à
l'autorité ou à la direction desquels ils étaient
soumis.... » (article 372). Cette qualification est
complétée par l'article 371 qui y ajoute l'enlèvement sans
violence ni fraude et sa tentative.
Il s'agit effectivement d'infractions dont la qualité
d'enfant, en tant que victime, constitue une circonstance aggravante puisque
les mêmes infractions peuvent être commises sur des adultes.
2. Au plan civil
La constitution ivoirienne du 23 juillet 2000 garantit la
protection aux enfants en son article 6 « L'État assure la
protection des enfants, des personnes âgées et des personnes
handicapées ». Cette protection a également fait
l'objet de plusieurs dispositions du code civil et se fait essentiellement
à travers les mesures de protection ou d'assistance éducative
mais aussi à travers les attributions accordées aux magistrats du
parquet.
a. Les mesures de protection ou d'assistance
éducative
Le danger pour un mineur peut provenir de ses parents ou de
ceux qui sont investis du droit de garde. La loi N° 70-763 du 3 mars 1970
sur la minorité constitue le siège de la protection du mineur
contre cette catégorie de personnes. Cette loi organise la protection
des mineurs sur les aspects suivants : la puissance paternelle, les
mesures de protection ou d'assistance éducative, l'incapacité,
l'administration légale, la tutelle et l'émancipation.
L'article 10 dispose en effet: « Les mineurs
peuvent faire l'objet de mesures de protection ou d'assistance
éducative :
1° lorsqu'ils donnent à leurs parents ou
à la personne investie du droit de garde des sujets de
mécontentement très graves par leur inconduite ou leur
indiscipline ;
2° lorsque leur santé, leur
sécurité, leur moralité ou leur éducation sont
compromises ou insuffisamment sauvegardés en raison de
l'immortalité ou de l'incapacité des père ou mère
ou de la personne investie du droit de garde »
La même loi édicte en ses articles 27 et suivants
l'incapacité du mineur, une incapacité destinée à
protéger le mineur contrairement aux incapacités qui frappent les
majeurs qui sont les unes punitives et les autres destinées à
protéger les tiers. Elle règle également les questions de
puissance paternelle.
b. L'intervention du ministère public dans les
affaires impliquant le mineur et le contrôle des actes d'état
civil
Le ministère public est une institution dont la
fonction essentielle « est de lancer et d'exercer l'action
publique par laquelle il réclame la condamnation du
délinquant à une peine ou à une mesure de
sûreté».66(*) Il s'agit donc d'une fonction d'ordre pénal
(poursuite des infractions, recherche des preuves et des responsables). Mais
l'article 106 du code de procédure civile, commerciale et administrative
lui accorde des compétences d'ordre civil dans les causes dites
communicables. Ainsi « le ministère public peut prendre
communication dans toutes les causes où il juge son intervention utile
et déposer des conclusions ».67(*)Au rang de ces matières
se trouvent celles dans lesquelles des incapables sont en causes et celles
intéressant l'état des personnes.
S'agissant des affaires où sont en cause des
incapables, le juge civil saisi d'une affaire impliquant un mineur doit
obligatoirement la communiquer au ministère public afin que celui-ci
émette son avis. Cette exigence posée par l'article 106 est
destinée à protéger les intérêts du mineur au
plan de la justice civile.
Relativement aux affaires intéressant l'état des
personnes, le ministère public dispose d'un droit de contrôle des
actes d'état civil, notamment le mariage, les changements de nom etc.
Ainsi, lorsqu' une allégation de minorité est portée
à la connaissance de l'officier d'état civil, dans la
célébration d'un mariage, celui-ci doit immédiatement
surseoir à la célébration dudit mariage et en informer le
procureur de la république ; ce magistrat peut lui demander de
passer outre comme il peut s'opposer audit mariage. Si l'information est
portée à la connaissance du procureur de la république en
dehors du canal de l'officier d'état civil, il peut former opposition.
Il ne peut être procédé au mariage tant que le
ministère public n'a pas donné mainlevée de
l'opposition.
Par ailleurs, tous les registres ouverts à
l'état civil sont tenus à la disposition du ministère
public quand il le requiert et sont soumis à son
contrôle.68(*) Le
contrôle peut révéler des irrégularités comme
les changements frauduleux d'âge ou l'usurpation de nom ayant pour
finalité d'élever l'âge d'un enfant afin de conclure un
mariage avec un faux âge qui laisse penser que l'enfant a la
majorité civile pour se marier. Les attributions du procureur de la
république en ce domaine permet de déceler ces
irrégularités et, au besoin, d'engager leur sanction.
Il s'agit, là encore, d'un filtre destiné non
seulement à préserver l'ordre public mais aussi à
protéger l'état des personnes notamment des enfants dont
l'état civil peut faire l'objet de modifications qui peuvent se
révéler très préjudiciables à eux.
II. Les difficultés de mise en
oeuvre du cadre normatif interne
Les difficultés de mise en oeuvre se situent aussi bien
au plan pénal qu'au plan civil et concernent l'organisation judiciaire,
la procédure, et le fond du droit. Elles sont aussi relatives à
la situation de partition du territoire et la disparition des services
judiciaires.
1. Au plan pénal
Deux catégories d'insuffisances peuvent être
relevées : les difficultés liées au droit de fond et
celles relatives au droit de forme.
S'agissant du fond du droit, certaines difficultés
portent sur le caractère vague des incriminations, tiré de la
définition de ces infractions. Or, en l'absence de définition,
les éléments matériel et moral peuvent s'avérer
difficiles à déterminer. On peut ranger dans cette
rubrique le viol, l'attentat à la pudeur, l'outrage public à
la pudeur, les violences et voies de fait. Le défaut de
définition de ces infractions ou l'imprécision qui entoure leurs
éléments moral et matériel porte une sérieuse
entorse au principe de la légalité des infractions et des
peines « nullum crimen, nulla poena sine lege »
(pas de crime, pas de peine sans loi) consacré par les articles 22 et 23
du statut de la CPI et peuvent engendrer des difficultés quant à
leur qualification et, par voie de conséquence, leur
répression.
A ces difficultés, s'ajoute l'absence de
l'incrimination de certaines infractions susceptibles d'être commises sur
les enfants qui sont évoquées dans les instruments internationaux
et régionaux. Il s'agit notamment du recrutement d'enfants-soldats, de
la pornographie impliquant des enfants, l'utilisation des enfants dans des
manifestations à risque, les attaques dirigées contre des
écoles ou des hôpitaux ou le refus d'autoriser l'accès des
organismes humanitaires aux enfants etc.
Relativement au droit de forme les problèmes sont
liés aux pouvoirs du juge des enfants. Ils sont aussi relatifs à
l'organisation judiciaire notamment la non-spécialisation des officiers
et agents de police judicaire.
Le juge des enfants dispose d'une grande liberté
d'action quand il décide en Chambre du Conseil ou au sein du tribunal
pour enfants. Or il n'existe pas de mécanismes de contrôle
destinés à garantir la transparence de la procédure, par
exemple l'obligation de communication du dossier au parquet au terme de
l'instruction. Ensuite les fonctions de juge d'instruction des mineurs et de
juge des enfants ne sont pas distinctes. Pis encore, dans les sections
détachées des tribunaux de première instance, le juge de
section faisait office d'organe de poursuite, d'instruction et de jugement
jusqu'à la rentrée judiciaire 2004 où des substituts de
procureur ont été affectés dans les sections
détachées pour jouer le rôle de ministère public.
Cette concentration de pouvoirs sans contrôle aux mains du juge des
enfants et du juge de section peut conduire à des excès lorsque
l'on sait, a priori, qu'il y a insuffisance de personnels dans les juridictions
encombrées par les affaires de toutes sortes.
Quant à l'organisation judiciaire, le code de
procédure pénale ne prévoit pas de dispositions
spécifiques applicables aux mineurs dans le cadre de l'enquête
préliminaire qui est essentiellement exécutée par la
police judiciaire dont les officiers et agents disposent de larges pouvoirs
d'action qui sont définis à l'article 14 du code de
procédure pénale: « Elle est chargée....de
constater les infractions à la loi pénale, d'en rassembler les
preuves et d'en rechercher les auteurs tant qu'une information n'est pas
ouverte». Pour exécuter ces fonctions, plusieurs moyens d'action
sont mis à la disposition de la police judiciaire, et ces moyens
constituent de véritables restrictions aux droits humains et aux
libertés individuelles. Il s'agit notamment de la garde à vue,
des auditions, des visites domiciliaires, des perquisitions et saisies. Ces
mesures sont mises en oeuvre par les officiers de police judiciaire non
magistrats qui peuvent les décider contre des mineurs alors qu'ils ne
disposent d'aucune spécialité relativement aux enfants. La seule
section spécialisée de la police judiciaire est la brigade des
mineurs sise à Abidjan (capitale économique du pays) pour
s'occuper des affaires concernant les mineurs et, d'ailleurs, elle ne dispose
pas d'une compétence rationae personae exclusive. Cette brigade ne
dispose d'aucun démembrement au niveau des régions à
l'intérieur du pays.
Par ailleurs il a été impossible, jusqu'en 2008,
de mettre en oeuvre la protection judiciaire des enfants dans les zones
contrôlées par les rebelles, étant donné que
l'appareil judiciaire et son soutien en forces publiques d'ordre ont totalement
disparu de cette zone.
2. Au plan civil
D'abord, du point de vue juridictionnel, dans l'organisation
judiciaire ivoirienne, il n'existe pas de juges spécialisés pour
les affaires civiles impliquant les enfants. Il existe dans chaque tribunal de
première instance (1er degré) une chambre civile qui
s'occupe des affaires civiles impliquant, de façon indifférente,
les majeurs et les mineurs.
Ensuite, la "justiciabilité" de certains des droits
reconnus aux enfants bute sur les options idéologiques et
économiques, bien que ces droits aient été
énoncés dans la convention relative aux droits de l'enfant et la
charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant. Les
mécanismes de protection existent dans la plupart des ordres juridiques
des pays africains francophones mais peinent déjà à
s'exprimer dans un contexte exempt crise. A fortiori dans un contexte de crise
marquée par la partition du territoire, ils deviennent
inopérants.
Enfin, comme au plan pénal, il n'a été
impossible de mettre en oeuvre le mécanisme de protection au plan civil
en raison de la disparition totale, jusqu'en 2008, de l'administration
judiciaire dans les zones contrôlées par les rebelles. Dans ce
contexte, seul le droit international peut encore servir de base solide aux
actions visant à améliorer la situation des enfants.
Malheureusement, la Côte d'Ivoire n'a pas une grande propension à
se lier par les instruments internationaux.
B. La faiblesse de l'engagement de l'Etat ivoirien dans les
instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
Deux constats expriment le faible engagement de l'Etat
ivoirien dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme et
à la protection des enfants. Il s'agit, d'une part, des retards avec
lesquels il ratifie certains instruments internationaux et de la manière
dont il les exécute et, d'autre part, de la réticence qu'il
manifeste à ratifier les autres.
I. Des traités ratifiés avec retard et/ou
partiellement exécutés
L'Etat de Côte d'Ivoire a ratifié certains
instruments relatifs aux droits de l'homme avec un retard qui témoigne
d'un manque de volonté politique de s'engager. Pour d'autres instruments
bien que ratifiés tôt, l'exécution des engagements y
souscrits souffrent de manquements notoires.
1. Au plan régional : la charte africaine des
droits de l'homme et des peuples et les instruments spécifiques aux
droits des enfants
Au titre des instruments régionaux (dans le cadre de
l'organisation de l'Unité Africaine et plus tard, de l'Union africaine),
plusieurs instruments relatifs aux droits de l'homme ont été
adoptés. De façon générale, on constate que l'Etat
de Côte d'Ivoire ne se montre pas prompte sur la ratification de ces
traités régionaux. On peut citer dans ce chapitre :
· la charte africaine des droits de l'homme et des
peuples, adoptée en 1981 entrée en vigueur le 21 octobre 1986. La
Côte d'Ivoire a attendu le 6 janvier 1992 soit six ans après son
entrée en vigueur pour la ratifier;
· Le protocole à la charte africaine des droits de
l'homme et des peuples relatif à la Cour africaine des droits de l'homme
et des peuples, entré en vigueur le 25 janvier 2004, adopté le 09
juin 1998, signé à la même date par l'Etat ivoirien qui ne
l'a ratifié que le 07 janvier 2003 ;
· La charte africaine des droits et du bien-être de
l'enfant adoptée le 11 juillet 1990, entrée en vigueur
29/11/1999, ratifiée par l'Etat ivoirien le 1er mars
2002, mais dont le dépôt des instruments de ratification n'a
été effectué que le 18 juin 2007 soit dix sept (17) ans
après son adoption.
2. Au plan international et universel
La Côte d'Ivoire a ratifié la Convention relative
aux Droits de l'Enfant le 4 février 1991. Elle s'est engagée, par
cette ratification, à faire de la protection de toutes les personnes
âgées de moins de 18 ans, une priorité gouvernementale et
à rendre compte, tous les cinq ans auprès des Nations Unies, de
l'application de ladite convention dans le pays. Cependant, le dernier rapport
soumis au Comité des droits de l'enfant en date du 22 janvier 1999 fait
état en général d'un retard accumulé dans
l'application de la convention en raison de difficultés
économiques, politiques et sociales rencontrées par le pays. Il
s'ensuit déjà là que la Côte d'Ivoire ne respecte
même pas les échéances de soumission de ses rapports sur
les mesures que l'Etat met en oeuvre en vue de la protection et de la promotion
des droits énoncés dans cette convention.
La convention de l'OIT du 26 juin 1973 sur l'âge minimum
encore dénommée convention N°138 et la convention sur les
pires formes du travail des enfants adoptée le 17 juin 1999
dénommée convention N°182 ont été toutes deux
ratifiées par l'Etat de Côte d'Ivoire le 21 janvier 2002, alors
qu'elles sont entrées en vigueur respectivement le 19 juin 1976 et le 28
septembre 1999. Ces deux conventions qui visent l'éradication de la
traite des enfants (entendue sous une acception large) et les pires formes du
travail des enfants, ont été pour l'une ratifiée avec
grand retard, ce qui, pendant longtemps, a laissé un vide juridique qui
a favorisé l'utilisation des enfants dans les plantations de cacao;
69(*)pour la seconde, ce
n'est que le 14 juin 2005 (soit trois ans après la ratification) que le
ministère de la fonction publique et de l'emploi a signé un
arrêté portant détermination de la liste des travaux
dangereux interdits aux enfants de moins de dix huit (18) ans.70(*)
II. Des traités non
ratifiés
Au plan régional et international quelques instruments
importants sont encore en attente d'être ratifiés par l'Etat
ivoirien.
1. Au plan régional
La Côte d'Ivoire n'a pas encore ratifié les
instruments suivants qui constituent pourtant un baromètre pour
l'engagement en faveur des droits de l'homme au plan régional. Il s'agit
notamment du :
· protocole à la charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, relatif aux droits de la femme en Afrique,
adopté le 11 juillet 2003 et entré en vigueur le 25 novembre
2005. La Côte d'Ivoire l'a pourtant signé le 27 février
2004.
· protocole portant statut de la cour africaine de
justice et des droits de l'homme adopté le 11 juillet 2003, entré
en vigueur le 11 février 2009. Il a été signé par
l'Etat ivoirien le 27 février 2004.
2. Au plan international et universel
L'Etat ivoirien n'a ni signé, ni ratifié les
deux protocoles additionnels à la convention concernant l'une, la vente
d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des
enfants entré en vigueur le 18 janvier 2002 et l'autre, la
participation des enfants aux conflits armés entré en vigueur le
12 février 2002. Il n'a pas non plus signé ni ratifié la
Convention de La Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la
coopération en matière d'adoption internationale entrée en
vigueur le 1er mai 1995. Le statut de Rome instituant la Cour
Pénale Internationale ne lie pas la Côte d'Ivoire puisque ce pays
l'a signé le 30 novembre 1998, mais ne l'a pas encore ratifié
alors que si cet instrument avait été ratifié, il
eût permis à cette juridiction de poursuivre et juger les crimes
de guerre comme le recrutement d'enfants-soldats, les viols et meurtres commis
à l'occasion du conflit ivoirien. Le contexte de division du territoire
de la Cote d'Ivoire pays et l'établissement d'autorités de fait
qui en découle dans la zone rebelle font obstacle à la poursuite
des auteurs de ces crimes dans cette zone pendant que dans la zone
gouvernementale la volonté de couvrir ces impunités reste encore
manifeste. 71(*)
DEUXIEME PARTIE: LA PROTECTION DES ENFANTS DANS LE CONTEXTE
IVOIRIEN
Le contexte ivoirien de ni paix, ni guerre impose la
conjugaison des efforts de protection des organes étatiques, des
organismes internationaux et des organisations non gouvernementales. La mise en
oeuvre de cette protection est particulièrement complexe en raison de
l'étendue des droits reconnus et garantis aux enfants par les
différents instruments internationaux. Elle révèle des
constats qui suscitent des enseignements.
CHAPITRE I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION
La mise en oeuvre de la protection de l'enfance revêt
deux aspects et l'on peut distinguer la protection juridictionnelle et la
protection extra juridictionnelle. Ces aspects correspondent à des
activités qui s'insèrent dans un cadre organique et pratique.
Section I. La protection juridictionnelle et quasi
juridictionnelle
Si, pour l'enfant en conflit avec la loi, la convention
relative aux droits de l'enfant recommande en son article 40 le recours, si
possible, aux procédures non judiciaires, les procédures
judiciaires s'imposent par contre dans certaines circonstances, notamment
lorsqu'il s'agit de protéger l'enfant victime ou lorsque les
intérêts civils sont menacés. Selon la matière
concernée, elle est exécutée par le juge pénal ou
le juge civil.
Paragraphe 1. La protection de l'enfance par le juge
pénal
Cette protection est assurée grâce à des
instruments et mécanismes relavant aussi bien de l'ordre interne
qu'international. Les organes de protection sont également repartis
entre ces deux niveaux.
A. Au plan interne
Sur le plan de la justice pour mineurs, l'article 37 de la CDE
évoque la protection des enfants privés de liberté.
L'article 40 demande expressément aux Etats parties à la
convention « ...d'établir un âge minimum au-dessous
duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité
d'enfreindre la loi pénale...» et le code pénal de
Côte Ivoire pose, en son article 116, le principe de
l'impossibilité de qualification pénale des faits commis par le
mineur âgé jusqu'à 10 ans.
A travers ces textes, la protection peut être mise
en exergue sur trois plans :
o l'organisation judiciaire ;
o l'instruction judiciaire ;
o l'exécution des peines.
Contrairement à la stipulation de l'article 40. 3 b de
la convention des droits de l'enfant, qui recommande de recourir, si cela est
possible, aux voix extrajudiciaires pour régler les infractions
impliquant les enfants, le droit ivoirien opte pour les procédés
judiciaires fixés pour les tribunaux aussi bien au niveau de
l'organisation judiciaire que de la procédure et de la nature des
décisions qui doivent être prises relativement aux enfants
délinquants. Cependant les spécificités prévues par
les textes sont protectrices du mineur délinquant.
I. L'organisation judiciaire
Au niveau de l'organisation judiciaire, les juridictions pour
mineurs sont distinctes de celles des majeurs. Ce sont les articles 756 et
suivants du code de procédure pénale qui déterminent les
juridictions compétentes en matière d'enfance délinquante.
L'article 756 dispose en effet : « Les mineurs de dix huit
ans auxquels est imputée une infraction qualifiée crime ou
délit ne sont pas déférés aux juridictions
pénales de droit commun et ne sont justiciables que des tribunaux pour
enfants et de la cour d'assises des mineurs ». A ces juridictions
l'on doit ajouter le juge des enfants en raison des pouvoirs importants dont il
dispose en la matière.
1. Le juge des enfants
Dans chaque tribunal de première instance, il est
nommé un juge des enfants compétent pour connaître des
affaires où un mineur de dix huit (18) ans est en cause, étant
entendu que le mineur de dix huit ans est celui qui n'a pas encore atteint cet
âge. Il fait office de juge d'instruction en matière d'enfance
délinquante. L'instruction des délits commis par les enfants est
confiée aux juges des enfants et aux juges des sections
détachées de tribunal.
Le juge des enfants peut décider de statuer en chambre
du conseil. C'est lui qui apprécie les affaires à juger en
chambre du conseil (avantage : rapidité en matière de
décision). Le huis clos des débats est destiné à
protéger l'enfant.
Au niveau de la poursuite des infractions, de la recherche des
preuves et de l'inculpation, l'instruction judiciaire est obligatoire et
l'utilisation des procédures accélérées comme
celles de délits flagrants ou encore celle de citation directe est
interdite contre le mineur. L'article 766 nouveau CPP en son alinéa 2
dispose : « En aucun cas il ne peut être suivi contre
le mineur selon la procédure de flagrant délit ou de citation
directe » L'alinéa suivant ajoute même que
« Lorsque le mineur de dix huit ans est impliqué dans la
même cause qu'un ou plusieurs majeurs de dix huit ans, lesquels sont
poursuivi en flagrant délit ou par voie de citation directe, le
procureur de la République constitue un dossier spécial
concernant le mineur et saisit le juge des enfants. Si une information a
été ouverte, le juge se dessaisit dans les plus brefs
délais à l'égard tant du mineur que des inculpés
majeurs au profit du juge des enfants ». Cette interdiction de
procéder à l'égard des mineurs selon la procédure
de flagrant délit ou de citation directe a pour objectif de lui garantir
une étude plus attentive de son dossier par l'ouverture d'une
information judiciaire.
Le rôle du juge des enfants est plus vaste que celui du
juge d'instruction et en plus de la recherche de la manifestation de la
vérité, il doit entreprendre toute investigation visant à
cerner la personnalité du mineur et les moyens appropriés
à sa rééducation. Il fait procéder ou
procède à des enquêtes sociales dans le but de
s'imprégner de la situation matérielle et morale de la famille du
mineur, sur les caractères et les antécédents du mineur,
sa fréquentation scolaire, son attitude à l'école, les
conditions dans lesquelles il a vécu ou a été
élevé.
Le mineur doit toujours être assisté d'un avocat
et s'il n'en a pas, le juge des enfants doit lui trouver un. Toute personne
présentant une garantie suffisante peut représenter le mineur,
mettre le mineur en confiance et le protéger tant que cela est
possible.
2. Le tribunal pour enfants
L'article 762, nouveau (loi du N°69-371 du 12 aout 1969)
code de procédure pénale
dispose : « Il existe au siège de chaque
tribunal de première instance ou de chaque section de tribunal, un
tribunal pour enfants et un ou plusieurs juges des enfants »
Le tribunal pour enfants a une composition spéciale en
ce sens que les accesseurs ne sont pas forcément magistrats mais sont
choisis parmi les citoyens en raison de leur intérêt pour
l'enfance délinquante. Il comporte un président et deux
assesseurs. La présidence est assurée par le juge des enfants. Le
juge des enfants dispose d'une grande liberté d'action quand il
décide en chambre du conseil ou au sein du tribunal pour enfants.
En phase d'appel, les recours contre les décisions de
ce tribunal ou contre celles du juge des enfants ayant statué en chambre
de conseil sont exercés devant des formations présentant les
mêmes spécificités de séparation que les
juridictions de première instance. Ainsi au niveau de la chambre des
appels correctionnels de chaque cour d'appel, il est institué une
formation spéciale pour les délits commis par les enfants.
Lorsque l'enfant est coupable de crime, il est jugé par la cour
d'assises des mineurs.
Juridiction non permanente statuant en
matière pénale pour les enfants, et n'intervenant que pour les
infractions de nature criminelle, la cour d'assises des mineurs est
instituée suivant l'article 776 CCP pour juger les mineurs de 16 ans au
moins, poursuivis du chef de crime. Aux termes de cet article, le mineur de
moins de seize ans ne peut être poursuivi du chef de crime. S'il est
l'auteur d'un crime, l'affaire sera correctionnalisée et confiée
au juge des enfants qui peut le renvoyer devant le tribunal pour enfants pour y
être jugé ou le juger lui-même en chambre du conseil. En
clair, les assises sont exclues pour le mineur de moins de seize ans.
La cour d'assises des mineurs se compose de 9 «juges''
à savoir 3 magistrats dont un assure la présidence et 6
jurés. La sélection des jurés tient compte de
l'intérêt que chacun d'eux porte aux problèmes de l'enfance
délinquante. Les deux membres magistrats sont, autant que possible,
choisis parmi les juges des enfants du ressort de la cour d'assises.
En cas de pourvoi en cassation contre les arrêts de la
formation des enfants de chambre des appels correctionnels de la cour d'appel
ou contre les arrêts de la cour d'assises des mineurs, c'est la chambre
judiciaire de la cour suprême sans les spécificités
qui existent en première instance et en appel.
Pour protéger les mineurs contre l'effet d'imitation,
l'article 306 alinéa 2 du code de procédure pénale donne
au président le pouvoir d'interdire l'accès à la salle
d'audiences aux mineurs ou à certains d'entre eux, ce qui constitue une
dérogation au principe de la publicité des débats. Aussi
l'article 782 alinéas 1er, 2e, 4e et
5e du même code énumère-t-il limitativement les
catégories de personnes pouvant être admises dans la salle
d'audiences dans un procès de mineur qu'il s'agisse de la cour d'assises
des mineurs ou du tribunal pour enfants.
L'efficacité de la protection par le biais de ces
dispositions d'ordre procédural est renforcée par la nature et le
caractère des mesures qui peuvent être décidées
relativement au mineur en conflit avec la loi
II. La protection à travers les
mesures susceptibles d'être prises relativement au mineur et leur
exécution
Deux mécanismes de protection sont ici
identifiables : la nature des décisions qui peuvent être
prises contre le mineur et les excuses de minorité. L'exécution
des mesures de restriction ou de privation de liberté est dominée
par le souci de préserver l'intégrité physique et moral de
l'enfant.
1. Les privations ou restrictions de liberté
Les mesures qui peuvent être prises relativement au
mineur varient en fonction de la situation du mineur et de la nature de
l'infraction commise. Elles varient également en fonction du
degré des juridictions qui en sont chargées. Ces mesures peuvent
consister en une restriction ou une privation de liberté, que les
décisions émanent du juge des enfants, du tribunal pour enfants
ou de la cour d'assises des mineurs
a. Les décisions du juge des enfants
Le juge des enfants peut décider l'une des mesures
prévues à l'article 770 du code de procédure
pénale. Il peut décider de confier provisoirement l'enfant
délinquant à ses parents, à son tuteur ou à la
personne qui en avait la garde ainsi qu'à une personne digne de
confiance. Il peut également décider de la placer dans un centre
d'accueil ou une institution publique ou privée habilitée
à cet effet, au service de l'assistance à l'enfance ou à
un établissement hospitalier ou encore à un établissement
ou une institution d'éducation de formation professionnelle ou de soins
de l'Etat ou d'une administration publique habilitée.
L'article 770 mentionne aussi que, s'il estime que
l'état physique ou psychologique du mineur justifie une observation
approfondie, le juge peut ordonner son placement provisoire dans un centre
d'observation agrée par le ministre de la justice. C'est sur la base
cette énumération que les enfants sont placés dans les
maisons d'arrêt dans les localités ou il n'existe pas les autres
centres énumérés. Cependant l'article 771 fait de cette
mesure un recours exceptionnel qui doit être écarté chaque
fois que les circonstances le permettent.
b. Les décisions du tribunal pour enfants et de la
cour d'assises des mineurs
S'il est établi que le mineur a agi sans discernement,
il prononce son acquittement, (excuse absolutoire). Cependant le mineur fait
l'objet d'un placement dans un centre d'éducation corrective ou dans une
maison de correction où il bénéficie de mesures
éducatives. En revanche, si le mineur a agi en pleine connaissance de
cause, il bénéfice d'une atténuation de peine, mais doit
effectuer celle-ci dans les conditions du droit commun (excuse
atténuante).
Les décisions varient selon l'âge du
mineur : mineur âgé entre dix et treize ans et mineur
âgé entre treize et dix huit ans.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur âgé entre dix et
treize ans, le tribunal prononce l'une des mesures prévues à
l'article 783 : il s'agit de la remise à parents, ou des mesures de
placement soit dans une institution de formation professionnelle, soit dans une
structure médicale ou médico-pédagogique, soit dans un
service d'aide à l'enfance. La décision doit préciser la
durée de la mesure et celle-ci ne doit pas aller au-delà de son
dix-huitième anniversaire.
Lorsqu'il s'agit d'un mineur âgé de treize ans
révolus à 18 non révolus, le tribunal peut décider
l'une des mesures prescrites à l'article 783 précité ou
les mesures suivantes contre lui :
- Le placement dans une institution publique
d'éducation surveillée ou éducation corrective ;
- Une condamnation pénale dont le quantum, s'il s'agit
d'un délit ne peut être supérieur à la moitié
de celui auquel il allait être condamné s'il avait dix huit ans
révolus au moment de cette condamnation ;
- A titre complémentaire, le tribunal peut ordonner un
placement sous le régime de la liberté surveillée
jusqu'à un âge qui ne peut excéder vingt et un ans.
Les mesures de placement provisoire sont les mêmes que
celles que la cour d'assises des mineurs peut retenir si elle décide
d'écarter la condamnation pénale (article 778 alinéa 2 du
code de procédure pénale)
La nature de ces différentes mesures témoigne du
souci du législateur de ménager l'enfant délinquant en lui
offrant des possibilités d'une rééducation et d'une
réintégration et non de lui infliger des peines infamantes dont
la finalité est de le punir ou de la réprimer. L'article 769
nouveau prescrit au juge de tenir compte de certains paramètres
notamment la personnalité du mineur, la situation matérielle et
morale de sa famille, les antécédents sur sa fréquentation
scolaire, les conditions dans lesquelles il a vécu ou été
élevé.
Toujours pour une meilleure protection du mineur
délinquant, l'article 764 CPP donne des larges pouvoirs aux formations
chargées des enfants en disposant que « le juge des
enfants et le tribunal pour enfants peuvent dans tous les cas ordonner
l'exécution provisoire de leur décision nonobstant opposition ou
appel ». Cette possibilité accordée aux magistrats
chargés d'examiner les dossiers des enfants est destinée à
contourner les obstacles d'appel ou d'opposition qui risqueraient de maintenir
l'enfant dans une attente longue compromettante pour sa protection.
« D'une manière générale, un mineur
n'est jamais condamné de la même manière qu'un majeur, ni
frappé d'une même peine, car il bénéficie de
l'excuse de minorité. Cette présomption s'applique
différemment selon l'âge du mineur »72(*)
Le code pénal permet au juge des enfants statuant en
chambre du conseil, au tribunal pour enfants et à la cour d'assises des
mineurs d'accorder à l'enfant délinquant des excuses
tirées de sa qualité de mineur. L'excuse de minorité
revêt deux aspects : il peut être absolutoire ou
atténuante.
· L'excuse absolutoire
L'article 116 du code dispose que : « les
faits commis par un mineur de 10 ans ne sont pas susceptibles de qualification
et de poursuites pénales » L'alinéa 2 du
même article ajoute que : « le mineur de 13 ans
bénéficie de droit en cas de culpabilité de l'excuse
absolutoire de minorité »
L'alinéa 3 précise les mesures qui peuvent
être retenues contre un mineur de 10 à 13 ans. Il dispose en effet
que : « les mineurs de dix a treize ans ne peuvent faire
l'objet que de mesures de protection, d'assistance, de surveillance et
d'éducation prévue par la loi »
Cependant, lorsque les circonstances et la personnalité
du mineur l'exigent, l'article 757 alinéa 2 code de procédure
pénale permet aux juridictions de statuer et de prononcer à leur
égard une condamnation pénale. Mais l'excuse absolutoire ainsi
écartée doit être remplacée par une excuse
atténuante de minorité.
· L'excuse atténuante
L'article 778 alinéa 2, dispose que la cour
à peine de nullité doit statuer spécialement :
1° sur l'application à l'accusé d'une
condamnation pénale ;
2° sur l'exclusion de l'accusé du
bénéfice de l'excuse atténuante de
minorité.
Cette excuse atténuante opère également
selon que le mineur est ou non âgé de plus de 16 ans. Si l'enfant
est âgé de seize (16) ans ou moins, l'excuse atténuante de
minorité joue automatiquement. Dans le cas contraire, l'article 758 du
code de procédure pénale permet aux juridictions, de statuer sur
l'excuse atténuante de minorité à condition de motiver
spécialement leurs décisions.
Lorsque l'excuse de minorité est admise, elle produit
en matière de crime et de délits, les effets prévus par
l'article 114 du code pénal c'est-à-dire la réduction de
la peine principale et l'exclusion des peines complémentaires et des
mesures de sûreté. Ainsi par exemple, la peine de mort est
remplacée par un emprisonnement de 5 à 20 ans ; la peine
privative de liberté perpétuelle est remplacée par une
peine privative de liberté de 5 à 10 ans.
2. La protection à travers l'exécution des
décisions
Deux sortes de mesures peuvent être retenues contre le
mineur en conflit avec la loi. La première est constituée des
mesures provisoires (la garde provisoire et la liberté
surveillée) et la seconde est constituée des mesures privatives
de liberté.
a. L'exécution de la garde provisoire et de la
liberté surveillée
La garde provisoire de l'enfant délinquant est une
mesure décidée par le juge des enfants à travers une
ordonnance appelée ordonnance de garde provisoire, qui peut se
révéler une véritable mesure de restriction de la
liberté de l'enfant délinquant.
Dans la pratique, la longue énumération de
structures d'accueil et d'exécution de la garde provisoire amène
les magistrats dans les régions où il n'existe pas de centres
alternatifs mieux indiqués, à placer les enfants en garde
provisoire dans des maisons d'arrêt. Cependant l'exécution de la
garde provisoire dans ces maisons d'arrêt est dominée par deux
principes fondamentaux qui visent à éviter la compromission de la
vie du mineur délinquant et à accorder une attention
particulière à sa situation. Ces deux principes sont : le
non dessaisissement du juge des enfants et l'interdiction de placer
provisoirement un mineur de moins de treize ans dans une maison
d'arrêt.
Le non dessaisissement du juge des enfants lui permet de
revenir et de modifier les mesures qu'il avait auparavant prescrites
relativement au mineur placé en garde provisoire ou en liberté
surveillée.
L'alinéa 1er de l'article 771 dispose que
« le mineur de treize ans ne peut être placé
provisoirement dans une maison d'arrêt par le juge des enfants que si
cette mesure parait indispensable ou s'il est impossible de prendre toutes
autres dispositions ». Il suit de cet article que le placement
provisoire d'un délinquant âgé de moins de treize ans dans
un établissement pénitentiaire est l'ultime mesure à
laquelle le juge des enfants peut recourir.
b. L'exécution des mandats de dépôt et
des condamnations pénales
L'exécution des mesures privatives de liberté
contre le mineur délinquant est gouvernée par le principe de la
séparation des mineurs et majeurs dans les établissements
pénitentiaires.
Cette séparation est destinée à assurer
au mineur la protection contre les violences et contre la transmission des
enseignements ou leçons de crime par les détenus majeurs. Cette
séparation se manifeste à travers l'affectation interne et
l'affectation au sein des cellules. L'affectation interne consiste à
réserver aux mineurs à l'intérieur des centres de
détention un quartier tandis que l'affectation au sein des cellules
série entre condamnés et prévenus.
Aussi bien la garde provisoire que les peines privatives de
liberté décidées contre le mineur en conflit avec la loi
doivent tenir compte de son état physique ou mental. D'ailleurs,
l'article 40 de la convention relative aux droits de l'enfant prescrit que les
normes de l'administration pénitentiaire relatives au mineur doivent
tenir compte «...de la nécessité de faciliter sa
réintégration dans la société et de lui faire
assumer un rôle constructif au sein de celle-ci ». Tous
ces principes et règles sont destinés à assurer au mineur
la protection physique et mentale.
B. Au plan international : la protection par la Cour
pénale internationale (CPI)
La juridiction aujourd'hui compétente en matière
de protection des enfants au plan pénal est la CPI.
« L'avènement de la Cour pénale internationale
(CPI) a suscité beaucoup d'espoirs tant du côté des
victimes, que du côté des ONG et des défenseurs des droits
de l'homme, dans la lutte contre l'impunité » 73(*)
La CPI, en tant que juridiction pénale permanente
à vocation internationale, contribue de par ses compétences
répressives à protéger les enfants. Elle connait des
crimes commis sur les enfants qui, selon les circonstances, sont
qualifiés de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité.
I. Les crimes sur les enfants ressortissant à la
compétence de la CPI
Aux termes de l'article 1er du statut de Rome, la
CPI est une juridiction permanente compétente pour juger les auteurs de
crimes les plus graves ayant une portée internationale. Relativement aux
enfants elle est compétente pour juger les crimes de génocide ou
de guerre ou de crimes contre l'humanité.
Constituent des crimes de génocide et peuvent
être poursuivis et jugés par la CPI, les transferts forcés
d'enfants d'un groupe à un autre [article 6 e)], la traite des
êtres humains en particulier des femmes et des enfants [article 7
paragraphe 2 c)].
Sont des crimes de guerre aux termes de l'article 8 les faits
suivants :
· le fait de procéder à la conscription ou
à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces
armées nationales ou de les faire participer activement à des
hostilités ;
· le fait de procéder à la conscription ou
à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans les forces
armées ou dans des groupes armés ou de les faire participer
activement à des hostilités.
La sanction des ces différents crimes se fait à
travers la poursuite et le jugement des personnes qui en sont responsables. Il
s'agit notamment des chefs de guerre mais aussi des responsables militaires et
politiques, peu importent qu'elles représentent le pouvoir légal
ou ont agi conformément à l'ordre d'un supérieur. Ni les
immunités diplomatiques ni celles de juridictions reconnues par les
législations internes ne sont admises devant la cour.
II. Les conditions de mise en oeuvre de
la compétence de la CPI
La CPI est complémentaire des juridictions nationales.
Relativement à la compétence rationae temporis, la Cour n'a
compétence qu'à l'égard des crimes relevant de sa
compétence, commis après l'entrée en vigueur de son
statut. Si un État devient partie au statut après l'entrée
en vigueur de celui-ci, la Cour ne peut exercer sa compétence
qu'à l'égard des crimes commis après l'entrée en
vigueur du statut pour cet État, sauf si ledit État fait la
déclaration de reconnaissance de la compétence de la cour. Cette
acceptation est faite par déclaration déposée
auprès du Greffier. L'État ayant accepté la
compétence de la Cour coopère avec celle-ci sans retard et sans
exception.
L'Etat de Côte d'Ivoire n'a pas ratifié le
statut, et de ce fait, la cour n'est pas a priori compétente pour juger
les crimes commis sur son territoire depuis l'entrée en vigueur du
statut le 1er juillet 2002. Cependant par une déclaration de
compétence déposée par l'Etat ivoirien au greffe de la
cour le 18 avril 2003, dépôt confirmé en février
2005 par le greffe de la CPI, l'Etat ivoirien a reconnu la compétence de
la cour sur les crimes commis depuis le déclenchement de la guerre en
septembre 2002. Cette reconnaissance s'analyse en une ratification ad hoc et
rétroactive et devrait se traduire par l'envoi par le bureau du
procureur de missions d'enquête sur le territoire ivoirien aux fins
d'examiner la situation et enclencher, le cas échéant, des
poursuites.
Paragraphe 2. La protection par le juge civil et la
protection quasi juridictionnelle
La protection par le juge civil se fait à travers la
tutelle du mineur ; elle est constituée de mesures d'ordre interne
alors que la protection quasi juridictionnelle est l'oeuvre d'organes
internationaux.
A. La tutelle du mineur
Participer à une société,
conclure un contrat d'assurance, donner une voiture à un ami, louer un
appartement, sont des opérations qui peuvent s'avérer dangereuses
pour le patrimoine de celui qui les accomplit. C'est pourquoi la loi a
prévu pour les incapables des mécanismes de protection dont la
mis en jeu permet de préserver leurs intérêts. Au titre des
ces mécanismes il y a la tutelle
I. Définition et fondement de la tutelle
La tutelle est une mesure décidée par le juge
des tutelles, qui est un juge du tribunal d'instance, pour les mineurs dont un
parent ou les deux sont vivants, lorsque ceux-ci apparaissent incapables
d'assumer leur rôle naturel d'administrateurs des biens et de la personne
de leur enfant. La tutelle est une mesure induite par une idée
d'incapacité du mineur.
Dès lors, il n'est pas anormal d'en réserver
l'exercice aux personnes considérées comme suffisamment
mûres et disposant de toutes leurs facultés. L'incapacité
déclarée contre un majeur peut être une mesure
destiné à le protéger contre les tiers ou constituer une
sanction. Pour le mineur il s'agit d'une mesure destinée à
protéger son patrimoine.
Juridiquement, le mineur est une personne à
part entière. Comme tel, il est apte à jouir des droits civils
reconnus à tout individu. Cette capacité de jouissance, dite
« capacité civile passive », est
entière : tout mineur peut, comme un majeur, posséder un
patrimoine qui lui est propre, recevoir un héritage, être le
bénéficiaire d'une donation.
En revanche, le mineur ne jouit pas de
l'exercice des droits civils, c'est-à-dire de l'aptitude à faire
produire à ses actes des effets juridiques. Cette capacité
d'exercice, dite « capacité civile active », suppose
en effet deux conditions : le discernement, c'est-à-dire la
faculté d'agir raisonnablement, et la majorité légale, qui
s'acquiert à l'âge de dix-huit ans révolus. C'est la raison
pour laquelle le mineur est dit « incapable ». Tous les
actes juridiques auquel il est partie doivent être accomplis par le
représentant légal du mineur (père, mère ou, si le
mineur n'a plus de parents vivants, le tuteur ou le conseil de famille).
Ce principe d'incapacité, compris comme une
mesure de protection bénéficiant au mineur, est cependant
susceptible d'aménagements. Ainsi le mineur âgé d'au moins
seize ans peut faire l'objet d'une mesure dite d'émancipation et se voir
ainsi reconnaître une pleine capacité d'exercice. Celle-ci est
accordée par le juge des tutelles sur demande du représentant
légal du mineur ; elle est acquise de plein droit en cas de
mariage. Les effets de l'émancipation ne se limitent toutefois qu'aux
actes de la vie civile : même émancipé, le mineur ne
peut pas exercer d'activités commerciales ni avoir la qualité de
commerçant.
II. Régime de la tutelle des
mineurs
C'est le juge civil saisi d'une affaire qui examine la
situation de l'enfant (décès des deux ou incapacité de
l'un ou des deux parents lorsque bien que ceux-ci soient vivants, ils sont
jugés incapables de protéger le patrimoine de la personne de leur
enfant) et décide de la nécessité de lui instituer un
tuteur. En l'occurrence, c'est la juridiction présidentielle
(président du tribunal saisi) qui est compétente en cette
matière.
Lorsqu'un enfant est appelé à participer
à un procès qui l'oppose à ses parents ou que ces derniers
ne veulent pas l'aider à faire valoir ses droits, il peut, par jugement,
lui être désigné un administrateur, ou tuteur ad
hoc, chargé de le représenter pour le procès.
Le juge des tutelles désigne quatre à six
personnes choisies parmi la famille ou, à défaut, les amis
proches de l'incapable. Ces personnes forment le conseil de famille. Celui-ci a
pour rôle de prendre, à la majorité des voix, les
décisions importantes pour la vie de l'incapable et la gestion de son
patrimoine, et d'élire le tuteur. Cependant, le tuteur n'est pas
élu lorsque les parents décédés d'un mineur ont
eux-mêmes, par testament, procédé à la
désignation d'une personne en qualité de tuteur. De même,
pour les mineurs, les ascendants survivants les plus proches, en
général les grands-parents, seront désignés en
qualité de tuteur de préférence à tout autre
candidat. Le juge des tutelles préside le conseil de famille. Il est
aussi chargé du suivi de la mesure et du contrôle du tuteur. Il
peut, en cas d'urgence, prendre seul toutes les décisions qui sont
normalement de la compétence du conseil de famille.
Le tuteur est chargé d'exécuter les
décisions prises par le conseil de famille. Il prend soin de la personne
du mineur. Il doit dresser l'inventaire des biens du mineur, administrer ses
biens et faire fructifier son patrimoine.
Il est tenu de rendre des comptes, pendant la tutelle, au juge
des tutelles et au conseil de famille à la fin de la mesure.
Etant tirée d'une incapacité de jouissance,
l'incapacité du mineur d'accomplir des actes qui nécessitent
qu'il soit représenté par ses parents ou tuteurs est
sanctionnée par la nullité absolue. Ainsi le mineur ou son
représentant légal peut invoquer cette nullité à
l'égard de quiconque. La tutelle mineur prend fin automatiquement des
que celui-ci atteint la majorité civile.
B. La protection quasi juridictionnelle
Les organes de protection quasi juridictionnelle se situent au
plan international et régional. Au plan international se trouve le
comité des droits de l'enfant et au plan régional il y a le
comité africain d'experts sur les droits et le bien être de
l'enfant.
I. Le comité des droits de l'enfant
Le Comité des droits de l'enfant est l'organe de
surveillance institué par la convention relative aux droits de l'enfant.
Ses attributions sont énumérées aux articles 44 et 45 de
la convention.
Conformément à l'article 44 le Comité
reçoit par l'entremise du Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies, tous les cinq ans, des rapports
émanant de chaque Etat partie sur les mesures qu'il a adoptées
pour donner effet aux droits reconnus dans la Convention et sur les
progrès réalisés dans la jouissance de ces droits. Les
rapports établis en application cet 44 doivent, le cas
échéant, indiquer les facteurs et les difficultés
empêchant les Etats parties de s'acquitter pleinement des obligations
prévues dans la convention. Ils doivent également contenir des
renseignements suffisants pour donner au Comité une idée
précise de l'application de la convention dans le pays
considéré. En vue de l'examen des rapports soumis, le
Comité peut demander aux Etats parties tous renseignements
complémentaires relatifs à l'application de la convention.
L'article 45 donne la latitude aux institutions
spécialisées, le Fonds des Nations Unies pour l'enfance et
d'autres organes des Nations Unies de se faire représenter, lors de
l'examen de l'application par le Comité, des dispositions de la
convention qui relèvent de leur mandat. Le Comité peut ainsi
inviter les institutions spécialisées, le Fonds des Nations Unies
pour l'enfance et d'autres organes des Nations Unies à lui
présenter des rapports sur l'application de la convention dans les
secteurs qui relèvent de leur domaine d'activité. Le
Comité transmet, s'il le juge nécessaire, aux institutions
spécialisées, au Fonds des Nations Unies pour l'enfance et aux
autres organismes compétents tout rapport des Etats parties contenant
une demande ou indiquant un besoin de conseils ou d'assistance techniques,
accompagné, le cas échéant, des observations et
suggestions du Comité touchant ladite demande ou indication. Toujours
dans le cadre de l'examen des rapports, le Comité peut faire des
suggestions et des recommandations d'ordre général fondées
sur les renseignements reçus. Ces suggestions et recommandations sont
transmises à tout Etat partie intéressé et portées
à l'attention de l'Assemblée générale,
accompagnées, le cas échéant, des observations des Etats
parties.
En tant que protocoles additionnels, les deux protocoles
à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'une, la
vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des
enfants, et l'autre la participation des enfants aux conflits armé font
partie du bloc de la convention relative aux droits de l'enfant. De ce fait le
Comité des droits de l'enfant dispose à leur égard de ces
instruments des mêmes compétences dans l'interprétation et
l'application.
II. Le Comité africain d'experts
sur les droits et le bien-être de l'enfant
Au plan régional et dans le cadre de l'Union africaine,
il a été créé le Comité africain d'experts
sur les droits et le bien-être de l'enfant par la charte africaine des
droits et du bien être de l'enfant. C'est l'organe de surveillance de
cette charte. Ce comité dispose, à l'instar du comité des
droits et l'enfant de l'ONU, des attributions importantes en matière de
protection des droits de l'enfant. Outre la promotion des droits
consacrés dans la charte, le Comité est chargé, aux termes
de l'article 42, de suivre la garantie des droits consacrés dans la
charte, de veiller à leur respect et d'interpréter les
dispositions de la charte. A ce titre il est habilité par l'article 43
à recevoir tous les trois ans des rapports sur les mesures que les Etats
parties auront adoptées pour donner effet aux dispositions de la Charte
ainsi que sur les progrès réalisés dans l'exercice de ces
droits. Le comité d'experts est habilité à recevoir des
communications concernant toute question traitée par la charte, de tout
individu, groupe ou organisation non gouvernementale reconnue par Union
africaine, par un Etat membre, ou par l'Organisation des Nations unies.
Le comité dispose de larges pouvoirs d'investigation et
peut ainsi, aux termes de l'article 45, recourir à toute méthode
appropriée pour enquêter sur toute question relevant de la charte,
demander aux Etats parties toute information pertinente sur l'application de la
charte et recourir à toute méthode appropriée pour
enquêter sur les mesures adoptées par un Etat partie en
exécution des engagements y souscrits.
Pour l'exécution de sa mission, l'article 46 prescrit
au comité de s'inspirer « du droit international relatif
aux droits de l'homme, notamment des dispositions de la Charte africaine des
droits de l'homme et des peuples, de la Charte de l'Union africaine, de la
Déclaration universelle des droits de l'homme, de la Convention
internationale sur les droits de l'enfant et d'autres instruments
adoptés par l'Organisation des Nations unies et par les pays africains
dans le domaine des droits de l'homme ainsi que des valeurs du patrimoine
traditionnel et culturel africain ».
La mission de ce comité sera renforcée par la
cour africaine de justice et des droits de l'homme dont le statut est
entré en vigueur le 11 février 2009 et dont le mandat est plus
général mais dont les décisions sont plus contraignantes
que les rapports du comité. La mission de la cour consiste
conformément à l'article. 28 c), entre autres, dans
l'interprétation et l'application de la Charte africaine des droits de
l'homme et des peuples, de la Charte africaine des droits et du bien-être
de l'enfant, du Protocole à la Charte africaine des droits de l'homme et
des peuples relatif aux droits de la femme ou de tout autre instrument
juridique relatif aux droits de l'homme, auxquels sont parties les Etats
concernés.
Cette mission a été anticipée par la
jurisprudence de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples
dont la mission est de promouvoir les droits de l'homme en
général et de veiller au respect des dispositions de la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples.
Section 2. La protection extra juridictionnelle
La disparition du dispositif de protection judiciaire et
administrative dans les zones contrôlées par la rébellion
et leur affaiblissement dans la zone gouvernementale et les compromissions des
uns et des autres dans chaque zone, ont rendu incontournable l'intervention
d'autres acteurs en complément des organes étatiques. Tous ces
organes ont contribué à maintenir un état
d'équilibre à travers ce qu'on peut appeler la protection extra
juridictionnelle.
Par protection extra juridictionnelle, il faut entendre
à la fois la protection stricto sensu. Elle est également
constituée de toutes actions mises en oeuvre afin de garantir les droits
reconnus à l'enfant, mais aussi de la promotion qui consiste en une
protection préventive. Cette protection comporte deux aspects : la
protection par le plaidoyer d'une part et la protection par la
réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en
charge en faveur des enfants d'autre part.
Paragraphe 1. La protection par le plaidoyer
Le plaidoyer est la défense écrite ou orale en
faveur d'une opinion d'une politique ou d'un groupe de personnes. En tant que
défense, il « est un processus politique organisé
qui implique des efforts conjugués afin de changer les politiques,
pratiques, idées et valeurs perpétuant les
inégalités, les préjugés et
l'exclusion... »74(*). Il vise souvent l'amélioration des
conditions de vie et du bien-être ou la protection d'entités ne
pouvant se défendre elles-mêmes et se distingue en cela du
lobbying dont le bénéfice est orienté vers les membres du
groupe initiateur.
Le travail de plaidoyer pour la protection de l'enfance
combine des stratégies intriquées visant à mettre en
évidence les problèmes graves ignorés et occultés
auxquels elle est confrontée, à influencer des comportements
publics et à promulguer et mettre en oeuvre des règles et des
politiques afin d'améliorer sa situation. Ces stratégies vont de
la négociation à la pression et utilisent des vecteurs divers
comme la sensibilisation, les déclarations, les pétitions,
l'éducation publique par les medias, la persuasion et le contentieux. Le
plaidoyer se décline en surveillance et communication d'une part et
dialogue avec les parties et renforcement des capacités d'autre part.
A. La surveillance et la communication de l'information
relative aux violations faites aux enfants
Pour favoriser la circulation et le partage de l'information
relative aux enfants, un cadre de concertation a été mis en place
et dispose de ramifications dans toutes les régions du pays. Ce cadre
dénommé mécanisme de référence et de
suivi des cas de violences faites aux enfants regroupe tous les acteurs
intervenant dans la protection de l'enfance, des organes étatiques aux
organismes des Nations Unies en passant par les ONG.
I. Définition et portée
La surveillance consiste à observer et identifier les
violations commises sur les enfants. Ces violations connues sont
communiquées par des canaux propres à chaque acteur intervenant,
des périphéries vers les centres de consolidation au plan interne
et international. Cette consolidation aboutit à des rapports qui
reflètent et permettent d'évaluer et d'apprécier la
situation des enfants dans le pays. Ces rapports sanctionnés par des
recommandations, permettent d'interpeler la communauté nationale et
internationale sur les violations des droits de l'homme.
La publication des rapports constitue un moyen de pression
pour ces ONG qui, pour la plupart, coopèrent avec les organismes de
garantie juridictionnelle et quasi juridictionnelle des droits de l'homme.
Relativement aux rapports périodiques exigés des Etats parties
à la convention relative aux droits de l'enfant, ces ONG soumettent au
comité des droits de l'enfant des rapports alternatifs qui
permettent d'apprécier et de confronter le contenu des rapports
étatiques.
II. Les organismes les plus connus et
leurs domaines d'intervention
Plusieurs organisations sont particulièrement actives
dans ce domaine dont les plus connues sont entre autres :
· Le Bureau International Catholique de l'Enfance
(BICE) : fort de sa délégation en Côte d'Ivoire,
il s'est donné comme activité de renforcer un environnement
protecteur pour les enfants. Pour y parvenir il procède par la mise en
oeuvre d'interactions entre institutions et services de l'Etat, de groupes de
la société civile, des familles, de l'Eglise, des médias
et des institutions des droits de l'homme et des droits de l'enfant ;
· Amnesty International et Human Rights
Watch sont deux ONG internationales spécialisées dans la
défense des droits de l'homme en général. Pour identifier
les violations, elles procèdent par enquêtes auprès des
victimes, des témoins et même des autorités. Elles
consolident les informations et publient des rapports.
· La Fédération International des
Ligues des droits de l'Homme (FIDH) qui dispose en Côte d'Ivoire de
deux organisations affiliées : la Ligue Ivoirienne des droits de
l'Homme (LIDHO) et le Mouvement Ivoirien des Droits de l'Homme (MIDH). A
l'instar d'Amnesty International et Human Rights Watch, la FIDH utilise le
procédé d'enquêtes sanctionnées par des publications
de rapports ;
· La Commission Nationale des Droits de l'Homme
qui est issue des accords de Linas Marcoussis de janvier 2003, dès
après le déclenchement de la crise ivoirienne. Elle a pour
mission essentielle de veiller à la protection des droits et
libertés en Côte d'Ivoire. A ce titre, elle reçoit des
plaintes et dénonciations portant sur les cas de violations des droits
de l'homme. Elle procède à des enquêtes non judiciaires et
des investigations sur les plaintes et dénonciations dont elle est
saisie et adresse un rapport contenant les mesures qu'elle propose au
gouvernement. Depuis son installation le 11 janvier 2007, la CNDH-CI fait des
visites et des enquêtes sur l'ensemble du territoire y compris dans les
zones sous contrôle par les rebelles.
· L'ONG Action pour la Protection des Droits de
l'Homme (APDH) dont les activités consistent à aller sur le
terrain, à constater les faits, et prendre le parti des victimes des
violations et faire des recommandations aux pouvoirs publics.
· Les Nations Unies à travers le Fonds des Nations
Unies pour l'Enfance et la section de protection de l'enfance de
l'Opération des Nations Unies pour la Côte d'Ivoire. Le
système onusien s'attache à l'application de la résolution
1612 du Conseil de sécurité de juillet 2005, qui a mis en place
le mécanisme de surveillance et de communication de l'information
sur les enfants et les conflits armés. Ce mécanisme se
focalise sur les six graves violations que nous avons
énumérées au chapitre 1er.
B. Le dialogue avec les parties et le renforcement des
capacités
La finalité de ces deux aspects du plaidoyer est
défaire cesser les violations faites aux enfants. Mais, à la
différence du dialogue qui vise la cessation immédiate de
l'état de violation, le renforcement et la sensibilisation ont un effet
préventif
I. Le dialogue avec les parties
Le dialogue consiste à aller au contact des pouvoirs
publics, des décideurs, des organisations nationales ou internationales,
des représentations diplomatiques ainsi que des partenaires au
développement à l'effet d'échanger avec eux sur la
situation des droits de l'enfant afin d'obtenir leur soutien, réaction
et actions pour l'amélioration desdits droits. Il consiste
également à discuter avec les auteurs de violations pour les
convaincre de mettre fin à l'état de violation ou s'en abstenir.
Enfin il consiste à demander aux autorités d'intégrer,
dans leurs programmes, des volets relatifs à la protection des
enfants.
Ce procédé de dialogue a prouvé son
efficacité dans le contexte ivoirien et a été surtout
utilisé par le système des Nations. Ainsi « l'UNICEF a
instauré un dialogue avec les Forces armées nationales de
Côte d'Ivoire (FANCI) et les Forces armées des forces nouvelles
(FAFN). Ce dialogue a abouti à la libération de 273 enfants
soldats par les FAFN et à l'adoption, le 15 septembre 2003, d'une
déclaration dans laquelle les forces en question se sont engagées
à cesser de recruter des enfants dans leurs rangs et dans ceux des
groupes de milices alliées placées sous leur
contrôle »75(*).
Par ailleurs, à la suite du vote de la
résolution 1612 du Conseil de sécurité, résolution
qui a marqué un tournant historique, certaines parties
impliquées dans la crise ont engagé le dialogue avec les Nations
Unies en vue d'élaborer et de mettre en oeuvre des plans d'action
assortis de calendriers pour prévenir les violations et mettre fin
à celles pour lesquelles elles ont été
épinglées. C'est ainsi qu'en novembre 2005, les Forces Nouvelles,
« sous la pression concertée du Représentant
spécial du Secrétaire général pour la Côte
d'Ivoire et de l'UNICEF, a soumis au Représentant spécial un plan
d'action visant à empêcher le recrutement d'enfants et à
libérer les enfants déjà associés à ses
forces ». 76(*)
La plupart des ONG locales utilisent aussi ce procède
de dialogue. C'est le cas notamment de la CNDH-CI, de la LIDHO, de l'APDH et du
MIDH etc. qui font toutes des visites dans les centres de garde et de
détention et interrogent ceux qui y sont privés de liberté
pour déceler les irrégularités et demander leur
réparation ou cessation.
Un plaidoyer de l'ONG Save the Children a abouti, en 2009,
à la prise d'un arrêté par le ministre de
l'éducation nationale, pour interdire les punitions physiques et
humiliantes à l'endroit des élèves des
établissements scolaires.77(*)
Quant aux centres d'observation des mineurs et les services de
la liberté surveillée qui dépendent de la Direction de la
protection juridique de l'enfance et de la jeunesse qui est elle-même
placée sous la tutelle du Ministère de la justice et des droits
de l'homme, ils interviennent auprès des cours et tribunaux pour plaider
en faveur des enfants en conflit avec la loi afin que ceux-ci, autant que faire
ce peut, puissent bénéficier de mesures d'assistance
éducative, de rééducation et de réinsertion. Depuis
la création de la direction et l'installation en mars 2007 de ses
services, ces derniers oeuvrent à la séparation des cellules et
des quartiers de mineurs de ceux des majeurs dans les maisons de
détention.
II. Le renforcement des capacités
et la sensibilisation
Les mêmes organes intervenant en faveur des droits des
enfants s'occupent également à quelques exceptions près,
de ces volets de la protection.
Par renforcement de capacités, il faut entendre les
sessions de formation organisées à l'endroit du personnel des
armées et de la police et des activistes afin que ceux soient
informés et formés sur les droits de l'enfant tels que
définis et garantis par les instruments juridiques nationaux et
internationaux et pour qu'ils soient en mesure d'assurer la protection aux
enfants dans le cadre de leurs missions de sécurité et de
défense pour le militaires et les policiers, et de vulgarisation en ce
qui concerne les ONG
La sensibilisation consiste en des actions de divulgation des
droits de l'enfant auprès des cibles enclines à leur violation,
notamment les chefs traditionnels, les chefs de cultes, les précepteurs
et la population de façon générale. C'est dans cette
logique que plusieurs journées ont été consacrées
à la célébration de l'enfant. Il s'agit notamment
du :
· 12 juin de chaque année déclaré
par l'ONU "Journée mondiale contre le travail des enfants" depuis
2003 ;
· 16 Juin déclaré depuis 1991
"Journée de l'enfant africain" par l'Organisation de l'Unité
Africaine en souvenir du massacre de centaines d'enfants à Soweto en
Afrique du Sud ;
· 20 novembre déclaré depuis 1989 par
l'ONU "Journée internationale des droits de l'enfant" pour marquer
l'anniversaire de la signature de la convention relative aux droits de
l'enfant
Des campagnes d'information, de formation sont conduites par
la section de la protection de l'enfance de l'ONUCI auprès des Forces de
défense et de sécurité (FDS), des Forces Nouvelles, du
personnel civil et militaire de la mission afin que ceux-ci s'abstiennent
d'abuser des enfants mais aussi afin qu'ils assurent leur protection. Ces
campagnes sont faites en exécution du plan stratégique mis en
place par la Représentante spéciale du Secrétaire
général pour les enfants et les conflits armés. Ce plan
élaboré conformément au mandat de la Représentante,
a les principaux objectifs suivants :
1) appuyer les initiatives mondiales visant à mettre
fin aux abus graves;
2) promouvoir la protection des enfants touchés par un
conflit armé en s'appuyant sur les droits de l'enfant;
3) faire des préoccupations que soulèvent les
enfants et les conflits armés un aspect intégral du maintien et
de la consolidation de la paix;
4) sensibiliser l'opinion à toutes les questions
liées aux enfants et aux conflits armés.
Paragraphe 2. La protection par la réalisation
d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en charge
Cet aspect de la protection consiste à identifier les
besoins de l'enfance dans des domaines ciblés et pourvoir à ces
besoins en termes d'infrastructures. Il consiste aussi à contribuer
à la réalisation du bien être de l'enfant à travers
des dons ou la prise en charge matérielle et psychologique des enfants
victimes de violations ou de situations leur ayant causé des
préjudices physiques, sanitaire ou moraux. Cet aspect de la protection
est notoirement noté sur le plan éducatif, sanitaire, alimentaire
et vestimentaire.
A. Au plan éducatif et sanitaire
Plusieurs organes étatiques ou non s'illustrent sur ce
plan. On peut citer entre autres :
· Le système des Nations Unies à travers
l'ONUCI, qui fait la réhabilitation des écoles et centres de
santé, prodigue des soins de santé gratuits (activité
qu'elle partage avec l'ONG Médecins sans frontières), l'UNICEF
qui mobilise ses partenaires pour assure aux enfants des vaccinations gratuites
contre la poliomyélite ;
· l'ONG internationale Save the Children qui elle, en
plus du plaidoyer, fait l'aménagement et la sécurisation de
l'environnement scolaire à travers la réfection et
l'équipement des modules de classes et la construction de palissades
pour sécuriser les enceintes scolaires ;
· le Ministère de la Famille, de la Femme et des
Affaires Sociales notamment à travers les centres sociaux et le centre
d'éducation spécialisée de Daloa qui fait la prise en
charge des enfants handicapés psychiques ;
· le BICE qui porte une attention particulière aux
enfants en milieu carcéral ;
· Care International qui s'occupe de la prise en charge
des enfants infectés ou affectés par le VIH/SIDA.
B. Au plan alimentaire et vestimentaire
Sur ce plan il s'agit essentiellement d'actions d'assistance
humanitaire aux enfants démunis et/ou en situation de privation de
liberté. A travers la fourniture des vivres aux cantines scolaires et
centres sociaux, le PAM apporte un soutien alimentaire indéniable aux
enfants. Ces actions sont aussi orientées vers les centres de
détention où les menus servis sont parfois douteux en
qualité et insuffisants en quantité pour des enfants qui ont
besoin d'une alimentation suffisante et équilibrée pour assurer
leur croissance. La PAM a porté jusqu'en 2005 une attention
particulière aux déplacés de guerre par
l'intermédiaire de ses nombreux sous-bureaux installés sur
l'ensemble du territoire, ce qui a permis de soulager en particulier les
enfants.
Sur le plan vestimentaire, afin de maintenir la dignité
des enfants en situation difficile du fait de la pauvreté ou des
privations de liberté, certaines structures intervenant dans le domaine
de l'enfance fournissent des kits vestimentaires à ces enfants. C'est
notamment le cas de l'UNICEF, du BICE et de certaines ONG internationales et
locales
Conclusion au chapitre I
La protection de l'enfance dans le contexte ivoirien associe
les actions d'acteurs divers qui ont permis d'éviter une situation
catastrophique en rapport avec la longueur du conflit dans le temps. Cependant
les résultats sont encore mitigés et révèlent des
constats qui amènent à s'interroger sur la responsabilité
des parties au conflit dans la situation peu reluisante faite aux enfants du
fait de la situation de conflit qui dure.
CHAPITRE I. LES CONSTATS ET LES
ENSEIGNEMENTS SUR LA PROTECTION
Malgré les efforts des nombreux acteurs qui
interviennent dans la protection de l'enfance, le constat est que sa situation
en Côte d'Ivoire reste encore déplorable78(*). Cette situation est
liée à l'inefficacité partielle des actions de protection.
Il s'ensuit que la responsabilité des autorités étatiques
sur l'ensemble du territoire est engagée du fait que la protection
relève en premier de leur mission en tant qu'Etat. Cela oblige à
tirer des enseignements.
Section I. L'inefficacité
partielle de la protection
Cette inefficacité peut être relevée
à plusieurs niveaux. Elle se situe d'abord au niveau des organes
étatiques. Elle est ensuite également notée dans les
institutions internationales. Enfin on peut la relever au niveau des acteurs
non gouvernementaux que sont les ONG.
Paragraphe 1.
L'inefficacité liée aux organes étatiques et organismes
internationaux
L'inefficacité de la protection tire sa justification
dans la situation politique et militaire qui prévaut encore sur le
terrain relativement aux organes étatiques. Elle est aussi liée
à la nature de l'intervention des organisations internationales.
A. Les organes étatiques
Le rôle des organes étatiques dans la protection
est un rôle irremplaçable. Or depuis le déclenchement de la
crise en 2002 jusqu'à ce jour et malgré les multiples accords de
paix qui ont été conclus entre les ex-belligérants, le
redéploiement de l'administration se fait à pas de tortue. Par
ailleurs dans les zones où l'administration a été
redéployée, celle-ci doit cohabiter avec des chefs de guerre non
encore désarmés.
I. Les lenteurs du redéploiement de l'administration
dans les zones sous contrôle des rebelles
Les affrontements militaires entre septembre 2002 et novembre
2004 se sont soldés par la désertion et/ou la destruction totale
ou partielle de l'administration dans les zones contrôlées par les
forces rebelles. Ces rebelles y ont procédé à une
organisation territoriale et militaire dont la gestion est confiée
à des chefs militaires (commandants de zone, commandants de secteur).
Les différents accords de paix ont tablé sur le
désarmement et le redéploiement de l'Administration. Ce
redéploiement est prévu au point VIII de l'annexe des accords de
Linas Marcoussis signés le 26 janvier 2003 et est repris dans le point 5
de la feuille de route élaborée par le médiateur
désigné de l'Union Africaine monsieur Thabo Mbeki, alors
président de la République Sud-Africaine. Ce volet est aussi
repris par l'Accord Politique de Ougadougou signé en mars 2007 qui
devrait permettre, au bout d'un an, de redéployer l'Administration,
réunifier le pays et organiser des élections. Mais à ce
jour, le pays n'est pas réunifié puisqu'il y existe toujours les
deux armées ex-belligérantes. Certains services administratifs
ont été redéployés mais la question du
désarmement qui piétine empêche le redéploiement des
forces de sécurité. Cela rend difficile la protection de
l'enfance par l'appareil judiciaire dont la mission sur ce plan comporte deux
aspects : la protection de l'enfant victime et la protection de l'enfant
délinquant.
Il est notoirement connu que l'appareil judiciaire ne dispose
pas de forces propres et s'appuie sur les services de police et de gendarmerie
pour mettre en oeuvre ses mécanismes et donner effet à ses
décisions. Cela suppose que ces forces bénéficient de
compétences qui n'existent pas chez les forces rebelles qui
contrôlent une portion importante du territoire ivoirien.
Hormis l'administration judiciaire et les forces de
sécurité, d'autres services ont été pendant
longtemps absents des zones rebelles alors que ces services ont une mission
importante dans la prise en charge des enfants victimes de violences. Il s'agit
notamment des structures déconcentrées du Ministère de la
Famille, de la Femme et des Affaires Sociales, des autorités de police
administratives que sont les maires, préfets et sous préfets.
II. L'impossibilité pour les
organes étatiques de s'imposer dans les zones rebelles
A partir du second semestre de 2007, le redéploiement
de l'administration a définitivement débuté après
le déploiement ad hoc de magistrats et du personnel des services de
l'état civil en vue de la conduite des audiences foraines pour la
délivrance des actes d'état civil, préalable au processus
d'identification de la population et du recensement électoral. Lente et
progressif, ce processus a abouti à la réinstallation des
personnels de l'administration judiciaire (magistrats, greffiers et autres
agents subalternes) de l'administration territoriale (préfets, sous
préfets, secrétaires généraux et autres agents de
soutien). Tous ces services redéployés doivent cohabiter avec les
forces rebelles et s'appuyer sous le soutien des ces dernières pour
l'exécution de leurs missions. Il se pose alors un véritable
problème d'autorité pour plusieurs raisons.
1) Les territoires sous contrôle des rebelles sont
organisés en zones confiées à des commandants de zones et
de secteurs qui sont pour la plupart à l'origine des militaires de rang
inferieur qui se sont vus attribuer des grades de combat de niveau
supérieur pendant les hostilités ;
2) Les commandants militaires rebelles n'ont ni le niveau
intellectuel ni la formation professionnelle requis pour assurer
l'autorité de police (judiciaire et administrative) ;
3) Enfin ces commandants ont acquis des comportements qui
s'analysent en une véritable autorité de fait avec des avantages
y relatifs dont il est hasardeux de tenter de les débarrasser,
étant donné a fortiori qu'ils disposent encore de troupes
armées qui leurs sont loyales et peuvent résister même
à leurs hiérarchies.79(*)
Dans ces conditions, la protection de l'enfant par les organes
étatiques, qui ont besoin d'un soutien fort et engagé de
l'administration judiciaire et des autorités de police, s'avère
presqu'illusoire en raison des obstacles érigés sur son chemin
par le contexte de conflit.
B. Les institutions internationales
Les faiblesses de la protection imputables aux institutions
internationales trouvent leurs explications dans les sources des mandats de ces
institutions, mais aussi dans ce que l'on peut qualifier d'objectivité
politique des relations internationales c'est-à-dire la difficile
combinaison des intérêts des Etats et la nécessité
de garantir et de promouvoir des valeurs universelles de droits de l'homme.
I. Les sources des mandats des institutions
internationales : le talon d'Achille de la protection
Les institutions internationales chargées de la
protection des droits de l'enfance sont constituées à partir des
résolutions et des conventions internationales et/ou régionales.
Même si la procédure d'élaboration des ces instruments
divergent, les Etats en sont les acteurs créateurs.
1. Les conventions
Les conventions souffrent de deux types de faiblesses
pour lesquelles il est difficile de trouver des remèdes
efficaces : « le refus de ratification de certains Etats, la
mauvaise volonté d'autres Etats qui, après avoir signé et
ratifié certains textes ne les respectent pas ».
80(*) D'autres faiblesses sont
inhérentes à la rédaction et à la réception
de ces conventions. Ces faiblesses peuvent être qualifiées de
structurelles.
a. Les faiblesses
irrémédiables
Concernant le refus de ratification, il n'existe pas dans
l'ordre juridique international de règles ou de normes qui obligent un
Etat à ratifier un instrument même s'il l'a signé. Or la
ratification établit l'opposabilité de la convention à
l'égard de l'Etat qui l'a ratifié. Aussi longtemps qu'un Etat
n'aura pas ratifié un instrument, les organes chargés de veiller
au respect de cet instrument ne seront pas compétents à
l'égard de cet Etat. Il en est ainsi des deux protocoles additionnels
à la convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'une, la
vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des
enfants et l'autre, la participation des enfants aux conflits armés.
N'ayant pas ratifié ces deux instruments, on ne pourra pas les opposer
à la Côte d'Ivoire et le comité des droits de l'enfant ne
peut en évaluer le respect relativement à ce pays.
Concernant la mauvaise volonté, il est de
notoriété que des Etats signent et ratifient des conventions en
sachant très bien qu'ils ne les respecteraient pas en raison de leur
situation politique particulière ou de la nature même de leur
système politique. Plusieurs pays dont les régimes ne sont pas
démocratiques s'empressent de signer ou de ratifier des conventions
alors que la nature même de leur système politique est antinomique
avec les valeurs et obligations contenues dans ces conventions. Le
régime politique de Côte d'Ivoire au regard des critères
démocratiques universels notamment de l'alternance, d'institutions de
contre-pouvoir et d'indépendance de la justice, peut être
qualifié d'atypique. Il est alors presqu'évident que l'on ne peut
s'attendre qu'un tel régime exécute spontanément ses
engagements internationaux relatifs aux droits de l'homme. La preuve en est que
depuis le 22 janvier 1999, l'Etat de Côte d'Ivoire n'a plus soumis au
Comité des droits de l'enfant les rapports périodique prescrits
par l'article 44, 1 b) de la convention.
b. Les faiblesses structurelles
Les faiblesses que l'on peut qualifier de
« structurelles », sont tout aussi graves :
faiblesses dans la rédaction, faiblesses dans la réception.
S'agissant des faiblesses dans la rédaction il est
connu que toute convention est le fruit de négociations et de
concessions aboutissant à un compromis entre les systèmes
juridiques et les intérêts des pays en présence. La
recherche de ce compromis conduit à l'élaboration de normes
minima et la proclamation de quelques grands principes qui ne résistent
pas aux assauts des tempéraments, des clauses de sauvegarde contenues
dans le texte même de la convention. La convention relative aux droits de
l'enfant en est un bel exemple en ce qu'elle proclame des droits et y met
aussitôt après un bémol quant à leur garantie.
L'article 4 stipule que « Les Etats parties s'engagent
à prendre toutes les mesures législatives, administratives et
autres qui sont nécessaires pour mettre en oeuvre les droits reconnus
dans la présente Convention...». Mais le même article
poursuit en ajoutant que «Dans le cas des droits
économiques, sociaux et culturels, ils prennent ces mesures dans toutes
les limites des ressources dont ils disposent et, s'il y a lieu, dans le cadre
de la coopération internationale ». Se fondant sur cet
article, l'Etat de Côte d'Ivoire a pu justifier le non-respect des ses
engagements dans son rapport de 1999 qui fait état en
général d'un retard accumulé « dans
l'application de la Convention en raison de difficultés
économiques, politiques et sociales rencontrées par le
pays »81(*)
alors qu'il s'agit d'une question de choix des priorités.
Relativement aux faiblesses dans la réception, elles
tirent leurs origines du refus de signature, de ratification et des
réserves. Certes, les réserves sont destinées à
favoriser la ratification. Mais elles empêchent une application uniforme
de la convention par les Etats parties, certains ayant choisi d'admettre
l'application à leur endroit de certaines clauses, refusant ou limitant
celle des autres.
La ratification soulève le problème de
l'applicabilité directe de la norme conventionnelle.
« L'applicabilité directe suppose, en premier lieu que la
règle internationale n'a pas besoin, pour être applicable
d'être introduite dans l'ordre juridique interne par une disposition
spéciale ».82(*)Or, il n'est pas souvent ainsi et les régimes
constitutionnels des Etats, comme c'est les cas de celui de la Côte
d'Ivoire, prévoient un mécanisme de contrôle et de filtrage
de la norme conventionnelle avant son incorporation dans l'ordre juridique
interne à travers la ratification. Cette ratification peut être
bloquée soit parce que les assemblées parlementaires
habilitées à en donner l'autorisation s'y sont opposées,
soit parce que le pouvoir exécutif n'en a pas la volonté et a
refusé de demander l'autorisation ou, lorsque cette autorisation est
accordée, a refusé de promulguer la loi d'autorisation.
Le refus de ratification peut s'avérer un
véritable obstacle à l'entrée en vigueur de la convention
faute de ratifications suffisantes, étant donné que les
conventions prévoient elles-mêmes le nombre de ratifications
nécessaires à leur entrée en vigueur.
A ces obstacles, il faut ajouter une autre difficulté
liée au contrôle de conformité de la convention à
l'ordre juridique interne du pays signataire. Une convention signée,
ratifiée peut se retrouver bloquée par l'organe de contrôle
de conformité par rapport à la constitution de ce pays qui peut
la juger contraire à cette constitution. 83(*)
Tous ces obstacles sont autant de faiblesses dans
l'application et le suivi des conventions relatives aux droits de l'enfant.
2. Les résolutions
A la différence des conventions, les résolutions
sont des décisions émanant d'organes ou des institutions
internationaux comme le Conseil de Sécurité et l'Assemblée
Générale de l'ONU, le Conseil de Paix et de
Sécurité de l'Union Africaine, les sommets de la CEDEAO etc.
Ces organes prennent des décisions (résolutions)
à valeur contraignante pour les pays membres. Ces organes sont
composés de représentants d'Etats qui expriment la position de
leurs gouvernements. Par ailleurs, à l'instar des conventions, les
résolutions sont les résultats de négociations aboutissant
à des compromis qui peuvent vider une résolution des objectifs
pour lesquelles elle été initiée à cause des
intérêts et des positions défendus par les
différentes composantes. Finalement cette résolution peut
être libellée en des termes qui, juridiquement ne sont pas
sanctionnés, faisant d'elle un ensemble de voeux faciles à
écarter par les destinataires. L'histoire de la crise de Côte
d'Ivoire est jalonnée des ces résolutions auxquelles il
été fait obstacle.
Le 1er novembre 2006, le conseil de
sécurité de l'ONU vote une résolution sur la Côte
d'Ivoire. N'ayant pas approuvé les termes de la résolution, le
président Gbagbo décide de l'écarter et d'initier ce qu'il
a appelé le dialogue direct avec les rebelles. Ce dialogue a
aboutit à la signature de l'Accord Politique de Ouagadougou et à
l'éviction du premier ministre auquel les Nations Unies avaient
donné mandat pour conduire le processus de sortie de crise. Après
quelques hésitations, le Conseil de Sécurité a
endossé cet accord par la résolution 1765 du 16 juillet 2007.
Aveu d'impuissance ou réalisme ? La mise en oeuvre de cet accord
n'a pas encore abouti à la réunification du pays et au
redéploiement de tous les services publics, ce qui est
préjudiciable aux droits de l'enfant.
II. Le laxisme des organes de suivi des
instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant et les
réticences dans la répression internationale.
Le laxisme des organes de suivi institués par les
conventions internationales relatives aux droits des enfants et les retards ou
réticences observées dans la mise en jeu de la répression
des violations les plus graves faites aux enfants constituent des échecs
dans la protection de l'enfance
1. Le comité des droits de
l'enfant et le comité africain d'experts sur les droits et le
bien-être de l'enfant
La convention relative aux droits de l'enfant et la charte
africaine des droits et du bien-être de l'enfant ont institué
chacun un comité de contrôle et de garantie. Dans la crise
ivoirienne et ses suites, le Comité des droits de l'enfant de l'ONU et
le Comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de
l'enfant n'ont pas pu faire grand-chose relativement à la situation des
enfants.
S'agissant du comité africain, l'Etat ivoirien a
ratifié la convention le 1er mars 2002 soit
presqu'à la veille du déclenchement de la crise. Cette crise
devrait être l'occasion pour le Comité africain d'experts de
s'activer pour la préservation et le respect des droits de l'enfance en
Côte d'Ivoire.
S'agissant du Comité des droits de l'enfant dans le
contexte de crise en Côte d'Ivoire, ce comité n'a pas pu exercer
les attributions qui lui sont dévolues par les articles 44 et 45 de la
convention puisque le rapport qui a été soumis date du 22 janvier
1999 et n'a pas été suivi d'autres depuis le déclenchement
de la crise en septembre 2002. Aucune autre forme de pression n'a
été exercée sur l'Etat ivoirien pour remplir ses
obligations conventionnelles découlant de la ratification par lui de
cette convention.
2. Les réticences et retards de
la CPI relativement à la situation de Côte d'Ivoire
L'observation la plus pertinente sur la complaisance pourrait
s'adresser à la Cour Pénale Internationale qui depuis que l'Etat
de Côte d'Ivoire a fait sa déclaration de reconnaissance de la
compétence de la cour, n'a pas encore dépêché des
enquêteurs sur place pour évaluer la situation.
Or, bien que les crimes relevant de la compétence de la
cour soient imprescriptibles, les preuves de ces crimes pourraient disparaitre
ou s'avérer difficiles à reconstituer en raison du grand retard
mis pour les réunir. Les ONG de défense des droits de l'homme
avaient signalé plusieurs violations graves qui auraient dû amener
la CPI à accorder une attention particulière à la
situation de la Côte d'Ivoire. Cela eût pu permettre
d'éviter que d'autres violations fussent commises par la suite.
Le retard dans l'enclenchement des procédures de la CPI
en dépit de la reconnaissance de compétence exprimée par
l'Etat ivoirien pourrait s'interpréter par les responsables des
violations comme une tolérance de l'impunité et les encourager
à récidiver. Cela contraste relativement à cette avec la
situation de la République Démocratique du Congo où elle a
engagé des poursuites contre des chefs de guerre dont trois84(*) arrêtés sont
déjà passés en audience de confirmation de charges et ont
été retenus dans les charges de crimes de guerre en relation avec
le recrutement d'enfants soldats pour l'un85(*) et ce crime en association avec d'autres pour les
deux autres.
Cette attitude de la CPI relativement à la situation de
la Côte d'Ivoire en comparaison avec l'attention qui est accordée
à celle de la République Démocratique du Congo parait
difficile à expliquer en raison de quelques similitudes qui existent
entre les deux contextes de crise. Ces similitudes sont relatives à la
présence des milices, la partition du territoire et l'existence
d'autorités de fait.
Paragraphe 2. Les faiblesses de
la protection par les ONG
Les faiblesses liées à la protection de l'enfant
par les ONG sont à rechercher dans la nature de leur intervention et
dans leur organisation sur le terrain.
A. La nature de l'intervention
L'intervention des organisations non gouvernementales,
nationales ou internationales, en faveur de la protection de l'enfant consiste
en des actions de caractère social ou des plaidoyers afin que les
situations de violation prennent fin.
I. Le caractère essentiellement social de
l'intervention
Un large volet de l'intervention des ONG est de
caractère social et caritatif et consiste en des dons en faveur de
l'enfance malheureuse ou en difficulté notamment en conflit avec la
loi. Ce volet consiste aussi en la prise en charge des enfants
infectés ou affectés par le VIH/SIDA. Mais limitée
à ce volet, la protection ne vise là que les effets d'une
situation sans en rechercher les causes. Nous avons élucidé ces
causes dans le chapitre II de la première partie consacré aux
facteurs en cause dans les violations faites aux enfants. A titre de
rappel, il s'agit notamment :
· des facteurs conjoncturels (facteurs politiques et
militaires et leurs impacts d'une part, absence ou mauvais fonctionnement de
l'appareil étatique et leurs conséquences d'autre part) : le
contexte de crise a crée des conditions favorables ou aggravantes pour
la violation des droits de l'enfant ;
· des facteurs structurels c'est-à-dire d'un
côté le contexte historique, socio-économique et culturel
et de l'autre la faiblesse du cadre normatif interne et de l'engagement de
l'Etat dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme.
Tous ces facteurs favorisent les violations faites aux droits
de l'enfant, que ce soit le droit à la non discrimination, le droit
à la vie , à l'identité et à la nationalité,
le droit à la protection sociale et contre les pires formes de travail
et les autres exploitations, les droits aux libertés, le droit à
l'éducation, à la santé, tous ces droits qui ont
amené les Nations à faire de l'enfant « un sujet de
droit...reconnu dans ses capacités » et dont
l'« avis est davantage pris en compte à différents
niveaux...».86(*)
S'attaquer aux effets pour soulager les enfants est vital,
mais cibler les racines pour enrayer les causes semble plus apte à
engendrer des solutions durables. C'est pourquoi les actions de plaidoyer des
ONG sur le terrain sont indispensables mais sont en bute à des
difficultés liées au contexte politique.
II. Les difficultés du plaidoyer
des ONG
Les ONG qui s'investissent dans le plaidoyer ne disposent pas
d'un réel moyen de pression supplémentaire en dehors des rapports
circonstanciés, périodiques ou des rapports alternatifs devant
les organes de garantie du système international ou du système
régional. Ces ONG disposent de peu de moyens de contrainte juridique et
politique face à des acteurs insensibles et insuffisamment imbus de
valeurs de la personne humaine. Or un plaidoyer efficace pour la défense
des droits humain suppose la mise en jeu d'actions à intensité
graduelle, allant des campagnes de sensibilisation et d'information aux marches
et sit-in en passant par les négociations, des communiqués de
presse, des déclarations ou toutes autres actions visant à
obtenir la cessation des violations des droits humains ou empêcher leur
commission.
Ces actions sont presque inopérantes en Côte
d'Ivoire pour les raisons suivantes :
1) Dans la zone nord occupée par les rebelles, ceux-ci
ne tolèrent aucune forme de protestation et les autorités de fait
qui contrôlent cette zone ne se sentent pas liées ni par les lois
nationales ni par les engagements internationaux souscrits par l'Etat de
Côte d'Ivoire, notamment ceux qui sont relatifs aux droits de
l'homme ;
2) Dans la partie gouvernementale, depuis 2004 le chef de
l'Etat a pris un décret portant interdiction des marches et autres
manifestations sur la voie publique.87(*) Ce décret a été reconduit chaque
année jusqu'à décembre 2009 et n'a donc pas permis aux
actions de plaidoyer de se mettre en place efficacement.
Il s'ensuit alors que le contexte politique que soit en zone
rebelle qu'en zone gouvernementale n'est pas favorable à ces actions de
plaidoyer et a confiné les ONG dans des actions de plaidoyer sans grand
échos sur l'opinion nationale et internationale.
B. L'organisation des ONG sur le terrain
Les ONG de défense des droits de l'homme opèrent
sur l'ensemble du territoire ivoirien, que ce soit dans la partie
gouvernementale que dans la partie contrôlée par les rebelles.
Mais ces ONG sont inégalement réparties sur le territoire. Elles
manquent de coordination entre elles relativement à leurs
activités, ce qui là aussi crée des chevauchements
à l'instar de la répartition dans les zones couvertes.
I. L'inégale couverture du territoire
Les ONG choisissent leurs zones de couverture en fonction de
l'intérêt et de l'évaluation de la situation faite par
chacune d'elles. C'est ainsi que certaines régions ont pu
bénéficier de l'afflux massif d'ONG qui s'y sont
installées et opèrent depuis ou même avant le
déclenchement de la crise. Avant de s'installer les ONG opèrent
des découpages territoriaux et des rattachements de localités.
Seules sont bénéficiaires de leurs actions les localités
qui se retrouvent dans les délimitations par elles faites. Ces
délimitations ne se soucient pas de la couverture du territoire entier
du pays et les critères varient en fonction de leurs domaines
d'intervention. A titre d'exemple, l'ONG internationale Save the
Children ne s'est établie à l'Est du pays88(*) qu'en 2007. Aux heures chaudes
du conflit elle a été absente de cette région dont le nord
a pourtant connu des affrontements militaires très sanglants. Les deux
volets de ses activités sont la protection et l'éducation.
L'accent est beaucoup plus mis sur l'éducation que sur la protection et
les activités d'éducation couvrent le maximum possible de
localités, même les plus éloignées, alors que la
protection est concentrée autour des localités qui se trouvent
à la périphérie des sièges régionaux de
l'organisation.
Cette inégale couverture laisse sans protection les
enfants des zones non couvertes alors que les violations ne sont pas
réputées plus fréquentes dans les capitales
régionales que dans les zones rurales. De plus, l'on constate la
tendance de la plupart des organisations de la société civile
à se concentrer dans les plus grandes villes du pays notamment Abidjan,
Yamoussokro et Bouaké où toutes les facilités de vie et de
travail se retrouvent concentrées (routes, électricité,
téléphones et internet, hôtels, marchés etc.).
Lorsque ces critères interviennent dans la délimitation des zones
de couverture des activités des organisations de la
société civile, nationales comme internationales, ils biaisent
leurs objectifs essentiels qui se résument en une protection efficace et
sans discrimination en faveur de ceux qui en ont besoin.
A ce constat de discrimination préjudiciable aux
enfants relevé dans la couverture territoriale, on peut ajouter celui
d'absence de coordination entre les ONG qui interviennent dans le domaine de la
défense des droits de l'homme.
II. Le manque de
coordination et le chevauchement des activités liées à la
protection
Ce manque de coordination existe au niveau du choix des zones
de couverture et des activités que mènent ces ONG.
S'agissant du manque de coordination au moment du choix des
zones de couverture, chaque ONG ne tient pas compte de l'existence sur place
d'autres organisations avant de se décider à couvrir telle ou
telle zone. En conséquence, plusieurs ONG intervenant sur le même
plan se retrouvent concentrées dans les mêmes régions sans
nécessairement que cette concentration soit justifiée par des
besoins particulièrement énormes et pressants de protection.
Par ailleurs, les activités relatives à la
protection étant multiformes, il y aurait plus d'efficacité dans
la couverture des mêmes régions par des organisations intervenant
sur des volets différents de sorte que leurs activités soient
complémentaires les unes des autres. Or sur le terrain il est
remarqué que ces activités se chevauchent et donnent des
résultats qualitativement et quantitativement insuffisants.
Relativement à la coordination des activités,
pour les mêmes cas de violations, plusieurs ONG se ruent sur le terrain
pour recueillir des informations et faire des enquêtes. Amnesty
International, la FIDH, Human Rights Wacth produisent des rapports
presqu'identiques sur les allégations et les zones choisies alors qu'en
diversifiant leurs zones de couverture et en intégrant d'autres
intervenants dans les régions qu'elles ne sont pas parvenues à
couvrir, cela refléterait mieux la situation générale des
violations et donneraient plus de poids à leurs actions. La même
méthode serait valable pour la coordination des actions de
sensibilisation, d'éducation et de plaidoyer. Cela permettrait de
d'impulser plus d'efficacité aux efforts de protection.
Section 2 : La
responsabilité des violations et les enseignements liés à
la protection
Au-delà des auteurs directs et immédiats, il se
pose la question de la responsabilité des violations commises sur les
enfants au regard du droit international. A la lumière de la situation
de partition du pays, cette responsabilité parait partagée entre
les autorités régulières et les forces rebelles. Cela
amène à envisager la nécessité de réforme du
cadre organique et normatif interne d'une part, de renforcement, d'adaptation
du cadre juridique international de protection des enfants et de
répression des violations qui sont faites à leurs droits d'autre
part.
Paragraphe 1.La
responsabilité partagée de l'Etat et de la rébellion
Il s'agit d'apprécier ici la responsabilité des
violations commises sur les enfants et son imputabilité à l'Etat
ivoirien et les chefs rebelles en tant qu'ils sont détenteurs de
l'autorité dans les zones qu'ils administrent respectivement et garants
du respect des instruments internationaux.
A. La responsabilité des violations en zone
gouvernementale : fondement et sanction
La responsabilité de l'Etat ivoirien semble facile
à retenir relativement au non respect des instruments internationaux
relatifs aux droits de l'enfant dans lesquels il s'est engagé et
relativement à la portion du territoire qu'il gouverne. Mais la question
comporte en réalité quelques complexités. Deux
hypothèses peuvent être envisagées : les violations
commises par les agents de l'Etat agissant dans leurs fonctions et les
violations commises par des particuliers.
S'agissant des violations commises par des agents de l'Etat,
la responsabilité de l'Etat est entièrement engagée si
ceux-ci ont agit dans l'exercice de leurs fonctions. C'est notamment le cas des
agents de police qui, chargés de maintenir l'ordre, répriment
brutalement des manifestations impliquant des enfants et font des victimes
parmi ces enfants. De pareils cas ont été
régulièrement enregistrés depuis le déclenchement
de la crise et notamment suite au décret interdisant les manifestations
sur les voies et places publiques. Ils ont été aussi
relevés dans les massacres et disparitions rapportés par les
ONG.
Si les agents de l'Etat ont agit en dehors du cadre de leurs
fonctions, leur responsabilité personnelle est engagée. De
nombreux cas ont été également rapportés par des
ONG de défenses de droits de l'homme sur ce plan. Cette
hypothèse est la même que celle dans laquelle les violations sont
commises par des personnes non agents de l'Etat. Dans ces hypothèses, la
responsabilité personnelle de ces personnes est engagée et il
s'agit d'une responsabilité pénale qui doit faire l'objet d'une
sanction devant les juridictions de l'Etat ivoirien. Mais si l'Etat ne prend
pas des mesures pour les sanctionner comme l'exige l'article 16-2 de la charte
africaine des droits et du bien être de l'enfant, il ne respecte pas
ladite charte. Dans cette hypothèse, la CPI peut s'en saisir
étant donné que l'Etat ivoirien a reconnu sa compétence.
Cette compétence s'étend aussi bien sur les crimes commis par les
agents de l'Etat que ceux commis par les rebelles et les différentes
milices qui soutiennent les forces gouvernementales.
Dans toutes ces hypothèses, la responsabilité de
l'Etat ivoirien reste engagée sur le fondement de la convention relative
aux droits de l'enfant qui stipule en son article 4 que « Les
Etats parties s'engagent à prendre toutes les mesures
législatives, administratives et autres qui sont nécessaires pour
mettre en oeuvre les droits reconnus dans la présente
Convention ». Cet article prescrit pour l'Etat une obligation de
prendre des mesures préventives afin que l'enfant ne soit pas victime de
violations des droits reconnus dans la convention. C'est une exception au
principe général emprunté au droit international public
selon lequel « l'Etat n'est jamais responsable des faits des
particuliers car leurs actes ne peuvent lui être
attribués ».89(*) Selon cette exception l'« Etat peut
être tenu responsable des faits des particuliers sous sa
responsabilité lorsqu'il n'a pas pris des précautions suffisantes
pour prévenir un incident ou pour protéger les
victimes ».90(*) Cette responsabilité est fondée sur la
négligence des autorités de l'Etat ivoirien vis-à-vis des
obligations contenues dans les instruments internationaux relatifs aux droits
de l'enfant.
S'agissant de l'imputabilité de la
responsabilité des violations commises dans les zones sous
contrôle des rebelles, l'Etat ivoirien en est juridiquement
déchargé. Cette responsabilité est imputable aux
autorités de fait.
B. La responsabilité des Forces Nouvelles (les
rebelles) : fondement et sanction
Le droit international humanitaire ne retient pas la
responsabilité des belligérants pour les dommages causés
aux biens et aux personnes par les opérations militaires, pour autant
que ces dommages ne soient pas causés en violation des règles sur
les conflits armés et des principes du droit humanitaires. Relativement
à la protection des enfants, certaines de ces règles ont
été violées par des pratiques notamment le recrutement
d'enfants soldats, l'occupation des écoles, des hôpitaux et des
centres de garde de l'enfance qui se sont poursuivis même après
que les armes se soient officiellement tues.
L'imputabilité de la responsabilité des
violations commises sur les enfants dans la zone sous contrôle des
rebelles comporte aussi deux volets. Pour les violations commises directement
par les forces rebelles, il va sans dire que la responsabilité de ces
forces doit être retenue. Mais pour les violations commises par des
particuliers sur ces territoires, la théorie de la responsabilité
pour négligence pourra s'appliquer, étant donné que ces
rebelles y ont établi une administration et exercent une autorité
de fait réelle.
S'agissant des graves violations dont ces rebelles se sont
rendus responsables, étant donné que l'Etat ivoirien et les
juridictions ivoiriennes n'ont pas encore l'autorité nécessaire
dans ces zones, celles de ces violations qui relèvent de la
compétence de la CPI pourraient être poursuivies par cette cour
qui retiendra la responsabilité personnelle des dirigeants en
dépit de la loi d'amnistie promulguée dans le cadre du processus
de paix et de réconciliation nationale, loi qui d'ailleurs a
été critiquée par des ONG de défense de droits de
l'homme notamment Amnesty International parce que sa « formulation
vague qui n'exclut expressément ni les crimes de guerre ni les crimes
contre l'humanité ouvre la voie à l'impunité totale pour
les auteurs de graves violations et atteintes aux droits
humains ».91(*)
Au regard de ces différentes faiblesses notées
dans la mise en jeu de la protection de l'enfance, il parait nécessaire
de tirer des enseignements visant à corriger les insuffisances pour
rendre efficaces les actions de protection.
Paragraphe 2 : Les
enseignements liés à la protection
La protection dans le contexte ivoirien a
révélé des insuffisances dont il est utile de tirer les
enseignements ci après en vue d'affiner et d'adapter le cadre de
protection. Ces enseignements se situent sur plusieurs plans notamment au plan
organique et normatif interne et au plan des mécanismes internationaux
de protection des droits de l'enfant et de répression des crimes commis
sur les enfants dans les contextes de crise et post conflictuels.
A. Quant au cadre organique et normatif :
nécessité de réformes
Le contexte de crise étant le facteur aggravant des
violations des droits de l'enfant, la solution à ces violations passera
nécessairement par un une normalisation de la situation politique et
militaire, la réunification du territoire et l'établissement
complète de l'autorité sur l'ensemble du pays. Cela permettra,
par ailleurs de rendre plus efficace l'activité des ONG dont la
répartition doit viser désormais à couvrir l'ensemble du
territoire a travers une coordination efficiente de leurs activités les
unes avec les autres afin d'éviter les chevauchements. Tant que le
territoire est partitionné les violations seront difficiles à
éviter et à réprimer.
Relativement au cadre normatif il est impérieux que
l'Etat de Côte d'Ivoire ratifie les instruments internationaux relatifs
aux droits de l'homme et des enfants, notamment les deux protocoles
additionnels facultatifs à la convention relative aux droits de
l'enfant. Il doit également ratifier, sans délai, le statut de la
CPI qui est un juridiction complémentaire des juridictions nationales et
la seule capable, dans ce contexte, de poursuivre et juger de façon
efficace et impartiale, les auteurs des violations graves commises à
grande échelle sur les enfants.
Il parait aussi urgent que la législation ivoirienne,
notamment le code pénal et le code de procédure pénale,
soit adaptée à l'évolution de la criminalité en
prévoyant et en punissant, à travers une définition claire
des éléments constitutifs, chaque infraction qui peut être
identifiée.
S'agissant de la justice juvénile, devant les
difficultés que rencontrent les acteurs judiciaires dans l'application
des différentes mesures aux enfants, il s'avère important et
utile d'opérer une réforme législative qui
établirait la compétence exclusive des sections des mineurs des
parquets pour le règlement de leurs dossiers dès le
déferrement. Cela permettra d'éviter les retards dans l'examen de
leurs dossiers et les mettra à l'abri d'une longue cohabitation avec des
majeurs criminels et d'un risque d'exposition à la transmission des
leçons du crime. Il semble aussi nécessaire d'imposer des
délais de rigueur spécifiques aux juges des enfants pour
clôturer l'instruction préparatoire, pour limiter les lenteurs
enregistrées dans l'instruction des dossiers des enfants. Une
rationalisation des dispositions législatives en matière de
mesures de restriction de la liberté des mineurs parait aussi
nécessaire. La solution pourrait consister à limiter le recours
à la détention préventive pour certaines catégories
bien précises et limitées de mineurs délinquants, par
exemple à ceux qui sont appelés à être jugés
par la cour d'assises des mineurs (mineurs de plus de 16 ans
soupçonnés d'être les auteurs de crimes).
Le législateur ivoirien, qui a eu pour souci de
conférer à la justice juvénile un caractère
spécial, doit compléter sa législation dans le sens de la
déjudiciarisation et de la transaction pénale concernant les
infractions commises par les mineurs.
A propos du cadre organique l'Etat doit construire des centres
d'observation des mineurs sur l'ensemble du territoire. Pour pouvoir être
réellement efficaces, ces centres doivent être situés
à l'extérieur des enceintes des maisons d'arrêt de
manière à éviter toute interférence des majeurs
détenus dans les maisons d'arrêt dans le processus de
rééducation des mineurs.
Afin de garantir une meilleure protection des mineurs au cours
de la phase policière de l'enquête préliminaire, il sera
utile de créer dans chaque ressort territorial une brigade des mineurs
et de lui accorder une compétence exclusive sur les affaires impliquant
des mineurs et prévoir une formation spécialisée pour les
officiers de police judiciaire dans ces brigades.
B. Sur les mécanismes internationaux de protection et
de répression: nécessité de renforcement du cadre
juridique international
Lorsqu'une règle juridique ou une obligation n'est pas
sanctionnée, elle se mue en un voeu pieux dont l'application ou
l'exécution est laissée à la sagacité de ceux qui
en sont chargés ou destinataires. C'est ce caractère de
contrainte relative qui doit être corrigé pour les instruments
internationaux relatifs aux droits de l'homme en général et ceux
des enfants en particulier qui sont, de par leur situation, des êtres
fragiles sans moyens de défense en leur possession. C'est pourquoi il
est nécessaire que le Comité des droits de l'enfant fasse une
surveillance attentive sur la Côte Ivoire. Il est aussi nécessaire
de rendre obligatoire, d'une obligation sanctionnée, la
présentation des rapports périodiques émanant des Etats et
étendre cette obligation aux groupes rebelles qui exercent une
autorité de fait réelle sur les territoires qu'ils occupent. Ces
sanctions ciblées que peuvent déterminer et décider le
Conseil de sécurité des Nations Unies et le Conseil de
Sécurité et de Paix de l'Union Africaine selon le cas, peut
consister, comme ce fut le cas pour les violations notoires de droits de
l'homme et pour menace au processus de paix en Côte d'Ivoire, en des gels
d'avoirs bancaires, des interdictions de voyages à l'étranger des
dirigeants étatiques et de rébellion. Ce genre de sanctions a
déjà démontré son efficacité depuis leur
application à trois acteurs de la crise dont deux issus des rangs de la
mouvance présidentielle et un commandant militaire rebelle92(*), car depuis que ces sanctions
ont été prises, les menaces et obstructions contre le personnel
civils et militaires de la mission onusienne ont baissé.
Par ailleurs la subordination de l'application du statut de la
cour pénale e internationale à la condition de ratification ou de
reconnaissance de compétence ne constitue pas un moyen efficace pour la
protection des droits de l'homme et la sanction pénale de leur violation
dans les situations de crise. On sait aussi que le conseil de
sécurité parfois tiraillé entre les positions des Etats
qui le composent peut hésiter à autoriser la cour à
entreprendre des recherches sur une situation de violations des droits humains
dans un pays qui n'a pas ratifié le statut. Faire de la
compétence de la cour pénale internationale une compétence
universelle et non limitée aux Etats qui ont ratifié le statut
semble plus apte à sanctionner efficacement les violations des droits de
l'homme et notamment celles qui sont commises sur les enfants. Il est quasiment
illusoire d'espérer que les dirigeants d'un Etat, responsables de
violations graves, puissent autoriser une juridiction de répression
à activer sa compétence à leur endroit. On pourrait bien
se demander si en reconnaissant la compétence de la CPI, l'Etat ivoirien
n'entendait pas se servir de la cour pour régler des comptes aux
rebelles en les faisant juger, étant donné que ses propres
juridictions étaient dans l'incapacité de les faire arrêter
et de les juger. Et pour cause, depuis cette reconnaissance de
compétence l'Etat ivoirien n'a pas encore ratifié le statut pour
donner pleine compétence à la cour à partir de la
ratification. Or cette reconnaissance de compétence aurait pu et aurait
d'ailleurs dû être simultanée avec le dépôt des
instruments de ratification pour réellement exprimer la volonté
de se lier, puisque depuis ce jour, plusieurs violations ont été
encore commises, qui attribuées aux deux camps.
Conclusion
générale
Les droits des enfants dans les pays en crise ou sortant d'une
crise armés sont fragilisés par la situation de crise. Le
contexte ivoirien est particulièrement compromettant pour l'enfant en
raison de la partition du pays en zones contrôlées par
différentes forces. Ce contexte expose les enfants à des
violations graves pourtant interdites par les instruments internationaux.
D'autres violations sont dues non moins graves portent des préjudices
innombrables aux enfants quant à leur existence juridique, leur
personnalité et les prestations qui leur sont dues. Ces violations sont
favorisées par des facteurs dont les uns sont conjoncturels et les
autres sont structurels.
Les facteurs conjoncturels sont ceux étroitement
liés au contexte de crise finissant mais qui dure, à savoir la
gestion du processus de sortie de crise et ses implications politiques à
travers les comportements des camps en présence, mais aussi la
destruction des symboles de l'Etat dans les zones rebelles et l'affaiblissement
des mécanismes étatiques de protection dans les zones
gouvernementales. Ils sont également liés à
l'impunité qui s'est installée depuis 2000 et qui comporte
plusieurs facettes.
Quant aux facteurs structurels, ils sont relatifs à la
situation géographique de la Côte d'Ivoire et tirent leurs sources
de la période coloniale, notamment la délimitation des
frontières, les disparités économiques qui se sont
créées entre les pays de la sous- région et leur
conséquences sur les mouvements migratoires dont la gestion a
engendré à partir de 1995 des sentiments de xénophobie
récupérés par les leaders politiques. Ces facteurs sont
également liés au contexte économiques et socioculturel
fait de pauvreté, de sous développement, d'ignorance des droits
de l'enfant et des pesanteurs sociologiques comme les religions et les
cultures, toutes choses face auxquels le cadre normatif interne et l'engagement
de l'Etat dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
sont faibles.
Dans ces conditions la mise en oeuvre de la protection qui
comporte plusieurs volets s'avère ardue. Elle s'avère ardue aussi
bien pour les juridictions internes qu'internationales ainsi que pour les
autres structures étatiques et les ONG. Face à ces
difficultés auxquelles font face les organes de protection de l'enfance,
nous avons fait des constats et tiré des enseignements. Les constats
portent sur l'inefficacité partielle des actions des organes de
protection qu'ils soient étatiques ou internationaux.
Les structures étatiques y compris les juridictions
sont confrontées aux problèmes de lenteurs du
redéploiement de l'Administration dans les zones sous contrôle des
rebelles et de jouissance et d'exercice de l'autorité dans lesdites
zones. Les organes de garantie internationale sont, eux, confrontés
à l'absence de sanction des obligations internationalement souscrites
par les Etats dans les instruments juridiques dont ils reçoivent leurs
mandats. La CPI est tiraillée entre la nécessité de punir
et le souci de ménager une marge de réconciliation pour les
acteurs. Quant aux ONG, elles sont limitées par le caractère de
leur intervention, le manque de coordination entre elles et l'étroitesse
de leur marge de manoeuvre quant aux actions de plaidoyer.
Les constats sont également liés à un
partage de responsabilité des violations entre les autorités
légales et les autorités de fait établies dans les zones
rebelles. Cette responsabilité internationale cohabite avec la
responsabilité pénale individuelle des auteurs des violations
dans les deux zones.
Ce constat d'échec partiel nous ont amené
à des enseignements relatifs à la nécessité d'abord
de réunification du territoire et l'établissement de
l'autorité dans les zone. Ils sont ensuite liés à
l'urgence de réformes législatives et organiques pour une
adaptation adéquate aux exigences des instruments internationaux. Ils
portent enfin sur le besoin urgent pour la Côte d'Ivoire de ratifier et
d'appliquer sans réserve les autres instruments internationaux relatifs
aux droits de l'enfant, mais également le statut de la CPI.
La nécessité de renforcement du cadre juridique
international vise à rendre plus efficaces les organes de garantie
internationale des droits de l'enfant et de répression des graves
violations des droits de l'homme en général et ceux des enfants
en particulier. Le renforcement apparait comme la meilleure solution capable de
dissuader les gouvernants et les chefs de guerre d'exposer les enfants aux
pires violations et de les amener à respecter et faire respecter les
droits reconnus par les instruments internationaux.
On peut espérer que si ces conditions sont
réunies, les progrès réalisés depuis 2005 qui ont
amené les Nations Unies à déclasser en 2007 la Côte
d'Ivoire des pays à haut risque pour les enfants se renforceront et
l'enfant en Côte d'Ivoire s'en tirera mieux pour le respect de sa
personnalité et la jouissance de ses droits sur tous les plans.
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Arrêté N°0075/MEN/DELC du 28/09/09, portant
interdiction des punitions physiques et humiliantes à l'endroit des
élèves des établissements scolaires.
Arrêté n°2250 portant détermination
de la liste des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de dix huit
(18) ans.
Table
des matières
Avertissement
6
Définition des sigles et
abréviations
7
SOMMAIRE
8
INTRODUCTION
10
PARTIE I : APERÇU DES VIOLATIONS
GRAVES DES DROITS DE L'ENFANCE ET LES FACTEURS EN CAUSE
14
CHAPITRE I. LES FORMES GRAVES ET COURANTES DE
VIOLATIONS DES DROITS DE L'ENFANCE
14
Section I. Les violations étroitement
liées à la crise et impliquant directement les forces en
présence
14
Paragraphe 1. Le recrutement d'enfants-soldats et
ses motivations
15
A. L'ampleur du recrutement d'enfants dans
les différentes forces armées
15
B. Les raisons du recrutement
d'enfants-soldats
18
Paragraphe 2. Le recrutement dans les milices
19
A. La typologie des milices et leurs
caractéristiques en Côte d'Ivoire
20
I. Les milices militaires
20
II. Les milices politiques
21
B. Les modes opératoires des
milices
21
I. Les massacres et assassinats
21
II. Occupation des écoles et centres
de santé
23
III. Les manifestations et attaques
violentes contre les forces de maintien de la paix
24
IV. Les blocages des convois
humanitaires
26
Section II. Les autres violations graves des droits
de l'enfance liées à la crise
26
Paragraphe 1. Les violations
énumérées par le Bureau du Représentant
spécial des Nations.
26
A. Les enlèvements d'enfants
27
B. Le viol d'enfants ou autres actes graves
de violences sexuelles à l'égard des enfants
28
I. Le viol
28
II. Les autres actes graves de violences
sexuelles à l'égard des enfants
29
Paragraphe 2. Les autres préjudices graves
à causes conjoncturelles
31
A. La non-déclaration de la naissance
de l'enfant
31
B. Les célébrations de
mariages religieux sans mariages civils
32
CHAPITRE II : LES FACTEURS EN CAUSE
35
Section I. Les facteurs conjoncturels
35
Paragraphe 1. Les facteurs militaires et
politiques
35
A. Le contexte militaire
35
I. La gestion du processus de
désarmement et de démobilisation
35
II. Les ruptures
répétées du cessez-le-feu
37
B. Les facteurs politiques
38
I. Le règne de l'impunité
38
II. Le détournement du militantisme
politique au profit des actions militaires ou violentes
40
Paragraphe 2. Le fonctionnement de l'appareil
étatique
42
A. Destruction de l'administration
territoriale
42
B. Interruption du service public
43
Section II. Les facteurs structurels
43
Paragraphe 1. Les facteurs historiques et
économico-socio-culturels
43
A. Le bornage et la gestion des
frontières et les politiques migratoires de la période
postcoloniale
44
I. La porosité des
frontières : conséquence des bornages factices
44
II. La xénophobie et les heurts
interethniques : conséquence des disparités
économiques entre les anciennes colonies
45
B. L'environnement
économico-socio-culturel
47
I. La pauvreté et le
sous-développement
47
II. L'ignorance des droits de l'enfant et le
poids des religions et traditions
49
Paragraphe 2. Le cadre normatif interne et le
faible engagement de l'Etat dans les instruments internationaux
50
A. Aperçu du cadre normatif de la
protection
50
I. Aspects de la protection
51
1. Au plan pénal
51
a. L'organisation judiciaire pour les
enfants et la compétence rationae personae relativement aux mineurs
51
b. Les lois pénales de fond et
la reconnaissance d'un statut spécial au mineur
52
2. Au plan civil
53
a. Les mesures de protection ou d'assistance
éducative
53
b. L'intervention du ministère public
dans les affaires impliquant le mineur et le contrôle des actes
d'état civil
54
II. Les difficultés de mise en oeuvre
du cadre normatif interne
55
1. Au plan pénal
55
2. Au plan civil
57
B. La faiblesse de l'engagement de l'Etat
ivoirien dans les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme
58
I. Des traités ratifiés avec
retard et/ou partiellement exécutés
58
1. Au plan régional : la charte
africaine des droits de l'homme et des peuples et les instruments
spécifiques aux droits des enfants
58
2. Au plan international et universel
59
II. Des traités non
ratifiés
60
1. Au plan régional
60
2. Au plan international et universel
60
DEUXIEME PARTIE: LA PROTECTION DES ENFANTS DANS LE
CONTEXTE IVOIRIEN
62
CHAPITRE I. LA MISE EN OEUVRE DE LA PROTECTION
62
Section I. La protection juridictionnelle et quasi
juridictionnelle
62
Paragraphe 1. La protection de l'enfance par le
juge pénal
62
A. Au plan interne
62
I. L'organisation judiciaire
63
1. Le juge des enfants
63
2. Le tribunal pour enfants
64
II. La protection à travers les
mesures susceptibles d'être prises relativement au mineur et leur
exécution
66
1. Les privations ou restrictions de
liberté
66
a. Les décisions du juge des
enfants
66
b. Les décisions du tribunal pour
enfants et de la cour d'assises des mineurs
67
2. La protection à travers
l'exécution des décisions
70
a. L'exécution de la garde provisoire
et de la liberté surveillée
70
b. L'exécution des mandats de
dépôt et des condamnations pénales
70
B. Au plan international : la
protection par la Cour pénale internationale (CPI)
71
I. Les crimes sur les enfants ressortissant
à la compétence de la CPI
71
II. Les conditions de mise en oeuvre de la
compétence de la CPI
72
Paragraphe 2. La protection par le juge
civil et la protection quasi juridictionnelle
73
A. La tutelle du mineur
73
I. Définition et fondement de la
tutelle
73
II. Régime de la tutelle des
mineurs
74
B. La protection quasi juridictionnelle
75
I. Le comité des droits de
l'enfant
75
II. Le Comité africain d'experts sur
les droits et le bien-être de l'enfant
76
Section 2. La protection extra juridictionnelle
78
Paragraphe 1. La protection par le plaidoyer
78
A. La surveillance et la communication de
l'information relative aux violations faites aux enfants
79
I. Définition et portée
79
II. Les organismes les plus connus et leurs
domaines d'intervention
80
B. Le dialogue avec les parties et le
renforcement des capacités
81
I. Le dialogue avec les parties
81
II. Le renforcement des capacités et
la sensibilisation
82
Paragraphe 2. La protection par la
réalisation d'infrastructures sociales, l'assistance et la prise en
charge
84
A. Au plan éducatif et sanitaire
84
B. Au plan alimentaire et vestimentaire
84
CHAPITRE I. LES CONSTATS ET LES ENSEIGNEMENTS SUR
LA PROTECTION
86
Section I. L'inefficacité partielle de la
protection
86
Paragraphe 1. L'inefficacité liée aux
organes étatiques et organismes internationaux
86
A. Les organes étatiques
86
I. Les lenteurs du redéploiement de
l'administration dans les zones sous contrôle des rebelles
87
II. L'impossibilité pour les organes
étatiques de s'imposer dans les zones rebelles
88
B. Les institutions internationales
89
I. Les sources des mandats des institutions
internationales : le talon d'Achille de la protection
89
1. Les conventions
89
a. Les faiblesses
irrémédiables
89
b. Les faiblesses structurelles
90
2. Les résolutions
92
II. Le laxisme des organes de suivi des
instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant et les
réticences dans la répression internationale.
93
1. Le comité des droits de l'enfant
et le comité africain d'experts sur les droits et le bien-être de
l'enfant
93
2. Les réticences et retards de la
CPI relativement à la situation de Côte d'Ivoire
94
Paragraphe 2. Les faiblesses de la protection par
les ONG
94
A. La nature de l'intervention
95
I. Le caractère essentiellement
social de l'intervention
95
II. Les difficultés du plaidoyer des
ONG
96
B. L'organisation des ONG sur le terrain
97
I. L'inégale couverture du
territoire
97
II. Le manque de coordination et le
chevauchement des activités liées à la protection
98
Section 2 : La responsabilité des
violations et les enseignements liés à la protection
99
Paragraphe 1.La responsabilité
partagée de l'Etat et de la rébellion
99
A. La responsabilité des violations
en zone gouvernementale : fondement et sanction
99
B. La responsabilité des Forces
Nouvelles (les rebelles) : fondement et sanction
101
Paragraphe 2 : Les enseignements liés
à la protection
101
A. Quant au cadre organique et
normatif : nécessité de réformes
102
B. Sur les mécanismes internationaux
de protection et de répression: nécessité de renforcement
du cadre juridique international
103
Conclusion générale
106
Bibliographie
108
Table des matières
113
* 1Source : Histoire
des droits de l'enfant,
http://www.droitsenfant.com/histoire.htm
* 2 Haut Commissariat des
Nations Unies aux Droits de l'Homme, Les droits de l'homme et les
prisons : guide du formateur aux droits de l'Homme à l'intention du
personnel pénitentiaire, New York et Genève, 2005, p.151
* 3 Art 1er de
ladite convention.
* 4 Ces pays sont cités
à titre d'exemple. En réalité le nombre de pays
ensanglantés par un conflit armé sur le continent est plus
large.
* 5La zone de confiance est
une bande démilitarisée de près 12 000 km2 qui, de largeur
variable, s'étend d'Est en Ouest dans le pays. Elle avait
été établie par l'ONU à la fin 2002 pour
séparer la rébellion qui occupait le Nord et l'armée
loyale au gouvernement régulier qui administrait le Sud. Les
ex-belligérants ont cessé de s'affronter depuis novembre 2004. La
suppression de la ZDC a débuté en avril 2007 pour s'achever en
juillet de la même année après à un accord
signé le 4 mars 2007 à Ouagadougou entre M. Laurent GBAGBO
président la République de Côte d'Ivoire et M. Guillaume
Soro, secrétaire général des FN sur la sortie de crise.
Cet accord a été conclu au terme d'un "dialogue direct"
facilité par M. Blaise CAMPAORE, président du Burkina Faso et
Président en exercice de la CEDEAO.
* 6UNICEF, Progrès
pour les enfants, un bilan de la protection de l'enfant Numéro 8,
septembre 2009.
* 7 Source :
www.un.org/children/conflict/french/index.html
* 8 Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le conflit
armé en Côte d'Ivoire ", Doc. ONU S/2006/835, p.4
* 9 Rapport du
Secrétaire général de l'ONU "Les enfants et les conflits
armés", DOC. ONU A/58/546-S/2003/1053, p.11
* 10 Amnesty international,
Rapport AFR 31/003/2005
* 11Dictionnaire
Microsoft® Encarta® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation
* 12 Lima est le code dans
l'alphabet radio pour la lettre L. Le nom LIMA provient du fait que les
combattants étaient des Libériens.
* 13Rapport du
Secrétaire général de l'ONU, sur "Les enfants et les
conflits armés", DOC ONU A/61/529-S/2006/826, p.6
* 14Gérard DHOTEL,
Les enfants dans la guerre, Edit. Les essentiels Milan, p.38
* 15Les Forces armées
Forces Nouvelles est la nouvelles appellation des différents mouvements
rebelles nés à l'origine et au cours du conflit mais qui se sont
ensuite fusionnés. Il s'agit notamment du :
MPCI : né de la crise qui a débuté
le 19 septembre 2002, il est majoritairement formé
d'éléments originaires du nord musulman, mais ne se
réclame pas d'une appartenance ethnique et l'ensemble de la population
ivoirienne y est représentée. Bénéficiant du
soutien d'officiers supérieurs, et fort d'une dizaine de milliers de
combattants, le mouvement contrôlait la moitié nord du pays et une
partie du centre, soit 40% du territoire.
MPIGO : Apparu le 28 novembre avec la prise de la ville
de Danané, près de la frontière libérienne, il est
majoritairement composé d'éléments Yacouba, ethnie commune
au Liberia et à la Côte d'Ivoire.
MJP : Apparu conjointement le 28 novembre 2002 en
revendiquant la prise de la ville de Man, à l'ouest du pays, le MJP est
limité au grand ouest.
* 16Amnesty International,
Rapport AFR 31/003/2005.
* 17Human Rights Watch,
"Prise en deux guerres : violence contre les civils dans l'ouest de la
Côte d'Ivoire", Août 2003 Volume 15, Rapport No. 14 (A), p.41
* 18 Gérard DHOTEL,
op cit. p.39
* 19 Gérard DHOTEL,
ibid
* 20 Gérard DHOTEL,
ibid
* 21Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et les
conflits armés", Doc. ONU A/61/529-S/2006/826 du 26 octobre 2006,
p.7
* 22Human Rights Watch,
Côte d'Ivoire : le coût de l'impasse politique pour les droits
humains, rapport du 21 décembre 2005, p.8
* 23Amnesty International,
Rapport AFR 31/003/2005
* 24Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le
conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25
octobre 2006, pp. 5 et 6. Quatre cas ont été
rapportés :
a) Le 21 avril 2005, plusieurs assaillants non
identifiés ont exécuté une famille de l'ethnie Yacouba
à Petit Logouale (dans la zone de confiance). Deux enfants, un
garçon et une fille, et leur père ont été
tués à la machette, tandis que leur mère a
été abattue;
b) Le 1er juin 2005, des assaillants non identifiés ont
attaqué les villages de Guitrozon et Petit Duékoué,
où vivent principalement des membres de l'ethnie Guéré. Il
a été signalé que 41 personnes, dont 3 nourrissons,
avaient été tuées dans une maison; que le ventre d'une
femme enceinte avait été ouvert à la machette à
Guitrozon; et que plusieurs maisons avaient été incendiées
alors que les occupants, dont plusieurs enfants, étaient encore à
l'intérieur. Peu après ces attaques, le 6 juin 2005, sept membres
de l'ethnie Dioula, dont quatre enfants, auraient été
exécutés par des individus non identifiés dans le quartier
de Latif et Cokoma;
c) Le 16 avril 2006, le bataillon ghanéen a
escorté la police des Nations Unies au village de Bania, dans la zone de
confiance, où des membres de la communauté ont identifié
un individu accusé d'avoir tué deux enfants dans le cadre
d'activités de sorcellerie;
d) Le 28 juin 2006, six personnes, dont un enfant d'un an, ont
été tuées par des assaillants non identifiés dans
le village de Boho, à 29 kilomètres de Bangolo. Cette attaque
faisait suite à la découverte, le 24 juin 2006, des corps de deux
enfants burkinabés dans le village de Duekpé. »
* 25Le "confiage" est un
néologisme du registre ivoirien qui se définit par le fait par
lequel un enfant à très bas âge et parfois sous condition
avant même sa naissance est prédestinés en mariage à
tel ou tel. A l'apparition des caractères sexuels secondaires, la fille
confiée est étroitement surveillée par les deux familles
des futurs époux afin qu'elle ne s'écarte pas, de par ses
comportements, de chemin tracé en compromettant l'exécution de ce
contrat. Le terme désigne aussi le fait qu'une famille pauvre confie son
enfant à une plus aisée pour son éducation et son
orientation sociale et professionnelle.
* 26Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le
conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25
octobre 2006, p.6
* 27 Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le
conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835 du 25
octobre 2006, p.3
* 28Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le
conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU A/61/529-S/2006/826,
p.7
* 29Le patriote, 15
février 2010, Quotidien ivoirien d'information ; article disponible
sur le site :
http://fr.allafrica.com/stories/201002151620.html
* 30 Dictionnaire
Microsoft® Encarta® 2006. (c) 1993-2005 Microsoft Corporation
* 31UNICEF, La traite
d'enfants, Fiche d'information sur la protection de l'enfant, mai
2006
* 32Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le
conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835. Il y
indique les cas suivants :
a) Le 15 juin 2005, une fillette de 12 ans a été
enlevée à Korogho (nord de la Côte d'Ivoire) et
emmenée au Mali, où elle a été contrainte à
se marier. Son père se serait apparemment rendu au Mali dans l'espoir de
la libérer, mais il aurait été menacé par les
ravisseurs et le mari, qui lui auraient dit qu'il serait arrêté
par les autorités maliennes s'il ne quittait pas le pays;
b) En avril 2006, un écolier de 8 ans a
été enlevé à Abidjan, dans la commune -
contrôlée par l'État - de Marcory. Il a eu les yeux
arrachés lors de ce qu'on soupçonne être une pratique
rituelle;
c) En juillet 2006, la gendarmerie nationale basée
à Agboville, en zone gouvernementale, a arrêté un certain
nombre d'individus soupçonnés de faire partie d'un réseau
de traite et de vente d'enfants. Trois suspects de sexe féminin ont
été appréhendés dans l'opération et quatre
enfants enlevés, âgés de 2 à 5 ans, retrouvés
séquestrés sur les lieux. Après enquête, la
gendarmerie a arrêté un homme qui semble être le cerveau et
le meneur du réseau. L'affaire est en attente de jugement.
* 33Bernard Bouloc, Haritini
Matsopoulou, Droit pénal général, 15e
éd., p.50
* 34KOMAN Yao
Gustave, La convention relative aux droits de l'enfant : vers une
évolution des droits d'expression et de défense des
intérêts de l'enfant en Côte d'Ivoire ?, mémoire
de fin de cycle, Ecole Nationale d'Administration, Côte d'Ivoire,
2006-2007, p. 9
* 35Lexique des termes
juridiques 2010, Dalloz, 17e édit.
* 36Lexique des termes
juridiques, op. cit.
* 37Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et le
conflit armé en Côte d'Ivoire", Doc. ONU S/2006/835, pp. 7
et 8. Ledit rapport relève les cas ci après :
a) Le 17 novembre 2005, une fille de 15 ans aurait
été violée dans un quartier de Belville II
(Bouaké). Elle faisait partie d'un groupe de cinq filles ayant
confirmé aux spécialistes des droits de l'homme être
employées comme danseuses et prostituées dans le quartier;
b) Le 18 décembre 2005, une jeune fille de 17 ans
aurait été sexuellement agressée à Guiglo par neuf
hommes non identifiés. Selon les informations disponibles,
l'enquête ouverte par la gendarmerie n'a pas progressé;
Le 5 mars 2006, à Alépé, une fille de 15
ans a été violée à plusieurs reprises par un
élément du Centre de commandement des opérations de
sécurité (CECOS). Une enquête a été ouverte
par la gendarmerie mais il semble que celle-ci n'ait pas progressé;
d) L'ONU s'est mise en relation avec les FAFN pour exprimer
ses vives préoccupations au sujet du viol d'une fille de 14 ans, survenu
en mars 2006 à Bouaké alors que celle-ci était
détenue par les FAFN. L'affaire a conduit les FAFN à donner un
ordre de commandement à l'effet de libérer la fillette, lequel
est cité dans la section VI ci-dessous;
e) Le 26 juin 2006, les spécialistes des droits de
l'homme de l'ONUCI ont signalé qu'une écolière de 15 ans
aurait été violée par un élément des FAFN
à Danané. Un membre du personnel de l'école a
informé l'ONUCI du fait que les viols étaient courants dans
l'école mais que les parents préféraient garder le silence
par peur de représailles.
* 38Lexique des termes
juridiques, op. cit.
* 39Lexique des termes
juridiques, op. cit.
* 40UNICEF, "La
Situation des enfants dans le monde 2006" Rapport, New York,
décembre 2005, p. 131.
* 41Seizième rapport
du Secrétaire général sur l'Opération des Nations
Unies en Côte d'Ivoire, 15 avril 2008, p.5
* 42 Ville du nord de la
Côte d'Ivoire situé dans le giron de la rébellion.
* 43 Le 24 décembre
2007 dans la localite de Bondoukou au nord est de la Cote d'Ivoire, trois
enfants ont été victimes de l'explosion de deux grenades
offensives qu'ils avaient ramassées sur des immondices au voisinage de
leurs habitations. Parmi ces enfants, deux sont décédés
sur-le-champ et le troisième s'en est tiré avec une
infimité visuelle permanente.
* 44Jean Nanga,
(correspondant d'Inprecor pour l'Afrique subsaharienne), Côte
d'Ivoire : une guerre civile... néocoloniale et française,
article publié dans Inprecor Janvier-Février 2005. (Inprecor
est une revue d'information et d'analyse politique mensuelle publiée
sous la responsabilité du Bureau exécutif de la Quatrième
Internationale - SU). Dans cet article l'auteur décrit les
conséquences de l'opération "Dignité" :
« Faisant fi des accords de Linas-Marcoussis
(janvier 2003) et d'Accra III (juillet 2004), Laurent Gbagbo a lancé le
4 novembre l'opération " Dignité ", une offensive aérienne
et terrestre contre les positions des Forces nouvelles. Malgré une "
guerre sans limites " promise par Guillaume Soro, chef des FN, cette offensive
n'avait pas rencontré de résistance véritable au cours des
deux premiers jours. Mais au cours de l'opération, l'aviation des FANCI
a bombardé un campement militaire français, à
Bouké, au centre du pays et en zone contrôlée par les
Forces nouvelles. Déployée dans le pays dans le cadre de
l'opération " Licorne ", l'armée française y jouit
également d'un mandat de l'Opération des Nations Unies en
Côte d'Ivoire (ONUCI), en tant que " force d'interposition ". Le
bombardement a fait neuf morts parmi les soldats français, un mort civil
états-unien et une trentaine de blessés. En réaction
immédiate l'armée française a détruit les avions
ayant commis le forfait, puis, sur ordre du chef de l'État
français, son aviation a détruit l'ensemble de la flotte
aérienne militaire ivoirienne. Cette " riposte " disproportionnée
a provoqué à Abidjan une mobilisation des partisans de Gbagbo :
violences antifrançaises et anti-opposition, marche vers la base
permanente française du 43e Bataillon d'Infanterie de Marine, vers
l'aéroport et vers l'Hôtel Ivoire (situé à 500
mètres de la Résidence présidentielle !) occupés
par l'armée française. Un face-à-face meurtrier entre
l'armée française, qui a ouvert le feu, et les manifestants
conduits par les " Jeunes Patriotes ", sous le regard des FANCI. Bilan officiel
ivoirien : une soixantaine de morts et plus d'un millier de blessés
ivoiriens, victimes des soldats français. Une " guerre franco-ivoirienne
".. »
* 45Rapport de Mme Diane
Orentlicher, experte indépendante chargée de mettre à jour
l'Ensemble des principes pour la lutte contre l'impunité - Ensemble
de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de
l'homme par la lutte contre l'impunité, Rapport N°
E/CN.4/2005/102/Add.1 du 8 février 2005, p. 6.
* 46René DEGNI SEGUI,
Les droits de l'homme en Afrique noire francophone (théories et
réalités), 1998, pp 175-176
* 47Ce principe est
prévu par l'article 20, du statut la CPI et son alinéa
1er dispose : « Sauf disposition
contraire du présent Statut, nul ne peut être jugé par la
Cour pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a
déjà été condamné ou acquitté par
elle ». Ce principe est l'équivalent en droit
d'inspiration germano-romaniste (art. 6 du code ivoirien de procédure
pénale), du principe général de droit de l'autorité
de chose jugée.
* 48Human Rights Watch,
Prise en deux guerres : violence contre les civils dans l'ouest de la
Côte d'Ivoire, Août 2003, Volume 15, No. 14 (A), p.10. Ce
rapport décrit certaines circonstances de l'impunité en
Côte d'Ivoire:
« Les tensions politiques, économiques,
religieuses et ethniques qui se sont cumulées dans les années
1990 ont violemment fait irruption pendant les élections
présidentielles d'octobre 2000. La légitimité
des élections a été sérieusement compromise par
l'exclusion de quatorze des dix-neuf candidats à la présidence,
dont Alassane Ouattara et le candidat du PDCI, l'ex-Président
Bédié. Le Général Guei a fui le pays le 25 octobre
2000 quand des manifestations populaires de grande ampleur et la perte du
soutien de l'armée ont fait suite à sa tentative d'ignorer
complètement les résultats des élections et de saisir le
pouvoir. Laurent Gbagbo a assumé les fonctions de président le
lendemain mais les pertes humaines ont continué de croître alors
que les partisans du RDR, appelant à de nouvelles élections,
s'opposaient aux partisans du FPI et aux forces de sécurité du
gouvernement...
Plus de 200 personnes ont été tuées et
des centaines ont été blessées par la violence qui a
accompagné les élections d'octobre et de décembre. Des
manifestants ont été abattus dans les rues d'Abidjan par les
forces de sécurité de l'Etat. Des centaines de membres de
l'opposition, dont de nombreux habitants du Nord et des partisans du RDR, pris
pour cibles sur la base de leur appartenance ethnique et de leur religion, ont
été arbitrairement arrêtés, détenus et
torturés. Les forces de sécurité de l'Etat ont commis des
viols et d'autres violations des droits humains en complicité avec les
partisans du FPI. Au cours du pire incident attribué aux gendarmes de la
base Abobo à Abidjan, les corps de cinquante-sept jeunes hommes ont
été découverts à Youpougon, dans les faubourgs
d'Abidjan, le 27 octobre 2003, un massacre connu depuis sous le nom de Charnier
de Youpougon. Une enquête des Nations Unies sur le massacre a conclu que
la responsabilité du massacre relevait entièrement des gendarmes.
Cependant, les personnes responsables de ces tueries et d'autres incidents
violents liés aux élections n'ont toujours pas fait l'objet d'une
investigation digne de ce nom et n'ont toujours pas été traduits
en justice. Le procès de huit gendarmes paramilitaires en avril 2001 en
lien avec le massacre de Youpougon a conduit à leur acquittement pour
« manque de preuves. » Bien que le gouvernement de Côte
d'Ivoire ait affirmé son intention de rouvrir l'enquête en 2002,
cette initiative a été mise de côté depuis le
début de la guerre en septembre 2002 ».
* 49Amnesty international,
Côte d'ivoire : une suite de crimes impunis : du massacre des
gendarmes à Bouaké aux charniers de Daloa, de Monoko-Zohi et de
Man, AI Index: AFR 31/007/2003, pp. 2 et 3. Ce document rapporte plusieurs
cas d'impunité :
« En avril, une jeune fille de quatorze ans a
été violée et assassinée par quatre membres des
Forces nouvelles dans la ville de Katiola, un secteur contrôlé par
ces combattants. Personne n'a eu à rendre des comptes pour ce crime.
Quelques jours plus tard, dans la même localité, une femme a
été victime d'attouchements puis violée par un membre des
Forces nouvelles, qui a été arrêté et détenu
pendant quelques jours avant d'être remis en liberté.
En septembre, deux jeunes filles ont été
violées à Duékoué (dans l'ouest du pays) par six
hommes munis de fusils qui faisaient partie d'un groupe armé et
étaient soupçonnés d'appartenir à une milice
progouvernementale. Aucun d'eux n'avait été arrêté
à la fin de 2008... »
* 50Louise Arbour, Haut
Commissaire aux droits de l'homme, in Les instruments de l'état de
droit dans les sociétés sortant d'un conflit, programme
de réparation, avant propos, Nations Unies, New York et
Genève, 2008, p. V
* 51Nguyen Quoc Dinh, Patric
Daillier et Alain Pellet, Droit international public, 7e
édit., L.G.D.J, 2002, p.470
* 52Gérard Brasseur,
Un regard géographique sur l'AOF de 1895, Colloque "L'AOF,
esquisse d'une intégration africaine", Dakar, ,16-23 juin 1995, p.5
* 53 Zah Bi Tozan,
Démographie de la Côte d'Ivoire : Une exception en
matière de croissance démographique en Afrique de l'ouest,
source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_la_C%C3%B4te_d'Ivoire
* 54 Le concept
d'ivoirité a été évoqué pour la
première fois le 26 août 1995 par le président Henri Konan
Bédié alors président de la république. Ce concept
est basé sur la distinction entre les Ivoiriens dits de souche
et les Ivoiriens dits d'origine douteuse ou de circonstance.
Ce concept correspond à un discours identitaire ivoirien
réducteur car il favorise une hostilité à l'égard
des étrangers et des Ivoiriens musulmans du nord.
En 1998, une loi foncière réservait le droit de
propriété des terres aux seuls Ivoiriens de souche. Il s'en suit
que des milliers de paysans d'origine burkinabé furent expulsé.
La constitution de juillet 2000 adopté sous le président Guei
transpose le débat au plan politique et son article 35 dispose que seuls
les Ivoiriens de souche (ceux nés de père et de mère
eux-mêmes ivoiriens) qui ne sont jamais prévalus d'une autre
nationalité peuvent être candidats à l'élection
présidentielle. Alassane Ouattara s'en retrouva alors
écarté. Laurent Gagbo fut élu dans le cafouillage. Une
politique d'identification nationale fut mise en place afin de
déterminer la citoyenneté par rapport à un village
« authentiquement ivoirien ». Ce concept
d'ivoirité, développé en
réaction au sentiment que les étrangers sont devenus «trop
nombreux», est considéré comme l'une des causes des
exactions commises ces dernières années en Côte
d'Ivoire.
* 55Amnesty International,
Côte d'Ivoire : Un avenir lourd de menaces, document
public, Index AI : AFR 31/013/2005, 26 octobre 2005, p.11
* 56 Amnesty International,
op.cit.
* 57En 2006, un
véhicule minibus chargé de dix sept enfants burkinabé n'a
été intercepté qu'à la hauteur du barrage policier
de Bondoukou (après avoir parcouru en territoire ivoirien plus de deux
cents soixante kilomètres soit cent soixante kilomètres en zone
FN et une centaine en zone gouvernementale) après avoir franchi
plusieurs barrages de contrôle d'un coté comme de l'autre.
* 58Source : BAD/OCDE,
Les perspectives économiques en Afrique, rapport 2008, p.
284
* 59 HCDH, Les droits de
l'homme et la lutte contre la pauvreté: cadre conceptuel, 2004,
p.7
* 60René DEGNI SEGUI,
Les droits de l'homme en Afrique noire francophone (théories et
réalités), 1998, p.178
* 61 Source :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Enfant_soldat
* 62 Source : CIA, World
Factbook-Version Janvier 1, 2009, citée par le site
http://www.indexmundi.com/map/?v=39&l=fr
* 63 Le Nouchi est
un français approximatif appartenant au registre des pidgins,
qui est fait d'un mélange de français, d'argots et des langues
locales)
* 64 Source :
UNICEF-Côte d'Ivoire-Statistics:
http://www.unicef.org/french/infobycountry/cotedivoire_statistics.html#67
* 66Jean Pradel, Droit
Pénal, Tome II, procédure pénale, 6e
édit, CUJAS, 1991, p.111
* 67Jean Vincent, Serge
Guinchard, Procédure civile, 25e édit.,
Dalloz, 1999, p.601.
* 68L'alinéa
1er de l'article 21 de la loi N°64-374 du 7 octobre 1964
modifiée par la loi N°83-799 du 2 août 1983 et la loi 99-691
du 14 décembre 1999 dispose : « Les procureurs
de la République et les juges des sections de tribunaux sont
spécialement chargés de la surveillance du service de
l'état civil dans le ressort de leurs juridictions
respectives ». L'alinéa 3 ajoute « S'ils
constatent que des infractions pénalement punissables ont
été commises, ils en poursuivent la
répression ».
* 69Djibril SAIDOU
(journaliste), "L'exploitation d'enfants dans les plantations de cacao
continue", 19 février 2008, in IRINEWS, Bulletin d'information et
d'analyses d'IRIN (service d'information et d'analyses du Bureau de
Coordination de l'Action Humanitaire des Nations Unies). Dans cet article
disponible sur le lien
http://www.irinnews.org/fr/ReportFrench.aspx?ReportId=76838,
ce journaliste écrit : « Le Ghana et la Côte
d'Ivoire assurent à eux deux environ les trois quarts de la production
mondiale de cacao, selon le Département d'Etat américain, et
emploient 200 000 enfants. Pas moins de 12 000 de ces enfants, victimes du
trafic transfrontalier, ont été introduits clandestinement en
Côte d'Ivoire pour travailler dans des plantations de cacao,
d'après l'ONG Stop the Traffik ».
* 70Arrêté
n°2250 portant détermination de la liste des travaux dangereux
interdits aux enfants de moins de dix huit (18) ans.
* 71 Dans une
déclaration rendue publique le 9 juin 2006 sur son site (
http://www.fidh.org/Justice-en-Cote-d-Ivoire-Alors-que-la-Cote-d)
et intitulée "Justice en Côte d'Ivoire: Alors que la
Côte d'Ivoire a déclaré la CPI compétente, il est
temps que la Procureur de la CPI agisse", la Fédération
Internationale des Droits de l'Homme (FIDH) écrit : « le
18 avril 2003, la Côte d'Ivoire, a déposé une
déclaration auprès de la CPI reconnaissant la compétence
de la Cour pour les crimes commis sur son territoire depuis le 19 septembre
2002 ». Cette reconnaissance de compétence visait à
permettre à la Cour d'enquêter sur les violations graves commises
par les rebelles. Mais depuis cette déclaration l'Etat ivoirien n'a pas
daigné ratifier le statut.
* 72 " Justice des mineurs"
Microsoft® Encarta® 2006 [DVD]. Microsoft Corporation, 2005.
* 73Jacques MBOKANI
(Doctorant en Droit à l'Université catholique de
Louvain), L'impact de la stratégie de poursuite du procureur de la
cour pénale internationale sur la lutte contre l'impunité et la
prévention des crimes de droit international, Revue
électronique Droits fondamentaux, n° 7, janvier 2008 -
décembre 2009, p.
* 74Lisa VeneKlasen et
Valérie Miller, Pouvoir, peuple et politique : Une nouvelle trame.
Le Guide d'action du plaidoyer et de la participation citoyenne,
édit. 2007. p.22
* 75Rapport du
Secrétaire général de l'ONU sur "Les enfants et les
conflits armés", Doc. ONU A/59/695-S/2005/72, 9 février
2005, P.4
* 76Rapport de la
Représentante spéciale du Secrétaire général
pour les enfants et les conflits armés, Doc. ONU A/61/275 du 17
août 2006, p.8
* 77Il s'agit de
l'arrêté N°0075/MEN/DELC du 28/09/09, portant interdiction
des punitions physiques et humiliantes à l'endroit des
élèves des établissements scolaires
* 78Dans un article
publié sur le site de l'ONUCI :
www.onuci.org/spip.php?article2221
et intitulé Appui de l'ONUCI à la Protection de
l'Enfant : Un système national de protection en création,
la mission rapporte que Madame Fanta Coulibaly, Responsable de la
Commission nationale de lutte contre les violences au Ministère des
Affaires sociales, de la Famille et de l'Enfant, a dressé un tableau
sombre de la situation des enfants en Côte d'Ivoire
* 79Côte
d'Ivoire : Koné Zacharia limogé, coups de feu en zone
rebelle, article publié le 19/05/2008 dans L'international
Magazine.com. Dans cet article il est fait état de la
résistance d'un commandant de zone face à sa hiérarchie.
Ce commandant était en désaccord avec sa hiérarchie sur le
processus de désarmement.
* 80Sous la direction de
Jacqueline Rubellin-Devichi et Rainier Franck, L'enfant et les conventions
internationales, Presses Universitaires de Lyon, 1996, p.27
* 81UNICEF, La
convention relative aux droits de l'enfant a 18 ans, communiqué de
presse Abidjan, le 20 novembre 2007
* 82 Frédéric
Sudre, Droit Européen et international des droits de l'homme,
9e édition, PUF, 2008, p.194
* 83L'article 86 de la
constitution de Côte d'Ivoire dispose en effet
que « Si le Conseil constitutionnel, saisi par le
Président de la République, ou par le Président de
l'Assemblée nationale ou par un quart au moins des
députés, a déclaré qu'un engagement international
comporte une clause contraire à la Constitution, l'autorisation de le
ratifier ne peut intervenir qu'après la révision de la
Constitution »
* 84 Il s'agit de Thomas
Lubanga d'une part et de Germain Katanga et Mathieu Ngudjolo Chui d'autre
part.
* 85 Thomas Lubanga a
été retenu dans les charges de crimes de guerre pour recrutement
d'enfants-soldats. La décision de confirmation des charges a
été rendue par la Chambre préliminaire I de la
CPI. Il s'agit de la décision N°ICC-01/04-01/06 du 29 janvier
2007
* 86 Françoise
Martinetti, Les droits de l'enfant, Document inédit, Librio,
E.J.L 2007 p.10
* 87 Il s'agit du
décret 2004-210 du 11 mars 2004 portant interdiction des marches et
autres manifestations sur la voie publique.
* 88L'Est de la Côte
d'Ivoire est composé des régions du Zanzan au nord, des
régions du Moyen Comoé et d'Agnéby au centre et de la
région du Sud Comoé au Sud du pays.
* 89 Nguyen Quoc Dinh, Patric
Daillier et Alain Pellet, Droit international public, 7e
édit., L.G.D.J, 2002, p.779
* 90 Nguyen Quoc Dinh, Patric
Daillier et Alain Pellet, Op. cit.
* 91 Source :
http://www.amnesty-international-audio.fr/spip.php?article334&lang=fr
* 92 Il s'agit de sanctions
ciblées décidées par le Comité des sanctions du
Conseil de Sécurité de l'ONU établi par la
résolution 1572 (du 15 novembre 2004) concernant la Côte d'Ivoire.
Ces sanctions ciblées, décidées conformément au
paragraphe 9 de ladite résolution, frappent d'une part les sieurs
Eugène Kouadio Djué et Charles Blé
Goudé (tous deux proches de la mouvance au pouvoir) pour menace sur
le processus de paix et de réconciliation, et d'autre part le sieur
Martin Fofié Kouakou (commandant militaire rebelle) pour
violation des droits de l'homme.
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