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Femme ou fée? Mélior dans "Partonopeu de Blois"

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par Julie Grenon-Morin
Université Sorbonne-nouvelle - Master 1 2010
  

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CONCLUSION

Les fées de l'époque de Mélior sont, contrairement aux fées contemporaines des films Disney par exemple, des créatures de nature ambiguë. Si on observe Clochette de la production cinématographique Peter Pan ou bien par la suite dans ses propres films, son appartenance au monde féérique est claire. Le plus grand des indices serait assurément ses ailes. Elle se munit quelques fois d'une baguette magique et vit, à la manière des dryades, dans un arbre. De plus, ses pouvoirs magiques ne peuvent tromper personne sur sa nature. En revanche, les fées médiévales ont souvent des caractéristiques à la fois de fée et d'humaine. À l'observation des représentations iconographiques de quelques fées telles Mélusine, Viviane et Morgane, on constate qu'elles ne possèdent pas non plus d'attributs physiques permettant de les différencier des humaines. Archétype représentant le destin, elles sont également porteuses d'une parole dite «vraie». Nul n'est à l'abri si une fée se prononce et jette un sort. Lorsque Mélior émet son interdit, Partonopeu y est soumis. Cela ne l'empêche pas de le transgresser, mais il devient alors fou et doit subir de difficiles épreuves.

Prenons pour exemple l'image nommée «Raimondin passant devant la Fontaine de Soif» issue du manuscrit Roman de Mélusine, coté Français 24 383 et conçu entre 1400 et 1450 en Flandre. Une illustration de Mélior de Partonopeu de Blois aurait bien sûr été préférable, mais le Moyen âge ne nous en a laissé aucune. Sur le folio 5v, on y voit Mélusine et ses deux soeurs Palestine et Mélior discutant avec Raimondin nouvellement rencontré à cheval. Aucune caractéristique physique ne permet de savoir que les femmes sont en fait des fées. Elles sont vêtues comme pourraient l'être leurs contemporaines humaines de haut rang social. Elles n'agissent pas non plus de manière à soupçonner qu'elles appartiennent à un autre monde. Il en va de même avec la littérature, ne serait-ce que les insertions assez rares du mot «fée» qualifiant Mélior et quelques autres éléments encore. On est loin de la fée marraine de Cendrillon ou bien de la fée bleue dans Pinocchio...

Mélior se distingue des femmes de son temps par l'étendu de son savoir. Non seulement elle en sait beaucoup plus que ses professeurs, mais elle sait aussi se servir de magie. Ses talents du côté des enchantements touchent les sciences occultes, la capacité plus ou moins définie d'apparaître, de disparaître et de contrôler le destin de son ami. L'impératrice de Constantinople est aussi une guérisseuse. Elle sait manier la rhétorique, ce qui nous ramène à la notion de parole. Grâce à son solide apprentissage universitaire, Mélior est classable dans la première génération de fée, autrement dit celles qui ont acquis leur pouvoir. Mélusine se classerait dans la seconde génération, ayant acquis son savoir par les liens génétiques.

Quelques images, assez rares, tirées de manuscrits montrent des propriétés féériques des personnages. Le premier cas provient du même ouvrage que celui cité plus haut, plus précisément au folio 19. Mélusine prend son bain hebdomadaire, s'étant transformé en femme-dragon et faisant gicler l'eau autour d'elle. C'est le moment où Raimondin transgresse l'interdit qui le mènera à sa chute. La métamorphose de la fée ne laisse rien douter quant à son appartenance à la féérie. Elle conserve tout de même son buste de femme, de même que sa coiffe visible sur toutes les images de l'oeuvre. Un autre cas serait «Lancelot prisonnier de Morgane» provenant du Français 122, folio 160, Lancelot du lac fabriqué à Hainaut, en Belgique en 1344. La femme en rouge qu'on y aperçoit est la fée Morgue. Le geste de ses mains peut laisser croire qu'elle est en train d'utiliser sa magie sur le pauvre chevalier. Le château où il est enfermé est proportionnellement trop petit pour accueillir véritablement des gens. Il n'y a que la magie qui aurait pu retenir quelqu'un dans un lieu où la différence de hauteur avec le sol n'est pas de la taille d'une personne. De plus, l'encorbellement au-dessus de Lancelot tient office d'une sorte de grillage protecteur, qui renforce, en tous les cas, l'idée de renfermement.

Malgré ses nombreuses caractéristiques humaines, Mélior est bel et bien une fée. De part son rôle joué dans Partonopeu de Blois, elle est une fée amante. Même si les images des manuscrits ne vont pas dans ce sens, les fées au Moyen âge dans la littérature existaient et jouissaient d'une grande popularité. Bien que possédant quelques enluminures rendant les pages plus jolies et le texte plus agréable à lire, aucun artiste, dans les onze ouvrages, n'a représenté l'épouse de Partonopeu. Ceux de Bern, Cambridge, New Haven, Tours, le Vatican et les six exemplaires à Paris ne permettent pas de savoir comment l'époque imaginait Mélior. Cela est injuste si on tient compte, comme il est dit dans l'introduction au roman, que Partonopeu de Blois est un des trois chefs-d'oeuvre médiévaux français avec Tristan et le Graal, largement illustrés.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld