Le droit des propriétés publiques à l'épreuve de la valorisation du domaine public hertzien par le CSA( Télécharger le fichier original )par Morgan Reynaud Université du Maine - Master 2 Juriste de droit Public 2011 |
b) Un domaine public mobilier ou immobilier ?Une autre question peut se poser par rapport à la consistance du domaine public hertzien. Celui-ci est-il un bien mobilier ou immobilier ? Le CGPPP le classe dans les biens du domaine immobilier. Or, n'est il pas possible de considérer les ondes comme des biens mobiliers ? Le Code civil définit comme biens meubles par leur nature « les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère41(*) ». Or, le principe même de l'onde est de se propager. L'onde, par essence, est en mouvement. Mieux, c'est un mouvement. Dans ces cas là, pourquoi ne pas avoir classé le domaine public hertzien dans le cadre des biens meubles ? On notera, pour répondre à cette interrogation, que l'article L2111-17 du CGPPP ne fait pas référence aux ondes mais aux fréquences radioélectriques disponibles sur le territoire de la République. Or, pour trancher ce débat, il convient de distinguer l'onde, qui est le mouvement, et la fréquence qui est son support nécessaire. La fréquence d'une onde peut s'analyser en une sorte de « canal hertzien », qui, lui, ne se meut pas à la différence de l'onde qui, elle, le fait. Cette analyse technique, bien qu'elle puisse apparaître faible, est la seule justifiant la classification immobilière du domaine public hertzien. Enfin, on aurait pu s'étonner de l'application du régime domanial à un bien immatériel. Ainsi, Didier Truchet, dans l'article évoqué à plusieurs occasions, considérait que le régime de la domanialité publique « conçue pour protéger des biens matériels, surtout immobiliers, [...] perd une grande partie de son intérêt quand on l'applique à des biens immatériels ». Jean Dufau partageait cet avis en considérant, quant à lui, que « les fréquences radioélectriques [...] sont par nature immatérielles et [donc] soustraites à toute appropriation 42(*) ». Nous n'accorderons pas de long développement à ce commentaire. En effet, cet article a été rédigé avant la prise de conscience de l'intérêt, pour l'État, de gérer et de valoriser son patrimoine immatériel. Cette nouveauté, qui a fait suite au rapport « Jouyet-Lévy43(*) », a ainsi conduit à la création, le 23 avril 200744(*), de l'agence du patrimoine immatériel de l'État (APIE). L'existence et l'intérêt de ce domaine public immatériel ne sont donc plus à prouver. Ceci étant, contrairement au patrimoine immatériel classique (brevet, marques, noms, licences, logos, parts sociales, créances etc.) qui est considéré comme un ensemble de biens meubles, les fréquences radio-électriques s'avèrent être les seuls biens incorporels immobiliers. Cette considération peut donc légitimement prêter à débat et permet ainsi de mieux comprendre la position de Didier Truchet. Si le domaine public hertzien s'avère être l'objet de multiples controverses quant à sa substance, l'idée même d'une propriété publique hertzienne peut également poser de réelles questions. * 41 Art 528 C.Civ. * 42 J. Dufau, Le domaine public hertzien : un concept juridiquement contestable » précité. * 43 « Rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel : L'économie de l'immatériel, La croissance de demain », Novembre 2006. * 44 Arrêté du 23 avril 2007 portant création d'un service à compétence nationale dénommé « Agence du patrimoine immatériel de l'Etat », JORF 12 mai 2007. |
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