Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales établies (article l442-6 1;2?° du code de commerce)( Télécharger le fichier original )par Avocat stagiaire (2011), Idarque (promotion 2010- 2011) Cédric Dubucq Université Paul Cézanne Aix Marseille - Master 2 Droit économique 2011 |
Section 4 Les conséquences de cette présomptionIl n'y a, dans ce texte, plus aucune référence au droit du marché , mais uniquement à l'examen de l'équilibre contractuel , comme c'est le cas en droit de la consommation. Le tribunal de commerce de Lille80 voudrait que les négociations commerciales industrie-commerce soient tout simplement de véritables négociations de l'ensemble du contrat. Le tribunal pose d'ailleurs « le principe de réciprocité entre distributeur et fournisseur», principe qui, selon lui, doit être recherché « dans la négociation ». La question posée est celle-ci : l'article L. 442-6, I, 2°, du Code de commerce ne s'appliquerait-il que si le contrat entre professionnels était un contrat d'adhésion? La lettre du texte, sanctionnant le fait: « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties» irait, a priori, dans ce sens. Dans la mesure où la négociation entre les deux partenaires est établie, le préalable à l'application du texte ne sera pas rempli, et la partie qui s'estime lésée ne pourra alors se prévaloir du texte. Cette observation doit sans doute être relativisée car il n'y a qu'un jugement de première instance qui a nourrit cette conclusion. Ceci étant, ce préalable permettrait de restituer les lettres de noblesse à l'intangibilité des 79 Rapport n° 908 déposé le 22 mai 2008 par Jean-Paul Charié rapport pré. Cit. 80N. Mathey T. com. Lille, 6 janv. 2010 : Juris-Data no 2010-000338 Contrats, conc. consom., no 3-2010, comm. 71, p. 21, note. contrats et au principe du consensualisme. La Commission considère que l'abus en cas de « commun accord » doit être exclu81 ». Dans la mesure où aucune négociation n'existe,il ne nous semble pas absurde que l'on prenne en compte le piédestal sur lequel sont parfois placés les partenaires commerciaux; le droit rejoindrait ainsi l'éthique et la morale. Le corollaire de cette condition est que de nombreux contrats de distribution (en réseau notamment82 ) devraient alors être réécrits. Qu'en sera-t-il du contrat de franchise, du contrat de fourniture exclusive voire du contrat de distribution sélective qui sont pour l'essentiel des contrats d'adhésion? Ces partenaires imposent certaines clauses au franchisé alors que celui-ci ne peut pas véritablement les négocier. Y aura-t-il déséquilibre significatif par le seul fait que le contrat aura été un contrat d'adhésion, ou bien le fait que ce contrat soit d'adhésion sera il une simple présomption ? Et si dans le contrat, bien que faisant l'objet de négociation sur certains aspects, mais rédigé par le seul concédant, est prévue une clause de pouvoir unilatéral du concédant de fixer le prix des contrats cadres, cette clause de pouvoir unilatéral n'emportera-t-elle pas, par essence, un déséquilibre significatif? Cet article remettrait ainsi en cause la jurisprudence bien établie des arrêts d'assemblée plénière du 1er décembre 1995 pour les contrats cadres. En définitive, il convient d'être prudent sur les règles et les barrières à définir à l'entrée de l'application qui peut s'avérer dévastatrice sur le plan de la sécurité juridique. Il nous semble qu'un contrat dont la preuve est rapportée qu'il a été négocié ne peut subir les foudres du texte. A contrario, un contrat d'adhésion rédigé par un seul des cocontractants apparaitrait comme un indice pouvant entrainer le triomphe de cette action. Par conséquent, il 81.Avis de la CEPC, 22 décembre 2008. 82Voir le rapport de Jean-Paul Charié pré. Cit., indiquant que la nouvelle rédaction « renforce l'effectivité de la sanction de l'exploitation abusive d'un rapport de force par l'une des parties en soumettant celle-ci à des sanctions civiles dès lors qu'elle soumet ou tente de soumettre son partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Elle est d'ailleurs inspirée du Code de la consommation et des dispositions relatives à l'interdiction des clauses abusives, qui visent à empêcher les abus de puissance contractuelle dans le cadre d'une relation marquée par un fort déséquilibre entre le consommateur isolé d'un côté et l'entreprise de l'autre ». ent semblerait relativement fantaisiste de réduire à néant juridiquement tous les contrats d'adhésion ou les clauses de pouvoir unilatéral. Chapitre 3 Vers une assimilation du partenaire commercial à la relation commerciale L'auteur de la pratique restrictive résultant du déséquilibre significatif doit être un partenaire commercial de la victime. On aura noté tout d'abord que le domaine ratione personae du texte est vaste puisque l'on vise des relations entre un commerçant (ou un artisan) et l'un de ses partenaires commerciaux. Cette notion non définie doit elle se comprendre comme « la relation commerciale » ou bien doit-on y voir une autre acception? Nous verrons que le partenaire commercial devra être assimilé à la relation commerciale, notion que l'on retrouve sous le 5° du même article concernant la rupture brutale des relations établies(Section 1). Pour de multiples raisons qui sont relatives à l'hétérogénéité des relations commerciales la protection sera bilatérale (Section 2), de nouveaux contrats, par rapports à ceux visés par la rupture brutale, seront en ligne de mire du texte (Section 3). Section 1 L'importation des solutions concernant la notion de relation commerciale de la rupture abusive En réalité, afin d' analyser ce que doit être un « partenaire commercial » et ce malgré l'absence de précision, il semble raisonnable d'adopter les solutions retenues par la jurisprudence concernant la relation commerciale contenue dans le même article L. 442-6. La différence entre partenaire et relation étant si mince qu'à notre sens aucune distinction ne sera formulée sur ce terrain. Contrairement à la malheureuse référence du Conseil constitutionnel qui ,dans sa décision du 13 janvier 20183, rapporte que le texte s'apprécie pour les contrats conclus entre fournisseur et distributeur, le contrôle instauré par l'article L.442-6, I, 2° a un champ 83 Cons. const., 13 janv. 2011 n° 2010-85 QPC Éts Darty et Filo d'application bien plus large84. Le domaine du droit commercial peut être conçu aussi bien de manière objective comme étant le droit des activités commerciales, que de de manière subjective comme étant le droit des commerçants. Ces deux critères se combinent l'un l'autre, ainsi qu' un acte est commercial en raison de la personne qui le pratique et qu'inversement le caractère commercial de l'activité peut dépendre des actes accomplis dans le cadre de cette mission. La Cour d'Appel de Paris a ainsi estimé que la clause du contrat de prestation de service conclu entre une société et son conseil , stipulant que «toute action en responsabilité contre le conseil devra être intentée dans les trois mois de l'événement dommageable» ,crée un déséquilibre significatif et doit être annulée85. On se référera donc à la jurisprudence relative à la rupture brutale d'une relation commerciale, au terme de laquelle l'article L. 442-6, I, 5° est mis en oeuvre quel que soit le statut juridique de la victime86. Il s'agit ici d'une conception généreuse quant au champ d'application qui est retenu, refusant l' application trop étroite de ce critère particulièrement flou fourni par le législateur. Ce dernier a souhaité embrasser toutes les relations d'affaires susceptibles de s'établir entre professionnels. L'exigence d'une relation commerciale permet toutefois d'exclure de la protection certains professionnels coupables de la rupture, à l'instar du médecin en relation avec une clinique87 ou du notaire en sa qualité d'emprunteur auprès d'une caisse d'épargne;88 en revanche, les architectes, bien que non commerçants, sont couverts par cette notion89. Le caractère commercial a toutefois été établi, à l'égard d' une relation entre une société qui 84Ce qui amène les auteurs à parler de «protection des professionnels»: R. Saint-Esteben, art. préc., p.1275; Y. Utzschneider et A. Lamothe, «Que penser d'une règle de protection contre les clauses abusives dans le Code de commerce ?»: RDC 2009, p.1264. 85 CA Paris, 14 déc. 2010, n°08/09544. même si l'arrêt ne se fonde pas sur exclusivement sur l'article L. 442-6, I, 2° qui en outre ne prévoit pas expressément la sanction de la nullité. 86 Cass. com., 6 févr. 2007 (association) : Bull. civ. 2007, IV, n° 20 - Cass. Com., 16 déc. 2008 (architecte) : Bull. civ. 2008, IV, n° 208. 87 l'article 19 du Code de déontologie médiale prohibant expressément la pratique de la médecine comme un commerce Cass. com., 23 octobre 2007, pourvoi n° 06-16.774, RLC 2007, T. 4 88 Cass. com., 20 janvier 2009, pourvoi n° 07-17136, D. 2009, AJ, p. 369, obs. E. Chevrier 89 Cass. com., 16 décembre 2008, JCP G 2009, II, 10034, note A.-L. Archambault exploitait l'activité du Musée des arts forains et une association ayant pour objet la promotion de manifestations d'intermittents du spectacle90. |
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