Le déséquilibre significatif dans les relations commerciales établies (article l442-6 1;2?° du code de commerce)( Télécharger le fichier original )par Avocat stagiaire (2011), Idarque (promotion 2010- 2011) Cédric Dubucq Université Paul Cézanne Aix Marseille - Master 2 Droit économique 2011 |
Section 2 Pour l'édiction de la proportionnalité en véritable principe de droitActuellement,le contrôle de la disproportion appartient exclusivement aux juges du fond253, et uniquement en l'absence de disposition législative expresse prise par la Cour de cassation 254. Comme il s'agit d'une notion factuelle, la Cour de Cassation n'a pas le pouvoir de casser un arrêt de la Cour d'Appel qui aurait statué dans le sens ou non d'une disproportion. Nous voudrions en quelque sorte « tordre le cou » à ce postulat et ériger la proportionnalité en véritable principe du droit. La jurisprudence a d'ailleurs déjà emprunté cette voie dans un arrêt du 3 juillet 1996255. Dans cette décision, les hauts magistrats se sont expressément référés à la notion d'économie du contrat. En l'espèce, un couple avait conclu , avec une
société, un contrat de création d'un Point
club 252 Cass. civ. 3e, 3 mars 1993, J.C.P., 1994. I. 3744, obs. M. Fabre-Magnan. 253 en matière de primes d'assurance, l'article L. 132-13 du C. ass., en matière de protection des consommateurs se portant caution, l'article L. 313-10 du Code de la consommation, en matière de clause pénale, l'article L. 1152, alinéa 2 du Code civil 254V. par exemple la reconnaissance du pouvoir souverain des juges du fond en matière de réduction du prix de vente excessif des offices ministériels, l'arrêt de principe Cass. Req., 12 janvier 1863, D. P. 1863. I. 302. Concernant la réduction des honoraires de mandataires, v. par exemple, Cass. civ. 1re, 2 avril 1997, R.T.D. Civ. 1998, p. 113, obs. J. Mestre. Sur le constat du caractère excessif du trouble de voisinage, v. par exemple, Cass. civ. 2e, 21 mai 1997, D. 1998, J., p. 151, note B. Fages ; J.C.P. 1998. II. 10057, note L. Mauger-Vielpau, R.T.D. Civ. 1998, p. 115, obs. P. Jourdain. 255 Civ. 1re, 3 juill. 1996, Bull. civ. I, n° 286, RTD civ. 1997. 903, obs. J. Mestre mettant des cassettes à la disposition des époux. Cependant, le contrat fut anéanti car son exécution était pratiquement impossible en raison de la situation géographique des nouveaux entrepreneurs. En effet, l'agglomération dans laquelle ils s'étaient établis ne comptait que 1 314 habitants , de sorte que « l'exécution du contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible ». Dans cet arrêt, la Cour de Cassation fut pour le moins audacieuse car, tenant compte de l'environnement économique , elle a établi une étude de marché, postérieurement au contrat signé, afin d'établir la conclusion selon laquelle le contrat ne présentait aucune utilité pour les parties. Cet arrêt représente sans doute l'exemple symptomatique d'une immixtion exagérée des juges dans le contrat et d'un solidarisme à toute épreuve. Bien que le corollaire d'une généralisation du contrôle de la proportionnalité par la Cour de Cassation serait un risque d'insécurité juridique manifeste, il nous semble cependant utile de se demander si, dans certains cas, les magistrats du Quai de l'Horloge ne pourraient pas se saisir de situations « significatives ». Pour ne pas étendre l'insécurité qui règne dans la plupart des contrats, il faudrait suppléer le pouvoir des juges du fond par un contrôle minimum de la Cour de cassation sur la qualification et la motivation. Pour résumer, si les juges du fond peuvent requalifier à souhait ce qu'ont convenu les parties256, il en va de même de la Cour de cassation à l'égard des premiers. « Qualifier constitue une opération juridique , soumise d'une façon à peu près systématique , au contrôle de la Cour de cassation »257 . Cette position aurait au moins le mérite d'apporter de la cohérence à certaines solutions. De cette manière,le droit ne se désintéresserait pas de la situation des parties et deviendrait sans doute plus pragmatique qu'à l'heure actuelle. Il convient donc de dépasser ce risque, afin de cantonner le contrôle aux cas les plus sensibles et éviter ainsi de remettre trop souvent en cause les engagements pris. Cependant, il nous semble que dans certains cas, cet outil du droit commun peut être efficace lorsque sont contractés des engagements dont il est établi que les avantages qui en résultent marquent «une volonté défaillante, parce qu'absente ou contrainte»258. Cet outil remplacerait ainsi 256 V. sur le pouvoir de requalification des juges du fond l'article 12 du nouveau Code de procédure civile. 257 J. Vincent, S. Guichard, Procédure civile, Dalloz, coll. Précis, 26e éd., 2001, no 519. 258 (N. Molfessis, Le principe de proportionnalité et l'exécution du contrat in Existe-t-il un principe utilement la violence économique telle qu'elle est actuellement envisagée par le Code civil et par l'avant -projet de la chancellerie. Ce prisme de l'intérêt du contrat réconcilierait ainsi le droit civil et le droit des pratiques restrictives de concurrence. En effet, nous avons déjà démontré la différence entre, d'une part l'analyse « subjectiviste » des magistrats qui sont animés par la volonté des parties et d'autre part, le contrôle davantage objectif que prône classiquement le droit de la concurrence259. Ce contrôle de proportionnalité allierait les deux, l'objectif et le subjectif, au travers notamment des situations de déséquilibre et de la notion de faiblesse de la partie victime. Nous focaliserons notre étude sur le contrôle de la proportionnalité au niveau de la formation du contrat, sachant que la responsabilité civile peut également prendre le relais 260. Un arrêt semble cependant important ; il concerne l' administrateur d'une société qui avait acheté des actions à un associé sans l' avertir qu'il avait lui même trouvé des acheteurs à un prix bien plus élevé. Cette réticence a contraint l'acheteur à payer d'importants dommagesintérêts. Par cette décision, Denis Mazeaud a estimé que « le juge a restauré une certaine équivalence économique entre les prestations des cocontractants »261. Ceci étant, si la violence économique ne peut être utilisée que dans des cas relativement marginaux qui tiennent compte à la fois de la qualité de la victime et des manoeuvres de l'auteur de la violence, le droit civil dispose en son sein d' instruments permettant la sanction de la disproportion par laquelle se manifestent souvent les situations de violence économique. Actuellement, la Cour de Cassation contrôle l'usage de la
proportionnalité par les juges du de proportionnalité ?, LPA 1998, no 117, p. 24. ) 259 V. d'une façon générale, J. Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l'acte juridique, L.G.D.J. 1971. 260 Cass. com., 27 février 1996, Bull. IV, no 65 ; Rev. bancaire et bourse, 1997, no 59, p. 27, obs. M. Germain, et M.-A. Frison-Roche ; LPA 1997, no 21, p. 7, note D.R. Martin ; D. 1996, somm. p. 342, note J.-C. Hallouin ; Quot. jur. 1996, no 39, p. 9, obs. P.M. ; R.T.D. Civ. 1997, p. 114, obs. J. Mestre ; J.C.P. 1996. II. 22665, note J. Ghestin ; D. 1996, p. 518, note Ph. Malaurie ; J.C.P. éd. E. 1996. II. 838, note D. Schmidt et N. Dion. 261 D. Mazeaud, op. cit., p. 14. cassation262 a contrôlé l'existence d'un déséquilibre mais non le déséquilibre lui-même. Ce contrôle a permis de qualifier une clause abusive en approuvant les juges du fond qui ont fait une référence de bon aloi à la disproportion, et ainsi de qualifier la clause d'abusive. Pour restreindre le contrôle des juges du fond et éviter de sombrer dans une insécurité juridique chronique, il existe différents moyens. D'abord , le contrôle, par la Cour de Cassation, de la motivation des jugements et arrêts rendus par les juges du fond. A l'instar de ce qui se fait en matière de clause pénale263, les juges du fond qui recourent au contrôle de la proportionnalité des engagements de chacun des partenaires devront motiver les raisons qui ont conduit à une telle motivation. S'agissant des clauses pénales,l' arrêt de chambre mixte du 20 janvier 1978 a ainsi cassé un arrêt d'appel qui avait réduit une clause pénale après l'avoir considérée « un peu élevée »264. L'explication indigente a donc été un motif de cassation. Ce que nous souhaitons pour le contrôle de proportionnalité est en réalité ce qui existe actuellement pour la faute. En effet, ces deux notions ont , comme point commun , de n' être définies par aucun texte. Il a donc été jugé qu'« il appartient à la Cour de cassation d'apprécier si les faits souverainement constatés par les juges du fond présentent les caractères juridiques de la faute »265. La motivation doit donc s'exercer en détails, « le rôle de la Cour de Cassation sera d'imposer aux juges du fond de justifier dans les motifs de leurs décisions qu'ils ont bien constaté l'existence de ces éléments »266. Pour conclure, nous approuvons la manière et l'audace avec lesquelles la jurisprudence 262 V. par exemple, Cass. civ. 1re, 26 mai 1993, D. 1993, J, p. 568, note G. Paisant ; D. 1994, somm., p. 13, obs. Ph. Delebecque ; J.C.P. 1993. I. 3709, obs. I. Marchessaux ; Cont. Cons. Cons., 1993, no 181, obs. G. Raymond ; Defrénois, 1994, article 35746, p. 351, obs. D. Mazeaud ; R.T.D. Civ., 1994, p. 97, obs. Mestre. 263 V. d'une façon générale, M. Saluden, L'étendue du contrôle exercé par la Cour de cassation sur les juges du fond en matière de clause pénale, Gaz. Pal., Rec. 1984, doctr. 262. 264 Cass. ch. mixte, 20 janvier 1978, D. 1978, inf. rap. 229, obs. M. Vasseur ; R.T.D. Civ. 1978, p. 377, obs. G. Cornu 265 Cass. civ., 15 avril 1873, D.P. 73.1.262 ; S. 1873. 1. 174. V. également dans le même sens, Cass. civ. 28 février 1910, D.P. 1913. 1. 43 ; S. 1911. 1. 329, note Appert ; H. Capitant, F. Terré, Y. Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence civile, 11e éd., Dalloz, 2000, no 185. V. également par exemple, F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil, Les obligations, Dalloz, coll. Précis, 8e éd., 2002, no 716. 266 G. Viney, note sous Cass. civ. 1re, 4 juillet 2000, J.C.P., 25 juillet 2001, p. 1499. a élargi la notion de cause , avec l'arrêt Chronopost qui permet d'évincer la clause réduisant à néant la contrepartie. S'agissant du contrôle global du contrat, on a vu que le comportement peu scrupuleux du partenaire pourrait rendre celui-ci dépourvu de tout intérêt. On a alors observé la réticence de la Cour de Cassation à admettre un tel contrôle, laissant aux juges du fond le soin de régler ce qui est proportionné de ce qu'il n'est pas. Nous souhaitons ouvrir l'office des magistrats de la Cour de Cassation et, par conséquent, créer un filtre permettant de décider si des faits peuvent être qualifiés de disproportionnés selon qu'ils respectent ou non certains critères établis par cette même Cour. L'idée serait de s'inspirer de la faute qui est appréciée in abstracto en fonction de la notion standard du « bon père de famille ». La motivation des juges du fond sera alors primordiale pour éviter la censure. La disproportion pourrait donc servir à qualifier le vice de violence économique s'il était établi que la différence entre les droits et les obligations des parties d'une part, ou leurs prestations, d'autre part, étaient disproportionnées par rapport aux intérêts en jeu à savoir l'intérêt de l'auteur et la sauvegarde de « la personne ou de la fortune » 267 de la victime. 267 Article 1112, alinéa 1er du Code civil. |
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