INTRODUCTION
Le transport maritime emprunté par des migrations
humaines et fournissant le cadre des échanges des marchandises dont la
quantité est bien supérieure à celle des transports
terrestres, a servi depuis des siècles à rapprocher les grands
foyers de civilisation. Les infrastructures terminales maritimes, points de
jonction entre ce trafic gigantesque et les réseaux continentaux sont
devenues d'importants carrefours commerciaux où les marchandises sont
déchargées, stockées et parfois transformées avant
d'être évacuées par voies terrestres ou maritimes. Ce
transport maritime est l'épine dorsale du commerce international et, par
conséquent, de l'économie mondiale car près de 25 000
milliards de tonnes - km de fret parcourent les océans annuellement
comparés à 7 000 pour le rail et 3 000 pour la route. Il s'agit
de pas moins de 71% de tout le fret mondial transporté3.
Comme les modes aériens et terrestres, le transport maritime
évolue sur son espace propre ; un espace à la fois
géographique par ses attributs physiques mais aussi stratégique
par son emploi. Un port qui se veut à vocation universelle doit pouvoir
accueillir tous les bâtiments en service, ce qui veut dire qu'il faut
pouvoir disposer de fonds de 12 à 15m et dans le même temps
renouveler l'équipement de l'exploitation : engins de levage,
entrepôts spécialisés, canalisations, moyens d'accès
et de dégagement 4.
Les entreprises de manutention et les établissements
portuaires qui sont naturellement les acteurs clés dans les mutations
des transports maritimes sont contraints à s'adapter aux nouvelles
donnes car l'avènement du conteneur a entraîné des
mutations dans le transport maritime en développant et en
renforçant l'importance relative des lignes régulières,
permettant ainsi un abaissement du coût du transport et favorisant le
transport multimodal. Les conteneurs sont acheminés de leur point
d'origine à leur destination finale par une chaîne de transport
multimodal dont le transport maritime est l'un des segments. Ainsi le
développement du conteneur représente une véritable
révolution dans la technique du transport et même dans la
structure du commerce des armateurs. Apparu dans les années vingt, ce
n'est que dans les années cinquante qu'il connaît un
véritable essor en assurant le "porte à porte"5; le
conteneur a en fait été conçu dans une logique de
transport multimodal. Sa manutention étant facile et rapide, il permit
l'accélération des opérations de chargement, de
3CUSSET J-M., Informations et commentaires,
n°123, Avril-juin 2003 ; Problèmes Economiques, n°2842, 11
février 2004.
4DOUMENGE F., Géographie des mers, Collection
Mag, Puf, Paris, 1965, page 237.
5WAROT J., L'avènement du container dans le
trafic maritime, D.M.F 1951, p.263, Cf. PAJANACCI (Sophie), « Acconier et
stevedore ».
déchargement et d'arrimage, ce qui en termes de
productivité pour l'armateur n'était pas négligeable
puisque les temps d'escales se voyaient réduits. Pour la marchandise, il
présentait l'avantage d'une meilleure protection tant au niveau de la
casse que du vol. La conteneurisation a suscité en outre
l'avènement des navires spécialisés ce qui a
entraîné la nécessité de mettre en place de
nouvelles structures dans les ports, et de les équiper notamment
d'appareils de levage spéciaux. Encore aujourd'hui nous remarquons le
transfert de certaines catégories de marchandises habituellement
transportées en conventionnel vers la technique de la
conteneurisation6 .
Face à ce phénomène, les entreprises de
manutention s'adaptent ; qu'elles soient utilisées par les transporteurs
maritimes, les sociétés spécialisées, les
transitaires ou les commissionnaires, pour pouvoir recevoir, stocker,
redistribuer et déplacer les conteneurs. Outre la modification des
infrastructures et de l'outillage, la conteneurisation a en quelque sorte
créé de nouvelles tâches pour les entrepreneurs de
manutention7. Ils ont de ce fait modifié leur façon de
travailler face aux nouveaux besoins de leurs cocontractants : ainsi, ont-ils
commencé à procéder à la vérification de
l'état des conteneurs, à l'empotage et au dépotage des
marchandises, aux déplacement et stockage des conteneurs vides, à
prendre soin des conteneurs réfrigérés, autant de
tâches qui ont une rémunération mais aussi qui
nécessitent la mise en place de nouvelles installations.
Pendant longtemps, la gestion des infrastructures et des
services portuaires était contrôlée par des monopoles
publics, les autorités portuaires. Or, depuis le début des
années quatre vingt dix, on assiste à un désengagement
plus ou moins poussé, selon les régions du monde, des pouvoirs
publics, et à l'ouverture au secteur privé de cette gestion
portuaire. La manutention portuaire n'est plus l'apanage d'entreprises
nationales mais elle tend de plus en plus à être concentrée
aux mains d'opérateurs de taille continentale, Asiatiques,
Américains et Européens. En fait, ces groupes internationaux ont
une stratégie d'expansion qui se manifeste selon diverses
modalités à savoir la création de terminaux portuaires,
nouvelles plaques tournantes des trafics mondiaux8.
De même, l'introduction des conteneurs dans le transport
des marchandises confère aux sociétés de manutention
une position stratégique dans les ports maritimes dans
l'exécution du
6Le BARS F., Réflexions sur les mutations dans
le monde maritime dues à la conteneurisation, Annales de l'I.M.T.M 1987,
Vol.4, p.41, Cf. PAJANACCI S., « Acconier et stevedore ».
7PAJANACCI S., « Acconier et stevedore »,
Université de Droit, d'Economie et des Sciences d'Aix-Marseille 1999,
83p. (Mémoire de D.E.S.S Transport maritime et aérien : option
Droit maritime et Droit des transports, 1999)
8CUSSET J-M., Informations et commentaires,
n°123, Avril-juin 2003 ; Problèmes Economiques, n°2842, 11
février 2004.
contrat de transport. Pour les compagnies maritimes, le temps
de séjours à quai est devenu de plus en plus facteur de
décision d'accoster dans un port. Un jour supplémentaire
passé dans un port par un navire de 2 200 EVP coûte plus de 35 000
dollars à la compagnie maritime concernée9. Ainsi les
autorités des grands ports, face aux stratégies des armateurs, et
dans un climat de concurrence de plus en plus rude, prennent en compte
différentes variables de leur développement : les
accessibilités terrestres et maritimes, l'efficacité de la
manutention, le développement des zones logistiques, la qualité
du système intermodal, la massification du transport terrestre, et la
qualité du site portuaire (l'espace et l'environnement).
Avec le développement du trafic conteneurs la plupart
des pays africains ont privatisé leurs activités portuaires pour
pouvoir répondre aux questions d'efficacité et de
compétitivité car la rapidité de la manutention permet
d'accroître le rendement de chaque poste à quai avec des navires
qui effectuent plusieurs rotations au cours de l'année. A partir des
années 2000, le monde maritime africain connaît une
réorganisation avec d'innombrables mesures prises sur le plan
sécuritaire et technologique car les ports Ouest - Africains ne
pouvaient pas rester en marge de ces tendances mondiales dans les domaines du
commerce et du transport maritime. Ils doivent relever le défi de
recevoir des navires de plus gros tonnage et assurer la manutention de
conteneurs avec rapidité et efficacité. Sur la côte Ouest -
Africaine seuls les ports d'Abidjan (3 grues de levage), Lagos-Apapa et Dakar
(2 grues) disposent des portiques à conteneurs dans les terminaux
à conteneurs pour pouvoir traiter les navires de dernières
générations10.
Le Togo, un étroit couloir de l'Afrique Occidentale
servant de débouché pour les pays du Sahel, avec un tirant d'eau
de 14 m dispose des conditions nautiques privilégiées pour le
développement de l'activité portuaire.
Pour montrer l'importance d'une manutention maritime bien
organisée et bien structurée dans le développement d'un
terminal de transport maritime nous nous proposons de faire
l'étude de la Manutention Maritime des conteneurs au sein de la
SE2M TOGO installée au Port Autonome de Lomé depuis
2002, ancienne filiale du groupe Progosa et filiale depuis le 27 Mai 2009 du
groupe Bolloré11.
9Ports et transport maritime en Afrique de l'Ouest et
du Centre les défis à relever, Document de travail du SSATP
No.84, Mai 2007, 39p
10Ports et transport maritime en Afrique de l'Ouest et
du Centre les défis à relever, Document de travail du SSATP
No.84, Mai 2007, 39 pages 22.
11La direction de la SE2M TOGO a été
assurée de 2001 à 2009 par le groupe Progosa et dès
juillet 2009 par le groupe Bolloré à la suite de l'ordonnance
No 973/09 du 27 mai 2009 du président de première
instance de première classe du tribunal de Lomé.
Le but de notre travail étant de dégager et
d'analyser les moindres mutations induites par la SE2M TOGO dans le transport
et la manutention maritime des conteneurs au PAL, notre étude
s'articulera autour de cinq chapitres.
> Le chapitre I est consacré aux cadres conceptuel
et méthodologique. Nous y présenterons la problématique,
les intérêts de notre travail, la revue de la littérature,
les objectifs, les hypothèses de notre travail et la méthodologie
de collecte des données.
> Le chapitre II est destiné au cadre
géographique de notre étude et à la présentation de
la SE2M TOGO.
> Le chapitre III étudiera l'organisation des
activités de manutention au sein de la SE2M TOGO dans leurs cadres
techniques, géographiques et économiques.
> Le chapitre IV portera sur le facteur emploi au sein de
la SE2M TOGO, à savoir les dockers, les pointeurs, les acconiers, les
conducteurs de grues et d'engins lourds, dans leurs cadres
socio-professionnels.
> Le chapitre V évaluera l'impact des
activités de la SE2M TOGO sur le développement
géographique, économique et social du PAL et de sa zone
d'influence, les problèmes inhérents aux activités de la
SE2M TOGO et les approches de solution.
Etude géographique de la Société
d'Entreprise de Manutention Maritime : la SE2M TOGO CHAPITRE
I : CADRES CONCEPTUEL ET METHODOLIGIQUE
SECTION 1: Cadre conceptuel
Nous allons d'abord présenter notre cadre conceptuel
à savoir ; le choix du thème de recherche, la
problématique, l'intérêt du sujet, la revue de la
littérature, les objectifs de l'étude et les hypothèses de
travail.
A/ Justification du choix du thème de recherche
Notre thème de recherche qui s'intitule :
La manutention maritime des conteneurs au Port Autonome de
Lomé: Cas de la SE2M TOGO, répond à une triple raison
à savoir :
· Le domaine du transport maritime et des
activités portuaires n'est pas un terrain neutre pour la recherche. Mais
il s'avère important de faire un état des lieux de la manutention
maritime des conteneurs au Port Autonome de Lomé depuis sa concession
à la SE2M TOGO.
· L'introduction des conteneurs dans le transport ne
s'est pas faite sans une réelle modification des activités
portuaires. Il est donc nécessaire à travers cette étude
de montrer les atouts et les inconvénients de l'utilisation des
conteneurs dans la manutention et le transport des marchandises.
· Enfin, cette étude s'avère importante
à un moment où le trafic de conteneurs au Port Autonome de
Lomé connaît un développement fulgurant qui modifie
profondément l'organisation et l'espace portuaire.
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