Les droits du patient au Maroc: quelle protection?( Télécharger le fichier original )par Kawtar BENCHEKROUN Faculté des sciences juridiques,économiques et sociales de Salé, université Mohammed V - Master en droit médical et de la santé 2009 |
G- Partie 1 : la santé du patient entre droit et pratique médicale.
H- CHAPITRE1 : LES DROITS FONDAMENTAUX DU PATIENT.Comme tout droit de l'homme, le patient se trouve reconnaître un droit à la santé, couvert par le droit au consentement et au respect de la vie privée.
Section 1 : le droit à la protection de la santé.Longtemps ignoré, le droit à la santé est aujourd'hui reconnu par divers textes de portées aussi bien nationales qu'internationales (sous-section1). La combinaison des règles et principes proclamées par ces derniers, permet de mettre l'accent sur l'un des principaux droits du patient qui est l'accès libre et équitable aux soins (sous-section2).
Sous-Section1 : la reconnaissance du droit à la santé. Le droit à la santé est aujourd'hui proclamé dans divers documents juridiques. Pour la moitié de l'humanité, l'exercice de ce droit est impossible, pour des raisons essentiellement économiques. Dans ce contexte, il convient de voir les textes juridiques donnant naissance au droit de toute personne à la santé, aussi bien sur le plan international (paragraphe1) que national (paragraphe 2). Paragraphe 1 : Au niveau international.La proclamation du droit à la santé a toujours occupé un rang élevé sur l'échelle des priorités internationales. Ceci s'explique par l'adoption de plusieurs textes internationaux (sous-paragraphe1) dont l'effectivité n'est pas à négliger (sous-paragraphe2). Sous-paragraphe1 : les instruments internationaux relatifs au droit à la santé.Consacré sur le plan international au début du XX ème siècle (fondation de la croix rouge), la première généralisation du droit à la santé dans l'opinion publique mondiale coïncide avec la grande crise de conscience du monde occidental à la fin de la première guerre mondiale. Un grand souffle moral règne sur les relations internationales, la guerre est mise hors la loi, la société des nations est crée et abritera dès1921 une organisation d'hygiène. Proclamé formellement sur le plan international dès 1946, date de signature à NEW YORK de la constitution de l'organisation mondiale de la santé, le droit à la santé était défini dans son préambule comme : « un état de complet bien être physique, mental et social et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité». L'article 1 de ladite constitution ajoute que : « le but de l'organisation mondiale de la santé est d'amener tous les peuples au niveau de santé le plus élevé possible ». A cet égard, conscients que la santé reste un état contingent lié à la fois au niveau des connaissances médicales, au niveau de vie d' une population, aux moyens qu' elle entend y consacrer, voire à sa culture, cette constitution précise aussi que 9(*) : « la possession du meilleur état de santé qu' il est capable d' atteindre constitue l'un des droits fondamentaux de tout être humain quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, ses conditions économiques ou sociales10(*)». De ce fait, la relativité et la précarité de ce droit à la santé sont soulignées. Il s'agit d'un « droit aux soins » que d'un droit à la santé. Mais, contrairement à ce que pourrait laisser croire le préambule sus-indiqué, le « meilleur état de santé » auquel chacun peut prétendre ne dépend pas seulement des prédispositions personnelles et des mesures sanitaires prises au niveau étatique ; il dépend aussi de l'évolution de la science médicale. L'expression « meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre » est ainsi très proche de la formule utilisée par la jurisprudence française, selon laquelle tous les malades ont droit à « des soins consciencieux et attentifs, conformes aux données actuelles de la science ».11(*) Par ailleurs, la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 proclame également le droit à la santé, mais en des termes beaucoup moins précis que l'OMS. L'article 25-1 de ladite déclaration dispose « toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement, les soins médicaux, ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d'invalidité, de veuvage, de vieillesse... ». La déclaration ne reconnaît pas un droit à la santé autonome et inhérent à la personne humaine. Elle ne reconnaît même pas un droit au meilleur état de santé ou aux meilleurs soins. En effet, les termes de cet article signifient que la santé ou plus exactement les soins médicaux constituent un élément du niveau de vie minimum auquel tout homme est en droit de prétendre. Une telle formulation est incontestablement réaliste, dans la mesure où, en pratique, l'état de santé d'un pays est étroitement lié à son niveau économique général. Elle a donc l'avantage de montrer que la notion de « droit à la santé » est à peu prés dépourvue de signification dans les pays en voie de développement. 12(*) La combinaison de la constitution de l'OMS et la déclaration universelle conduisent à conclure qu'en définitif la conscience internationale reconnaît bien le droit pour tout homme d'exiger de son pays un minimum de prestations sanitaires conformes à la fois, à la dignité humaine, au niveau de développement économique et social du pays considéré et au degré de perfection atteint à un moment donné par la science médicale. Sous-paragraphe2 : l'effectivité du droit à la protection de la santé en droit international. La mondialisation de la coopération sanitaire, marquée par la création de l 'OMS, n'est dans une large mesure que l'extension des schémas médicaux occidentaux à l'ensemble de la planète. Il apparaît aujourd'hui que cette conception ne permet sans doute pas de répondre aux besoins du tiers monde. L'hospitalo-centrisme13(*), déjà critiqué dans les pays industrialisés, devient insupportable dans les pays peu développés : impossibilité de former des techniciens de santé de haut niveau, impossibilité de financer un nombre suffisant d'établissement hospitaliers etc. De ce fait, une orientation nouvelle a été prise depuis la conférence d'ALMA ATA14(*) en septembre 1978. L' organisation mondiale de la santé et le fond des nations unies pour l' enfance (UNICEF), s'inspirant du modèle chinois des « médecins aux pieds nus», donnent désormais la priorité à la théorie des « soins de santé primaires ». 15(*) Depuis, les pays du monde entier ont déployé de gros efforts pour tenter d'instaurer la santé pour tous par le biais de politiques et de plans de santé fondés sur les principes des soins de santé primaires. Bien que les pays de la région africaine aient manifesté leur attachement à la mise en oeuvre des soins de santé primaires et aient adopté le district comme unité de base pour la prestation des services de santé essentiels, ils ont rencontré divers problèmes parmi lesquels on peut citer la faiblesse des structures, le peu d'attention accordée aux principes des SSP, la diminution des ressources financières destinées à la santé, l'incidence de la pandémie de VIH/SIDA, la crise économique et les troubles civils et dans la plupart des cas une volonté politique inadéquate. L'attachement à une amélioration progressive de la santé dans le monde a été renouvelé par la Résolution WHA51.7 de l'assemblée mondiale de la santé (1998), dans laquelle les états membres ont réaffirmé leur volonté d'assurer les éléments essentiels des soins de santé primaires, tels qu'ils sont définis dans la déclaration d'Alma Ata et énoncés dans la politique de la santé pour tous pour le XXIème siècle. La disponibilité de ressources joue un rôle décisif dans la prestation des services de santé. La mauvaise répartition des ressources, l'inadéquation des financements publics consacrés à la santé, la pénurie des personnels de santé, l'absence de matériel de base, de logistique, de médicaments essentiels et d'autres produits et la mauvaise qualité de l'infrastructure ont contribué à une baisse de la performance des soins de santé primaires. Cependant, malgré l'importance des textes internationaux relatifs au droit de la santé, ils restent peu efficaces pour assurer une véritable protection de la santé dans le monde. Ainsi, il se trouve qu'il est nécessaire d'améliorer au niveau de chaque pays les performances en matière de gestion pour surmonter les carences identifiées. En fait, le droit international de la santé doit son existence et son effectivité à la fois aux individus et à l'Etat. Il serait ainsi une double obligation morale. Chaque individu serait tenu à préserver lui-même sa propre santé, alors que l'Etat devrait fournir à chacun un accès libre au service de santé.16(*)
* 9 --LIN DAUBECH : «le malade à l hôpital» édition ères ,2000. p : 603 * 10 - Cette même formule sera reprise par l'article 12 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels du 16 décembre 1966 et par l'article 11 de la Charte Sociale Européenne du 26 février 1965. * 11 - JEAN. MICHEL DE FORGES ET JEAN. FANCOIS SEUVIC : « l'hospitalisé », ed° Berger-levrault 1983.p :22 * 12 - idem, p : 22,23 * 13 - L'Hospitalo-centrisme est un qualificatif donné aux systèmes de santé lorsque l' hôpital remplit des fonctions qui peuvent être assumées par d'autres types d'établissements (comme c'est le cas pour les soins médicaux généraux.).On parle donc d'hospitalocentrime quand l'hôpital se trouve à la place centrale et prépondérante du système de santé. * 14 - Ville principale de la république du kazakhstan. * 15 -Il s'agit d 'utiliser le potentiel existant pour former rapidement des «agents de santé primaires», le médecin devient un expert dont l' intervention est rare. * 16 -Michel Bélanger : « droit internationale de la santé » édition économica, 1983, p : 42. |
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