Les droits du patient au Maroc: quelle protection?( Télécharger le fichier original )par Kawtar BENCHEKROUN Faculté des sciences juridiques,économiques et sociales de Salé, université Mohammed V - Master en droit médical et de la santé 2009 |
Paragraphe1 : la fauteLorsqu' on cherche à définir la faute, il est usuel d'invoquer la célèbre définition qu'a pu donner Marcel Planiol139(*) et qui est la suivante : « tout manquement à une obligation préexistante».140(*)En effet, la faute médicale consiste en la violation d'une obligation qui s'imposait à l'homme de l'art. Plus précisément, c'est la violation d'une obligation liée à la technique médicale ou d'une obligation née de l'humanisme médical. Le législateur marocain, quant à lui, s'est borné à donner une définition générale de la faute sans faire de distinction entre faute médicale, industrielle ou autre. C'est ainsi qu'elle est définie par l'article 78 du D.O.C, comme suivant : « la faute consiste, soit à omettre ce qu'on était tenu de faire, soit à faire ce dont on était tenu de s'abstenir, sans intention de causer un dommage». La nécessité d'établir une faute résulte de la nature même de la mission du médecin. En effet, celle-ci consiste précisément à lutter contre la nature, en la redressant par des soins, des traitements, des interventions avec les moyens dont le médecin dispose. Ainsi, la limite de son pouvoir explique l'impossibilité de le rendre responsable du triomphe même de la nature sur ses soins. Il serait d'ailleurs illusoire de chercher à distinguer "le mal causé par la nature et le mal causé par le médecin, en luttant contre la nature, conformément à sa mission"141(*). Ceci dit, la faute peut revêtir plusieurs formes, comme par exemple un défaut d'examen nécessaire. A cet égard, le 9 novembre 1989 la cour suprême a condamné civilement un médecin qui avait injecté au malade un produit dit « PANSION» sans effectuer un examen préalable pour savoir que la patiente était allergique ou non à ce produit.142(*) Paragraphe2 : le dommage.La faute étant établie, il est alors nécessaire de prouver l'existence d'un dommage. La notion du dommage est l'élément indispensable à la mise en route de toute action civile. Ce n'est là, que l'application de la règle « pas d'intérêt pas d'action » «143(*). Quant à la nature dudit dommage, elle est diverse. Il peut être question soit, d'un préjudice de droit commun consistant en une atteinte pécuniaire ou moral au patient, soit une atteinte physique pouvant se traduire par une infirmité ou par un décès. Dès lors, le dommage causé au patient peut se manifester sous forme : De pretium doloris qui correspond aux souffrances endurées par la victime pendant la période de l'incapacité temporaire. Du dommage esthétique qui correspond à l'atteinte corporelle de nature à enlaidir la victime (cicatrices, pertes d'organe...). Ce genre de préjudice peut prendre un caractère patrimonial quand il a une incidence professionnelle. Du Préjudice d'agrément : c'est une diminution de toutes les activités non professionnelles de la victime. Du Préjudice juvénile ou perte de chance : il y'a préjudice lorsque l'incapacité dont est atteint l'enfant ou l'adolescent lui interdit de choisir certaines professions ou activités. Du préjudice moral Des frais médicaux et paramédicaux évalués au jour du règlement. Des éventuels frais résultant de l'emploi d'une tierce personne pour assister le malade dans la vie courante. Le dommage peut aussi porter sur les gains manqués. Il en est ainsi des pertes professionnelles pendant la période d'incapacité temporaire ou permanente144(*). Afin de chercher le préjudice, les juges font appel à des experts judiciaires145(*) chargés d'instruire des points à caractère technique à l'exclusion des points de droit. Aussi, le rôle de l'expert sera de déterminer si le préjudice causé est la conséquence de l'activité médicale. Le travail dudit expert consiste à étudier les demandes du magistrat ou du tribunal en vue de pouvoir orienter son travail. L'expert doit ensuite étudier les éléments qui ont dû être mis à sa disposition, notamment le certificat établit par les médecins traitants, les radios, les analyses... après quoi, il procédera à l'interrogatoire de la victime, soit dans son cabinet, soit au domicile de ladite victime si elle est alitée ou ne peut se déplacer. Ensuite, l'expert procédera à l'examen clinique de la victime qui portera avant tout sur les membres ou organes blessés ou traumatisés lors de l'acte médical ou chirurgical. Cependant, quand le juge estime que l'expertise ne doit pas être faite par un expert unique, il peut nommer, selon l'article 66 du code de procédure civile marocain, trois experts ou même un plus grand nombre selon les circonstances de la cause. Les experts procèdent ensemble à leur opération et dressent un seul rapport. S'ils sont d'avis différent, ils indiquent l'opinion de chacun d'eux et les motifs à l'appui. Le rapport est signé par tous les experts sous peine de nullité. * 139 - Marcel Ferdinand Planiol est né à Nantes le 23 septembre 1853 et décédé à Paris le 31 août 1931, était un jurisconsulte et professeur de droit français. Il est l'un des trois rénovateurs du droit civil français et l'auteur du Traité élémentaire de droit civil. * 140 - Cyril clément, op.cit. p : 351 * 141. « La responsabilité civil médicale »:http://www2.univlille2.fr/droit/documentation/rtf/peliter.rtf. Site visité le20/01/2009. * 142 - Arrêt N°5279 * 143- Jean-François LEMAIRE et Jean-Luc IMBERT : «La responsabilité médicale», Collection Que sais-je, p 46. * 144 - Dr. Chakib laraqui : «guide juridique de l expertise médicale et de la réparation juridique du dommage corporel au Maroc»édition dar karaouine2001, Casablanca, p : 148,149, 150. * 145 -Les experts judiciaires sont des auxiliaires de la justice qui exercent leurs fonctions conformément aux dispositions de la loi n° 45-00 relative aux experts judiciaires promulguée par Dahir n° 1-01-126 du 29 rabii I 1422 (22 juin 2001) et des textes pris pour son application. |
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