Section 2-
Problématique et méthodologie
Cette section traite de la question fondamentale de recherche,
des objectifs, des hypothèses de recherche et de la méthodologie
adoptée. Ces éléments entrent dans le cadre de la
structuration théorique de cette étude.
Paragraphe 1-
Problématique et hypothèses de recherche
Au regard des constats précédents, nous
remarquons que plusieurs collectivités locales béninoises
même avant la décentralisation avaient noué et entretenu
des partenariats de jumelage et de coopération avec leurs homologues
françaises. Cette situation montre que la coopération
décentralisée est aussi vieille dans le contexte béninois.
Elle constitue une forme de relation qui lie les anciennes circonscriptions
urbaines aux collectivités françaises depuis plus d'une
décennie malgré un contexte de centralisation du pouvoir. La
coopération décentralisée a énormément
profité à ces anciennes structures infra-étatiques et leur
a essentiellement permis d'accroître leurs compétences et de
réaliser des infrastructures socio-communautaires.
La commune de Natitingou, ex Circonscription Urbaine jusqu'en
décembre 2002, en a bien profité malgré son statut de
territoire administré et placé sous contrôle du
préfet pour entrer en partenariat avec la commune française de
Rillieux -la- Pape. Le statut de collectivité locale pour l'une et de
territoire administré pour l'autre n'a pas été un obstacle
pour l'établissement du partenariat-jumelage entre les deux villes. Le
partenariat qui lie les deux communes à cette époque
n'était pas tout à fait une forme de coopération
décentralisée, car le critère de territoire
administré par des élus n'était pas observé. Il
s'agissait donc d'une forme de relation totalement fondée sur la
solidarité internationale. La commune de Rillieux -la- Pape dans la
seconde moitié des années 90, a voulu simplement manifesté
son attachement à la solidarité en entreprenant une relation avec
la Circonscription Urbaine d'alors. Tout va changer avec l'organisation des
premières élections municipales en 2002 qui érigent
Natitingou en un territoire décentralisé gouverné par des
élus locaux. Du partenariat-jumelage, on entre à partir de 2003
dans une forme de coopération de territoire à territoire
désignée sous le nom de coopération
décentralisée. Les relations entre les deux communes se
développent désormais entre deux partenaires égaux qui ont
les mêmes statuts, jouissant des mêmes droits pour s'ouvrir au
monde et établir des relations avec les populations d'autres
cultures.
Aujourd'hui, la dynamique de cette coopération
décentralisée s'est concrétisée par la signature
d'un protocole d'accord de jumelage, de conventions générales de
coopération décentralisée liant les deux communes, la
signature de conventions de mise en oeuvre de programme et surtout la
réalisation de projets concrets tels la construction d'un centre de
tissage, la fourniture en matériels et équipements pour
l'évacuation des ordures ménagères, la dotation du centre
de santé de la ville d'un incinérateur sans oublier les dotations
du centre de loisirs de libres et autres équipements de travail. Mais
les partenaires ont failli dans la mise en oeuvre de cette relation. Autrement
dit, les deux collectivités ont oublié d'envisager une
structuration raisonnée, équilibrée et identique à
travers des instances de pilotage et de prise de décisions. La
négligence de cette structuration constitue un handicap majeur à
l'évolution de cette coopération entre les deux villes.
Au bout de dix ans de partenariat-jumelage, il faut certes
reconnaître que, malgré son évolution, le partenariat entre
les deux territoires n'est pas au beau fixe. On constate que la
coopération, n'a pas comblé les attentes des élus encore
moins des populations. Il n'y a pas par exemple de profondes relations entre
les deux peuples et les personnes déléguées à la
mise en oeuvre des actions et programmes agissent sans concerter les
élus des deux côtés. Il n'y a pas de concertation entre le
comité de jumelage de Rillieux -la- Pape et la commune de Natitingou. Ce
comité de jumelage viendrait à imposer ses décisions
à l'autre partie, ce qui ne pas surtout la vision des élus
Rillards dans cette coopération. Le comité de jumelage, plus
précisément certains de ses membres ont développé
des pratiques qui ne sont pas de nature à avancer la coopération
entre les deux collectivités. Cette coopération aujourd'hui
piétine et n'avance pas comme cela aurait du être. Ces pratiques
très proches du « néo-colonialisme », n'ont
pas contribué à réaliser le but de cette
coopération qui était celui d'accompagner le développement
de la commune de Natitingou à travers une transformation administrative,
politique mais aussi à travers une bonne gouvernance locale.
En plus, le comité de jumelage, a maintenu l'attitude
des débuts de la solidarité internationale. Il est resté
dans une démarche humanitaire, caritative et a oublié d'oeuvrer
à l'accompagnement local de la commune de Natitingou. Le comité
de jumelage à travers certains de ses membres a simplement
transformé les relations et ont développé une forme de
coopération basé sur les rapports du dominant au dominé,
du donateur au récipiendaire. Cette situation a été
empirée par des événements politiques au sein du conseil
municipal de Natitingou.
En effet, le premier Maire de la commune a été
destitué à cause de sa méthode de gestion des affaires
publiques locales très controversée et critiquée par ses
pairs. Son successeur ou remplaçant a été durant cette
première mandature menacé de destitution. Il faut aussi dire que
ces événements politiques intervenus au sein du conseil communal,
ont accru le désengagement des élus qui sont tournés vers
des problèmes institutionnels et non développement de leur
territoire. En toute conséquence, les élus pendant cette
période n'ont aucune volonté à travailler pour que la
coopération avance et apporte son soutien à la qualité de
vie des populations.
Ces deux éléments conjugués, ont
jeté un froid à la coopération décentralisée
entre les deux collectivités entre 2005 et 2008. Elle entre dès
lors dans une situation d'endormissement total. L'addition de ces deux
situations, nous laisse dire que la coopération entre Rillieux -la- Pape
et Natitingou traverse une crise. Ceci a été d'ailleurs reconnu
par les deux Maires et les responsables techniques des deux
collectivités. Pour notre part, cette crise que nous
appellerons « crise d'adolescence ou de
maturité », est nécessaire et sans grande importance
sur les relations entre les deux territoires. Au fond, elle a permis aux deux
parties de revoir leurs modes de fonctionnement et de questionner les
dispositifs de mise en oeuvre de la coopération afin de rendre plus
efficaces et pérennes les actions de cette coopération. La
commune de Rillieux -la- Pape s'est interrogée sur la mise en oeuvre de
cette coopération et s'est rendue compte que, ce n'est la bonne solution
pour agir et accompagner le développement de la commune jumelée
de Natitingou. La commune s'est rendue également compte que, l'appareil
de mise en oeuvre du partenariat a été sérieusement
grippé. Selon les cadres techniques en charge de la question à la
commune de Rillieux -la- Pape Rillieux, ces dispositifs ont monté leurs
limites. Ils ne garantissent pas toujours la transparence et ne respectent pas
la vision de la commune à savoir le respect de l'autre et la
concertation dans la mise en oeuvre des actions et la prise de
décisions. La coopération entre les deux communes selon le
constat de ces responsables techniques traverse non seulement une crise de
maturité mais aussi tend vers une dérive coopérative.
De ce constat, découlent les questionnements de cette
étude. En effet une étude scientifique ne commence dit-on souvent
par de simples, d'événements ou hypothèses mais à
partir d'un problème objectivement identifié et
spécifié. C'est pour dire que notre étude ne saura
être appréhendée que si elle se base sur une
problématique majeure qui va permettre de nous interroger sur les
réalités du partenariat entre Rillieux -la- Pape et Natitingou
que nous venons de développer plus haut. C'est ainsi que nous sommes
interrogé sur les mesures envisageables pour redynamiser et relancer
cette coopération entre les deux partenaires. Autrement, cette
étude s'interroge sur les dispositifs à mettre en place pour que
la coopération reprenne du souffle, ne subisse plus des
événements politiques cycliques, contribue réellement
à l'amélioration des conditions de vie des populations et qu'elle
ait de bonnes perspectives pour les années à venir. Les
élus et responsables de la commune en accord avec les nouvelles
autorités municipales de Natitingou décident de faire autrement
en recadrant la coopération avec des objectifs nouveaux. Ils sont
d'accord pour faire table rase et relancer la coopération entre les deux
partenaires. La commune de Rillieux-la-Pape, voulant se démarquer des
méthodes et pratiques mises en oeuvre et par voie de conséquence
réafficher sa position par rapport à la solidarité,
réfléchit sur une nouvelle approche de sa relation avec
Natitingou qu'elle a invité afin de redonner un contenu à leur
rapport à travers la relance du partenariat entre les deux territoires.
Ainsi, la question fondamentale qui a fait l'objet des discussions entre les
deux communes se résume: « quelles
pourraient-être les mesures envisageables pour dynamiser, relancer la
coopération et renforcer les liens d'amitié entre Rilliards et
Natayais ? Cette problématique se décline en
une autre question et relance le débat de la coopération entre
les deux communes. Autrement, la question fondamentale est de savoir
en quoi la relance de la coopération pourrait-t-elle servir
de levier de développement de la commune de Natitingou et contribuer au
rayonnement international de Rillieux -la- Pape ? C'est
aussi dans le cadre de la manifestation de la commune
Pour tenter de répondre à cette
problématique ainsi que des questions subsidiaires qu'elle suscite, nous
avons construit deux hypothèses de recherche et défini des
variables explicatives. C'est ainsi que notre hypothèse
générale a été de ressortir que le refroidissement
ou le gel du partenariat entre les deux communes, découlerait du fait
que cette coopération aurait engendré un type particulier de
configurations d'humanistes très animés par une vision
très « néo- colonialiste » de l'aide au
développement et plus particulièrement de la solidarité
internationale. Suivant cette configuration, nous retrouvons des acteurs
engagés en faveur de la solidarité mus par une certaine
idée de relations entretenues selon le type de dominant à
dominé, du donateur au récipiendaire sans vraiment impliquer les
populations locales, qui occupent malheureusement une position principale dans
la mise en oeuvre de cette coopération. Cette position qu'occupent ces
acteurs sert d'occasion à ces derniers pour mettre en place un
système de partenariat déséquilibré fondé
sur la domination. Comme nous pourrions l'imaginer à travers le bilan
d'une telle forme d'aide au développement, l'efficacité des
actions entreprises se fondant sur ce modèle de partenariat est
très critiquée et mise en cause. Autrement, le système de
relations mis en place par les acteurs délégués à
la coopération, expliquerait le déphasage d'une part entre
l'idée de départ de la solidarité et le bilan
mitigé de cette coopération et d'autre part. Comme variables
explicatives, nous soutenons que les méthodes d'interventions et
l'appropriation de la coopération par des acteurs
délégués à la coopération, expliqueraient la
dérive qui a caractérisé le partenariat entre les deux
communes et le gel des relations entre les deux partenaires. Ces
méthodes d'intervention renferment des stratégies de domination
et du non respect des principes fondamentaux de la coopération
décentralisée que sont le respect mutuel, la
réciprocité et l'égalité. Nous n'occultons pas la
crise au sein du conseil communal, qui aurait contribué dans la
foulée au refroidissement du partenariat-coopération
décentralisée entre les deux collectivités locales.
Ainsi l'objectif de cette étude est de rechercher dans
la mise en oeuvre de la coopération entre les deux partenaires, les
éléments qui ont apporté un coup d'arrêt à
cette coopération qui revêt à priori un enjeu fondamental
de développement de la commune de Natitingou. En termes d'objectifs
spécifiques, cette étude se propose d'examiner les dispositifs
mis en oeuvre par cette coopération. Il est question d'identifier les
facteurs à l'origine de l'incohérence dans les actions et du
détournement de la relation de partenariat. Elle se propose
également d'examiner les méthodes d'interventions des acteurs
délégués à cet effet et pointer du doigt la
négligence des élus locaux des deux communes dans la mise en
oeuvre de cette coopération. Pour examiner ces différents
éléments annoncés plus haut, nous avons recours à
une méthodologie particulière d'analyse que nous
détaillerons dans la sous-section suivante.
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