La primauté des tribunaux pénaux internationaux ad hoc sur la justice pénale des états.( Télécharger le fichier original )par Gérard MPOZENZI Université du Burundi - Licence en Droit 2003 |
I .3.4.1. Les qualités des Tribunaux pénaux internationaux ad hocLes TPI ad hoc ont des mérites à souligner même si les défauts ne manquent pas. Ces mérites peuvent être analysés sur le plan technique et sur le plan philosophique. Sur le plan technique, on se félicite de la suppression des failles de la répression qui pourraient résulter du refus d'un Etat tant d'extrader des suspects vers le pays qui les réclament que de les juger lui- même124(*). En outre, l'aptitude des TPI ad hoc à poursuivre et juger les auteurs des crimes de leur compétence quel que soit l'endroit où ils se trouvent constitue un pas déjà franchi dans la lutte contre l'impunité.
Constitue également une étape, la possibilité institutionnalisée de sanctionner l'Etat qui refuse de collaborer. En effet, les Etats collaborent avec les TPI ad hoc à la recherche des personnes accusées d'avoir commis des violations graves au droit international humanitaire125(*). De plus, les Etats répondent, sans retard, à toute ordonnance émanant d'une chambre de Ière instance126(*). Si l'Etat n'exécute pas ou ne prend pas les mesures voulues pour se conformer à cette demande, la chambre peut prier le Président du Tribunal de soumettre la question au CS des NU127(*).
Sur le plan philosophique et conceptuel, on note la reconnaissance universelle que certains crimes de caractère gravissime ne sauraient rester impunis et que toute l'humanité a raison de réclamer justice. Les TPI ad hoc font preuve d'un exemple d'une justice sereine et indépendante des contingences politiques et géographiques à l'égard des crimes horribles. La CPI, « fille légitime des TPI ad hoc »128(*), est plus ambitieuse que ces derniers129(*). La Cour peut, en effet, connaître des crimes commis non dans l'Etat particulier ou par les nationaux d'un tel Etat mais des crimes commis dans tous les Etats ou par les nationaux de n'importe lequel des Etats. Il suffit, pour ce faire, que les Etats soient parties au Statut de Rome créant la Cour ou que le CS des NU l'ait décidé ainsi. I.3.4.2. Les défauts des Tribunaux pénaux internationaux ad hocLes défauts des TPI peuvent également être analysés sous deux volets: aux plans technique et philosophique. Au plan technique, on regrette que les TPI ad hoc ne puissent pas prononcer des jugements par défaut ou par contumace130(*). De plus, c'est déplorable que les victimes ne puissent se faire entendre autrement que comme témoins131(*). Au plan philosophique et conceptuel, le principe de primauté favorise la passiveté des Etats. En effet, les Etats étant déjà peu enclins à exercer la compétence universelle, les TPI ad hoc les renforcent dans leur inertie à l'égard des crimes abominables. S'agissant de la CPI, sur le plan technique, il est à regretter le rôle contradictoire du Conseil de Sécurité132(*). En effet, d'une part, le CS des NU peut déférer à la Cour une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de ladite Cour a été commis133(*) et, d'autre part, le même CS des NU peut surseoir à enquêter ou à poursuivre pendant un délai fixé par le Statut134(*). Par ailleurs, la fixation du dies a quo au 1er juillet 2002 alors que les crimes relevant de sa compétence sont imprescriptibles favorise, d'une part, l'impunité et ,de l'autre, met à mal son universalité et sa permanence déclarées. De plus, la possibilité offerte aux Etats d'exclure la juridiction de la Cour pendant un certain temps constitue une zone d'ombre135(*). Au plan philosophique, l'opposition de certaines grandes puissances (les Etats-Unis et la Chine notamment) est de nature à fragiliser l'institution. On déplore également l'absence de moyens de contrôle réel contre les Etats et la compétence relative de la Cour. Cela étant, ces juridictions internationales ne sont pas les seules à réprimer internationalement les crimes graves du droit international. Il existe actuellement des juridictions pénales internationalisées appelées aussi des tribunaux pénaux internes à dimension internationale. I.4. Les tribunaux pénaux internes à dimension internationale La pratique contemporaine connaît une 3ème génération de juridictions pénales, à savoir les juridictions pénales internationalisées ou hybrides136(*) ou mixtes, telles celles mises en place au Sierra Leone ; au Cambodge, au Timor Oriental, au Kosovo, en Bosnie, et, plus récemment, au Liban. La doctrine ne s'accorde pas sur la dénomination de ces juridictions. Certains, E. DAVID notamment, parlent de Tribunaux pénaux internes à dimension internationale137(*), d'autres comme P. PAZARTZIS et A. Jamie WILLIAMSON utilisent les termes de juridictions « internationalisées » ou « hybrides »138(*). Au sens de la présente section, cette différence de terminologie n'est pas fondamentale, toutes ces dénominations parlent d'une seule et même chose. L'étude porte sur la création de ces tribunaux hybrides et sur la comparaison de ces derniers avec les TPI ad hoc. Faute de pouvoir les étudier tous au cas par cas, nous avons opté de passer en revue les cas qui existent en Sierra Leone et au Cambodge. Les cas du Timor Oriental et du Kosovo se rapprochent en ce qu'il s'agit des territoires placés sous l'administration intérimaire des NU. Les deux administrations ont exercé la totalité des pouvoirs y compris celui de la justice139(*).
Le cas de la Bosnie-Herzégovine correspond à une logique différente. En effet, la création d'une Chambre spéciale pour crimes de guerre au sein de la Cour d'Etat s'insère dans la logique de « délocalisation » de certaines affaires du TPIY vers les juridictions nationales140(*). Enfin, le Tribunal spécial pour le Liban a été créé le 30 mai 2007 afin de juger, entre autres, les suspects impliqués dans l'attentat qui a coûté la vie de l'ex-premier ministre libanais Rafic Hariri141(*). * 124 DAVID (E.), Principes de droit des conflits armés, op. cit., p. 802. * 125Statuts respectifs du TPIY et du TPIR, art.29 §1, art.28 §1. * 126Statuts respectifs du TPIY et du TPIR, art.29 §2, art.28 §2. * 127 RPP du TPIR, art.11 in fine. * 128 DAVID (E.), Principes de droit des conflits armés, op. cit., p. 803 * 129 Ibidem. * 130 Statuts, TPIY, art. 21 §4; TPIR, art. 20 §4. * 131 Statuts, TPIY, art. 22; TPIR, art. 20 §3 et 21; TPI ad hoc, art. 39, 71, 75, 85, et 90 communs aux RPP * 132 Comparer art. 13 lit. b et art. 16 du Statut de la CPI. * 133 Statut de la CPI, art.13 lit.b. * 134 Statut de la CPI, art.16. * 135Statut de la CPI, art.94. * 136 PAZARTZIS (P.), op. cit., p.49. * 137 DAVID (E.), Principes de droit des conflits armés, op.cit., p.804. * 138 Voy.PAZARTZIS(P.), op.cit., pp. 49ss et WILLIAMSON (A. Jamie), « Un aperçu des jurisdictions pénales internationales en Afrique » in International Review of the Red Cross,vol.88, No861, March 2006,p114. * 139 Voy. Le Règlement 1999/1 créant la Mission des NU au Kosovo et Le Règlement 1999/1 créant la Mission des NU au Timor Oriental. * 140 S/Rés. /1503(2003) du 28 août 2003, préambule, §7. * 141 S/Rés./1757 (2007) du 10 juin 2007. Cette résolution donne, en son article 3, mandat au Secrétaire général des NU de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'établissement d'un Tribunal spécial pour le Liban. |
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