Etude comparée entre les cours des comptes algérienne et française( Télécharger le fichier original )par Mohamed Hanafi Université de Perpignan via domitia - Master 2 option recherche 2009 |
MIE DE MONPELLIER UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA FACULTE INTERNATIONALE DE DROIT COMPARE DES Année universitaire Master de recherche en droit public Thème : « La faculté internationale de droit comparé des Etats francophones de l'université de Perpignan n'entend donner aucune approbation, ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur ».
A ma très chère mère qui a
sacrifié toute sa vie pour moi. Remerciements L'expression de ma très profonde reconnaissance
va au professeur Didier Je remercie également, le professeur Ainouche
Mohand Ameziane pour les Je remercie spécialement, tous les membres du
jury pour avoir accepter Sans oublier de rendre hommage à toute
l'équipe pédagogique et
INTRODUCTION 6 APERÇU HISTORIQUE 9 PREMIERE PARTIE : LE STATUT DU MAGISTRAT AU SEIN DES DEUX COURS . .... 3 Chapitre I : Les caractères fondamentaux des deux statuts . 13 Chapitre II : L'organisation du corps des magistrats de la Cour des comptes .41 Chapitre III : Les formations juridictionnelles de la Cour des comptes ..66 DEUXIEME PARTIE : LES ATTRIBUTIONS JURIDICTIONNELLES ET ADMINISTRATIVES EN MATIERE DE CONTROLE AU NIVEAU DES DEUX COURS ..77 Chapitre I : Le contrôle juridictionnel ..78 Chapitre II : La mise en oeuvre du contrôle 94 Chapitre III : Le contrôle administratif et son
étendu....109 CONCLUSION 128 ableau des abréviations Ali : Alinéa. A.P.C : Assemblée populaire communale. A.P.N : Assemblée populaire nationale. Art : Article. C.D.B.F : Chambre de discipline budgétaire et financière « Cour de discipline budgétaire et financière en droit français». C.D.C : Cour des comptes. C.J.F : Code des juridictions financières. C.N.R : Caisse nationale de retraite. C.R.C : Chambre régionale des comptes. C.S.M : Conseil supérieur de la magistrature. D.E : Décret exécutif. D.P : Décret présidentiel. E.N.A : Ecole nationale d'administration. F.S.R : Fonds spécial de retraite « destiné aux hauts fonctionnaires ayant occupé des fonctions supérieures de l'Etat ». INS : Instruction. J.O : journal officiel. L.O : Loi organique. L.O.L.F : Loi organique relative aux lois de finances « loi française du premier août 2001 ». J.O.R.A.D.P : Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire. J.O.R.F : Journal officiel de la République française. MOD : Modifié. P.G : Procureur général. P.V : Procès verbal. PSRE : Plan de soutien à la relance économique. PCSCE : Programme complémentaire de soutien à la croissance économique. SENAT : Conseil de la Nation. WILAYA : Préfecture. Il ne peut y avoir une bonne gestion et une transparence dans la gestion publique sans un système de contrôle efficace. Cette affirmation s'applique tout particulièrement aux finances publiques. Le droit reconnu à l'institution législative d'instituer l'impôt et de voter le budget de l'Etat, n'aurait qu'une portée limitée s'il n'existait un organe de contrôle externe. Le contrôle des finances publiques traduit en partie la mise en oeuvre de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui dans son article XIV considère que : « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ». 1 Cet article doit se lire avec celui qui le suit, qui est encore plus explicite lorsqu'il mentionne que : « la société à le droit de demander compte à tout agent public de son administration »2, de ce qui est l'usage qui est fait des impôts des contribuables. Certes, les administrations se sont dotées de multiples organismes et services de contrôles internes, mais il est nécessaire, qu'une entité de contrôle et de vérification indépendante, disposant de pouvoirs d'investigations étendues exerce un contrôle financier à posteriori. C'est là pratiquement le rôle dévolu à la Cour des comptes, qui est considérée dans de nombreux pays dont l'Algérie et la France, comme l'institution supérieure de contrôle à posteriori des finances de l'Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics. A ce titre, elle vérifie les conditions d'utilisation et apprécie la gestion des ressources, moyens matériels et fonds publics par les organismes entrant dans son champ de compétence. 1 http://fr.wikipedia.org/ Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, art. 14. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (D.D.H.C) est un des textes fondamentaux de la Révolution française, qui « expose » un ensemble de droits naturels individuels et collectifs. Elle est adoptée définitivement le 26 août 1789. Elle comporte un préambule et 17 articles qui mêlent des dispositions concernant les droits des Hommes (Français, étrangers ou ennemis) qui reprennent des dispositions du Droit des gens, les droits des citoyens (Français) qui rappellent ou renforcent les libertés publiques et les droits de la Société (Nation) qui sont, à proprement parler, constituants. La constitution française intègre la déclaration des droits de l'homme et du citoyen par le biais de son préambule. Ses dispositions sont donc de droit positif et, se plaçant au sommet de la hiérarchie des normes, vont irriguer l'ensemble du droit français. 22 Ibid., art. 15. tribuées à la Cour des comptes et spécialement à la Cour t qu'en partie juridictionnelles, la loi lui confère le statut de Cour au même titre quune Cour d'ordre judiciaire, ses membres, exécutant entre autres des tâches juridictionnelles, acquièrent la qualité de magistrat, que ce soit en France ou en Algérie. Depuis quelques années, la Cour des comptes française connaît une vraie mutation : elle a commencé à certifier les comptes de l'État et de la sécurité sociale, elle a aussi réussi à assurer son indépendance vis-à-vis du Ministère des finances, elle dispose désormais d'une ligne budgétaire indépendante dans le budget de l'Etat. En plus, le champ de son contrôle et de son analyse ont été étendus aux politiques publiques ; les rapports thématiques se multiplient et un premier contrôle des dépenses de l'Élysée a été réalisé. La Cour analyse désormais la manière dont ses recommandations sont appliquées par les administrations. Un projet de loi récent sur la réforme des chambres régionales des comptes est en étude. Il s'agit de supprimer les vingt deux (22) chambres régionales, pour les regrouper en quelques chambres interrégionales. En revanche, la Cour des comptes algérienne qui s'est inspirée de la Cour des comptes française sur le plan du statut, de l'organisation, des attributions juridictionnelles et administratives, n'a pas vraiment évolué depuis sa création en 1980 à ce jour pour plusieurs raisons, politiques, économiques, doctrinales...etc. Ses méthodes d'approches, ses textes, sa manière d'exécuter le contrôle, ses outils sont restés les mêmes. La présente recherche comparée entre les deux Cours des comptes algérienne et française va essayer de démontrer outre les spécificités de chacune, les différences et les similitudes qui peuvent exister entre elles, avec des analyses critiques Cette étude a aussi pour objectif de déterminer les critères et les mécanismes sur lesquels peut ou doit se refondre la Cour des comptes en Algérie pour améliorer son rendement, en s'inspirant de l'expérience moderne de la Cour des comptes française. A ce titre, elle doit moderniser ses méthodes de travail, revoir ses textes, affûter ses outils de contrôle et imposer son existence dans un environnement adapté aux spécificités de la société algérienne et à la réalité de ses lois et de ses règlements. Comme préambule à cette étude, un aperçu historique sur la création des deux Cours des comptes sera détaillé avant le développement de la première partie qui sera consacrée à l'étude du statut et à l'organisation du corps des magistrats et les diverses formations juridictionnelles et administratives au sein des deux institutions. La deuxième partie apportera un éclairage sur les attributions et les prérogatives des deux Cours en matière de contrôle juridictionnel et administratif, pour débattre ensuite des arrêts prononcés et des voies de recours, que ce soit des recours juridictionnels, administratifs ou exceptionnels. Plusieurs raisons m'ont poussé à choisir ce thème : la première est liée à la réalité du contrôle financier et juridictionnel en Algérie, marginalisé et mis de coté par les de la Cour des comptes et cela pendant des années pour ue l'Etat algérien a mis en place depuis le programme de soutien à la relance économique « PSRE » 2001-2004 plus de 07 milliards de dollars ensuite, le programme complémentaire de soutien à la croissance économique « PCSCE » 2005-2009 avec un montant de 55 milliards de dollars et l'actuelle programme quinquennale 2010-2014 qui est doté de 150 milliards de dollars, sans pour autant se soucier à mettre en place des mécanismes de contrôle et d'évaluation financiers solides. Le but recherché est de tirer la sonnette d'alarme afin alerter les pouvoirs publics sur le rôle que pourrait jouer le contrôle en général à stopper les dilapidations des deniers publics, la corruption, le blanchiment d'argent et les violations quotidiennes du code des marchés publics. Les scandales affichés par la presse chaque jour en témoignent de la non-efficacité du système de contrôle mis en place par les pouvoirs publics. Devant une cagnotte qui dépasse les 210 milliards de dollars, les tentations sont immenses et sérieuses. La Cour des comptes dans ce cadre peut donner beaucoup quant à la préservation des deniers de l'Etat, outre les larges prérogatives juridictionnelle et administratives qui lui sont reconnues, la spécialisation de ces membres dans le contrôle et l'évaluation des programmes économiques. La deuxième raison ; est que La Cour des comptes algérienne n'a pas fait l'objet de beaucoup de recherches ou d'études depuis sa création en 1980 à ce jour, surtout en droit comparé. Seule une thèse de doctorat en droit comparé à été soutenue en 1987 par Monsieur Remli Mouloud, et une deuxième thèse récente en droit algérien soutenue en 2010 par Monsieur Toubal Noureddine à l'université de Perpignan. Plusieurs difficultés ont été rencontrées au cours de cette recherche et lors de la rédaction de ce mémoire d'étude : - La première, c'est le manque d'ouvrage sur la Cour des comptes algérienne et sur le droit financier en général. Le site internet de la Cour algérienne vide ne donne aucune information. - La jurisprudence et les arrêts de la Cour des comptes algérienne non publiés font aussi défaut et n'aide nullement le chercheur à accomplir un travail appuyé. - Le peu d'ouvrages trouvés que se soit sur la Cour des comptes française ou algérienne dans les bibliothèques algériennes ou au niveau du CCF « centre culturelle français » la plupart sont anciens avec des informations dépassées. La seule sortie pour avoir des informations récentes était un peu l'internet. - Quatrième raison, le sujet choisi est un thème vaste, long et riche en matière juridique avec beaucoup de détails, ce qui m'a poussé à évacuer une bonne intéressante, comme l'organisation administrative, les s commissions techniques qui n'ont pas réellement une relation directe avec le contrôle de la Cour des comptes. La Cour des comptes française, comme les autres grands corps de l'Etat, tire son origine de la curia regis « cour du roi ». C'est en 1256, qu'une commission est mentionnée dans une ordonnance de Saint-Louis, qui prescrit aux "mayeurs et prud'hommes" (maires) de Haute-Normandie d'établir chaque année des comptes à lui adresser. En 1303, la Chambre des comptes de Paris, qui succède à la Cour du roi en matière de finances, est installée au Palais de la cité où elle restera jusqu'à la Révolution. Durant le XVe siècle, la Chambre des comptes va devenir l'organe le plus important de la monarchie après le Conseil. La Chambre est chargée en premier lieu de veiller à la conservation du domaine, principale source des revenus royaux. Accessoirement au jugement des comptes, la Chambre exerce une juridiction répressive, par des amendes, voire des peines corporelles. La séparation des ordonnateurs et des comptables s'établit en même temps que la Chambre devient une institution distincte. En 1467, une ordonnance sera prise par Louis XI, au terme de laquelle les chambres ne deviennent vacantes qu'en cas de mort, de démission volontaire, ou de condamnation pour forfaiture de leurs titulaires. C'est alors que les fondements de l'inamovibilité des juges des comptes, essentielle à leur fonction, sont ainsi posés. Après la Révolution, le bureau de comptabilité créé par la Constituante3, transformé en Commission de la comptabilité sous la Convention, n'a ni l'autorité, ni les moyens de garantir la régularité des fonds publics. La loi du 16 septembre 1807 crée alors la Cour des comptes, un corps unique centralisé de contrôle des comptes publics. Napoléon a strictement exclu la compétence de la Cour des comptes à l'égard des ordonnateurs de fonds publics. L'article 18 de la loi de 1807 énonce expressément que la Cour des comptes ne pourra en aucun cas s'attribuer de juridiction sur les ordonnateurs. Cette position était très sévère envers les comptables publics dans un souci d'assurer la sécurité des fonds publics. En revanche, une telle sévérité était écartée envers les ordonnateurs.4 A la fin du XIX ème siècle s'est développé dans la doctrine un mouvement encore plus radical au sujet de la responsabilité des ordonnateurs, La question qui se posait était : faut-il juger les ordonnateurs ? A-t-on besoin d'un jugement pour les décharger de leur gestion, à la manière des comptables publics ? 3 http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Assembl%C3%A9econstituanteetsessuites(1789-1791) L'Assemblée constituante de 1789 est la première assemblée constituante française, instituée par des députés des Etats généraux lorsqu'ils s'érigèrent d'eux-mêmes en une « Assemblée nationale » le 17 juin 1789, date que l'on retient comme celle de la naissance du système représentatif français. 4 David Bordet, audit et contrôle de la gestion des juridictions financières françaises. Thèse de doctorat en droit soutenue le 03 juillet 2006 à l'université Jean Moulin Lyon III, p. 205 et 206. anisation de la Cour des comptes fut élaboré en été 1807 nseiller d'Etat, pour le Gouvernement, et Gillet-La Jacqueminière, pour le Tribunat. Il fut adopté le 16 septembre par 277 voix contre 7. Le décret d'application fut rendu dès le 28 septembre. La Cour fut installée le 5 novembre par Lebrun, architrésorier de l'Empire, au siège même de l'ancienne chambre des comptes de Paris.5 De conception centralisée, elle est unique : il faudra attendre plus de 170 ans pour voir réapparaître des chambres des comptes dans les régions. De conception autoritaire, elle informe l'Empereur seul et voit ses attributions étroitement délimitées à un audit de conformité comptable ; reprenant les traditions de l'ancien régime, le contrôle est exercé en forme juridictionnelle, selon une procédure contradictoire écrite, s'achevant par des décisions prises collégialement. La collaboration de la Cour au contrôle de l'exécution du budget de l'État a été confirmée par la Constitution de 1946, puis par la Constitution de 1958, qui l'ont expressément chargée d'assister le Gouvernement et le Parlement dans le contrôle de l'exécution des lois de finances. L'organisation de la Cour des comptes, ses attributions et ses pouvoirs sont définis depuis 1994 par le livre 1er du Code des Juridictions financières6. Pour sa part, la Cour des comptes algérienne n'a été instituée qu'en 1980 suite à la loi n° 80-05 du 1er mars 1980 relative au contrôle de la Cour des comptes 7 prise en application de l'article 190 de la constitution de 1976, avec un retard de quatre (04) années après la promulgation de la dite constitution et dix-huit (18) ans après l'indépendance de l'Algérie en 1962. Il est à préciser que, la CDC algérienne est apparut en même temps que l'inspection générale des finances « I.G.F » rattachée au ministère des finances créée par le décret n° 80-53 du 1er mars 1980. Depuis l'indépendance de l'Algérie jusqu'à cette date, seul le ministère des finances était chargé de la fonction de contrôle jusqu'en 1976, date de la parution de la deuxième constitution algérienne 8qui a consacré la création d'une Cour des comptes, laquelle donna plein pouvoirs (juridictionnels et administratifs) à la nouvelle institution supérieure de contrôle à posteriori des deniers de l'Etat. Cette ordonnance fut modifiée en 1990 par la loi n° 90-32 relative à l'organisation et au fonctionnement de la Cour des comptes sous le gouvernement de M. Hammrouche 9 qui a décidé de lui supprimer les attributions juridictionnelles et la qualité de magistrat 5 Jacques Magnet, la Cour des comptes, Berger-Levrault 3e édition 1986, p. 41. 6 Jacques Magnet, la Cour des comptes, Berger-Levrault, 2001 p. 58. 7 J.O.R.A.D.P. n° 10 du 4 mars 1980. 8 Mouloud Remli, approche comparative des Cours des comptes française et algérienne. O.P.U 1987, p. 240. 9 Chef du gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire en cette période. e date, la Cour n'avait plus la compétence pour juger les s). Il y'a un paradoxe avec cette loi qui d'un côté charge la Cour des comptes d'apurer les comptes des comptables publics, de l'autre, lui enlève son droit de statuer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de ces mêmes comptables en cas de constatations d'irrégularités dans leurs comptes. Le plus grave et que les irrégularités relevées par la Cour des comptes lors de l'apurement des comptes étaient sanctionnées par le juge pénal conformément aux articles 64, 65 et 66 de la loi n° 90-32 précitée. 10 Cette loi ne fut abrogée qu'en 1995, par l'ordonnance n° 95-20 du 17 juillet 1995 relative à la Cour des comptes. Toujours en vigueur, cette dernière a redonné les prérogatives juridictionnelles et la qualité de magistrat abrogée autrefois sous le règne de la précédente loi n° 90.32. Au moment de la finalisation de cette étude, l'actuelle ordonnance 95-20 sus citée, vient de subir quelques modifications apportées par l'ordonnance n° 10-02 du 26 aout 2010 publiée au journal officiel n° 50 du 1er septembre 2010, l'essentiel de ce changement se résume à :
10 Mohamed Messai, L'exercice de la fonction de contrôle des finances publiques en Algérie : entre exigence démocratique et volonté politique. des faits relevés à l'occasion d'un contrôle ou d'une enquête par un organisme de contrôle et d'inspection, des irrégularités ou des faits susceptibles de justifier la mise en oeuvre des attributions juridictionnelles de la Cour des comptes, un rapport est immédiatement transmis à la Cour qui le soumet à la procédure juridictionnelle.
La décision de classement du dossier par le censeur général selon la nouvelle ordonnance est notifiée au président de la CDBF au lieu du Président de la Cour des comptes. Cette procédure rapide et simple donne plus de prérogatives au président de la CDBF et renforce sa position.
Le statut d'une corporation constitue une unité de règles définissant les droits et les obligations de l'ensemble de ces fonctionnaires. Il existe par exemple un statut général de la fonction publique et des statuts particuliers. Ceux-ci peuvent contenir sans aucun doute des dispositions dérogatoires ou spécifiques à celui-là. 11 Les magistrats de la Cour des comptes algérienne ont un statut particulier qui régis leur carrière professionnelle, il est spécifique à eux, néanmoins, il se rapproche des principes généraux du statut des magistrats de l'ordre judiciaire et du statut général de la fonction publique avec quelques dissimilitudes. Il est à signaler que le statut général de la fonction publique en Algérie s'applique également au personnel administratif et aux greffiers exerçant au niveau de la Cour des comptes, qui à ce jour n'ont pas de statut propre à eux. A l'opposé, les magistrats de la Cour des comptes française sont régis par le code des juridictions financières et les dispositions statutaires de la fonction publique, du moins que celles-ci ne soient pas contraires au code précité (art. L120-2 CJF). Certains, considèrent le statut des magistrats de la Cour des comptes française comme hybride, du fait de l'application de deux règles différentes attachées à la qualité de magistrat ou relevant de la fonction publique de l'Etat. 12 Chapitre I : Les caractères fondamentaux des deux statutsLe magistrat au sein de la Cour des comptes doit être protégé par certains principes et garanties d'indépendance. Ainsi on traitera dans ce premier chapitre des éléments suivants : 1/ Les garanties de l'indépendance du magistrat de la Cour des comptes. 2/ Les obligations professionnelles assignées aux magistrats. 3/ Les droits qui leur sont reconnus. Section I : Les garanties d'indépendance du magistrat de la Cour des comptes L'indépendance du magistrat est inhérente à l'Etat de droit. Elle n'est pas un privilège pour le juge, mais une garantie du respect des droits de l'homme et des libertés des citoyens. Le magistrat n'est soumis qu'à la loi qu'il est chargé d'appliquer et d'interpréter. Cela signifie qu'aucune pression d'origine étatique, politique ou autre ne doit influencer son jugement ; c'est pourquoi, il doit être protégé par des garanties telles que : 11 Lexique des termes juridiques, 14e édition 2003, Dalloz. 12 Article : le statut des membres de la Cour des comptes d'après la loi du 1er juillet 2006 auteur Türk Pauline, revue de droit administratif du 01.07.2007. lité Linamovibilité des magistrats a pour objet de protéger les magistrats du siège de toute mesure arbitraire, de suspension, rétrogradation, déplacement même d'avancement et de révocation. L'inamovibilité est une particularité fondamentale qui distingue l'administration des magistrats de celle des fonctionnaires. Elle est instituée pour la garantie des plaideurs, en assurant l'indépendance de la magistrature. Les magistrats du parquet ne bénéficient pas de ce principe. Les magistrats des juridictions administratives -y compris financières- sont inamovibles, en droit ou en fait (Conseil d'Etat français). 13 Pour les magistrats de la Cour des comptes française, ce principe a été édicté par la loi du 16 septembre 1807 (art. 6) et réaffirmé par la loi du 22 juin 1967 (art. 2, ali. 2), et la loi n° 2006-769 du 1er juillet 2006 (art. 3)14, (principe révoqué par la loi du 17 juillet 1940 du gouvernement de Vichy). 15 Le procureur général était rangé par la loi du 16 septembre 1807, parmi les membres de la Cour, ce qui semblerait lui assurer l'inamovibilité. Le code des juridictions financières, qui ne compte plus le procureur général parmi les membres de la Cour, lui, réaffirmé cette qualité. De même que les avocats généraux, le secrétaire général et les secrétaires généraux adjoints ne tiennent leurs fonctions, non juridictionnelles, que de simples investitures toujours révocables, mai ils sont et demeurent conseillers maîtres ou conseillers référendaires et, en cette qualité, inamovibles.16 L'objectif de cette qualité est de protéger les magistrats contre un éventuel empiétement du pouvoir exécutif, elle est octroyée pour contrebalancer le pouvoir de nomination des magistrats et la gestion de leur carrière attribuée au pouvoir exécutif. Cette qualité évite au magistrat la révocation arbitraire, mais elle n'exclut pas les sanctions disciplinaires. Elle n'implique pas donc l'impunité du magistrat du siège puisqu'il n'est pas affranchi de toute sanction. Ainsi, lorsque le magistrat commet une faute grave, il est passible de sanctions disciplinaires qui peuvent aller jusqu'à la révocation.17 13 Le lexique des termes juridiques. Dalloz, 14e édition 2003. 14 J. O. R. F. 2 juillet 2006. 15 Jacques Magnet, la Cour des comptes, édition 1998, p. 62. 16 Jacques Magnet, la Cour des comptes les institutions associées et les chambre régionales des comptes, 4e édition1996, p. 55. 17 Boubacar Diop, la reforme et la protection des droits de l'homme en Mauritanie université du Havre master 02 droit par www.memoireonline.com. érien, d'après l'ordonnance n° 95-23 du 26 aoilt 1995 e la Cour des comptes algérienne, l'inamovibilité n'est reconnue quaux seuls magistrats ayant accompli dix (10) années de service effectif au sein de la Cour des comptes (art. 11), on conclut que le magistrat n'ayant pas accompli ce nombre d'années c'est-à-dire moins de dix (10) ans est amovible. A la lecture de cette disposition, il convient de dire, que la durée de dix (10) années de service en qualité de magistrat pour pouvoir bénéficier de l'inamovibilité est considérée comme une durée très longue. 18 La même durée a été retenue par la loi organique n° 04-11du 06 septembre 2004 portant statut de la magistrature en son article 26. L'interrogation reste posée : pourquoi le législateur algérien exige-t-il ce nombre d'années et quel est le but de cette condition ? En plus, le Conseil supérieur de la magistrature peut décider de la mutation des magistrats même ceux ayant accompli dix (10) années de service si les intérêts et le bon fonctionnement du service de la justice l'exigent (deuxième alinéa de l'article 26 de la loi précitée). Ainsi, le principe de l'inamovibilité n'est retenu qu'en partie par le législateur algérien qui ne le voit pas comme un fondement de l'indépendance du magistrat et par conséquent, il ne constitue nullement à ses yeux, un élément essentiel de la liberté des magistrats. La justification de telle disposition réglementaire trouve son explication dans l'ancienne idée de sauvegarder les intérêts supérieurs de la Révolution prônée autrefois par l'Algérie qui était un pays socialiste à parti unique depuis l'indépendance en 1962 et qui prenait à son compte les garanties de l'indépendance du magistrat et de la justice. Cependant, malgré l'adoption des idées libérales et l'ouverture du champ politique et économique instaurées par la constitution du 23 février 1989, le législateur algérien ne reconnaît pas pour autant au magistrat une indépendance qui irait à l'encontre des intérêts supérieurs de la Nation selon sa conception. Ce principe plutôt politique que juridique s'applique aux magistrats de la Cour des comptes ainsi qu'aux magistrats de l'ordre judiciaire.19 Le principe de l'indépendance du magistrat que ce soit au sein du corps judiciaire ou de la Cour des comptes est consacré par l'Etat lui-même, contrairement au législateur français qui considère cet élément comme un fondement de l'indépendance du juge du pouvoir exécutif. Il ressort une différence fondamentale entre les deux législations française et algérienne, l'une se fonde sur une philosophie de droit libéral, l'autre sur une 18 Noureddine Toubal, la Cour des comptes nationale. Thèse de Doctorat « non publiée » soutenue en 2010 à l'université de Perpignan, p. 117. 19 Mohamed Bedjaoui, La nouvelle organisation judiciaire en Algérie, r. j. p. i. c n° 4, 1969, p. 521 et suivantes. 20 e. Bien que cette période soit révolue, la doctrine ns l'esprit du législateur algérien. 2. La qualité de magistrat Le corps des magistrats de la Cour des comptes constitue sans aucun doute, un grand corps de l'Etat. En droit algérien, les magistrats sont toujours nommés par décret présidentiel conformément aux diverses constitutions algériennes, notamment celle du 08 décembre 1996, l'article 78 dispose que le Président de la République nomme entre autres les magistrats. Leur nomination intervient par décret présidentiel sur proposition du Président de la Cour des comptes après avis du conseil des magistrats de la Cour des comptes, conformément à l'article 06 de l'ordonnance n° 95-23 précitée. Cependant, d'après la lecture de l'article 02 de l'ordonnance citée cidessus on distingue l'expression : «...Ont la qualité de magistrat de la Cour des comptes ». Il ressort que le législateur algérien ne considère pas au sens propre du terme les magistrats de la Cour des comptes, comme de véritables magistrats à l'instar de ceux de l'ordre judiciaire et ce, étant donné qu'une bonne partie de ce corps sont recrutés parmi les commis de l'Etat n'ayant pas suivi une vraie formation de juriste, ou n'ayant pas du tout ce profil. La conséquence et que l'appellation magistrat n'est qu'une qualité rajoutée par le législateur aux membres de la Cour des comptes. De même, le législateur français reconnaît cette qualité aux magistrats de la Cour des comptes comme à ceux de l'ordre judiciaire par le préambule de l'ordonnance du 27 février 1815, affirmée à présent par la loi n° 2006-769 du 1er juillet 2006, portant dispositions statutaires applicables aux membres de la Cour des comptes dans son article 03 : « les membres de la Cour des comptes ont la qualité de magistrats. Ils sont et demeurent inamovibles » art. 120-1.21 Cette qualité, montre que le statut des magistrats de la Cour des comptes française s'écarte à plusieurs égards du statut général de la fonction publique et se rapproche du statut du corps judiciaire.22 D'une lecture conjointe de ces deux articles, il convient d'affirmer que le terme magistrat est une qualité ajoutée aux membres de la Cour des comptes et non une qualité authentique comme celle du magistrat de l'ordre judiciaire. Le lexique des termes juridiques explique bien cette différence en énonçant : « bien que n'étant pas des magistrats au sens de l'article 34 de la constitution française, bien sûr les membres des juridictions administratives bénéficient de garanties d'indépendance qui sont, en droit ou en fait, presque aussi étendues que celles des magistrats de l'ordre judiciaire. Certains textes législatifs utilisent d'ailleurs le terme de magistrats pour les désigner (Cour des comptes, chambres régionales des comptes, Tribunaux administratifs, Cours administratives d'appel) ». 23 20 Mouloud Remli, Approche comparative des Cours des comptes algérienne et française, édition OPU, année 04/87, p. 37. 21 Le code des juridictions financières. 22 Jacques Magnet, la Cour des comptes les institutions associées et les chambres régionales des comptes, 4e édiction Berger-Levrault 1996, p. 52. 23 Le lexique des termes juridiques, 14e édition 2003, Dalloz. tibilités Cest une série d'interdictions faites aux titulaires d'une fonction de la cumuler avec d'autres fonctions, qui pourraient en compromettre l'exercice ou porteraient atteinte au bon exercice de la fonction. Selon le lexique des termes juridiques précité, il est assigné aux magistrats de la Cour des comptes française une interdiction d'exercer d'autres fonctions comme les fonctions législatives, les emplois publics, comme administrateur dans une société industrielle ou commerciale (la loi n° 2006-769 du 1er juillet 2006, art. 3). Toutefois, il ne faut pas confondre incompatibilité et inéligibilité24 : l'incompatibilité ne vicie pas l'élection, mais oblige l'élu à choisir entre le mandat qu'il a sollicité et la fonction incompatible. Le statut des magistrats de la Cour des comptes algérienne par le biais de l'ordonnance n° 95-23 précitée, a bel et bien déterminé les fonctions et les professions qui sont incompatibles avec la fonction de magistrat, énumérées dans le chapitre 02 (obligations des magistrats de la Cour des comptes) et détaillées par les articles 20, 21, 22, 23 et 24, cette exhaustivité montre le souci du législateur algérien à assiéger les fonctions qui peuvent entraver les attributions du magistrat et compromettre son indépendance comme :
Le même texte précise que si le magistrat ou si son conjoint exerce à l'extérieur ou à l'intérieur une activité lucrative, il est tenu d'en faire part au Président de la Cour qui prendra les mesures nécessaires pour préserver les intérêts de l'institution. De ce qui vient d'être développé, le législateur algérien considère l'incompatibilité comme un moyen fort capable de préserver avec la qualité de magistrat l'indépendance du membre de la Cour des comptes ; néanmoins, des dérogations peuvent être consenties de la part du Président de la Cour des comptes pour certaines fonctions : comme assurer des tâches de formation et d'enseignement supérieur (art. 22, 24 L'inéligibilité : C'est une situation qui entraîne l'incapacité d'être élu, inéligibilité absolue ou inéligibilité relative. Lexique des termes juridiques 14e édition 2003. p. 315.
En droit français, les fonctions de la Cour des comptes ont longtemps été compatibles en droit, sinon en fait avec d'autres fonctions publiques. L'incompatibilité générale avec d'autres emplois publics résulte du décret-loi du 29 octobre 1936 (art. 7). L'incompatibilité avec les fonctions législatives n'a été prévue que par la Constitution de 1848 (art. 28). L'incompatibilité avec les fonctions de jurés criminels a été successivement portée par le code d'instruction criminelle (art. 383) et par le code des procédures pénales (art. 257). 25 En plus, le statut général de la fonction publique leur interdit en général les activités privées lucratives (loi du 19 octobre 1946, art. 9 ; ordonnance du 04 février 1959, art. 8, premier alinéa ; loi du 13 juillet 1983, art. 25) à l'exception des activités littéraires, artistiques ou scientifiques (décret-loi du 29 octobre 1936, art. 3). 26 L'article (L120-4 du C.J.F), stipule qu'aucun membre de la Cour ne peut se prévaloir à l'appui d'une activité politique de son appartenance à la Cour des comptes. D'après l'explication de M. Troper Michel dans son livre « la séparation et l'histoire constitutionnelle française » : l'incompatibilité en droit français repose sur la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et juridictionnel. En Algérie, l'incompatibilité est un principe fondamental d'indépendance du magistrat, sa finalité est de sauvegarder les intérêts supérieurs de l'Etat et des justiciables. 27 4. Autres garanties d'indépendance Outre l'indépendance, la qualité de magistrat et les incompatibilités, les membres de la Cour des comptes jouissent d'autres avantages et garanties statutaires assurées par leur statut et par le Conseil des magistrats de la Cour des comptes, que ce soit en Algérie ou en France avec quelques dissimilitudes : A. Le privilège de juridictionCertains auteurs préfèrent utiliser l'expression "immunité de juridiction", d'autres le mot "délocalisation", il s'agit d'un droit donné à certaines personnes de comparaître devant une juridiction autre que celle à laquelle les règles du droit commun procédural attribuent compétence. 25 Jacques Magnet, la Cour des comptes, 3e édition 1986, Berger-Levrault, p. 62. 26 Jacques Magnet, la Cour des comptes, op. , cit, p. 61. 27 Mouloud Remli, op.cit., p. 38. nsi que les magistrats, les avocats, les avoués « officier uvent saisir une juridiction limitrophe de celle auprès de laquelle ils exercent leurs fonctions. S'ils sont défenseurs, ils disposent pareillement du droit d'obtenir le renvoi de la cause devant une juridiction territorialement voisine choisie dans les mêmes conditions. 29 En droit français, les membres de la Cour des comptes avaient autrefois le privilège de juridiction en matière correctionnelle, ils ne pouvaient être poursuivis que par les procureurs généraux près les Cours d'appel et jugés que par ces Cours elles-mêmes (loi du 20 avril 1810, art. 10). Ce privilège a été supprimé par la loi du 24 février 1934. Le code de procédure pénale, les protège à présent contre les poursuites arbitraires. S'il s'agit de crimes ou de délits commis dans l'exercice de leurs fonctions, la poursuite est exercée par le procureur général prés la Cour de cassation ; l'instruction est faite par la Cour de cassation elle-même, qui, s'il y a lieu, renvoie le jugement à une Cour d'assises ou à un tribunal correctionnel autre que celle du lieu ou ils exerçaient leurs fonctions (art. 681 à 685). 30 Lorsqu'un magistrat a commis une contravention, il ne bénéficie pas du privilège de juridiction, parce que la loi ne lui accorde ce droit que dans le cas de crime ou de délit.31 Le Conseil d'Etat français en son arrêt du 10 décembre 1971 a confirmé dans son raisonnement juridique que la règle de juridiction ne peut jouer que si les menaces et attaques sont survenues à l'occasion de l'exercice de ses fonctions. 32 En droit algérien, l'article 12 du statut des magistrats de la Cour des comptes (ordonnance n° 95-23 précitée), précise que le magistrat de la Cour des comptes bénéficie du privilège de juridiction octroyé aux magistrats de la Cour suprême. L'application de ce principe donne plus de garanties et de considération et assure l'indépendance des magistrats. |
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