1. INTRODUCTION GENERALE
«L'Afrique est en crise» a souligné la
session extraordinaire de l'Assemblée Générale des Nations
Unies en Mai 1986. Des problèmes de tous ordres assaillent de nombreux
pays africains : démographie galopante, déclin de la production
alimentaire et agricole par habitant, effondrement des prix des produits de
base, dégradation accélérée de l'environnement,
dette extérieure importante ( (FAO, 1986).
Pratiquement vingt ans après ces déclarations,
l'Afrique connaît toujours des difficultés. L'une de ces
difficultés est la non valorisation de façon efficiente des
ressources productives. Les africains ont longtemps pensé que
l'amélioration de la productivité agricole est le résultat
d'une augmentation des superficies emblavées ce qui n'est
forcément par le cas. Au Bénin par exemple, le coton qui est le
premier produit d'exportation occupe de nos jours 300.000 ha soit seulement
4,28% des superficies cultivables (Riboux, 2002). Et pourtant, malgré ce
faible taux de culture, la production du coton sur le plan national est
passée de 272.371 tonnes en 1993 (OBEPAB, 2002) à 428.000 tonnes
en l'an 2004 (Le Matin, 2005), soit une augmentation de 43,35% pour une
période de douze (12) ans. Il s'agit là surtout du
résultat de l'organisation de la filière. Biaou (1998) pense que
l'essor de la filière coton permet l'amélioration de
stratégies de sécurisation alimentaire.
Cependant, la non valorisation des ressources crée des
contraintes à l'agriculture tropicale. C'est ainsi que la terre et la
main-d'oeuvre qui sont les principaux facteurs de production dans l'agriculture
deviennent de plus en plus rares. Le manque de terre peut obliger la population
rurale à se déplacer pour coloniser d'autres contrées ou
à servir de maind'oeuvre ailleurs. De la même manière, la
rareté de la main-d'oeuvre peut conduire à la diminution des
superficies emblavées. La main-d'oeuvre apparaît comme facteur
limitant dans l'agriculture en Afrique tropicale (Ofulue, 1983 cité par
Houndékon, 1986). Kpenavoun (2000) estime que les problèmes de
disponibilité de main-d'oeuvre, même salariée, limitent
considérablement les opérations culturales dans les grandes
exploitations agricoles et perturbent ainsi le respect rigoureux des techniques
culturales. De ce qui précède, il ressort que les paysans ont des
problèmes quand à l'allocation des ressources en
générale, et plus particulièrement l'allocation de la
main-d'oeuvre agricole.
Plusieurs stratégies sont développées par
les paysans pour pallier les insuffisances de la main-d'oeuvre. La plus
probante est qu'ils préfèrent à chaque type
d'opération culturale une forme de main-d'oeuvre. C'est ainsi que
certains producteurs ont recours à la main-d'oeuvre salariée pour
les traitements phytosanitaires. En acceptant ce travail, les ouvriers
salariés s'exposent aux effets néfastes des produits chimiques.
L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que le nombre de
travailleurs du monde entier, qui sont chaque année intoxiqués
par les pesticides est de 2 à 5 millions parmi lesquels 40 000
décèdent (OIT, 1997). A Dridji, 3 cas de
décès/suicide ont été recensés, 17 cas
d'avortement, 53 cas d'intoxication alimentaire et 76 cas de malaises passagers
(Dassou, 2004).
Dans la présente thèse, il sera
présenté successivement après l'introduction
générale (chapitre 1), les cadres théorique et conceptuel
(chapitre 2). Viendront ensuite, la méthodologie de recherche (chapitre
3), les caractéristiques générales du milieu
d'étude (chapitre 4). Enfin les résultats de la recherche seront
présentés comme suit : l'organisation sociale de la production
(chapitre 5), les différents types de main-d'oeuvre utilisés en
relation avec les opérations culturales (chapitre 6), les
stratégies de mobilisation de la main-d'oeuvre agricole et les
déterminants de l'allocation de la main-d'oeuvre salariée
(chapitre 7) et l'utilisation des pesticides chimiques de synthèse (PCS)
(chapitre 8). Les conclusions et leurs implications pour le
développement seront également présentées (chapitre
9).
1.1. Problématique
A Dridji, les ménages sont pour la plupart monogames.
Selon Yessoufou (2004), cette option de la monogamie conduit à des
ménages de petits effectifs. Elle a des inconvénients sur
l'organisation des activités agricoles, car la main-d'oeuvre familiale
qui constitue la première forme de main-d'oeuvre à laquelle les
ménages ont constamment recours pour les travaux agricoles, reste
insuffisante pour accomplir l'entièreté du travail. C'est
pourquoi les chefs de ménage ou leurs femmes font appel à la
main-d'oeuvre salariée (OBEPAB, 2005).
Cependant, force est de constater que seulement 40% de cette
main-d'oeuvre salariée est locale (Fanou et al., 2005). Dans ce
contexte, les paysans sont contraints de recruter des ouvriers d'origine
"Fon"1 issus des villages Fonkpamè, Tindji,
Ounbègamé, Dan... des communes limitrophes de Djidja (Yessoufou,
2004). Une telle situation rend le coût du travail salarié cher et
l'utilisation exclusive de la main-d'oeuvre salariée diminue fortement
les marges de production (Ahouissoussi, 1996). Les difficultés de
mobilisation des ouvriers agricoles amènent certains producteurs
à les rechercher à temps, et même à les
pré-financer avant le démarrage des campagnes agricoles (Fanou et
al., 2005). Si la main-d'oeuvre de l'exploitation est
déterminée par la disponibilité des membres de la famille
en état de travailler (FAO, 1984), il importe de se demander si le
recours aux actifs agricoles des villages environnants, est le seul fait de
l'insuffisance de la main-d'oeuvre familiale, voire salariée dans le
village de Dridji ? Et comment la main-d'oeuvre salariée est elle
allouée ?
Alokpai (2002) pense que dans la perspective d'une bonne
gestion de la maind'oeuvre, les paysans privilégient certaines formes de
main-d'oeuvre pour la réalisation des différentes
opérations culturales. C'est ainsi qu'à Dridji, le constat fait
est que, certains producteurs préfèrent laisser la manipulation
des PCS aux ouvriers salariés. Ne serait-ce pas là une
stratégie de transfert de risques (effets dus à l'utilisation des
PCS) de la part des producteurs, plutôt que d'une simple stratégie
de gestion efficiente de la main-d'oeuvre, ou encore la recherche d'ouvriers
qualifiés, dans la mesure où « toute utilisation de
pesticides est source de risques pour la santé de l'utilisateur »
(Jäger-Mischke, 1993). En effet, dans une production cotonnière
dont les pertes estimées à 62-71%, sont occasionnées par
les ravageurs en l'absence de protection phytosanitaire (RCF, 1994), la lutte
chimique ou l'emploi des pesticides chimiques est la plus prônée
et la plus utilisée (Vodouhè et Idrissou, 2003). La production du
coton conventionnel crée des richesses aussi bien à l'Etat qu'aux
autres acteurs de la filière. Mais, elle a des effets secondaires
très dramatiques en l'occurrence les problèmes d'intoxications
parfois mortelles dus aux pesticides, la baisse notable de la fertilité
des sols, le déséquilibre des écosystèmes etc. qui,
d'une manière ou d'une autre, constituent une entrave à la
production (OBEPAB, 2002). Au regard des problèmes d'intoxication, on
observe au
1"Fon" langue/ethnie locale du plateau d'Abomey
Bénin, dans le département du Borgou, que des
pesticides chimiques ont été à l'origine de près de
80 décès par suite d'empoisonnement (Vodouhè, 1999). Il
apparaît que les personnes les plus exposées sont celles qui sont
en contact avec les pesticides chimiques. A Dridji, bien que conscients des
dangers liés à la manipulation des pesticides, les paysans y ont
toujours recours, car selon eux, ces produits contrôlent efficacement la
population des ravageurs. Toutefois, les mesures prises pour parer à un
éventuel dommage que ces produits pourraient causer sur la santé
humaine sont insuffisantes (Fanou et al., 2005). Il urge alors de
déterminer le degré d'implication des ouvriers salariés
dans l'utilisation des PCS afin de parer au pire. C'est pourquoi nous nous
proposons d'étudier le thème: «Etude
socio-économique de l'allocation de la main-d'oeuvre salariée et
utilisation des Pesticides Chimiques de Synthèse (PCS) en zone de
production cotonnière : cas du village de Dridji (Commune de
Djidja)».
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