2. ANOMALIES DES GLOBULES BLANCS
2.1 PATHOLOGIE DU POLYNUCLEAIRE NEUTROPHILE
2.1.1. Polynucléoses neutrophiles [11, 12,
15, 17,32]
L'augmentation pathologique du nombre de polynucléaires
neutrophiles au dessus de la limite de 7 000/mm3 peut relever de
deux cadres : la polynucléose réactionnelle bénigne,
transitoire et spontanément résolutive, et la polynucléose
dans le cadre d'une prolifération maligne ou syndrome
myéloprolifératif. [11,
12,17]
Polynucléoses neutrophiles réactionnelles
[11,32]
Elles se voient dans les circonstances résumées
dans le tableau VI. En pratique il faut distinguer les polynucléoses
survenant dans le cadre d'une pathologie aiguë en particulier
fébrile et généralement de diagnostic évident, et
celles qui surviennent de façon isolée et sont chroniques. Dans
ce dernier cas, toutes les causes énumérées dans le
tableau ci-dessous peuvent être rencontrées, mais il faut savoir
surtout que :
-Les infections bactériennes cachées
doivent être recherchées systématiquement notamment
sinusiennes, amygdaliennes, génitales (chez la femme), urinaires et en
pensant en outre chez certains sujets aux excoriations cutanées à
répétitions d'ordres professionnelles.
-Le tabagisme est une cause fréquente surtout
chez les sujets qui inhalent la fumée. La polynucléose chronique
est fréquente pour une consommation supérieure à 15
à 20 cigarettes/Jour.
-Les polynucléoses chroniques isolées
sont parfois observées sans aucune anomalie décelable ni
conséquence pathologique.
TABLEAU VI. Causes de polynucléoses
neutrophiles [11,15]
I. POLYNUCLEOSES NEUTROPHILES PHYSIOLOGIQUES
Toujours modérées
1° Nouveau-né
2° Exercice violent
3° Menstruations
4°Grossesse
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II. POLYNUCLEOSES NEUTROPHILES PATHOLOGIQUES
A. Causes essentielles à rechercher
systématiquement
1° infection bactérienne localisée
(abcès, appendicite, angine) ou généralisée
(septicémie)
2° maladies inflammatoires : polyarthrites
rhumatismales, RAA, allergie
3° nécroses cellulaires : infarctus du myocarde,
pancréatite, etc....
4° cancers
5° tabagisme
B. Autres causes
-hémorragies aiguës et hémolyses
aiguës
-intoxications diverses (Benzol, radiation)
-corticothérapie, traitement par le lithium
-mode de début d'une leucémie myéloïde
chronique (rarement avec myélémie)
|
· Polynucléose qui s'accompagne d'un syndrome
myéloprolifératif [11]
Il est essentiel de connaître le chiffre des plaquettes,
car une polynucléose avec hyperplaquéttose et VS normale
témoigne presque à coup sûr d'un syndrome
myéloprolifératif.
Neutropénie et agranulocytose [11, 12,
15, 17, 33,34]
On ne peut porter le diagnostic de neutropénie que chez
un sujet ayant moins de 1700 polynucléaires neutrophiles par
mm3.
Elle est souvent découverte par un automate et devra
être confirmée par un examen au microscope. Tout autre chiffre, en
particulier le seul pourcentage de l'hémogramme n'a aucun
intérêt. [11, 12, 15,17]
L'agranulocytose est la disparition des polynucléaires
neutrophiles du sang. En pratique, les neutropénies extrêmes
(moins de 100 polynucléaires neutrophiles par mm3) entrent
dans le même cadre, car elles posent les mêmes problèmes
pronostiques et thérapeutiques. Le tableau VII en résume les
circonstances diagnostiques.
Symptomatologie [11, 33,34]
La neutropénie expose aux infections
bactériennes et mycosiques. Le risque devient surtout très
important en dessous de 500 polynucléaires par mm3, mais
persiste au-delà. Le facteur important est non seulement la profondeur
de cette neutropénie, mais aussi sa durée. En effet,
au-delà de vingt jours, le risque d'infection mycosique est important.
Toutefois, la neutropénie périphérique auto-immune ne
présente pas une sévérité aussi marquée.
Les manifestations sont principalement des infections
cutanées, ORL et pulmonaires. On constate très souvent, en cas d
neutropénie centrale très profonde, une gingivite, avec des
ulcérations douloureuses, au niveau de la langue et des muqueuses
jugales. On peut même constater des lésions digestives avec
douleurs abdominales et diarrhée qui peuvent être en rapport avec
une entérite bactérienne. Les germes plus fréquemment
rencontrés sont des pyogènes (staphylococcus
aureus, S épidermidis,...) et des champignons en
particulier le candida et l'aspergillus.
Démarche devant une neutropénie
[11, 12, 17,35]
La découverte d'une neutropénie est très
fréquente. Souvent, elle est bien tolérée, est transitoire
et ne nécessite pas d'explorations complémentaires très
spécialisées. Lorsqu'elle apparaît au sein d'un contexte
spécifique, elle fait redouter des complications infectieuses.
L'interrogatoire et l'examen clinique peuvent rapidement orienter vers
certaines étiologies : hémopathies maligne, infection
iatrogène, déficit immunitaire.
Ce qui est important devant la découverte d'une
neutropénie est de déterminer le caractère permanent,
intermittent, ou régressif de la neutropénie sur une
période d'environ six semaines. Il convient de noter durant cette
période le infections, le type de germe retrouvé, et
éventuellement le rapport avec la profondeur de la
neutropénie.
Le myélogramme éliminera une hémopathie
maligne, orientera vers une neutropénie centrale ou
périphérique. On considérera alors la richesse de la
moelle, les blocages précoces ou tardifs de maturations granuleuses. Il
existe une hémophagocytose spécifique des polynucléaires,
ceci est en faveur des neutropénies auto-immunes. Dans ce dernier
contexte, il convient de rechercher des auto-anticorps antigranuleux, ainsi
qu'effectuer un caryotype médullaire.
Le tableau VII résume les circonstances diagnostiques
d'une neutropénie.
TABLEAU VII. Diagnostic d'une
neutropénie [11]
PN entre 800 et 1 700/mm3
Neutropénie modérée
1. Eliminer une cause bactérienne ou
parasitaire : Typhoïde, brucellose, septicémie,
paludisme, Kala-azar...
2. Penser à l'hépatite virale et l'infection
VIH
3. Eliminer un lupus érythémateux
4. En cas de rhumatisme inflammatoire associé, envisager
un syndrome de Felty.
5. Si l'anomalie s'aggrave, s'il existe une atteinte d'autres
lignées ou s'il y a une prise médicamenteuse suspecte faire
un myélogramme
6. Si l'anomalie est stable depuis au moins trois semaines, et
isolée, penser d'abord aux causes bénignes :
-trouble banal de répartition
-neutropénie ethnique des noirs.
Et s'abstenir d'autres investigations
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PN <800/mm3
Neutropénie profonde et agranulocytose
Myélogramme
Atteinte centrale Atteinte granuleuse
de plusieurs lignées pure
Leucémie aiguë
Insuffisance médullaire globale
Agranulocytose
pure
Etiologies :
1. Agranulocytose immunoallergique
2. Agranulocytose toxique
3. Syndrome de Felty
4. Agranulocytose constitutionnelle
5. Neutropénie chronique sévère
idiopathique.
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Classification et étiologies [11, 17, 33,
34,36]
On distingue plusieurs types de neutropénies :
- les neutropénies acquises
- les neutropénies constitutionnelles (pathologies
génétiques)
- les neutropénies constitutionnelles primitives
a- Neutropénie acquise
[11,36]
C'est la cause la plus fréquente de neutropénie
chronique de l'enfant connue sous le nom de neutropénie chronique
bénigne. L'âge médian de découverte est de 8 mois et
est souvent découverte lors d'un épisode infectieux de
gravité modérée.
Cette neutropénie est permanente et parfois très
profonde, mais globalement bien tolérée. L'évolution est
favorable dans un délai de 1 à 2 ans. Très souvent aucune
thérapeutique n'est employée compte tenu de la bonne
tolérance. Il convient alors de se limiter à une
antibiothérapie prophylactique par Bactrim. Toutefois un
traitement par G-CSF (Granulocyte Colony Stimulating Factor) peut être
efficace si la gravité clinique le nécessite.
b- Neutropénie associée à une maladie
génétique [11, 17, 34,36]
Neutropénie et déficit immunitaire : lors d'un
déficit immunitaire cellulaire ou humoral, ainsi que lors de certaines
maladies métaboliques (Glycogénose 1b), on peut rencontrer des
neutropénies souvent mises sur le compte d'une infection virale ou d'un
processus auto-immun associé.
Maladie
de Shwachmann : cette maladie associe une insuffisance
pancréatique externe à une neutropénie. On rencontre
également parfois une atteinte cutanée (ichtyose) ainsi que les
atteintes osseuses.
c- Neutropénie constitutionnelle primitive
[11, 17, 34,36]
Syndrome
de Kostmann : c'est une neutropénie profonde chronique,
inférieure constamment à 500 polynucléaires
/mm3, associée à d'autres anomalies biologiques telles
qu'une monocytose, une éosinophilie, une thrombocytose et un syndrome
inflammatoire avec hypergammaglobulinémie. C'est une neutropénie
grave permanente qui apparaît dès la période
néo-natale. Le myélogramme montre un blocage isolé de la
lignée granulocytaire précoce. Cette maladie est de transmission
autosomique récessive, dominante ou sporadique. La survie de ces
enfants est nettement améliorée depuis 20 ans grâce aux
progrès de l'antibiothérapie parentérale et de
l'antibiothérapie prophylactique, ainsi que le traitement par des
facteurs de croissance hématopoïétique (G-CSF et GM-CSF).
Neutropénie constitutionnelle intermittente : la
neutropénie cyclique. Cette neutropénie est
caractéristique avec fluctuation des neutrophiles selon un cycle de 21
à 28 jours. Lorsque les polynucléaires sont au plus bas, les
enfants présentent une susceptibilité marquée aux
infections avec des aphtes buccaux. Le G-CSF est nettement efficace sur le
nombre de polynucléaires. Cette neutropénie est de bonne
évolution même si elle reste cyclique.
[11]
Thérapeutique et prise en charge [11, 17,
34, 36,37]
a- Prophylaxie des infections
Il est important de prévenir la récidive des
infections. Cette prophylaxie est possible par des antibiotiques
(Bactrim®) mais la deuxième possibilité est une
action directe sur la neutropénie par des facteurs de croissance
hématopoïétiques (G-CSF).
[36,37]
b- Prise en charge d'un épisode infectieux aigu
Il convient de reconnaître rapidement la gravité
d'un épisode infectieux. Il faut en particulier être
méfiant lors de neutropénies profondes. Lors d'une
neutropénie modérée, on peut se contenter d'une
antibiothérapie par voie orale, et d'une surveillance ambulatoire
très attentive. Par contre, devant une neutropénie
sévère avec un état septique, il est nécessaire
d'effectuer une hospitalisation en urgence et d'effectuer le plus rapidement
possible une antibiothérapie par voie parentérale après
des examens bactériologiques et une radiographie pulmonaire. Un
traitement par G-CSF doit être associé à la dose de 5
ug/kg/jour. [11, 17, 34, 36,37]
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