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REPUBLIQUE
MINISTERE SUPERIEUR L'INNOVATION
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UNION - DISCIPLINE
DE COTE D'IVOIRE ANNEE UNIVERSITAIRE
- TRAVAIL 1995 - 1996
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DE L'ENSEIGNEMENT
DE LA RECHERCHE ET DE TECHNOLOGIQUE
FACULTE DE DROIT
MEMOIRE
en vue de l'obtention du
DIPLÔME D'ETUDES APPROFONDIES EN DROIT OPTION
: DROIT PRIVE FONDAMENTAL
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SUJET :
LA CONTINUATION DE L'EXPLOITATION DE L'ENTREPRISE
DANS LES PROCEDURES COLLECTIVES D'APUREMENT DU PASSIF
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Présenté et soutenu publiquement en Février
1997 par :
DADIE DOBE Z. Maryvonne Alice épouse
YORO
Sous la Direction de
M. Joseph-Issa SAYEGH
Professeur Titulaire à la Faculté de Droit
d'ABIDJAN
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TABLE DES MATIERES
REMERCIEMENTS SPECIAUX 7
REMERCIEMENTS 8
INTRODUCTION 9
TITRE I : NECESSITE D'ENCADRER LA CONTINUATION 12
CHAPITRE I : AUTORISATION JUDICIAIRE DE LA CONTINUATION 13
Section I : Autorité compétente pour
décider 14
Paragraphe I - Les autorités traditionnellement
compétentes 14
A - La juridiction compétente en cas de faillite et
liquidation des biens du projet OHADA : Le tribunal 14
B - L'Organe compétent en cas de liquidation judiciaire
(en droit positif ivoirien) : Le juge commissaire 16 Paragraphe II -
Innovation du projet OHADA : Continuation de plein droit en cas
de redressement judiciaire 17
Section II : Critères de la continuation 19
Paragraphe I - Caractère nécessaire de la
continuation 19
A - Le redressement de l'entreprise 20
1 - Dans le projet OHADA 20
2 - En droit positif ivoirien 20
B - Les besoins de la liquidation 21
Paragraphe II - Protection de l'ordre public et
l'intérêt des créanciers 22
A - L'intérêt Public 22
B - L'intérêt des créanciers 23
CHAPITRE II : CONTROLE DE LA CONTINUATION 25
Section II : Le contrôle de la gestion directe
26
Paragraphe I - Etendue des pouvoirs de gestion des organes de la
procédure 26
A - Les actes conservatoires 26
B - Les actes de gestion courante et les actes d'administration
28
1 - Les actes de gestion courante 28
2 - Les actes d'administration 31
C - Les actes de disposition 32
1 - Les ventes mobilières 33
2 - Les ventes immobilières 35
Paragraphe II - L'obligation de rendre compte 37
Paragraphe III - Responsabilité civile pour faute 39
Section II : Contrôle de la gestion indirecte : la
location-gérance 42
Paragraphe I - Contrôle des conditions de la
location-gérance 42
A - Assouplissement des conditions relatives à la
durée d'exploitation du
bailleur 43
B - Renforcement des conditions relatives au
locataire-gérant 44
1 - Les garanties offertes par le locataire-gérant 44
2 - L'indépendance du locataire-gérant 45
Paragraphe II - Contrôle des effets de la
location-gérance 47
A - Respect des obligations du locataire-gérant 47
B - Suppression de la solidarité entre le loueur et le
locataire-gérant 49
TITRE II : NECESSITE DU MAINTIEN DE L'EXECUTION DES CONTRATS EN
COURS 52
CHAPITRE I : LE REGIME GENERAL DU MAINTIEN DE L'EXECUTION DES
CONTRATS EN COURS 53 SECTION I : DOMAINE D'APPLICATION DU PRINCIPE DU
MAINTIEN DES
CONTRATS EN COURS 54
Paragraphe I - Les contrats en cours 54
A - Les contrats en cours de formation 54
B - Les contrats en cours d'exécution au jour du jugement
d'ouverture 55
Paragraphe II - Exclusion de certains contrats 56
A - Les contrats conclus intuitu personae 56
B - Les contrats résolus 57
1 - Les contrats définitivement résolus 57
2 - Les contrats en cours de résolution 58
3 - Le problème des contrats contenant une clause
résolutoire expresse
58
SECTION II : LE DROIT D'OPTION 61
Paragraphe I - Exercice du droit d'option 61
A - Le titulaire de l'option 61
B - Critères de l'option 63
Paragraphe II - Modalités de l'option 63
A - Le délai de l'option 63
B - Mode d'expression de la volonté du syndic 64
Paragraphe III - Les effets de l'option 65
A - Obligation de fournir sa prestation 66
1 - Le principe de l'exécution de tout le contrat 66
2 - Exception : Le non paiement des arriérés
antérieurs au jugement
déclaratif 67
B - Garanties offertes au cocontractant 70
1 - L'exception d'inexécution 70
2 - La résolution judiciaire 71
3 - L'octroi de dommages et intérêts 72
CHAPITRE II : REGIME SPECIAL DU MAINTIEN DE L'EXECUTION DE
CERTAINS
CONTRATS 74
SECTION I : LE CONTRAT DE BAIL 75
Paragraphe I - La restriction du droit de résiliation du
bailleur 75
A - Absence de résiliation de plein droit 75
B - Aménagement des conditions de résiliation
agrès le jugement d'ouverture
76
Paragraphe Il - Restriction du privilège du bailleur 78
SECTION II : LE CONTRAT DE TRAVAIL 81
Paragraphe I - La faillite et la liquidation judiciaire ne sont
pas un cas de force majeure 81
A - Absence de rupture du contrat de travail pour cause de
faillite ou
liquidation judiciaire. 82
B - Maintien de plein droit des contrats de travail 83
Paragraphe Il - Admission de la faillite ou de la liquidation
comme motif
économique de licenciement 84
A - Licenciement pour motif économique tiré de la
cessation des paiements 84
B - Renforcement des mesures par le projet OHADA : le
licenciement doit être urgent et indispensable 85
86
CHAPITRE I : PRINCIPE DE LA PRIORITE DE PAIEMENT DES CREANCES
POSTERIEURES AU JUGEMENT DECLARATIF 87
SECTION I : CARACTERISTIQES DES CREANCES PRIORITAIRES
89
Paragraphe I - Naissance postérieure de la créance
après le jugement
d'ouverture 89
A - Détermination de la date de naissance de la
créance 89
B - Le problème des postdates 90
C - Le problème des créances reconnues
postérieurement et nées d'une
cause antérieure 91
1 - Les créances contractuelles 91
2 - Les créances délictuelles 93
Paragraphe Il - La régularité de la créance
94
A - Régularité des créances contractuelles
94
1 - Les créances accomplies dans la limite des pouvoirs du
syndic ou du
débiteur assisté 94
2 - Le sort des créances nées d'une activité
irrégulière 95
B - Régularité des créances
délictuelles 96
C - Les créances quasi contractuelles 97
Paragraphe III - Poursuite de l'activité de l'entreprise
98
SECTION II : EXERCICE DU DROIT DE PRIORITE PAR LES CREANCIERS
POSTERIEURS - TRAITEMENT DE FAVEUR 99
Paragraphe I - Priorité de rang des créanciers de
la masse 99
Paragraphe II - Absence de règles collectives 100
A - Maintien du droit de poursuite individuelle 100
B - Maintien du cours des intérêts 101
C - Absence de production et de vérification des
créances 101
CHAPITRE II : TEMPERAMENT AU PRINCIPE DE LA PRIORITE DU
PAIEMENT
DES CREANCES POSTERIEURES 103
SECTION I : PAIEMENT PRIORITAIRE DES CREANCES DE SALAIRE
104
Paragraphe I - Paiement immédiat des créances de
salaire 104
A - Les créances garanties 105
1 - Nature des créances 105
2 - Montant des créances 106
B - Exercice du principe du paiement immédiat 107
Paragraphe Il - Le paiement privilégié des
créances de salaire 108
A - Bénéficiaires du privilège
général 108
B - Les créances garanties par ce privilège 109
SECTION II : LES CREANCES ANTERIEURES AU JUGEMENT DECLARATIF
GARANTIES DE SURETES REELLES SPECIALES 112
Paragraphe I - En matière mobilière: le gage et le
nantissement 112
Paragraphe II - En matière immobilière:
l'hypothèque 116
CONCLUSION 120
BIBLIOGRAPHIE 121
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS 128
REMERCIEMENTS SPECIAUX
Je remercie tout particulièrement mon maître
M. Joseph Issa SAYEGH pour sa disponibilité, sa
patience, son soutien et ses précieux conseils qui m'ont permis de mener
ces travaux de recherche jusqu'à leur terme.
REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer toute ma gratitude aux professeurs
Yao-N'Dré Paul, Melèdje Djedjro, ainsi qu'à tout le
personnel de la Bibliothèque de la faculté de droit pour leur
disponibilité.
Je ne saurai oublier mes amis et frères : Coulibaly Ella
Awa Rita
Sey Hughes Jocelyn
M et Mme Ehui Joseph et Marie Paule M et Mme Bedy Simplice et
Chi Monin M et Mme N'Diaye
Dadié Dobé Acoha Sonia
INTRODUCTION
L'Evocation du thème «La continuation de
l'exploitation dans les procédures collectives d'apurement du passifx
suscite à première vue, des interrogations dont celle-ci:
«Peut --on poursuivre l'activité d'une entreprise en faillite ou en
liquidation judiciaire?»
Cette question prend tout son sens, lorsque l'on se
réfère à la finalité de ces procédures. En
effet, la faillite et la liquidation judiciaire sont des procédures
collectives d'apurement du passif qui s'appliquent à un débiteur
en cessation de paiement c'est- à dire, dans une situation
économique irrémédiablement compromise. Elles ont pour
finalités en pratique, la réalisation de l'actif puis la
liquidation de l'entreprise dans la faillite et l'ouverture d'un concordat dans
la liquidation judiciaire (concordat auquel l'on n'aboutit pas très
souvent).
En considérant ces finalités, il apparait
difficile d'envisager une continuation d'activité de l'entreprise car
«à quoi cela servirait- il de poursuivre l'exploitation alors que
l'entreprise sera liquidée1 ou dans quelques rares
hypothèses fera l'objet d'un concordat?. L'idée de continuation
semble rompre avec les résultats pratiques de ces procédures,
surtout en matière de faillite.
Toutefois, pour aussi vraie que soit cette réflexion,
il faut préciser qu'elle envisage selon le mot du professeur Fernand
DERRIDA2 «trop exclusivement la liquidation des biens du
débiteur à laquelle doit aboutir la procédurex. En effet,
l'on s'est aperçu qu'en matière de faillite et de liquidation
judiciaire, la continuation de l'activité pouvait être
envisagée. Qu'elle éviterait par exemple la
dépréciation du fonds de commerce et permettrait d'en accroitre
la valeur, car le fonds de commerce représente en général,
le seul élément important du gage des créanciers du
débiteur. Ainsi, la continuation de l'exploitation a-t-elle
été instituée par le code de commerce de 1807.
Cependant, en raison des abus qu'elle a
générés, les autorités compétentes en ont
1 HOUIN, La réforme de la faillite et de la liquidation
R.T.D.Com., P. 481, n° 4, 39 et 55 ; _______La réforme de la
faillite D. 1956, chron., P. 7 et 9
2 F. Derrida, L'aliénation des immeubles
pendant la période préparatoire de la faillite et du
règlement judiciaire, J.C.P, 1959, Doct., 1534
restreint le champ d'application à travers le
décret-loi du 08 Aout 1935, qui n'envisage désormais cette
poursuite que de façon exceptionnelle.
Dans le cadre de la réforme du droit des affaires, le
projet OHADA3 va changer les procédures de faillite et de
liquidation judicaire en liquidation des biens et redressement judiciaire.
Ces nouvelles procédures auront respectivement pour
objectif d'assurer le sauvetage de l'entreprise au moyen d'un concordat dans le
redressement judiciaire et, la réalisation de l'actif des entreprises
irrémédiablement compromises dans la liquidation des biens.
Ce projet de réforme va donc introduire la notion de
sauvetage des entreprises, rompant ainsi avec la conception
«sanctionnatrice» du droit positif ivoirien qui a entrainé la
liquidation de nombreuses entreprises. Ce changement de conception va
influencer la continuation de l'exploitation qui va désormais apparaitre
comme une étape nécessaire, voire utile pour le redressement de
l'entreprise. Partant de ce fait, la continuation va trouver dans la
réforme son cadre normal d'expansion. Désormais, dès
qu'une entreprise présente des signes de viabilité, elle sera
maintenue en activité.
Qu'entend-on par continuation de l'exploitation?
La continuation de l'exploitation, c'est le fait de poursuivre
l'activité à laquelle se livrait le débiteur en cessation
des paiements avant le jugement d'ouverture d'une procédure collective
d'apurement du passif. Elle intervient après le jugement
déclaratif de faillite, de liquidation judiciaire et de liquidation des
biens 4 puis s'étend pendant la durée prévue
par les textes ou bien jusqu'au concordat et à l'union lorsqu'aucun
délai n'est prévu.
Cette position intermédiaire qu'occupe la continuation
fait d'elle une période importante et délicate à la fois
car, d'elle dépend dans une certaine mesure la «vie future» de
l'entreprise dont elle peut favoriser le redressement ou même aggraver la
situation économique déjà déficitaire.
3 Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du
Droit des Affaires
4 Sauf dans le redressement judiciaire oü elle est
ininterrompue
Sa délicatesse vient aussi du nombre de questions
qu'elle soulève. En effet, qui dit continuation d'activité, dit
conclusion de nouveaux contrats, donc apparition de nouveaux créanciers
qui viendront s'ajouter aux créanciers antérieurs à la
cessation des paiements.
· Comment sera réglée cette coexistence de
créanciers?
· Dans quel ordre seront-ils
désintéressés?
· les contrats anciens seront-ils maintenus?
· Comment se fera cette exploitation?
Ces différentes questions ont amené les
rédacteurs du projet de réforme et le législateur
(à un degré moindre) à accorder une attention toute
particulière à la continuation qu'ils vont réglementer.
Ainsi, la continuation ne se fera t- elle pas sans conditions, bien au
contraire, elle sera encadrée (TITRE I). Cet
encadrement va consister d'une part, à exiger une autorisation
préalable à tout exercice (sauf dans l'hypothèse du
redressement où la continuation se fait de plein droit) ; d'autre part,
il consistera à exercer un contrôle de la gestion de
l'activité.
Une solution sera trouvée à toutes les
questions sus énoncées; les contrats en cours seront maintenus
afin de favoriser le redressement de l'entreprise (TITRE II)
et une garantie de paiement sera accordée aux créanciers
postérieurs au jugement déclaratif (TITRE
III).
TITRE I : NECESSITE D'ENCADRER LA
CONTINUATION
Après de nombreuses hésitations, le principe de
la continuation de l'exploitation a été admis. Cependant, la
réalité des nombreux problèmes et difficultés qu'il
soulève n'a pas été écartées.
Pour essayer de les résoudre, le législateur a
soumis la continuation de l'exploitation à un régime
spécial, tenant à la nécessité d'une autorisation
judiciaire préalablement à toute continuation (CHAPITRE
I) et tenant également à l'exercice d'un contrôle
de la gestion de l'activité durant cette période
(CHAPITRE II).
CHAPITRE I : AUTORISATION JUDICIAIRE DE LA
CONTINUATION
La continuation de l'exploitation met en jeu plusieurs
intérêts: celui de l'entreprise, de ses cocontractants et du
personnel qu'elle emploie. Ces intérêts ne doivent pas être
compris par une continuation déficitaire. C'est pourquoi, l'on a soumis
cette activité à l'exigence d'une autorisation préalable
émanant d'une autorité judiciaire ayant compétence
à cet effet (SECTION I).
Cette décision de poursuivre l'exploitation doit
être murie. Aussi, le législateur a t- il établi un
faisceau d'indices permettant à ces autorités de mieux
décider (SECTION II).
Section I : Autorité compétente pour
décider
Jusqu'à l'institution de la réforme du droit
des affaires, la continuation de l'exploitation devait être
autorisée par le tribunal et le juge commissaire qui sont les
autorités traditionnellement compétentes (Paragraphe
I).
Cependant, le projet de réforme va innover en instituant
une continuation de plein droit dans le redressement judiciaire
(Paragraphe II).
Paragraphe I - Les autorités traditionnellement
compétentes
Elles diffèrent selon que l'on se trouve dans un cas de
faillite ou de liquidation judiciaire.
A - La juridiction compétente en cas de
faillite et liquidation des biens du projet OHADA : Le tribunal
Le tribunal est l'autorité compétente pour
autoriser la continuation en cas de faillite en droit positif ivoirien et dans
la liquidation des biens du projet OHADA. Le tribunal rend sa décision
au moyen d'un jugement. En effet, l'article 470 du code de commerce stipule que
l'exploitation à la diligence des syndics devra être
autorisée par le tribunal.
Allant dans le même sens, l'article 113 de l'acte
uniforme du projet OHADA sur les procédures collectives stipule que la
continuation est autorisée par la juridiction compétente. Cela
signifie que c'est cette compétence est exclusivement dévolue au
tribunal, à l'exclusion du juge commissaire.
Dans le souci d'une bonne administration de la justice, le
tribunal compétent pour prononcer le jugement d'ouverture est
également celui compétent pour autoriser la poursuite. Pour
éclairer et aider le tribunal à prendre une décision
convenable, un rapport est établi par le juge commissaire. En effet, la
décision de poursuivre l'activité, parce que lourde de
conséquence, nécessite un examen particulier de la situation de
l'entreprise. C'est au juge commissaire que revient cette étude.
Celui-ci rend sa décision sous la forme d'un rapport motivé,
conformément aux dispositions de l'article 470 du code de commerce.
De même, l'article 113 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives stipule que `la juridiction compétente
statue sur le rapport du syndic'. L'institution du rapport est admis dans les
deux procédures que sont la faillite et la liquidation des biens
à la différence que dans la liquidation des biens, le rapport est
établi par le syndic et non par le juge commissaire.
Ce rapport doit préciser de façon
détaillée la situation financière de l'entreprise de
manière à ce que le tribunal puisse en avoir une idée
nette afin de se décider convenablement.
Il devra notamment fournir des renseignements sur
l'état actuel de l'entreprise mais également sur son état
futur, en examinant les pièces comptables (le bilan, le compte de pertes
et de profits) de même que tous autres documents utiles à cet
effet.
Le tribunal devra être à même de voir les
avantages et les inconvénients d'une continuation d'exploitation. Si
l'entreprise présente des signes de viabilité et qu'une telle
poursuite apparait opportune, le syndic et le juge commissaire devront le
signifier dans leurs rapports en justifiant leurs décisions.
L'établissement de ce rapport exige des connaissances
en matière économiques et comptables. Cela pose en pratique
quelques difficultés, vue la formation des juges commissaires et des
magistrats en général. Ces derniers sont formés à
l'Ecole de la Magistrature, selon un programme de formation qui ne comprend pas
d'enseignements en matière comptable, si bien que les magistrats n'ont
pas les qualifications techniques appropriées pour la réalisation
de tels rapports.
Il serait donc opportun de revoir le curriculum de formation
des magistrats et y adjoindre un volet relatif à la comptabilité.
Il serait également souhaitable d'instituer une magistrature
économique qui se spécialisera dans les questions à
caractère économique. C'est à ce prix que ces derniers
seront compétents et établiront de bons rapports.
Cette réalité a conduit les auteurs de la
réforme du projet OHADA à confier la rédaction du rapport
aux syndics qui sont des professionnels dans ce domaine. L'exigence du rapport
est une formalité substantielle sans laquelle le jugement
autorisant la continuation serait frappé de
nullité. Les règles en matière de procédures
collectives étant d'ordre public, la nullité sera absolue et
pourra être invoquée par toute personne intéressée.
Ce jugement ne pourra plus produire d'effets juridiques dans l'avenir et sera
anéanti pour le passé au cas où il aurait
été exécuté.
Cette sanction sévère traduit la
particularité et la délicatesse de la poursuite de
l'activité dont il faut s'assurer qu'elle n'aggravera pas la situation
de l'entreprise. C'est la raison pour laquelle l'autorisation ne doit
être donnée que si la continuation est jugée opportune et
insusceptible d'accroitre le passif. Ce motif justifie également le fait
que le défaut de rapport soit sévèrement
sanctionné.
Le juge commissaire et le syndic n'établissent que le
rapport, la décision finale étant du ressort du tribunal.
B - L'Organe compétent en cas de liquidation
judiciaire (en droit positif ivoirien) : Le juge commissaire
Dans la procédure de liquidation des biens, la
continuation de l'activité est ordonnée par le juge commissaire
qui est seul compétent en ce domaine, à la différence de
la faillite et la liquidation des biens où la continuation est
ordonnée par le tribunal.
Cette différence d'autorités compétentes
est fondée sur le caractère «plus ou moins grave» des
procédures en présence.
En raison des effets fâcheux de la faillite et la
liquidation des biens, le législateur les a soumises à une
procédure judiciaire lourde et complexe, contrairement à la
liquidation judiciaire dont les effets sont relativement moindres. Aussi, la
liquidation judiciaire a-t-elle été soumise à une
procédure souple du seul ressort du juge commissaire.
L'article 6 de la loi du 4 Mars 188 relative à la
liquidation judiciaire stipule que le débiteur assisté peut
continuer l'exploitation avec l'autorisation du juge commissaire qui statue par
voie d'ordonnance.
Contrairement à la faillite, ce magistrat ne statue
pas sur rapport dument motivé. La loi précitée ne
prévoit pas l'établissement d'un tel rapport car les risques
d'aggravation du passif dans cette procédure sont beaucoup plus
réduits qu'en matière de faillite. Cependant, force est de
reconnaitre que le juge commissaire doit tout de même procéder
à l'examen des garanties de fonctionnement de l'entreprise. Il n'a
certes pas l'obligation de produire un rapport, mais il est tenu
d'apprécier l'opportunité d'une continuation. Celui-ci doit
mettre en relation les avantages et les inconvénients d'un tel projet
car la poursuite ne doit pas générer plus de pertes que de
profits.
Les rédacteurs du projet OHADA vont une fois de plus
rompre avec les solutions habituelles et apporter une innovation de taille dans
le redressement judiciaire.
Paragraphe II - Innovation du projet OHADA :
Continuation de plein droit en cas de redressement judiciaire
C'est l'article 112 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives du projet OHADA qui va énoncer le principe
de la continuation de plein droit en cas de redressement judiciaire. Cet
article stipule que «en cas de redressement judicaire, l'activité
est continuée avec l'assistance du syndic, sauf décision
contraire du juge commissaire.»
La poursuite de l'exploitation dans cette procédure
n'est subordonnée à aucune décision; elle se fait
d'office, sans discontinuité avec l'assistance du syndic. Point n'est
besoin qu'elle soit expressément autorisée5, elle se
poursuit dès le prononcé du jugement déclaratif de
redressement judiciaire indépendamment de l'avis du juge commissaire et
du tribunal.
Toutefois, lorsque la continuation de l'activité est
susceptible d'aggraver le passif de l'entreprise ou lorsqu'elle ne
présente pas d'intérêt ou est inopportune, le juge
commissaire qui exerce la surveillance de la procédure, peut s'opposer
à ce qu'elle soit
5 Yves GUYON, Droit commercial : Entreprises en
difficultés, redressement judiciaire, faillite, Paris, les cours de
droit, 1985à 1986, p. 214, in J-Cl., com., 1977, T. 8, «car qui dit
période d'observation dit espoir de redressement ; or sans poursuite
d'activité, le redressement serait impossible, du moins très
aléatoire. Par conséquent, poursuite d'activité et
période d'observation ne peuvent exister l'une sans l'autre>.
poursuivie. Si les raisons invoquées par le juge
commissaire en faveur de non continuation sont admises, celle ci sera suspendue
de façon exceptionnelle.
Cette innovation du projet OHADA, inspirée du droit
français actuel, fait de la continuation un principe dans le droit de la
réforme, contrairement au droit positif ivoirien ou elle demeure une
exception.
Le fondement de cette innovation réside dans des
raisons de commodité. En effet, l'on estime qu'il n'ya pas lieu
d'arrêter la continuation d'une entreprise qui présente des signes
de viabilité. Cette l'activité doit être maintenue et
poursuivie car elle peut générer des fonds.
Dans le redressement judiciaire, la continuation est
essentielle puisqu'elle vise à replacer le débiteur à la
tête de son entreprise après le concordat. Il importe donc que ce
dernier retrouve, autant que faire se peut, un instrument de travail et une
clientèle intacts.
Section II : Critères de la continuation
Lorsque le juge commissaire ou le tribunal est saisi en vue
d'autoriser la continuation de l'exploitation, celui-ci doit prendre en compte
divers éléments avant de se décider. Il doit, non
seulement tenir compte des intérêts de l'entreprise, de ceux de
l'entreprise, des tiers et des créanciers.
Le législateur et les auteurs du projet de réforme
ont fixé un faisceau d'indices auxquels il est tenu de se
référer. Ces critères tiennent:
Au caractère nécessaire de la continuation de
l'exploitation (Paragraphe I)
A la protection de certains intérêts
(l'intérêt public et les intérêts des
créanciers) (Paragraphe II).
Paragraphe I - Caractère nécessaire de la
continuation
Le juge commissaire ou le tribunal n'autorise la continuation
que si elle est nécessaire. Cette exigence est expressément
formulée dans la faillite en droit positif ivoirien et dans la
liquidation des biens du projet OHADA.
Dans le redressement judiciaire, cette nécessité
est présumée et établie d'avance car l'on estime que c'est
parce qu'elle est nécessaire que la continuation doit être
poursuivie sans interruption.
La loi du 4 Mars 1889 relative à la liquidation des
biens ne prévoit pas expressément une telle condition. Cependant
dans la réalité, le juge commissaire tient compte du
critère lié à la nécessité de la
continuation qui se justifie pour les besoins du redressement et la liquidation
de l'entreprise.
A - Le redressement de l'entreprise
1 - Dans le projet OHADA
C'est l'hypothèse du redressement judiciaire du projet
OHADA dans lequel l'objectif principal est le sauvetage de l'entreprise.
Dans cette procédure, la continuation est
présumée et se fait d'office, si bien qu'il n'existe pas
d'autorité qui en décide l'exercice. La poursuite de
l'activité est présumée pour les besoins du redressement
de l'entreprise, qui est la finalité de la procédure.
Il faut toutefois préciser que cette
présomption est simple et peut être écartée si le
juge commissaire rapporte la preuve que cette continuation présente des
inconvénients.
En général, les cas de refus de continuer sont
exceptionnels car la continuation vise à aboutir au redressement de
l'entreprise en générant les fonds nécessaires au
désintéressement des créanciers et au fonctionnement de
l'entreprise.
2 - En droit positif ivoirien
La loi du 4 Mars 1889 relative à la liquidation
judiciaire n'édicte pas de critères préalables à la
continuation. L'article 6 de cette loi se contente d'énoncer que le
débiteur peut aussi avec l'assistance des liquidateurs et l'autorisation
du juge commissaire continuer l'exploitation de son commerce ou de son
industrie.
Cependant, l'absence de critères préalables
à la continuation ne signifie pas que le juge commissaire doit
décider de la continuation quand il le veut.
Comme nous l'avons souligné dans la section
précédente, 6 le juge commissaire examine la situation
de l'entreprise afin de déterminer si la continuation est envisageable
pour aboutir au concordat qui est à la finalité de la
procédure.
Le concordat est un contrat conclu avec les débiteurs
et ses créanciers en vue du règlement de son passif. Dans cette
hypothèse, la continuation de l'exploitation
6 Section I L'autorité compétente pour
décider, page
pourrait générer les fonds indispensables au
désintéressement des créanciers, à la valorisation
du fonds de commerce et permettre au débiteur de reprendre la tête
de son entreprise.
La continuation de l'activité peut être
envisagée pour les besoins de la liquidation.
B - Les besoins de la liquidation
Dans les procédures de faillite et de liquidation des
biens, la continuation ne peut être décidée que si elle est
nécessaire pour aboutir à la liquidation de l'entreprise.
L'article 470 du code de commerce utilise l'expression
«nécessité impérieuse~. C'est-àdire que la
poursuite doit répondre à un besoin auquel l'on ne peut
résister. En d'autres termes, la continuation ne doit être
entreprise que si elle est absolument indispensable pour parvenir à la
liquidation de l'entreprise.
De même, l'article 113 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives d'apurement du passif du projet OHADA stipule que
la continuation ne peut être autorisée que pour les besoins de la
liquidation.
Il s'agit dans ces deux procédures de tirer le
meilleur parti du fonds exploité, d'en éviter la
dépréciation et la dispersion de biens que peut provoquer un
arrêt brutal de l'activité. Cette hypothèse repose sur
l'idée selon laquelle, la poursuite de l'activité permettrait de
trouver un acquéreur intéressé (tel un commerçant
qui voudrait étendre son activité) et qui pourrait obtenir une
rentabilité suffisante de l'entreprise.
Bien qu'importante, la continuation ne doit pas être
envisagée dans le seul intérêt de l'entreprise car, tout en
étant utile ou indispensable pour l'entreprise, celle-ci peut nuire
à la collectivité ou aux créanciers du débiteur.
Aussi, le législateur et les auteurs de la réforme ont-ils pris
en considération ces intérêts.
Paragraphe II - Protection de l'ordre public et
l'intérêt des créanciers A - L'intérêt
Public
L'article 470 du code de commerce réglementant la
faillite, stipule que la continuation ne s'effectue que lorsque
l'intérêt public l'exige. Au contraire, la loi de 1889 relative
à la liquidation judiciaire n'édicte pas de condition relative
à l'intérêt public.
Toutefois, nous pensons qu'il y a lieu d'étendre cette
exigence à la liquidation judiciaire. Ainsi, dans cette procédure
également, l'activité de l'entreprise ne sera continuée
que si l'intérêt public l'exige et si une cessation
d'activité risquerait de porter atteinte de façon
irrésistible à l'intérêt public.
Qu'est ce que l'intérêt public? Celui ci se
distingue de l'intérêt de l'entreprise et de ceux des
particuliers. En général une entreprise exerce une
activité d'intérêt public, lorsqu'elle accompli par exemple
une mission de service public,7 c'est le cas d'une
société de transport qui dessert une ville donnée.
Une telle entreprise en faillite sera autorisée
à continuer son exploitation s'il apparait que la cessation
d'activité paralyse cette ville, portant atteinte à la mission de
service public de cette société. Il faudra aussi qu'en dehors de
cette société de transport, il soit impossible pour les habitants
de cette ville de se déplacer ou que ceuxci le fassent avec
difficultés.
L'application pratique d'un tel critère s'avère
difficile, ce qui a pour conséquence de réduire les cas de
continuation de l'exploitation.
Dans le projet OHADA au contraire, ce critère
lié à l'intérêt public n'est pas une condition
préalable mais plutôt un obstacle éventuel à cette
la continuation de l'exploitation de l'entreprise.
En effet, dans le redressement judiciaire, aucune condition
n'est préalablement posée. La continuation se poursuit d'office.
Cependant, le juge commissaire peut, lorsque l'intérêt public est
en péril, saisir le tribunal afin qu'il y soit mis un terme,
7 On estime en général que le désir
d'éviter la pénurie qu'engendrerait l'arrêt du fonds est un
exemple d'intérêt public. De même que celui d'éviter
le licenciement d'un grand nombre de salariés.
conformément à l'article 112 de l'acte uniforme
sur les procédures collectives. Dans cette hypothèse,
l'activité ne sera interrompue que si cet intérêt est mis
en péril par la poursuite de l'activité de l'entreprise. Cette
mesure qui est beaucoup plus souple que celle du code de commerce
résulte de l'idée de sauvegarde de l'entreprise qui exige que
l'activité soit poursuivie.
Dans la liquidation des biens du projet OHADA, l'article 113
stipule que la continuation ne peut être autorisée par la
juridiction compétente que pour les besoins de la liquidation et si
l'intérêt public n'est pas mis en péril par cette
activité. La continuation de l'exploitation répond à un
besoin principal; celui de la liquidation. Cet intérêt ne sera
pris en compte que s'il ne met pas en péril l'intérêt
public qui apparait ici, non pas comme une condition préalable à
la continuation mais plutôt, comme un obstacle éventuel,
c'est-à-dire, un élément qui pourrait empêcher la
continuation.
B - L'intérêt des créanciers
La protection de l'intérêt des créanciers
est une condition préalable à la continuation en droit positif
ivoirien. En effet, l'article 470 du code de commerce relatif à la
faillite stipule que la continuation ne s'effectue que lorsque
l'intérêt des créanciers du failli l'exige
impérieusement. Cela signifie que le défaut de prise en compte de
cet intérêt est un cas de refus d'autorisation. Une fois de plus,
l'exigence de cette condition restreint les opportunités de poursuite de
l'exploitation en droit ivoirien.
L'intérêt des créanciers c'est de
poursuivre l'activité pour donner ou maintenir la valeur du fonds de
commerce qui se vendra mieux et générera des fonds pour les
désintéresser. Il s'agir en ce qui les concerne que la poursuite
de l'activité permettra qu'ils soient
désintéressés.8
S'il apparait que l'intérêt de l'entreprise
prend le pas sur celui des créanciers au point de lui nuire, la
continuation ne sera pas autorisée dans la liquidation des biens et elle
sera arrêtée dans le redressement judiciaire.
L'existence des conjonctions de coordination «ou» en
droit positif ivoirien et dans
8 Il faut éviter la dépréciation du fonds
duquel les créanciers ne tireraient qu'un faible prix de vente. Ainsi,
l'autorisation peut être donnée si elle est de nature a accroitre
l'assiette de paiement des créanciers.
le projet OHADA introduit une notion d'alternative, ceci,
pour dire qu'il n'est pas nécessaire que ces intérêts
(intérêts des créanciers et l'intérêt public)
soient pris en compte de façon concomitante. L'existence de l'un de ces
intérêts doit suffire pour autoriser la continuation de
l'activité en droit ivoirien ou encore pour arrêter ou refuser la
continuation dans le projet OHADA. Si l'un ou l'autre des intérêts
est exigé pour l'autorisation de poursuivre, il faut dire que lorsqu'ils
sont tous les deux favorisés par cette poursuite, cela ne pose pas de
problèmes. De même, dans le projet de réforme OHADA, si la
continuation nuit à ces deux intérêts, elle sera
interrompue ou refusée s'il s'agit de la liquidation des biens.
Il faut cependant souligner qu'en droit positif ivoirien, un
problème peut se poser. Que déciderait le tribunal s'il advenait
que l'intérêt des créanciers est en contradiction avec
l'intérêt public? Faut-il poursuivre l'activité en
favorisant un seul intérêt?
Vouloir poursuivre l'activité en ne prenant en compte
que l'intérêt public signifierait par exemple poursuivre une
activité déficitaire parce qu'il serait inopportun de
congédier un personnel trop nombreux. Il est évident que
continuer une telle activité serait néfaste pour la survie de
l'entreprise. L'intérêt public ne peut jamais, à lui seul,
justifier la poursuite de l'exploitation. Cela engendrerait la non
viabilité de l'entreprise. L'on accumulerait alors les pertes sans
intérêts pour personne, pas même pour le personnel qui
serait inévitablement licencié et par conséquent
obligé de se reconvertir lorsque les disponibilités de
l'entreprise seraient épuisées.
En principe, l'intérêt public lorsqu'il se
révèle contraire à l'intérêt des
créanciers ne devrait pas être pris en compte pour autoriser la
continuation. La solution selon nous, consiste en un examen des
intérêts en présence et non pas à trancher la
question de façon absolue. Il appartiendra au juge d'analyser et de
confronter les intérêts en présence et de décider
utilement.
S'il apparait par exemple que le matériel (qui est le
seul élément conférant au fonds de commerce sa valeur)
risque d'être détruit par la cessation de l'activité et que
les créanciers refusent la continuation, le tribunal sera presque
obligé d'autoriser la poursuite de l'activité. Loin de
généraliser les solutions, l'on devrait étudier de
façon spécifique chacun des cas, en mettant en relation les
intérêts en présence et en les évaluant afin de
déterminer lesquels justifient ou motivent une continuation.
CHAPITRE II : CONTROLE DE LA CONTINUATION
La continuation de l'exploitation est une période
transitoire qui implique une gestion. Celle ci peut, contrairement aux
espérances placées en elles, aggraver la situation
économique et financière de l'entreprise.
Dans le souci d'éviter une tette situation et surtout
en raison des intérêts mis en jeu par la continuation
(intérêts de l'entreprise, des cocontractants et des
salariés), il va apparaitre nécessaire d'exercer un
contrôle permanent sur toute la gestion de l'activité. C'est
pourquoi, cette gestion ne sera plus confiée au seul débiteur
mais, à des organes de gestion de la procédure que sont le syndic
et le liquidateur qui viendront soit représenter, soit assister le
débiteur dans la gestion, qui prend dans ce cas, le vocable de gestion
directe de l'exploitation (Section I).
On pourra également envisager de confier la gestion de
l'entreprise à un tiers, ce qui peut présenter des risques, c'est
pourquoi, un contrôle de l'activité de ce tiers sera
effectué (Section II).
Section II : Le contrôle de la gestion
directe
Le fait de confier l'activité à des organes de
gestion ne suffit pas à prémunir l'entreprise contre les risques
d'empirement de la situation de l'entreprise. C'est pourquoi, même
à ce niveau, le contrôle sera exercé. En effet,
l'étendue de leur pouvoir sera circonscrite pour éviter des abus
(Paragraphe I).
Les organes de gestion seront astreints à une
reddition de compte de leurs activité devant le juge commissaire
(paragraphe II) et leurs responsabilité pourra
être engagée en cas de faute de gestion dans l'exercice de leurs
fonctions (paragraphe III).
Paragraphe I - Etendue des pouvoirs de gestion des
organes de la procédure
C'est au syndic et au débiteur assisté de soit
du syndic ou du liquidateur que revient la charge de la gestion de
l'exploitation. Ceux-ci ont la possibilité d'accomplir des actes
conservatoires, des actes de gestion courante, des actes d'administration et
des actes de disposition nécessités par la continuation de
l'exploitation de l'entreprise.
A - Les actes conservatoires
Les actes conservatoires sont des actes qui ont pour objet de
sauvegarder un droit. Ils maintiennent le patrimoine du débiteur en
l'état. Lorsque dans la gestion de l'entreprise l'accomplissement
d'actes conservatoires s'impose, le syndic ou le débiteur assisté
du liquidateur peuvent les accomplir seuls.
Dans le cadre de la faillite, l'article 490 al 1 du code de
commerce stipule que «à compter de son entrée en fonction,
le syndic est tenu de faire tous les actes nécessaires à la
conservation du des droits du débiteur failli contre ses propres
débiteurs>,. Cette formule large, donne pourvoir au syndic
d'accomplir des actes en vue de conserver les droits du failli, donc
d'accomplir des actes conservatoires dans la
liquidation des biens.
Ce raisonnement n'est pas le même dans le projet OHADA,
inspiré du droit français. Dans la procédure de
liquidation des biens du projet OHADA, il est reconnu au débiteur le
pouvoir d'accomplir des actes conservatoires. L'on permet en effet au
débiteur d'accomplir de tels actes parce que ceux ci ont pour but de
maintenir son patrimoine et non pas de l'appauvrir. Ce faisant, le gage des
créanciers se trouve ainsi consolidé, le débiteur
n'affectant nullement son patrimoine par de tels actes.
Cette différence d'organes compétents en droit
ivoirien et dans le projet OHADA est due au fait qu'en droit de la faillite, le
débiteur est présumé de mauvaise foi et incompétent
à gérer ses propres affaires, c'est pourquoi le syndic agit
à sa place.
Pour Ripert et Roblot, ces actes étant permis aux
incapables, ils ne sauraient être interdits au débiteur, qui n'est
pas un incapable. 9
Malgré cette disposition de l'article 490 al. 1 du
code de commerce, nous pensons que le caractère utile de ces actes doit
permettre au débiteur d'accomplir des actes conservatoires.
Dans la liquidation judiciaire en droit ivoirien, l'article 4 de
la loi du 4 Mars1889 donne compétence au débiteur et au
liquidateur pour accomplir de tels actes.
Cet article distingue 2 catégories d'actes :
· Certains relèvent de la compétence du
seul liquidateur. C'est l'hypothèse de l'article 4 al 1er de
la loi précitée qui stipule que, «dans les vingt quatre
heures de leur nomination, les liquidateurs sont tenus de requérir les
inscriptions d'hypothèque sur les immeubles des débiteurs du
liquidé et l'inscription de l'hypothèque légale de la
masse sur les immeubles du débiteur.
· D'autres actes énumérés par
l'article 6 de la même loi sont accomplis par le débiteur avec
l'assistance du liquidateur.
9 Ripert et Roblot: Traité élémentaire de
droit commercial, T.2, LGDJ., 12 ème, ed. 1990, page 471, n°
3082
Cette division des actes conservatoires en deux
catégories ne nous parait pas justifiée car les actes
conservatoires quelle que soit leur forme visent un seul et même
objectif, conserver la valeur du patrimoine du débiteur, au profit des
créanciers et du débiteur. Partant de là, il n'y a pas
d'actes conservatoires qui soient plus «graves» que les autres au
point de nécessiter pour le débiteur qui les accomplit,
l'assistance de son liquidateur. L'on devrait permettre au débiteur
d'accomplir les actes conservatoires sans distinction.
Cette disposition de la loi de 1889 a suscité une
controverse doctrinale en France; c'est la raison pour laquelle les
rédacteurs du projet OHADA n'ont pas retenu cette distinction entre les
actes conservatoires. En effet, l'article 52 al 2 de l'acte uniforme OHADA
stipule que le débiteur peut accomplir valablement seul les actes
conservatoires. Cette solution est la même que celle en vigueur en France
où, la loi de 1967 n'a pas reproduit cet article 6 de la loi de 1889.
Au total, il faut retenir que les organes de gestion ont
compétence pour accomplir les actes conservatoires nécessaires au
maintien du patrimoine du débiteur et utiles à la poursuite de
l'activité.
Entre autres actes conservatoires, nous pouvons citer
l'interruption d'une prescription, pratiquer une saisie
-arrêt10des biens d'un créancier du débiteur,
faire sommation à un débiteur de payer sa dette,11ou
faire inscrire une hypothèque.
En plus des actes conservatoires, les organes de gestion
accomplissent des actes de gestion courante et des actes d'administration
nécessaires à la continuation.
B - Les actes de gestion courante et les actes
d'administration
1 - Les actes de gestion courante
Le code de commerce de 1807 dans ses dispositions relatives
à la faillite ne
10 Cass., Civ., 23 Mars 1868, D., 1868. 1. 369
11 Cass., Civ., 29 Mai 1969, Bull., civ., 1969. 3.
429
mentionne pas expressément l'organe compétent
pour accomplir les actes de gestion courante. Cependant, dans la mesure
où toute la gestion de l'activité est de la compétence du
seul syndic, nous pouvons déduire que ce dernier a également
compétence pour accomplir ces actes de gestion courante.
Dans la liquidation judiciaire au contraire, ce pouvoir revient
au débiteur assisté de son liquidateur.
A la différence de la liquidation judiciaire en droit
positif ivoirien, le projet OHADA va innover en matière de redressement
judiciaire et permettre au débiteur seul d'accomplir les actes de
gestion courante. En effet, l'article 52 al. 2 de l'acte uniforme relatif aux
procédures collectives stipule que «le débiteur peut
valablement accomplir seul les actes de gestion courante entrant dans
l'activité habituelle de l'entreprise conformément aux usages de
la profession».
Cette mesure est destinée à éviter la
paralysie de l'entreprise que provoquerait l'exigence de l'assistance effective
du syndic pour chacune des opérations nécessitées par l
gestion courante. Le débiteur pourra désormais effectuer des
actes de gestion courante dans le redressement judiciaire sans l'assistance du
syndic.
Dans la liquidation des biens, la lecture de l'article 53 al.
2 de l'acte uniforme sur les procédures collectives, nous permet de
déduire que l'accomplissement des actes de gestion courante est de la
compétence du syndic.
Au total, il convient de retenir qu'en droit positif
ivoirien, c'est le syndic et le débiteur assisté de son
liquidateur qui ont compétence pour accomplir les actes de gestion
courante.
Dans le projet de réforme, notamment dans le
redressement judiciaire, c'est le débiteur seul qui accomplit ces actes
de gestion courante. Toutefois, ces actes sont accomplis par le syndic dans la
liquidation des biens.
Il est toutefois regrettable de constater que ni le code de
commerce ni le projet OHADA ne définissent la notion d'actes de gestion
courante. C'est la cour de cassation française qui en donne les
critères d'identification. En effet, dans un arrêt (par lequel
elle tranchait un litige12 qui avait opposé
les deux sections de la 3ème chambre de la cour d'appel de
paris),13 cette juridiction a jugé qu'un acte qualifié
d'acte de gestion courante devait présenter les critères
suivants: correspondre à l'activité ordinaire de l'entreprise,
être de moindre importance et conforme aux modalités de paiement
habituellement pratiquées.
En premier lieu, les actes de gestion courante doivent
correspondre à l'activité ordinaire de l'entreprise de sorte
qu'une opération étrangère à cet objet ne puisse
être valablement admise. Dans l'espèce jugée, la cour a
estimé que le fait d'acheter des matériaux constitue une
opération conforme à l'objet d'une société de
sablage et d'émaillage. Il a également été
décidé que l'achat de perruques est conforme à
l'activité d'un coiffeur en liquidation.
En second lieu, il faut prendre en compte l'importance de
l'opération réalisée. Celle ci ne doit pas être
d'une trop grande importance car elle risque d'être
considérée comme dépassant le cadre d'un acte de gestion
courante.
Dans l'arrêt précité, 14la cour
de cassation a estimé que la commande de 21700 francs était de
peu d'importance par rapport au chiffre d'affaires de plusieurs millions de
francs réalisés annuellement. Sur ce fondement, il a
été refusé le caractère d'opération courante
à l'achat d'un lot important de perruques par un modeste coiffeur en
liquidation.15
Ces solutions se justifient car il ne faut pas oublier que la
continuation de l'activité est une période transitoire. Le
débiteur ne doit se limiter qu'aux actes strictement nécessaires
et de cout raisonnables.
En troisième lieu, il faut également que
l'opération ne comporte pas de modalités exceptionnelles, non
conformes aux usages habituels de la profession.
12 Cass., com., 23 Juin 1981, Dalloz, 1982, inf.,
rap., P. 2, obs., A. HONORAT
13 C. A., Paris, 06 Juillet 1979, Dalloz, 1980, inf.,
rap., P., 405
C. A., Paris, 12 Nov.,, 1979, Dalloz, 1980, inf., rap., P;
405
14 Cass., com., 23 Juin 1981, Dalloz, 1982, inf.,
rap., P. 2, obs., A. HONORAT
15 Trib., commercial de Lyon, 25 octobre 1972, in
Rev., Jur., com., 1973, 123
En application de ce principe, il a été
jugé qu'est conforme, aux usages de la profession, une clause courante
de résiliation et de remplacement dans les marchés conclus par
certaines collectivités.16
Enfin, les modalités de paiement doivent être
celles qui sont habituellement pratiquées. Dans l'arrêt
précité17, la cour de cassation entérinant la
décision de la cour d'appel de Paris, a estimé que cette
condition était remplie, car le paiement des matériaux par lettre
de change18 était conforme aux usages ordinaires de la
profession. Lorsque ces différents critères sont remplis, les
actes accomplis peuvent être qualifiés d'actes de gestion
courante. Au titre des actes de gestion courante, nous pouvons citer l'achat,
la vente de marchandise et la conclusion de nouveaux contrats.
Le juge ivoirien pourrait s'inspirer de ces critères et
raisonnements dans son appréciation des actes accomplis par les organes
de gestion pendant la continuation de l'activité de l'entreprise. Ces
critères énoncés par la cour de cassation laissent
beaucoup de souplesse pour déterminer si une opération est
courante.
Cependant, il est nécessaire que les tribunaux usent
de prudence et interprètent restrictivement la notion
d'«opération courante~. Ceux-ci devraient veiller à ce que
sous ce couvert, ne se cachent des opérations qui dépassent les
limites des actes de gestion courante.
2 - Les actes d'administration
Ils se définissent comme étant des actes qui ont
pour but la gestion normale d'un patrimoine en conservant sa valeur et en le
faisant fructifier.
Ils se distinguent des actes de disposition, dans la mesure
où ces actes d'administration tendent à maintenir les droits dans
le patrimoine et ne peuvent, de ce fait entrainer leur transmission. C'est au
syndic que revient l'accomplissement de tels actes dans la procédure de
faillite et la liquidation des biens.
Dans le redressement judiciaire et la liquidation judiciaire,
l'assistance du syndic et du
16 Rouen, 11 Avril 1975, Rev., Jur., com., 1977,
54
17 Cass., com., 23 Juin 1981, Dalloz, 1982, inf.,
rap., P. 2, obs., A. HONORAT
18 Pour les paiements par chèque, voir C. A.,
Paris, 12 Nov., 1971, Rev., Jur., com., 1972, 14
liquidateur sont indispensables à l'accomplissement de
tels actes, lorsque ceux-ci s'avèrent indispensables à la
continuation et à la conservation du patrimoine du débiteur.
Ainsi, les organes de gestion pourront ils souscrire un
contrat d'assurance pour assurer les biens de l'actif, notamment le fonds de
commerce contre un éventuel incendie. Ils pourront payer les loyers,
ester en justice pour certaines actions qui ne sont pas
considérées comme des actes conservatoires. Le débiteur
failli ne peut valablement exercer de telles actions. Il en a été
jugé ainsi par la cour suprême ivoirienne19. En effet,
un commerçant déclaré en faillite et condamné
à payer à un salarié des sommes d'argent, s'est seul
pourvu en cassation contre un arrêt de la cour d'appel qui lui faisait
grief. La cour supreme a rejeté son pourvoi en se fondant sur l'article
443 al. 1er du code de commerce qui stipule qu'à compter du
jugement déclaratif de faillite, «toute action mobilière ou
immobilière ne peut être intentée ou suivie que par le
syndic».
C - Les actes de disposition
Les actes de disposition sont des actes comportant transmission
de droits pouvant avoir pour effet de diminuer la valeur du patrimoine.
Cette possibilité de réduction du patrimoine a
suscité de nombreuses questions relatives à l'opportunité
d'accomplir de tels actes pendant la continuation de l'exploitation.
C'est surtout à propos des ventes mobilières et
immobilières que des réserves ont été
émises. Au delà de ces ventes, c'est le sort des biens du
débiteur pendant la continuation de l'exploitation qui pose de nombreux
problèmes.
Ceci, parce que le législateur de 1807 n'a pas
expressément, du moins, fixé de
19 Cour suprême d'Abidjan, 08 Novembre 1974, R.I.D.
1975, I et II, P. 40, n° 3 Voir également, C. A., Abidjan, 08
Juillet 1977, R. I. D., III-IV, Page 164, n°470 Nancy, 26 Juin 1896, Gaz.,
Pal., 1896. 2. 520
Nancy, 26 Juin 1896, D. 1898, I, 559I
manière intégrale le régime précis
auquel doivent être soumis ces biens. Cette situation provoque un
embarras chez les praticiens.20
Si certaines dispositions fixent le sort des meubles, en
revanche, aucune ne concerne l'aliénation des immeubles.
Seuls traitent de cette question les articles 571 à
573 du code de commerce. Cependant, ils n'envisagent la liquidation des
immeubles qu'après l'union des créanciers.
1 - Les ventes mobilières
Le principe de l'aliénation des biens mobiliers a
été admis par les articles 470 du code de commerce qui stipule
que «la vente aura lieu pour les objets soumis à
dépérissement ou à dépréciation imminente ou
dispendieux à conserver».
La lecture de cet article nous fait remarquer que le
législateur autorise la vente des objets qu'il est difficile ou couteux
à conserver car, il y a plus d'avantage à les vendre qu'à
les maintenir.
La cour d'appel d'Alger21 va expliciter l'article
470 précité. Selon cette juridiction, les objets susceptibles
d'être vendus sont les objets soumis à
dépérissement, c'est-àdire, ceux qui sont
périssables dans un avenir proche, tel que les produits alimentaires. Il
s'agit également de tout ce qui est sujet à
dépréciation imminente, c'est-à-dire, susceptibles de
subir une perte de valeur immédiate et certaine. Ainsi, les objets
soumis à dépréciation future ne seront pas pris en compte
et seront insusceptibles d'être aliénés. Il s'agit enfin de
tous les objets dont la conservation est couteuse, tel un véhicule
inutile à la conservation du commerce et dont les frais d'assurance et
de garage continuent à courir.
La cour fixe ainsi l'urgence et le cout de conservation comme
critères de détermination des actes susceptibles d'être
aliénés. Ainsi, ne pourront être vendus que les meubles qui
présentent de telles caractéristiques.
20 Fernand DERRIDA: L'aliénation des immeubles
pendant la période préparatoire de la faillite et du
règlement judiciaire, JCP., 1958, 10863
21 Cour d'appel d'Alger, 1er Juillet 1958, JCP.,
1958, 10863
La loi de 1889 en son article 6 et le projet OHADA en son
article 52 al. 3 admettent de telles ventes dans la liquidation judiciaire et
le redressement judiciaire.
Si aucun problème ne se pose quant à
l'aliénation des biens mobiliers soumis à
dépréciation ou à dépérissement imminente ou
encore dispendieux à conserver, l'aliénation des objets autres
que présentant ces caractéristiques a soulevé des
difficultés. Celles-ci tiennent au fait qu'étant dans une
situation délicate, l'on ne veut procéder à la vente des
seuls biens qu'il urge de vendre. L'on veut éviter que la continuation
ne soit une période de liquidation des biens du débiteur.
Le problème ne se pose pas dans la faillite car le
législateur, par une disposition expresse qu'est l'article 486 al.
1er énonce que «le juge commissaire peut, le failli
dument entendu ou dument appelé, autoriser le syndic à
procéder à la vente des effets mobiliers ou marchandises»
autres que ceux cités précédemment. La cour d'appel de
Paris22 a énuméré certains biens mobiliers et
marchandises. Il s'agit selon elle aussi bien de meubles corporels
qu'incorporels comme par exemple les droits mobiliers, les valeurs
mobilières, les effets ce commerces, les créances et même
les éléments constitutifs du droit de créance tels que le
droit au bail, l'enseigne et l'ensemble des biens du fonds. La vente de ces
biens mobiliers se fait avec l'autorisation du juge commissaire, le
débiteur présent ou dument appelé23. Ces objets
mobiliers peuvent être vendus en dehors de toute urgence lorsque cette
vente présente un intérêt pour la masse. Il en serait ainsi
lorsque l'offre de vente permettrait de tirer des biens meubles, un prix
inespéré.
C'est dans la liquidation des biens que l'aliénation de
ces biens meubles (autres que ceux dispendieux à conserver ou soumis
à dépérissement ou a dépréciation) sera
contestée.
La chambre des requêtes de la cour de cassation
française24 va rechercher une solution à ce
problème en décidant que le liquidé judiciaire peut avec
la seule assistance du liquidateur et l'autorisation du juge commissaire,
vendre amiablement toute espèce de meubles et spécialement le
fonds de commerce si cela s'avère
22 C. A. Paris, 10 Juin 1963, Dalloz 1963, somm.,
102
23 Par lettre recommandée ou par sommation
d'huissier
24 Ch., des requêtes, 21 Juin 1933, D., Hebdo,
1933, 429
opportun. Cette décision de la chambre des
requêtes est celle adoptée par l'ensemble de la jurisprudence
française antérieure au décret français de 1955
(non applicable en Cote d'Ivoire) qui appliquait à la liquidation
judiciaire les dispositions de l'article 470 du code de commerce relatif
à la faillite. Ainsi la chambre des requêtes autorise donc dans la
liquidation judiciaire, la vente des objets mobiliers autres que ceux
dispendieux à conserver, soumis à dépérissement ou
à dépréciation, au moyen de l'article 24 de la loi du 04
Mars 1889 qui rend applicable à la liquidation judiciaire les
dispositions de la faillite qui ne sont pas modifiées par les
dispositions de la loi du 04 Mars 1889 sur la liquidation judiciaire.
Cette solution de la cour est contestée par certains
auteurs tels que Fernand DERRIDA25 qui soutiennent au contraire que,
de telles ventes sont contraires à l'esprit de la liquidation
judiciaire.
Nous pensons qu'il n'y a pas lieu de s'opposer
catégoriquement à l'aliénation de tels biens car à
certains moments, elle peut s'avérer avantageuse pour la masse.
C'est le cas d'une vente effectuée dans le but de
payer certains créanciers pour alléger ou supprimer un passif
hypothécaire, en capital et intérêts26
.Cependant, de telles ventes doivent s'effectuer sous le contrôle du
liquidateur et du juge commissaire, qui selon le cas, autorisera leur vente.
Dans le projet OHADA, l'article 147 réglementant la
liquidation judiciaire stipule que «le syndic poursuit seul la vente des
marchandises et meubles du débiteur». Cette formule large semble
admettre les ventes mobilières dans la liquidation des biens, à
la différence du redressement judiciaire où, le souci de
sauvetage de l'entreprise ne permet pas que le fonds de commerce soit
déprécié ou même vendu.
2 - Les ventes immobilières
En ce qui concerne les ventes immobilières, la solution
n'est pas clairement déterminée par le code de commerce qui ne
prévoit la vente qu'après l'Union.
25 . C. A. Alger 1 er Juillet 1958, JC.P. 1958. II. 10863, note
F. DERRIDA
26 Voir dans le sens de l'admission de telles ventes,
les observations de HOUIN, Trib., Com., Seine, 5 Février 1957, R. T.
D. Com, 1957, p. 720, n° 15
Faut-il admettre la vente d'immeuble en dehors de cette
hypothèse?
Dans la faillite, la jurisprudence française
antérieure à 1955 (encore applicable en Cote d'Ivoire), permet
l'aliénation des immeubles pendant la période d'observation.
En ce qui concerne la liquidation judiciaire, la solution est
plus critique car la loi de 1889 n'y fait point référence.
Pourtant fréquentes sont en pratique les circonstances dans lesquelles
l'aliénation des immeubles permettrait de procurer les finances
nécessaires à l'exploitation de l'activité.
En effet, la vente peut procurer des fonds qui permettraient
de faire redémarrer l'exploitation suspendue pour faute de moyens
financiers. Par ailleurs, alors que l'actif peut être consistant, un
immeuble peut menacer ruine ou se déprécier rapidement. La vente
de tels immeubles serait opportune s'il n'y a pas de fonds nécessaires
à sa préparation ou à son entretien. La jurisprudence
française27 antérieure à 1960 dans sa grande
majorité en avait permis l'aliénation, suscitant ainsi
l'approbation de la doctrine dominante.28
Cette position doctrinale se fonde sur des raisons
liées à des nécessités pratiques. Pour ces auteurs,
il n'y a aucune raison de faire une distinction entre les procédures de
faillite et de liquidation judiciaire car, si l'opération est admise
pour la faillite, elle doit l'être pour la liquidation judiciaire qui est
moins grave que la faillite.
Ainsi selon ces auteurs, l'article 573 al 4 du Code de
Commerce permettrait d'aliéner les immeubles pendant la continuation de
l'activité dans la liquidation judiciaire car, une telle vente est
entourée de toutes les garanties, parce que faite en présence du
juge commissaire, du débiteur et du liquidateur.
En droit positif ivoirien, cette question trouve une
réponse dans l'article 24 de la Loi de 1889 qui rend applicables
à la liquidation judiciaire les dispositions du Code de commerce
relatives à la faillite.
27 Trib. Verniers, 31 Juillet 1902, Dalloz P., 1903.
2. 425
28 THALLER, obs.,in Douai, 08 Aout 1894, Dalloz P., 1896, 2,
1
Percerou et Desserteaux, Lyon Caen et Renault après y
avoir été hostiles, se sont déclarés favorables a
l'aliénation des immeubles pendante la période
préparatoire.
En général, la vente des immeubles se
conçoit beaucoup plus aisément dans la faillite que dans la
liquidation judiciaire. L'inquiétude des auteurs qui s'y opposent est
fondée. Faut-il pour cela considérer ces ventes comme anormales ?
Nous pensons que cela dépend des circonstances qui se présentent
au débiteur. La vente des immeubles pourrait être envisagée
s'il apparait qu'elle est de nature à générer des
avantages particuliers. Le juge commissaire devra alors exercer son
contrôle sur l'opportunité d'un tel acte. Il faut toutefois
retenir que la vente immobilière doit revêtir un caractère
exceptionnel et n'être autorisée que dans des circonstances
particulières.
Le contrôle de la gestion de l'activité
s'effectue également à travers l'obligation de rendre compte
(Paragraphe II) et la possibilité d'engager la responsabilité
civile en cas de faute des organes de gestion (Paragraphe III).
Paragraphe II - L'obligation de rendre compte
Lorsque les organes de la procédure collective
exercent la gestion de l'activité, ils sont astreints à une
obligation de rendre compte. Ainsi, l'article 566 du code de commerce
applicable à la faillite et la liquidation judiciaire -en vertu de
l'article 24 de la Loi du 4 mars 1889- stipule que, le syndic est tenu tous les
mois, de remettre au juge commissaire un état de la situation de la
faillite et des sommes déposées à la caisse de
dépôts et de consignations. En Cote d'Ivoire, cette caisse est
représentée par le Trésor Public.
Cet état sert à établir un registre
coté et paraphé, sur lequel sont inscrits pour chaque
procédure, article par article, et à leurs dates respectives, les
actes relatifs à la gestion des représentants de la
procédure (recettes, dépenses et versement à la caisse des
dépôts et de versements). Selon les dispositions du code de
commerce, ce registre est tenu sous la surveillance du juge commissaire.
Cette reddition des comptes a l'avantage de déceler
toutes les irrégularités dont la découverte peut motiver
la cessation de la continuation de l'activité.
qui en cas d'infraction peut engager des poursuites
pénales contre les organes de gestion. Tous les trois mois, un
relevé (établi selon les énonciations du registre)
indiquant sommairement la situation de chaque faillite est adressé au
Procureur Général. Les organes de gestion doivent, sous
l'arbitrage du juge commissaire, déposer à la caisse des
dépôts les sommes provenant des ventes et des recouvrements,
après déduction des dépenses et frais.
Dans le projet OHADA, cette obligation de rendre compte existe
également, à la différence que le délai de
reddition est plus long.
Selon l'article 113 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives relatif à la liquidation des biens, le
syndic doit d'une part, communiquer tous les trois mois au Président de
la juridiction compétente et au représentant du Ministère
Public, les résultats de l'exploitation et d'autre part, déposer
à la caisse des dépôts, le montant des deniers au compte de
la procédure.
De même, dans le redressement judiciaire, l'article 112
al. 2 prévoit l'obligation de rendre compte au syndic à la fin de
chaque période fixée par le juge commissaire et au moins, tous
les trois mois, communiquer les résultats de l'exploitation au juge
commissaire et au représentant du ministère public.
Lorsque le fonds de commerce est donné en location
gérance, le syndic exerce une mission de surveillance de
l'activité de ce locataire-gérant. Il doit à cet effet,
rendre compte au juge commissaire du respect des engagements de ce
gérant. Pour mener à bien sa mission, le syndic
bénéficie d'un droit à l'information et à la
communication de tout livre et document par le locataire gérant, qui ne
peut s'y refuser. Le syndic dénonce les éventuelles atteintes
portées par ce dernier aux éléments mis en location selon
l'article 116 du projet OHADA.
Cette reddition des comptes vise à informer les
créanciers, le juge commissaire et le procureur de la marche de
l'exploitation. S'il s'avère que les organes de gestion de la
procédure ont commis des fautes de gestion, leur responsabilité
civile sera engagée.
Paragraphe III - Responsabilité civile pour
faute
Le syndic et le liquidateur judiciaire 29peuvent
voir leur responsabilité civile engagée en cas de faute dans
l'exercice de leur fonction. Ces fautes de gestion résultent soit d'un
défaut de surveillance, d'une négligence, d'une imprudence ou
encore d'un dépassement de pouvoirs.
Cette action en responsabilité repose sur le principe
de l'obligation de gestion de l'activité "en bon père de
famille.". C'est-à-dire que la gestion doit être faite avec
prudence et diligence. En général, la responsabilité du
liquidateur résulte d'une négligence, d'un défaut de
surveillance dans la gestion du débiteur qui reste à la
tête de l'entreprise. Celle du syndic représentant le
débiteur, résulte en général, de l'exercice de ses
fonctions sans conformité avec les règles prévues à
cet effet. C'est l'exemple d'un syndic qui transige ou renonce à un
droit donné sans l'autorisation du juge commissaire.
Toutefois, pour que leur responsabilité soit
engagée, il faut qu'une faute personnelle précise soit retenue
contre eux. La jurisprudence a une tendance très marquée à
retenir la responsabilité 30personnelle du syndic ou du
liquidateur lorsque les créanciers de la masse ne peuvent se faire
payer. Il en est ainsi, lorsque pendant la continuation de l'activité,
le débiteur --assisté- génère des créances
à l'issue d'actes de gestion dépassant les pouvoirs que lui
confère la loi.
Dans certains cas, le liquidateur pourra voir sa
responsabilité engagée car il a le devoir de surveiller non
seulement la comptabilité de l'entreprise mais aussi la gestion de cette
dernière. Sur ce point, il a été jugé qu'un
administrateur au règlement judiciaire, (équivalent du
liquidateur dans la liquidation judiciaire en droit positif ivoirien) a fait
preuve d'une imprudence prolongée en laissant une société
débitrice continuer son activité commerciale sans avoir jamais
demandé au tribunal d'y mettre fin alors que l'exploitation était
sans issue. Le liquidateur ne doit donc pas se borner à attendre que lui
soit délivrée une autorisation
29 La sanction appliquée au débiteur est
l'inopposabilité à la masse des actes qu'il aurait passés.
Ces actes demeurent valables entre lui et ses cocontractants.
30 Cass., com. ,1er Sept., 1967, R.T.D. com. ,1968. 397, voir
aussi cass., com., 25 janv. ,1971, D., 1971 ,Somm., 105; Dijon, 15 oct., 1971,
R.T.D. com., 1973. 373, n°37, obs., HOUIN, l'aliénation des
immeubles pendant la période préparatoire.
préalable à la surveillance mais doit assurer
exercer une surveillance effective sur les actes et les répercussions
financières des actes passés par le débiteur.
En d'autres occasions, la cour de cassation a
31refusé de retenir cette responsabilité, lorsque le
syndic a pris la précaution d'informer les fournisseurs de la situation
réelle du débiteur et qu'en dépit de ce fait, ceux ci ont
contracté avec le débiteur.
Commentant cet arrêt, le Pr. DERRIDA souligne que cette
décision doit rassurer les syndics et liquidateurs qui, -en raison de la
sévérité manifestée à leur égard par
les tribunaux- sont systématiquement hostiles à une continuation
de l'exploitation par le débiteur lui-même, lui
préférant une location gérance qui n'est pas toujours
possible. Ainsi, lorsque le syndic prend la précaution d'informer les
fournisseurs habituels de la situation du débiteur, leur prescrivant
même d'exiger des paiements comptants, aucun reproche ne peut lui
être adressé.
Il est vrai que malgré ces précautions, le
débiteur peut, à l'insu du liquidateur souscrire des contrats
auprès de nouveaux fournisseurs et obtenir un crédit
immérité. Dans ces hypothèses, la responsabilité du
liquidateur ne pourra être engagée car ces fournisseurs auraient
dû se renseigner sur ce nouveau client qu'est le débiteur. En
réalité, une surveillance active et régulière
permet le plus souvent au liquidateur de découvrir ces activités
occultes.
Et, à supposer que le débiteur parvienne
à les lui dissimuler, aucune faute ne pourra lui être
imputée. Les actes que le débiteur aura accomplis à son
insu seront valables entre lui et ses cocontractants mais, seront inopposables
à la masse.
En définitive, ce qu'on attend du liquidateur, c'est
d'informer de façon précise les tiers qui traiteraient avec le
débiteur et par dessus tout, une surveillance suffisante de
l'activité de ce débiteur pour qu'il y soit mis fin le plus
tôt possible par les autorités judiciaires, avant que celle ci ne
devienne déficitaire.
Dans un arrêt du 23 Février 1972,32 la
cour d'Appel de Colmar a exonéré
31 Cass.,com., 2 Juillet 1974 ,D.,S. ,1975, P.
DERRIDA
32R.T.D. Com., 1973,
375, n°38
un administrateur (liquidateur en droit positif ivoirien) de
toute responsabilité. Il résulte des faits de cet arrêt,
qu'un débiteur avait- sans autorisation- repris son activité et
loué du matériel à une entreprise. par la suite, ce
débiteur n'a pu payer ses dettes. Aussi l'entreprise a-t-elle traduit
l'administrateur en justice pour défaut de paiement des dettes du
débiteur. Cette entreprise reprochait à l'administrateur d'avoir
manqué à sa mission de contrôle et de surveillance en
laissant le débiteur reprendre son activité. La cour d'Appel a
rejeté cette demande et constaté:
*Qu'il s'agissait d'une activité nouvelle et non pas de
la continuation de l'ancienne activité;
*Que l'exercice du devoir de surveillance se faisait dans
l'intérêt de la masse.
En l'espèce, le loueur de matériel ne faisait
par partie de la masse parce que sa créance résultait d'une
activité nouvelle. Cet arrêt vient marquer les limites du devoir
de surveillance du liquidateur.
En effet, le liquidateur n'a l'obligation d'agir que dans
l'intérêt de la masse. Il n'a pas à protéger les
tiers qui eux sont en principe informés de la situation du
débiteur par la publicité donnée au jugement
déclaratif. Si le débiteur entreprend une activité
nouvelle, le liquidateur n'a pas à les prévenir des dangers
qu'ils encourent en contractant avec le débiteur.
Section II : Contrôle de la gestion indirecte :
la location-gérance
La location-gérance est une modalité selon
laquelle la gestion de l'entreprise est conférée à une
personne ou à une société (appelée
communément gérant libre) qui exerce cette gestion pour son
compte personnel et à ses risques et périls. Ce mode de gestion
n'est pas expressément prévu par le code de commerce qui ne
l'interdit pas non plus; de sorte que, depuis longtemps, et devant bien des
tribunaux, l'usage s'est répandu de faire exploiter le fonds de commerce
du débiteur par un gérant libre.
En droit ivoirien, c'est la loi du 27 juillet 1972 relative
à la location-gérance du fonds de commerce qui reconnaît
implicitement le droit aux mandataires de justice chargés de
l'administration d'un fonds de commerce de le mettre en
locationgérance.
Le projet OHADA va relever cette carence du code de commerce et
prévoir expressément cette modalité en son article 115 al
1.
S'il est vrai que la gestion est confiée à un
tiers et non à la masse des créanciers représentée
par les organes de gestion que sont le syndic ou le liquidateur, il faut
toutefois préciser que cette gestion ne se fait pas au bon gré du
locataire-gérant. Sa gestion sera surveillée par le syndic car il
ne faut pas que celui ci déprécie le fonds de commerce par sa
mauvaise gestion.
Le contrôle de la gestion implique également un
contrôle des conditions d'établissement du contrat -notamment
l'indépendance du locataire-gérant.
Paragraphe I - Contrôle des conditions de la
location-gérance
La conclusion d'un contrat de location-gérance
nécessite que soient remplies certaines conditions relatives au bailleur
et au locataire-gérant.
conditions relatives au bailleur ont été
assouplies et celles relatives aux garanties et à l'indépendance
du locataire-gérant ont été renforcées.
A - Assouplissement des conditions relatives à
la durée d'exploitation du bailleur
La location-gérance est un mode de gestion
exceptionnel, par rapport à la gestion directe exercée par le
syndic ou le débiteur assisté du liquidateur. Ce caractère
exceptionnel résulte du fait que, contrairement à la gestion
directe faite au nom et pour le compte de la masse, la gestion indirecte est
effectuée par une tierce personne, physique ou morale. En
général, on n'y a recours lorsque l'exploitation directe
paraît extrêmement difficile, voire impossible. Les conditions de
droit commun relatives à la durée d'exploitation de
l'activité du bailleur seront aménagées tant en droit
positif que dans le projet OHADA, lorsque le bailleur est en cessation de
paiement.
En droit commun, la location d'un fonds de commerce n'est
possible que si le propriétaire :
- a été commerçant pendant cinq
années ou a exercé pendant une durée équivalente
les fonctions de gérant ou de directeur commercial ou technique ;
- a exploité pendant deux années au moins en
qualité de commerçant le fonds mis en gérance.
Le bailleur doit donc avoir exercé pendant sept ans
son activité avant de pouvoir mettre son fonds de commerce en
gérance. Ce long délai ne va pas sans créer de
difficultés. En effet, cette condition ne favorise guère la mise
en gérance des entreprises, c'est pourquoi l'article 9 de la Loi de 1972
en a restreint le champ d'application, en décidant que les conditions
relatives à la durée d'exercice de la profession et à la
durée d'exploitation ne s'appliquent pas à la location-
gérance passée par des mandataires de justice chargés
d'administrer un fonds de commerce.
Désormais, un commerçant en cessation de
paiements ayant exercé ou exploité son activité pendant un
délai inférieur à 7 ans pourra donner son fonds de
commerce en gérance libre. Le projet OHADA, abondant dans le même
sens que le droit positif ivoirien stipule en son article 115 al 4 que les
conditions de durée d'exploitation du
fonds de commerce par le débiteur pour conclure le
contrat de location gérance ne reçoivent pas application.
Ces aménagements sont la manifestation du désir de
sauvetage des entreprises par le législateur.
Si les conditions relatives au bailleur ont été
aménagées, il n'en n'est pas ainsi en ce qui concerne le
locataire gérant. Les conditions relatives à ce dernier ont
été renforcées par rapport au droit commun de la location
gérance.
B - Renforcement des conditions relatives au
locataire-gérant
Le locataire-gérant doit présenter des garanties
ou avoir une indépendance vis-à-vis de la masse. Les tribunaux
apprécient avec beaucoup de rigueur ces conditions.
1 - Les garanties offertes par le
locataire-gérant
Cette condition n'est pas expressément prévue
par le code de commerce et la Loi Ivoirienne de 1972 précitée.
Cependant, elle doit être sous entendue car, les tribunaux ne peuvent
décider d'un acte aussi grave sans prendre de précautions et
exiger des garanties de la part du locataire-gérant.
Le projet OHADA va expressément stipuler les
conditions relatives à ces garanties en son article 115 al 3 qui dispose
que le locataire gérant doit présenter des garanties suffisantes
ou une indépendance à l'égard du débiteur
représenté par la masse. Ces mesures, inspirées du droit
français en vigueur ont été reprises dans le projet OHADA,
pour éviter le renouvellement des errements anciens dans lesquels le
locataire --gérant n'était que le prête-nom du
débiteur.
Ce dernier, sous la couverture du contrat de location continuait
ses opérations commerciales.33
La notion de garantie a été
précisée par la jurisprudence et la doctrine
française. Selon M. F. SOINNE - BARRAT34,
les garanties qu'offre le preneur ou locataire doivent indiscutablement exister
à l'égard de la masse des créanciers. Cette garantie
à l'égard de la masse est fonction de la nature du contrat en
présence. Selon cet auteur, si le contrat ne met à la disposition
du gérant aucun bien fongible, s'il n'y a aucune vente à terme du
stock, il n'y a aucun risque de dépréciation du fonds de commerce
par le gérant.
Il est certain dans ce cas que le risque encouru est infime,
celui ci se situant simplement au niveau du paiement de la redevance. Par
contre, si les redevances sont payables après un certain délai,
si les stocks sont vendus avec un prix payable à terme, il se pose la
question de la solvabilité et de la crédibilité du
gérant.
Avant la location-gérance, le preneur doit
présenter des signes de solvabilité et de
crédibilité pour que la masse puisse lui faire confiance.
2 - L'indépendance du locataire-gérant
Ce principe est posé par l'article 115 al 3 de l'acte
uniforme qui stipule que "lorsque le locataire-gérant n'offre pas de
garanties suffisantes, il peut, au contraire présenter une
indépendance suffisante à l'égard du débiteur ".
Cette indépendance signifie que le locataire-gérant doit se
distinguer du débiteur et exercer son activité en son nom propre
et à ses risques et périls. Il ne doit, en aucun cas, exercer son
activité sous le couvert du débiteur.
La jurisprudence française 35 a admis
l'idée selon laquelle les créanciers faisant partie de la masse
peuvent participer à la gérance de l'entreprise dans une
société d'exploitation parce que la lecture de l'article 27 de la
Loi française du 13 juillet 1967 (équivalent de l'article 115 al
3 du projet OHADA) n'impose au juge, que la seule vérification de
l'indépendance du preneur au regard du débiteur. Cette
jurisprudence pourrait inspirer le Juge Ivoirien dans l'application future du
projet OHADA, en raison de la similitude de textes. Le principe de
l'indépendance aura pour
34 Dalloz 1974, 44° cahier, chronique XLXI, page
62 à 65
35 Tribunal de grande instance de Bethune, jugement
inédit du 6 février 1974, in M. F., SOINNE-BARRAT: Les conditions
de la location gérance dans les procédures collectives
d'apurement du passif, Dalloz 1974, chronique XLXI, page 62.
conséquence que le débiteur ne pourra exercer
aucune fonction de direction dans une entreprise qui se proposerait de prendre
le fonds de commerce.
Nous pouvons citer à titre d'exemple, les fonctions
d'administrateur et de Président Directeur général s'il
s'agit d'une société anonyme, ou des fonctions de gérant
s'il est question d'une société à responsabilité
limitée. Dans ces hypothèses, la charge de la preuve incombe
à ceux qui invoquent le caractère dépendant de
l'éventuelle gérance. 36
Il semble même qu'il faille aller plus loin en affirmant
la nécessité d'écarter toute proposition émanant
d'entreprises dans lesquelles le débiteur possède directement ou
par personnes interposées des intérêts importants. Ce fut
le cas dans un arrêt de la cour de cassation37 où, a
été qualifié d'irrégulier et inopportun, un contrat
de location-gérance conclu au profit de l'un des créanciers; de
même que la gérance exercée par une société
d'exploitation à constituer. Dans ce cas, le créancier reprenait
le stock à un prix non précisé et moyennant des paiements
échelonnés devant être effectués à des dates
non indiquées. La cour a estimé que le manque de précision
du prix et des dates de paiement ne permettait pas de déterminer quel
serait le véritable preneur et si celui ci offrirait les garanties et
l'indépendance suffisantes à l'égard du
débiteur.
La rupture de l'égalité entre créanciers
viendrait du défaut de détermination du prix qui créerait
un avantage au profit de ce créancier et au détriment des
autres.
L'appréciation de cette condition
d'indépendance se fait par les tribunaux en fonction des
modalités contractuelles en présence. Lorsque ces conditions sont
réunies, le contrat de location-gérance est conclu.
La durée de cette exploitation n'est pas
expressément fixée par le droit positif actuel. Cependant, nous
pensons que celle-ci sera fonction de l'existence ou non d'un concordat.
Lorsqu'un concordat a été conclu, l'exploitation sous forme de
gérance libre durera jusqu'à la fin de la continuation de
l'exploitation.
36 M. F.SOINNE- BARRAT, article précité, in Dalloz
1974, chronique XLXI, p. 63
37 Cour de cassation, 15 Décembre 1971,
J.C.P., 1972, N° 17284, note DELPECH
Si le concordat n'est pas formé, la gérance libre
pourra durer autant que les circonstances et l'intérêt des
créanciers et du débiteur le permettent.
Le projet OHADA va préciser cette durée. Selon
l'article 115 al 5 de l'acte uniforme sur les procédures collectives, la
location-gérance est fixée sur deux ans au maximum. Cette
période peut être renouvelée et durer au-delà de
deux ans si le locataire-gérant satisfait à ses obligations et ne
c o m p r o m e t p a s l e s i n t é r ê t s d e l a masse e t d
u d é b i t e u r . Cette périodicité a été
fixée comme moyen de contrôle de l'activité du
locataire-gérant.
Au total, toutes les fois qu'il apparaît que cette
indépendance n'est pas réalisée, la gérance doit
être écartée. Ce sera le cas, s'il apparaît que le
gérant est en fait l'homme de paille du débiteur.
Le contrôle s'exerce également sur les effets de la
location-gérance.
Paragraphe II - Contrôle des effets de la
location-gérance
Le contrôle exercé sur la
location-gérance ne s'arrête pas au niveau des conditions de
conclusion de ce contrat. Bien au contraire, il s'étend tout au long de
la durée de la location-gérance. Ainsi le locataire-gérant
à la charge duquel naît une obligation d'exécution, doit
s'acquitter de ses prestations. En cas de non exécution, le syndic qui
exerce un contrôle de sa gestion peut résilier ce contrat. De
même, le bailleur ne sera plus soumis à l'obligation solidaire qui
existait entre lui et le locataire gérant.
A - Respect des obligations du locataire-gérant
En tant que contrat, la location-gérance crée
à l'égard des cocontractants des obligations. De façon
singulière, il se crée à l'égard du
locataire-gérant, l'obligation de respecter les engagements qu'il a
pris. L'engagement principal auquel il est tenu est le paiement de la
redevance. Si des délais de paiement lui ont été
accordés, il doit s'exécuter à l'échéance.
De même, lorsque le contrat met à sa disposition des biens
fongibles, il doit veiller à ne pas les abîmer; à ne pas
porter atteinte aux
éléments pris en location et surtout, il ne doit
pas diminuer par son fait, les garanties qu'il avait données.
La mauvaise gestion de ce locataire-gérant porterait
atteinte à la valeur du fonds de commerce qui est en
général, l'élément important du gage des
créanciers.
L'article 116 du projet OHADA en son alinéa premier
prévoit un contrôle de l'activité du
locataire-gérant. Cet alinéa stipule que "le syndic veille au
respect des engagements du locataire-gérant". A cet effet, il peut se
faire communiquer par ce dernier, tous les documents et informations utiles
à sa mission. Cette surveillance vise à protéger les
intérêts de la masse. Le syndic bénéficie d'un droit
à l'information sur les activités du locataire-gérant qui
ne peut se soustraire à la communication de ces documents.
A son tour, le syndic est astreint à l'obligation de
rendre compte de la gestion du locataire-gérant, au juge commissaire. Le
projet OHADA a fixé une période de trois mois dans le but
d'exercer un contrôle permanent qui permettrait de déceler les
défauts d'exécution du locataire-gérant et aboutir
à la résiliation du contrat.
Le montant des sommes versées par locataire
gérant doit être communiqué au juge commissaire. S'il
s'avère que ce gérant-libre a porté atteinte aux
éléments pris en location-gérance, le syndic ou le
débiteur assisté devra en informer le juge commissaire et lui
communiquer par ailleurs, les mesures aptes à résoudre toute
difficulté d'exécution.
Lorsque le gérant libre ne satisfait pas les
obligations qui lui incombent, le contrat de location-gérance peut
être résilié, et ce, à tout moment. Cette
possibilité de résiliation permanente nous montre la rigueur
manifestée à l'égard de la locationgérance. La
résiliation peut être prononcée soit d'office, soit
à la demande d'un contrôleur sur rapport du juge commissaire,
lorsque le preneur ou locataire-gérant diminue par son fait, les
garanties qu'il avait données ou lorsqu'il compromet la valeur du fonds
de commerce. Cet alinéa 2 étend le champ des personnes aptes
à demander la résiliation du contrat de
location-gérance.
B - Suppression de la solidarité entre le loueur et
le locataire-gérant
Une des innovations du droit des procédures
collectives dans le projet OHADA est la suppression de l'obligation solidaire
existant entre le gérant libre et le loueur. Cette solidarité
avait été instituée pour lutter contre la
spéculation à laquelle se livraient les loueurs de fonds de
commerce.
Il s'agissait de faire participer le bailleur aux risques de
l'exploitation. Cette mesure a entraîné la désapprobation
de la doctrine qui s'oppose au fait que le propriétaire soit tenu alors
qu'il demeure complètement étranger à la gestion du fonds.
Ainsi, les créanciers du gérant qui connaissent le contrat,
bénéficient sans raison d'une situation privilégiée
par rapport aux autres créanciers.
Désormais, il n'existe plus de responsabilité
solidaire du propriétaire du fonds de commerce avec le
locataire-gérant, pour les dettes contractées par celui-ci
à l'occasion de son exploitation.
En droit positif ivoirien, l'article 9 de la loi du 27
juillet 1972 relative à la locationgérance des fonds de commerce,
stipule que «l'article 8 de la même loi qui prévoit la
solidarité entre le locataire et le bailleur ne s'applique pas au
contrat de location gérance passé par les mandataires de justice
chargés, à quelque titre que ce soit, de l'administration d'un
fonds de commerce, à condition qu'ils aient été
autorisés aux fins des dits contrats par l'autorité de laquelle
ils tiennent leur mandat et qu'ils aient satisfait aux mesures de
publicité» 38.
L'exclusion de la responsabilité solidaire du loueur
et du locataire-gérant est expressément
formulée par l'article 117 al 1 du projet OHADA inspiré du
décret
38 La question de la détermination du bailleur
s'était posée car la loi de 1972 ne règle pas cette
interrogation. En se référant au droit français
antérieur à 1960, on peut dire que dans ce contrat, le bailleur
c'est la masse des créanciers. En général le contrat est
conclu au nom et pour le compte de la masse.
L'admission de la responsabilité solidaire de la masse
n'a pas toujours été admise. Certains auteurs ont estimé
que la masse doit répondre des dettes du locataire- gérant.
D'autres au contraire, s'appuyant sur l'origine de la masse des
créanciers estiment inadmissibles que les créanciers constituant
la masse soient considérés comme débiteurs avec un
locataire-gérant qu'ils ne connaissent pas. .
La responsabilité solidaire de la masse est donc
controversée. Selon nous, il n'y a pas lieu de l'admettre car elle n'est
pas conforme a l'esprit de la procédure.
français de 1956 qui a supprimé cette obligation
solidaire. Une telle disposition lève ainsi les obstacles à la
mise en location-gérance d'une entreprise.
En droit positif ivoirien, cette exonération est
subordonnée à l'existence de deux conditions: La première
tient au fait que l'autorisation de louer doit avoir été
donnée par l'autorité de laquelle les mandataires de justice
tiennent leur mandat (il s'agit en l'occurrence du tribunal et non pas le juge
commissaire). Cette solution ne ressort pas expressément du code de
commerce. Cependant, nous pensons avec Charles KOUASSI 39qu'il y a
lieu de soumettre la conclusion de ce contrat à l'approbation du
tribunal.
L'article 470 du code de commerce subordonne la continuation
de l'exploitation à l'approbation du tribunal, ce qui témoigne du
caractère exceptionnel de cette continuation. Il n'y a pas de raison que
s'agissant de l'exploitation par un tiers, les conditions soient moins
strictes, d'autant que la masse court toujours de grands risques en ce qui
concerne la conservation du gage que constitue le fonds de commerce.
A l'égard de la liquidation judiciaire, un
problème se pose : l'exonération de l'article 9 de la loi du 27
juillet 1972 ne semble s'appliquer que lorsque l'on est en présence de
mandataires chargés de l'administration du fonds de commerce.
L'interprétation stricte de cet article semble exclure le liquidateur
judiciaire qui ne fait qu'assister le débiteur.
Selon nous, il appartient aux tribunaux d'interpréter
ce texte de façon souple afin de l'appliquer à la liquidation
judiciaire car la différence entre ces régimes ne s'impose pas.
Sur ce point, la jurisprudence française a opté pour la
thèse de l'assimilation. Pour elle, il n'y a pas lieu de distinguer le
cas de la faillite de celui de la liquidation judiciaire.
La cour d'appel de Toulouse a, dans un
arrêt40 opté pour l'unicité de régime
entre la faillite et la liquidation judiciaire en décidant qu'il serait
erroné de ne
39 Charles KOUASSI : Traité des faillites et
liquidation judiciaires en Cote d'Ivoire, ed. SOCOGEC, 1987, page 134, n°
341
40 Cour d'appel Toulouse 6 décembre 1966 D.S. 1967 page
324 à 325 note Jacqueline RUBELLIN- DEVICHI
voir dans le liquidateur (administrateur en droit
français) qu'un "assistant pur et simple".
Cette solution est celle qui paraît la plus conforme
à l'esprit de l'article 9 de la Loi du 27 juillet 1972, car il n'y a pas
de raison que le commerçant en liquidation soit plus rigoureusement
traité que le failli qui, par définition est moins digne
d'intérêt.
Pour que cette exonération soit appliquée dans
la liquidation judiciaire, la location-gérance devra être
décidée par l'autorité compétente. La loi de 1889
ne nomme pas l'autorité ayant compétence pour en décider.
Toutefois, il faut préciser que bien que l'article 6 de la Loi du 4 mars
1889 permette la continuation du fonds sur autorisation du juge commissaire, en
raison de la responsabilité solidaire qui pèse sur la masse
durant les six premiers mois, l'autorisation du tribunal paraît
nécessaire.
La deuxième condition tient à l'accomplissement
de mesures de publicité.
Il s'agit de l'accomplissement des formalités de
l'article 2 de la Loi du 27 juillet 1972. Ce sont, d'une part, la publication
du contrat de location-gérance dans la quinzaine de la date du contrat
et d'autre part, de la modification du registre du commerce avec la mention
expresse de la mise en location-gérance.
Le contenu de cet extrait ou avis publié n'est pas
précisé mais il devra être suffisamment complet pour que
les tiers soient clairement informés.
Lorsque ces deux conditions sont réunies, le loueur du
fonds n'est pas tenu du passif du locataire gérant pendant les 6
premiers mois. Le défaut d'existence de ces conditions fait survivre
cette responsabilité solidaire. Ainsi, le bailleur sera tenu
solidairement. De même, si les mesures de publicité ont
été effectuées tardivement, cette responsabilité
solidaire sera maintenue.
TITRE II : NECESSITE DU MAINTIEN DE L'EXECUTION
DES
CONTRATS EN COURS
Avant le jugement d'ouverture de faillite ou de liquidation
judiciaire, le débiteur était à la tête de son
entreprise qu'il gérait. Au cours de cette gestion, des contrats ont
été conclus entre lui et ses contractants.
Après le jugement d'ouverture, une nouvelle gestion de
l'activité est amorcée; il s'agit de la gestion au nom et pour le
compte de la masse.
Quel est le sort des contrats conclus par le débiteur
antérieurement au jugement d'ouverture ? L'on s'est demandé si
ces contrats sont résolus ou maintenus de plein droit pendant la
continuation. Après de nombreuses hésitations, le principe du
maintien des contrats en cours au jour du jugement a été admis.
En effet, l'on s'est rendu compte que le maintien du réseau contractuel
du débiteur peut être utile, voire indispensable à la
continuation de l'exploitation. C'est le cas par exemple du contrat de bail qui
maintient la clientèle du débiteur. La résiliation d'un
tel contrat porterait un coup à l'exploitation de l'entreprise.
Ce maintien des contrats en cours répond à la
prise en compte de deux intérêts :
· d'une part, l'intérêt de l'entreprise pour
qui le maintien peut être une opportunité pour
générer des fonds;
· d'autre part, celui des créanciers et des
salariés.
Aussi a-t-on instauré deux régimes de maintien
des contrats en cours au jour du jugement: un régime dit
général parce que s'appliquant à tous les contrats, qui ne
revêt aucune particularité (CHAPITRE I). Un
autre, dit spécial dans lequel certains contrats sont maintenus avec des
aménagements (CHAPITRE II).
CHAPITRE I : LE REGIME GENERAL DU MAINTIEN DE
L'EXECUTION
DES CONTRATS EN COURS
Ce régime général comporte deux
caractéristiques : d'une part il ne s'applique qu'à un certain
nombre de contrats qui en fixent son domaine (SECTION 1) et
d'autre part, les contrats en cours ne sont pas maintenus de plein droit, ils
sont soumis à un régime d'option (SECTION Il)
SECTION I : DOMAINE D'APPLICATION DU PRINCIPE DU
MAINTIEN
DES CONTRATS EN COURS
Le principe du maintien ne s'applique qu'aux contrats en cours
de formation et d'exécution au jour du jugement déclaratif
(paragraphe I). D'autres types de contrats en sont exclus
(paragraphe II).
Paragraphe I - Les contrats en cours
Cette notion de contrat en cours révèle deux
réalités : Il s'agit en premier lieu des contrats en cours de
formation au jour du jugement (A) et en second lieu les
contrats en cours d'exécution à cette date
(B).
A - Les contrats en cours de formation
Cette notion a été développée par
certains auteurs tels que TOUJAS et ARGENSON. 41 Pour ces derniers,
la notion de contrat en cours ne comprend pas seulement les contrats en cours
d'exécution mais également les contrats en cours de formation ou
en cours d'existence. Il s'agit des contrats qui existent et qui, au jour du
jugement déclaratif n'ont pas été
exécutés.
Si l'on considère la définition
littérale de la notion de contrat en cours d'exécution, ces
contrats en cours de formation ne semblent pas inclus, d'autant plus qu'ils
n'ont pas été exécutés avant le jugement
déclaratif.
Dans le but de mieux cerner cette réalité, il y a
lieu, selon ces auteurs de prendre également en compte, les contrats en
cours d'existence au jour du jugement.
Le contrat en cours comporte nécessairement des
prestations successives et réciproques qui, au jour du jugement ne sont
pas entièrement exécutées, chacune
41 TOUJAS et ARGENSON, Règlement judiciaire, liquidation
des biens et faillite, 4 ed., T ,page 843, note I
des parties ayant encore des encore avoir des prestations
à fournir.
Cependant, limiter exclusivement cette notion aux seuls
contrats en cours d'exécution établit une discrimination entre
tous les contrats conclus par le débiteur et qui n'ont pu être
définitivement exécutés avant le jugement.
Cette limitation, quoique correspondant à la plupart
des situations de fait est inexacte. Ainsi, le contrat en cours comporterait
non seulement des contrats en cours d'exécution mais aussi les contrats
en cours d'existence ou de formation. Il en est ainsi d'une promesse de vente
avec droit d'option faite par le débiteur à son cocontractant. Si
le délai d'option n'est pas expiré et que le cocontractant
lève l'option avant le jugement déclaratif de faillite ou de
liquidation, le contrat est considéré comme valablement conclu.
Il pourra être maintenu lors de la continuation, si le syndic exerce son
droit d'option et décide de le maintenir. L'extension de la notion de
"contrat en cours" aux contrats en cours de formation, ne signifie pas que ces
contrats se poursuivent ipso facto. Ils sont soumis à l'exercice du
droit d'option du syndic.
B - Les contrats en cours d'exécution au jour
du jugement d'ouverture
Cette notion de contrat en cours n'a pas été
précisée par le législateur. Ce sont la doctrine et la
jurisprudence française qui vont en déterminer le contenu. Selon
Yves GUYON42, cette expression doit s'entendre de la manière
la plus simple. Ainsi, est en cours, tout contrat dont l'exécution n'est
pas terminée le jour du jugement d'ouverture. Ces contrats ont donc leur
naissance antérieure au jugement d'ouverture. Il s'agit non seulement
des contrats à exécution instantanée mais également
des contrats à exécutions successives dont l'exécution est
en cours au moment du jugement d'ouverture43.
S'il est admis en général que les contrats en
cours sont maintenus, certains contrats ne le sont pas. Ils sont exclus du
domaine du maintien des contrats en cours.
42 Yves Guyon : Entreprises en difficultés,
ed. ,Economica, 1989, page 225
43 Revue de droit bancaire, 1988, Obs., F., DEKEUWER,
P., 136
Paragraphe II - Exclusion de certains contrats
Il s'agit des contrats conclus intuitu personae (A)
et des contrats résolus au jour du jugement déclaratif
(B).
A - Les contrats conclus intuitu
personae
Est déclaré conclu intuitu personae, un contrat
conclu en considération de la personne des parties contractantes; de
sorte que l'un et l'autre ont vu leur consentement déterminé par
cette considération.
Ces contrats impliquent une idée de confiance mutuelle
qui y joue un rôle prépondérant. En effet, les parties sont
présumées n'avoir fait confiance qu'au seul cocontractant. Cet
élément de confiance a amené le législateur
à ne pas maintenir ces contrats lorsque l'un des cocontractants est en
cessation de paiement.
Ainsi, les contrats conclus intuitu personae sont-ils
résiliés de plein droit dès l'ouverture d'une
procédure collective. A leur égard, le syndic n'a aucune
faculté d'option. Ce principe de la résiliation de plein droit
des contrats conclus intuitu personae ne ressort pas expressément du
code de commerce. Ce sont de nombreuses dispositions du code civil qui
l'admettent.
En effet l'article 2003 al 3 du code civil (relatif au mandat)
sur lequel s'est formé cette opinion, met fin au mandat en cas de
déconfiture de l'une des parties. La solution énoncée pour
la déconfiture est appliquée en cas de faillite44
De même, l'article 1865 al 4 dispose que le contrat de
société finit par la déconfiture de l'un des
cocontractants.
Dans le projet OHADA, ce principe résulte d'une
disposition expresse de l'article 107 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives selon lequel dans les contrats conclus en
considération de la personne du débiteur, la cessation des
paiements est une cause de résolution du contrat.
La détermination du caractère intuitu personae
est une question
44 Cass., Civ., 12 Novembre 1809, Dalloz, 1891, 1,
408
d'interprétation de la volonté des parties. Il
faut préciser que ces contrats peuvent ne pas être
résiliés de plein droit par le moyen d'une clause
insérée au contrat.
B - Les contrats résolus
Certains contrats sont définitivement résolus
au jour du jugement déclaratif. Ils sont donc exclus du maintien des
contrats. Cependant, d'autres ont fait l'objet d'une demande en
résolution judiciaire sur laquelle il n'a pas été
définitivement statué au jour du jugement déclaratif. Quel
est le sort de ces contrats? Enfin, il se pose le problème du sort des
contrats contenant une cause résolution expresse.
1 - Les contrats définitivement résolus
Ce sont des contrats qui au jour du jugement déclaratif
de faillite ou de liquidation judiciaire, n'existent plus.
Il s'agit en premier lieu des contrats résolus de
plein droit par une clause résolutoire expresse qui a déjà
joué avant le jugement d'ouverture. Ainsi ne constitue pas un contrat en
cours, un contrat de crédit-bail contenant une clause de
résiliation de plein droit (en cas de non-paiement à une
échéance d'un seul terme du loyer) lorsqu'avant le jugement
déclaratif, la société bailleresse a, par une lettre
recommandée avec accusé de réception,
réclamé le paiement des loyers acquis en mentionnant la sanction
qui y est attachée45.
En second lieu, nous avons les contrats dont la
résiliation est intervenue avant le prononcé du jugement
d'ouverture. C'est l'hypothèse d'un contrat de bail qui a
été résolu avant le jugement d'ouverture. Ce contrat
n'existe plus à cette date et ne peut faire partie du domaine du
maintien des contrats en cours.
En troisième lieu, nous avons les contrats qui ont
fait l'objet d'une résolution amiable entre le débiteur et son
cocontractant avant le jugement d'ouverture. Une telle résiliation est
valable et ce contrat est donc exclu du principe du maintien des contrats en
cours.
45 Aix en Provence, 17 Décembre 1976, D.,
Sirey, 1977, info., Rap., 319
Enfin, nous avons les contrats qui ont fait l'objet d'une
résolution amiable entre le débiteur et son cocontractant avant
le jugement d'ouverture. Une telle résiliation est valable et ce contrat
est donc exclu du domaine du principe du maintien des contrats en cours.
2 - Les contrats en cours de résolution
C'est l'hypothèse dans laquelle le cocontractant du
débiteur introduit une demande en résolution judiciaire bien
avant le prononcé du jugement déclaratif mais qu'à cette
date, le tribunal ne se prononce pas sur cette demande. C'est par exemple, le
cas du bailleur qui introduit une demande en résiliation du contrat de
bail pour défaut de paiement les loyers antérieurs au
jugement.
Quel est le sort d'un tel contrat ?
La jurisprudence 46 considère que lorsque
le contrat est né antérieurement au jugement déclaratif
mais que le jugement qui accorde les dommages et intérêts est
postérieur à la faillite, la date de ce jugement importe peu, car
si le droit du créancier est antérieur à la faillite, le
jugement est seulement déclaratif de droit.
Les créances de dommages et intérêts sont
considérées comme les créances dans la masse de même
que le montant des loyers impayés. Le contrat est
considéré comme né antérieurement au jugement
déclaratif et il fait partie des contrats que le syndic peut maintenir
dans le cadre de la continuation de l'exploitation. Cependant ce maintien ne
sera d'aucune utilité puisque le créancier a demandé la
résiliation du contrat.
3 - Le problème des contrats contenant une clause
résolutoire expresse
Il arrive que le débiteur et son cocontractant
insèrent dans leur contrat une clause résolutoire expresse par
laquelle le contrat sera résolu en cas de survenance d'une cessation des
paiements. Il s'est posé le problème de la valeur d'une telle
clause. En effet, l'on s'est demandé quel serait l'incidence de la
cessation de paiements sur les contrats contenant une clause résolutoire
expresse.
46 Seine Co., 1936, 6 Juillet 1936, Gaz., Pal., 1937.
2. 655, note C.
Le code de commerce ne répond pas expressément
à cette question, si bien que la jurisprudence et la doctrine
française ont essayé d'y trouver une solution. La jurisprudence
et la doctrine classique 47 admettent sans discussion de telles
clauses, par application des principes du droit commun.
Ces clauses constituent un pacte commissoire. Elles ont
l'avantage d'apporter une prompte solution à la question puisque le
contrat est résilié de plein droit. Le fondement de cette
thèse est le principe de la liberté contractuelle. Dans la mesure
où les parties ont librement convenu d'une telle clause, il y a lieu
d'en admettre la validité. Les tribunaux 48ont admis la
validité d'une telle clause dans le louage d'immeuble et le contrat de
vente de meuble notamment, quand le contrat emporte livraisons successives.
Le souci de protéger la masse a valu à
l'admission de la clause résolutoire expresse, une hostilité
croissante de la jurisprudence française 49 Cette
hostilité résulte de la crainte qu'un tel principe ne devienne
très vite une clause de style permettant au cocontractant de ne pas
demander en justice la résolution du contrat. L'on craint
également que le fonctionnement d'une telle clause, ne paralyse le droit
d'option du syndic, qualifié d'ordre public par Michel
PEDAMON50.
La cour de cassation française, 51 se
fondant sur le caractère impératif de l'article 551 al 1 du code
de commerce a jugé que la mise en oeuvre de la clause résolutoire
expresse pouvait être paralysée par l'offre d'exécution du
syndic même, lorsque la livraison des marchandises n'a pas
effectuée.
Le droit positif ivoirien, fondé sur le code de
commerce de 1807 et la jurisprudence française antérieure
à 1960, nous amène à adopter cette solution classique qui
admet la validité de telles clauses.
Pour mettre un terme à ce débat, le projet OHADA,
adoptant la position de la
47 Cass. Civ., 1er Avril 1936, D. H.,
1936, 281 ;
Cass., Civ., 1er Avril 1936, Sirey 1937, 1, 95
48 Voir arrêt précité
49
Cass. com., 29 Mai 1962, J. C. P. 1962. 2.
12886
50 Michel PEDAMON : Des clauses résolutoires
expresses pour cause de faillite ou de règlement judiciaire dans les
ventes mobilières, Dalloz 1963, chron., 145
51 Cass., com., du 29 Mai 1962,
précité
doctrine et de la jurisprudence françaises actuelles
va, par des dispositions claires trancher la question. En effet l'article 107
de l'acte uniforme sur les procédures collectives dispose clairement que
"la cessation des paiements déclarée par décision de
justice n'est pas une cause de résolution et toute cause de
résolution pour un tel motif est réputée non
écrite". Ainsi, les parties au contrat ne peuvent valablement
insérer dans leur contrat de telles clauses qui, selon le projet OHADA
sont réputées non écrites.
Les contrats en cours d'exécution ne sont pas maintenus
ipso facto, ils sont soumis à un droit d'option.
SECTION II : LE DROIT D'OPTION
Le maintien des contrats qui unissent le débiteur
à ses fournisseurs, banquiers et clients peut être
nécessaire et indispensable à la continuation de l'entreprise.
Aussi est-il instauré un régime général d'option
par lequel sont déterminés les contrats à maintenir.
Nous verrons, d'une part, comment est exercé ce droit
d'option (paragraphe I) et d'autre part, les garanties
offertes au cocontractant (Paragraphe II).
Paragraphe I - Exercice du droit d'option
Nous étudierons successivement le titulaire de l'option
(A) et les critères de l'option (B).
A - Le titulaire de l'option
Il s'agit de déterminer l'organe compétent pour
exercer le droit d'option. L'article 470 du code de commerce, en permettant au
syndic de poursuivre l'exploitation de l'activité donne à celui
ci le droit d'opter pour les contrats en cours.
Il en est de même dans le règlement judiciaire
et la liquidation des biens du projet OHADA où l'article 108 dispose que
le syndic conserve seul, quelle que soit la procédure ouverte, la
faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours.
En effet, le syndic peut avoir intérêt à
réclamer l'exécution des contrats non résiliés de
plein droit. Cette option lui est accordée en sa qualité de
représentant de la masse. Selon Yves GUYON, il est normal que le sort du
contrat dépende du choix de l'administrateur (syndic dans notre droit)
et non du cocontractant car il est le mieux informé et le plus objectif.
Ce choix fera donc prévaloir l'intérêt
général sur des considérations égoïstes des
créanciers52.
52 Yves GUYON : Entreprise en difficulté,
ed., Economica, 1989, page 224
Ce droit d'option doit-il être exercé par le seul
syndic ? La question se pose surtout dans l'hypothèse de la liquidation
judiciaire en droit positif ivoirien.
Le choix du syndic dans la faillite et la liquidation des
biens du projet OHADA se comprend, dans la mesure où c'est ce dernier
qui exerce la gestion de l'exploitation. Dans la liquidation judiciaire
où le débiteur est assisté du liquidateur, est-ce le
débiteur assisté ou le liquidateur seul qui exerce ce droit
d'option?
On dirait a priori que c'est le débiteur assisté
du liquidateur puisque celui ci reste à la tête de son entreprise
qu'il administre; le liquidateur n'étant là que pour
l'assister.
La loi de 1989 ne tranche pas cette question qui a
été l'objet d'un débat doctrinal et
jurisprudentiel53. La cour d'appel de Rennes a admis que le
débiteur peut poursuivre seul les contrats portant sur les
opérations de gestion courante. Elle lui permet ainsi d'opter pour la
continuation des contrats relatifs au domaine d'activité qui lui est
reconnu et réserve à son liquidateur, le droit d'option pour les
autres contrats -qui sont hors du domaine de compétence du
débiteur-.
Abondant dans le même sens, le Professeur Fernand
DERRIDA 54 soutient que l'option doit être confiée au
débiteur assisté du liquidateur, parce qu'une telle solution est
conforme aux règles de l'assistance55. Dans un autre
arrêt, le Pr. F. DERRIDA 56a adopté la thèse
contraire. Pour lui, la solution paraît commandée par
l'attribution de l'option au liquidateur, organe de la masse, et non au
débiteur car, cette option est étrangère à
l'assistance.
La question de l'option des contrats et la gestion de
l'exploitation sont deux questions juridiquement indépendantes qu'il ne
faut pas lier nécessairement; d'autant plus que les contrats en cours
peuvent être continués, alors que l'exploitation est
arrêtée; et celle-ci peut être poursuivie, bien que certains
contrats ne soient pas maintenus.
53 Cour d'Appel de Rennes, 26 Nov., 1974, Gaz., Pal.,
1975, 1, 294, note F. DERRID~
54 Voir arrêt précité, note F.
DERRIDA
55 Voir également, Toulouse, 25 Avril 1973,
Dalloz 1973, 490, note A. HONORAT
56
Cass. com., 22 Janvier 1974, Dalloz 1974,
p. 514 et suivants. Dans un arrêt de Novembre 1974 précité,
il a approuvé le droit d'option exercé par le débiteur
assisté du liquidateur
B - Critères de l'option
L'exercice de l'option des contrats prend en compte certains
critères. Le choix du syndic se fait selon l'intérêt que
présente le contrat pour l'entreprise. Si le coût du contrat est
plus élevé que le bénéfice tiré par
l'entreprise, le syndic pourra opter pour le non maintien d'un tel contrat et
si, au contraire, la rupture du contrat est plus désastreuse au plan
financier que son maintien, le syndic optera pour la poursuite du contrat. En
fait, il prend en compte les intérêts en présence et opte
pour la solution la plus avantageuse pour l'entreprise.
Il doit également tenir compte des
considérations financières; d'autant plus que la poursuite de
l'exploitation suppose que l'entreprise exécute les prestations qui lui
incombent57. Le syndic ou le débiteur assisté devront
prendre en compte les prestations à fournir aux cocontractants car, ils
sont appelés à les payer comptant. De même, les facteurs
complexes que sont la conjoncture économique générale,
l'état de l'entreprise, la nature et l'intérêt du contrat
seront considérés.
Paragraphe II - Modalités de l'option A - Le
délai de l'option
S'il est avéré que le syndic doit exprimer au
cocontractant son désir de continuer les contrats. La question de savoir
quand exprimer cette intention se pose.
Le code de commerce n'a pas déterminé un temps
de réflexion commun à tous les contrats sauf pour des contrats
spécifiques où, le délai d'option est expressément
fixé58.
C'est la jurisprudence qui va se charger de fixer un
délai en ce qui concerne les autres contrats. Elle admet, en fonction
des usages de la profession et selon la nature du contrat conclu que le syndic
doit manifester sa volonté dans un délai raisonnable. Ce
délai raisonnable dépendra du contrat en présence car,
57 Yves Guyon, Entreprise en difficulté, ed.
Economica, 1989, page 225
58 Ainsi dans le contrat de bail, le syndic dispose
d'un délai de 8 jours a compter de la date de dépôt au
greffe de l'état des créances pour notifier au
propriétaire son intention de continuer le bail.
certains contrats exigent un temps d'étude et de
réflexion plus ou moins long59 Il s'agit, pour la
jurisprudence de régler les désagréments que peuvent
causer au cocontractant le silence du syndic ou du débiteur
assisté de son liquidateur.
Pendant ce délai, le syndic doit examiner des facteurs
souvent complexes dont il devra tenir compte tels que, la conjoncture
économique générale, le coût du contrat et d'autres
éléments. Il doit toutefois éviter de laisser son
cocontractant dans l'incertitude.
Le projet OHADA ne fixe pas expressément un
délai de réflexion au syndic. Cependant, il prévoit que
trente jours après la mise en demeure à lui adressée par
son cocontractant, le syndic doit lui faire connaître son point de vue.
L'article 108 in fine de l'acte uniforme sur les procédures collectives
stipule que "le syndic peut être mis en demeure par lettre
recommandée ou par tout autre moyen laissant trace écrite,
d'exercer son droit d'option dans un délai de trente jours".
Cela signifie que le syndic a trente jours après la
mise en demeure à lui adressée pour se prononcer. Au cas
où il ne le ferait pas, il sera réputé avoir
renoncé au contrat qui sera alors résilié de plein
droit.
Quelle forme doit revêtir le consentement du syndic ?
B - Mode d'expression de la volonté du
syndic
Dans les cas où il prévoit un délai, Le
code de commerce ne détermine pas la forme que doit revêtir le
consentement du syndic ou du débiteur assisté du liquidateur. Ce
point à fait l'objet d'un débat en doctrine et en
jurisprudence.
59 Nancy, 23 Mai 1894, 2. 227.
Il était question d'un contrat de vente de
marchandises non encore livrées, à l'égard duquel le
syndic devait exercer son droit d'option. Après avoir reconnu que
l'article 578 du code de commerce ne fixait aucun délai pour la
levée de l'option, la cour a décidé que l'esprit de la loi
exige que le syndic ou le liquidateur réponde le plus vite; et que
spécialement en espèce, on ne saurait considérer comme
excessif le délai d'un mois entre la mise en demeure adressée au
liquidateur et la réponse de celui-ci, vue l'importance
particulière du marché.
Certaines juridictions 60ont admis qu'en l'absence
de disposition particulière, rien n'oblige le syndic à manifester
expressément sa volonté, qu'il suffit pour déclarer un
contrat poursuivi, de relever à la charge de ce dernier, un fait nouveau
et positif d'adhésion à la convention.
Pour RIPERT et ROBLOT 61toute manifestation de
volonté du syndic doit être retenue, pourvu qu'il soit
établi que celui ci réclame l'exécution du contrat au
profit de la masse. Il appartiendra au cocontractant d'en apporter la
preuve62. Cette expression de volonté peut être
déduite du fait pour le cocontractant d'avoir tenté à
plusieurs reprises, la cession amiable puis judiciaire du fonds de commerce
dont le droit au bail représente un élément important.
Ces argumentations doctrinales et jurisprudentielles sont
justifiées car en droit contractuel, la volonté peut s'exprimer
de plusieurs manières, pourvu qu'elle soit décelée par les
cocontractants. Les contrats conclus dans les procédures collectives ne
sont pas en reste. Lorsque le syndic ou le débiteur assisté
optent pour la poursuite des contrats en cours, des charges leur incombent.
Ceux ci sont soumis à des obligations qui ont pour but de garantir les
droits du cocontractant.
Paragraphe III - Les effets de l'option
L'article 1134 du code civil pose le principe de la force
obligatoire des contrats. En effet selon cet article, "les conventions
légalement formées tiennent lieu de loi pour ceux qui les ont
faites". Par la levée de l'option, le syndic s'oblige à
l'égard de son cocontractant, envers qui il doit exécuter sa
prestation.
60 Paris, 23 Janvier 1931, Dalloz, Hebdo., 1931, p.,
154
61 Ripert et Roblot, Traité
élémentaire de droit commercial, L. G. D. J.,
5ème édition, 1964, p., 419
62
Cass. com., 2 Mars 1949, Dalloz, 1949,
361, note BOYER;
Cass. com., 9 Nov., 1904, Dalloz, 1905, I,
489
La cour a déduit l'intention du syndic de l'usage par
ce dernier des objets loués. Pour elle, l'intention de reprendre le
contrat se trouve suffisamment démontrée lorsque le syndic
continue à utiliser la chose louée sans répondre à
la lettre du cocontractant lui demandant s'il veut l'exécution du
contrat de location.
Il y a lieu de désapprouver une telle solution. En
effet, la volonté tacite est déduite d'un acte positif accompli
par le syndic et ne peut résulter du seul silence de ce dernier. Selon
un principe en vigueur en matière contractuelle, le silence ne vaut
consentement.
A - Obligation de fournir sa prestation
1 - Le principe de l'exécution de tout le
contrat
Lorsque le syndic réclame l'exécution des
contrats, il a l'obligation d'assumer les prestations dont était tenu le
débiteur qu'il représente. Il doit donc respecter toutes les
conditions du contrat notamment, exécuter sa prestation telle quelle
résulte du contrat car, l'ouverture d'une procédure collective
n'est pas un cas de force majeure exonérant le syndic de sa
responsabilité en cas d'inexécution du contrat63.
Selon la cour de cassation, le syndic commet une faute contractuelle en
n'exécutant pas ses engagements.
Cette mesure vise à ne pas laisser le cocontractant
à la merci du syndic qui serait tenté de ne pas exécuter
ses obligations. En réclamant l'exécution du contrat, le syndic
prend l'engagement d'exécuter les obligations du débiteur. Ainsi,
dans le cadre de la vente il doit payer le prix; en cas de location, il doit
s'acquitter du montant du loyer.
Cette obligation de fournir la prestation due, ressort (dans
le contrat de bail) de l'article 450 al. 3 du code de commerce qui dispose que
le syndic doit maintenir l'affectation des locaux loués à l'usage
du commerce et de l'industrie, en exécutant au fur et à mesure
des échéances, toutes les obligations résultant du droit
de la convention dont le paiement du loyer.
C'est le contrat en cours qui est exécuté, il n'y
a ni novation, ni renouvellement et ce sont donc les prestations
prévues au contrat qui s'appliquent. Le syndic ne peut faire un choix
pour écarter les clauses qui lui paraissent inopportunes comme
par exemple, une clause attributive de compétence et une clause
compromissoire64. Il a également l'obligation
d'exécuter le contrat jusqu'à son terme normal, tel qu'il a
été prévu à l'origine par le débiteur et son
cocontractant. Il ne saurait prétendre que le contrat ne
présente plus d'intérêt pour la masse et demander sa
63 Cass., soc., 7 janvier 1955, Bull., Civ., 4, n° 151 in
Charles KOUASSI : Traité des faillites et liquidations Judiciaires, ed.,
SOCOGEC, 1987, p. 135, n°344 ;
voir aussi RIPERT et ROBLOT: Traité
élémentaire de droit commercial, L.G.D.J. ed., 1964, p. 415
§ 2996
64 C. A., Paris, 31 Janv., 1963, J.C.P. ,1963. 1. 13083 et
Cass., com., 17 janvier 1956, R.T.D. Com., 1956, 116, obs. HOUIN
résolution.
2 - Exception : Le non paiement des arriérés
antérieurs au jugement déclaratif
Le syndic est-il tenu d'exécuter les engagements
antérieurs au jugement d'ouverture ? C'est une question
d'actualité.
L'obligation pour le syndic d'exécuter les prestations
résultant de son option ne fait pas de doute. Cependant le
problème se pose lorsqu'il est question des obligations
inexécutées par le débiteur avant le prononcé d'une
procédure collective.
Certains créanciers de droits successifs notamment,
dans les locations de meubles et de fournitures d'électricité
65ont entendu subordonner la continuation du contrat au
règlement intégral de l'arriéré de leurs
créances.
L'intérêt de la question se situe dans le fait
que, s'il est admis que la masse doit prendre intégralement les
obligations inexécutées du débiteur, le syndic doit payer
ces arriérés avant la poursuite du contrat par le cocontractant.
Cela peut en réalité poser des problèmes si ce contrat
s'avère indispensable pour la poursuite de l'exploitation.
Deux intérêts sont en jeu : celui de la masse
représentée par le syndic et celui du cocontractant. Le code de
commerce et le projet OHADA permettent à la masse d'exiger
l'exécution des contrats en cours mais ne précisent pas davantage
l'étendue de l'obligation qui lui incombe; de sorte qu'il n'est pas
précisément déterminé si le syndic est tenu
d'exécuter les prestations que le débiteur n'a pas
honorées avant le jugement d'ouverture.
C'est la jurisprudence et la doctrine qui vont essayer de
répondre à la question. Certains auteurs comme Percerou et
Desserteaux66admettent que dans les contrats successifs notamment,
dans la location des meubles, la masse n'est pas seulement débitrice des
loyers à échoir mais, également de l'exécution des
obligations antérieures au jugement d'ouverture.
65
Cass. com., 19 octobre, 1970, Bull., civ.,
IV, n° 271
66 PERCEROU et DESSERTEAUX: Des faillites et Banqueroutes, de la
liquidation judiciaire, 2 ème ed., T., 2, n° 596
De même, dans les ventes de marchandises, ils
considèrent que la masse ne peut réclamer la livraison du solde
des marchandises en offrant de payer seulement le prix de celles-ci; à
moins que dans l'intention des parties, les différentes livraisons ont
pu être considérées comme des ventes distinctes. Ces
auteurs se fondent sur le caractère unique et indivisible de ces
contrats qui impliquent -selon eux- que les obligations antérieures
doivent être accomplies préalablement à l'exécution
des obligations résultant de la levée de l'option comme l'a
jugé la cour de cassation française67.
La jurisprudence française 68récente
a rejeté cette prétention en se fondant sur le principe de la
prohibition du règlement préférentiel et sur le respect de
l'égalité des créanciers qui implique que, les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture doivent produire
à la masse leurs créances pour le reliquat qui leur est dû.
Ainsi, le syndic n'a l'obligation d'accomplir que les prestations qui lui
incombent, à compter de la levée de l'option.
Il y a lieu d'abonder dans le même sens que la cour de
cassation car, le principe de la prohibition du paiement
préférentiel s'oppose à ce qu'un traitement de faveur soit
accordé au cocontractant; ce qui serait le cas si le paiement des
arriérés était admis.
La cour de cassation admet que l'obligation de produire
à la masse le reliquat des sommes dues au cocontractant ne peut
être écartée que, s'il existe entre les prestations
convenues au contrat une indivisibilité naturelle absolue. Ainsi,
l'indivisibilité contractuelle prenant sa source uniquement dans la
convention des parties et qui deviendraient très vite une clause de
style que certains professionnels particulièrement avertis
inséreraient dans tous leurs contrats, ne peut écarter cette
obligation car, elle ruinerait totalement le principe sus
énoncé.
L'application de cette réglementation pose des
problèmes concernant le crédit
67 Cass., Civ. ,2 Juillet 1924, D., P. ,1926. 1.95
68 Cass., com., 22 Janv., 1974, D., S., 1974, 514 note F.
DERRIDA
Cass., com., 22 Janv.,1974, Dalloz Sirey, 1974, 514, Gaz.,
Pal;1974, 1, 445, note LEGARCHER- BARON
bail, en raison de la nature particulière de ce contrat
69
L'on s'est également demandé si le syndic peut
prendre l'engagement de verser l'intégralité des loyers
arriérés. Si un tel accord n'est pas contraire au principe de
l'égalité entre les créanciers chirographaires et s'il ne
constitue pas un traité particulier, nul en vertu de la loi.
La cour de cassation n'a pas admis un tel raisonnement. Elle
a jugé et admis le principe selon lequel70 l'article 6 de la
loi du 4 mars 1889, en permettant au débiteur assisté du
liquidateur de poursuivre l'exploitation du commerce avec l'autorisation du
juge commissaire, autorise par là même ce dernier à
continuer les contrats antérieurement conclus et à prendre en
charge toutes les obligations qui en découlent.
Elle a également estimé en l'espèce que,
la poursuite du contrat de location de machines ressortit à la poursuite
de l'exploitation et l'engagement de payer les arriérés au
cocontractant ne peut dès lors être considérés, ni
comme un paiement anticipé, ni comme un traité
particulier71.
Pour éviter le rebondissement de la discussion, le
législateur français a
69 Certains auteurs estiment que le syndic n'a pas à
payer à titre préférentiel les mensualités avant
l'ouverture de la procédure même si l'option d'achat est
levée en fin de contrat. Pour d'autres, c'est la solution contraire qui
doit s'appliquer en raison de l'indivisibilité des prestations. Le Pr
Fernand DERRIDA tout en reconnaissant que le versement d'une partie seulement
de la somme convenue entraîne un déséquilibre total du
contrat conclu, soutient que même à l'égard du
crédit bail, le syndic ne doit payer que les sommes dues à
compter de son option; car dit-il cette observation n'est pas
étrangère aux autres contrats
70 La cour de cassation a cassé
l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble du 06 Janvier 1958 qui avait
reformé le jugement du tribunal civil de Saint Marcellin du 13 Nov.,
1956, Dalloz, 1957, note crit., F. Gore. La cour d'appel de Grenoble avait
imposé au syndic qui a opté pour la continuation d'un contrat, a
payer les arriérés dus au cocontractant, voir R. T.
D. Com., 1961. 163, n° 45, obs., Houin
ou encore, R. T.
D. Com., 1957, 457, n° 20, obs.,
HOUIN
71 Cass. , com., 22 Janv., 1974, D., 1974, p. 514
et suivant. Le Pr Fernand DERRIDA soutient que lorsque le syndic s'engage
à régler les créances antérieures, cet engagement
doit être respecté. La cour de cassation a confirmé cette
solution dans un arrêt en date du 6 Fév. 1957, Bull. civ., III,
n° 46, p. 38
En de multiples circonstances, le syndic peut être
amené à prendre de tels engagements ; il en est ainsi notamment
quand il veut préserver la valeur du fonds de commerce. Par exemple,
pour l'exploitation d'un bar et le maintien du rayon tabac. Si le syndic ne
s'engage pas à payer à la régie les fournitures faites
avant le jugement, celle-ci met fin à la licence qu'elle peut
révoquer unilatéralement et ad nutum. Pour préserver au
mieux la valeur du fonds, le syndic agit dans l'intérêt de la
masse en prenant à sa charge les prestations exécutées
avant le jugement.
clairement consacré la solution de la jurisprudence en
ces termes. "Lorsque le syndic ou le débiteur réclame la
continuation d'un contrat, le cocontractant doit remplir ses obligations
malgré le défaut d'exécution de ses engagements, il
n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au
passif".
Le législateur ivoirien pourrait faire de même afin
de mettre fin à ce débat.
B - Garanties offertes au cocontractant
Elles ont pour but de ne pas laisser le cocontractant
à la merci du syndic ou du débiteur assisté lorsque
ceux-ci ne s'exécutent pas. Le cocontractant dispose de trois moyens de
protection:
· L'exception d'inexécution ou le droit de
rétention;
· Il peut également mettre fin au contrat en
demandant la résolution du contrat ;
· Aux termes de cette résolution, des dommages et
intérêts peuvent lui être octroyés.
1 - L'exception d'inexécution
Elle résulte d'une transposition en droit commercial
de ce principe qui existe en droit civil. C'est un moyen offert au
cocontractant en présence d'un contrat synallagmatique dans lequel,
chaque partie s'est engagée en vue d'obtenir de l'autre,
l'exécution de la contre prestation promise en retour. L'obligation de
l'un ayant sa cause dans celle de l'autre, si l'un des cocontractants ne
remplit pas ses engagements, le but poursuivi par l'autre partie ne peut plus
être atteint et, par conséquent, son obligation devient sans
cause.
Dans les contrats synallagmatiques, les deux obligations
doivent être exécutées simultanément, trait pour
trait72. Chacune des parties n'est en droit
72 Jean Carbonnier, Les obligations, T., 4,
Thémis, Droit, P. U. F., page 304, n° 84
d'exiger la prestation qui lui est due, qu'autant qu'elle offre
d'exécuter la sienne.
Ainsi, le syndic ou le débiteur assisté ne
peuvent exiger la prestation à eux due, que s'ils exécutent la
leur. Réciproquement, le cocontractant peut se refuser à
exécuter sa prestation tant que son partenaire n'offre pas lui
même d'exécuter la sienne. Ce refus se manifestera par une
exception, (au sens procédural du terme, l'exception de contrat non
accompli) conséquence de l'interdépendance des obligations dans
les contrats synallagmatiques
Ce principe a une origine jurisprudentielle. Cependant, il a
été codifié par le projet OHADA dans son article 108 al 2
qui stipule que, "lorsque le contrat est synallagmatique et que le syndic n'a
pas fourni la prestation promise, l'autre partie peut soulever l'exception
d'inexécution".
Cette exception d'inexécution n'entraîne qu'un
ajournement de l'exécution des obligations et non leur disparition; de
sorte que si le syndic s'exécute, le contrat reprendra son cours normal.
Lorsque l'obligation du cocontractant a pour objet la livraison d'une chose,
l'exception se traduit par l'exercice du droit de rétention. Par
exemple, le vendeur peut refuser de livrer la marchandise puisque
l'acquéreur en état de cessation des paiements ne peut payer le
prix. Le cocontractant usant du droit de rétention ne peut vendre
l'objet retenu.
Au lieu de soulever cette exception, le cocontractant peut
préférer sortir de ce contrat qui bat de l'aile et le faire
disparaître définitivement. Aussi l'article 1184 du code civil lui
ouvre-t-il une action en justice aux fins de résolution.
2 - La résolution judiciaire
Elle est présentée par les textes comme le
résultat d'une condition résolutoire dont les contractants
auraient tacitement convenu dans tout contrat synallagmatique, chacun
étant censé ne s'être engagé à la condition
que l'autre ne manquerait pas à ses engagements. Le cocontractant qui ne
peut pas rester définitivement engagé dans le contrat en se
contentant d'user défensivement de l'exception d'inexécution
peut, s'il veut se dégager, assigner l'autre partie en
résolution; parce que la résolution ne résulte pas de la
renonciation tacite du syndic ou du débiteur assisté à la
continuation du contrat.
La résolution judiciaire est fondée sur
l'inexécution par le débiteur de ses obligations. Cette
inexécution est assimilée à une faute.
Lorsque la résolution est prononcée, elle a un
effet rétroactif. En principe, le contrat est considéré
comme n'ayant jamais été conclu, il cesse de produire des effets
dans l'avenir.
Toutefois, dans les contrats à exécutions
successives, la résolution ne produit d'effets rétroactifs que
sous réserve des règles spéciales en matière de
procédure collective. Ainsi par exemple, dans les ventes
d'objets-mobiliers, le cocontractant ne peut pas revendiquer les marchandises
qu'il a déjà livrées.
Il doit plutôt restituer les acomptes qu'il a
reçus. Dans ces contrats, la résiliation ne produit d'effet que
pour l'avenir. Le cocontractant, notamment le salarié ou le bailleur
demeure créancier pour les salaires ou les loyers échus
antérieurement au jugement déclaratif mais également pour
ceux qui ont couru depuis ce jugement déclaratif.
Le cocontractant qui agit en résolution peut demander des
dommages et intérêts. 3 - L'octroi de dommages et
intérêts
L'ouverture d'une procédure collective ne constitue
pas en principe, un événement de force majeure exonérant
le débiteur de sa responsabilité en cas d'inexécution du
contrat. Le défaut d'exécution du syndic ou du débiteur
assisté, constitue une faute contractuelle73. Le
cocontractant qui agit en résolution, peut réclamer des dommages
et intérêts pour le préjudice qui lui est causé par
cette résolution74.
73 Cass., soc., 7 Janvier, 1955, Bull., civ., 1955,
4, n° 151
74 La jurisprudence a toujours accordé des dommages et
intérêts à l'acquéreur obligé de demander la
résolution de son contrat en cas de faillite du vendeur. Elle les a
accordés également au bailleur en cas de faillite du locataire,
qu'il s'agisse d'un bail d'immeuble ou de la location de choses
mobilières.
Cass. civ., 15 janvier 1900, D. 1901. 1. 25 note LACOUR
Cass. civ., 15 janvier S. 1900. 433 note LYON-CAEN
Ce principe, énoncé par la jurisprudence
française est consacré par l'article 109 al 1 du projet d'acte
uniforme sur les procédures collectives. Cet article précise
également que le montant de ces dommages et intérêts doit
être produit au passif de la masse et au profit du cocontractant qui
devra donc produire sa créance à la masse. Dans ce cas, il entre
en concours avec ces créanciers.
Une clause contractuelle du contrat résolu ou
résilié peut fixer forfaitairement ce montant. Lorsque la
résolution du contrat intervient alors que le cocontractant avait
reçu des acomptes pour des prestations qu'il n'a pu honorer, il a
l'obligation de les restituer immédiatement sans possibilité de
les compenser avec les dommages et intérêts à lui dus pour
la résolution ; dans la mesure où il n'est pas encore
statué sur ces dommages et intérêts.
Cependant, la juridiction saisie de l'action en
résolution peut prononcer cette compensation entre les dommages et
intérêts et l'acompte reçu par le cocontractant.
Le tribunal peut également autoriser ce dernier
à différer la restitution de ces acomptes jusqu'à ce qu'il
ait été statué sur les dommages et intérêts.
La compensation entre ces deux créances est admise dans la mesure
où elles naissent du même contrat; même si elles ne
présentent pas les conditions requises pour la compensation
légale avant le jugement déclaratif.
La jurisprudence a étendu la notion de
connexité à d'autres hypothèses. Ainsi dans un
arrêt, 75 la cour de cassation déclare compensables une
dette de nature contractuelle et une dette de nature délictuelle. En
l'espèce, une société a été traduite en
justice par le syndic d'un entrepreneur, pour le paiement des travaux
effectués à son profit avant l'ouverture de la procédure.
La chambre commerciale lui a reconnu le droit de compenser sa dette avec la
créance de dommages et intérêts dont elle se
prétendait titulaire, en raison de vols commis à son
détriment par les préposés de cet employeur. La cour s'est
fondée sur le motif que ces dettes étaient nées à
l'occasion du même contrat qui en avait été la condition
nécessaire.
C.A. Paris, 21 avril 1934, Gaz. Pal. 1934. 2 . 134
75 Cass., com., 2 Juillet 1973, Dalloz, 1974. 427,
note J. GHESTIN, C. A. Paris, 27 Juin 1975, D., 1975, somm., 114
CHAPITRE II : REGIME SPECIAL DU MAINTIEN DE L'EXECUTION
DE
CERTAINS CONTRATS
En dehors du régime général de maintien
des contrats en cours, existent des réglementations originales
concernant certains contrats, eu égard à leur importance et au
souci du législateur de protéger certains créanciers. Ces
contrats sont maintenus mais des aménagements leur seront
apportés.
Ils sont nombreux mais nous en étudierons deux en
montrant les particularités qu'ils renferment. Ce sont le contrat de
bail (SECTION I) et le contrat de travail (SECTION
II).
SECTION I : LE CONTRAT DE BAIL
Le droit des procédures collectives restreint et
modifie considérablement le droit du bailleur. En effet, le
législateur a estimé que la location d'immeuble est très
utile à la masse, surtout pendant la continuation du commerce. C'est la
raison pour laquelle il favorise le maintien du contrat de bail en
réduisant les droits du bailleur dans la faculté d'obtenir la
résiliation du bail (paragraphe I) et dans l'exercice
du privilège du bailleur (paragraphe II).
Paragraphe I - La restriction du droit de
résiliation du bailleur Elle se caractérise par:
· l'absence de résiliation de plein droit;
· l'aménagement des conditions de résiliation
après le jugement d'ouverture A - Absence de
résiliation de plein droit
L'ouverture d'une procédure collective d'apurement du
passif n'entraîne pas de plein droit la résiliation du bail
affecté à une exploitation commerciale.
L'article 450 du code de commerce relatif à la
faillite et la liquidation judiciaire, par application de l'article 24 de la
Loi du 4 mars 1889 admet le principe de la non résiliation de plein
droit. Elle permet ainsi au syndic de notifier au bailleur son intention de
poursuivre le contrat dans un délai de huit jours, à compter de
la date de dépôt au greffe de l'état des créances.
C'est donc au syndic ou au débiteur assisté du liquidateur qu'il
revient d'opter pour la continuation du contrat.
Le bailleur ne peut pendant ce délai de
réflexion demander la résiliation du contrat de bail. Pour
laisser au syndic le temps d'opter en connaissance de cause entre la poursuite
et la résiliation du bail, l'article 450 al 3 suspend toutes les
voies d'exécution du bailleur sur les meubles servant
à l'exploitation du commerce ou de l'industrie du failli.
Le projet OHADA admet également ce principe dans son
article 97 qui stipule expressément que "l'ouverture de la
procédure collective n'entraîne pas de plein droit la
résiliation du bail des immeubles affectés à
l'activité professionnelle du débiteur y compris les locaux
dépendant de ces immeubles servant à l'habitation du
débiteur ou de sa famille".
Le souci du droit positif ivoirien et de la réforme
OHADA est le même: permettre la continuation de l'exploitation dans les
locaux de l'entreprise. Une rupture brusque du contrat de bail affecterait
cette poursuite, en dispersant la clientèle; ce qui compromettrait
inéluctablement les objectifs projetés.
La jurisprudence française l'a réaffirmé
dans un jugement du tribunal civil de la Seine 76qui a
décidé que, «la déclaration de faillite du preneur ne
constitue pas une cause de résiliation du bail des locaux où
s'exploite le fonds de commerce».
B - Aménagement des conditions de
résiliation agrès le jugement d'ouverture
Si la résiliation de plein droit n'est pas admise, il
faut souligner que l'on admet au contraire, la possibilité pour le
bailleur de demander la résiliation dans des délais
précis, contrairement au droit commun. En effet en droit commun, le non
paiement des loyers est un motif de résiliation du bail par le
propriétaire qui à cet effet, peut saisir le tribunal sans
délai.
Le droit de la faillite n'ignore pas cette règle mais
en a modifié la procédure à l'avantage du syndic ou du
débiteur assisté, en limitant le droit du bailleur de demander la
résiliation à un délai précis. C'est l'article 450
du code de commerce qui prévoit cette durée. Selon cet article
(qui s'applique également à la liquidation judiciaire en vertu de
l'article 24 de la Loi du 4 mars 1889), lorsque le syndic a notifié
76 Trib., civ., de la Seine, 5 Février, 1948,
Dalloz, 1948. 198
son intention de poursuivre le bail au propriétaire,
ce bailleur peut former sa demande en résiliation dans les quinze jours
suivant la notification faite par le syndic. Sa demande en résiliation
ne peut être introduite avant cette période de quinze jours. Ce
délai est impératif et il doit être respecté par le
bailleur. Au cas où il ne le respecterait, il sera réputé
renoncer à se prévaloir des causes de résiliation
déjà existantes à son profit.
L'article 97 al 3 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives du projet OHADA stipule que le bailleur qui
entend faire constater la résiliation pour des causes
postérieures à la décision d'ouverture, doit introduire sa
demande dans le délai de quinze jours à dater de la connaissance
de la cause de résiliation.
La résiliation pour cause postérieure à
la faillite est prononcée lorsque les garanties offertes par le
locataire (représenté par le syndic agissant au nom de la masse)
sont jugées insuffisantes par la juridiction compétente, pour
garnir le privilège du bailleur.
La notion de garantie insuffisante a été
précisée par la jurisprudence française.
Dans un arrêt, la cour d'appel de Montpellier
77 a jugé qu'il appartient au juge de rechercher si le
locataire présente ces garanties légales. Ainsi a-t-elle
décidé que, le fait pour un locataire de garnir les locaux du
fonds de meubles, de rayonnages et une installation électrique,
propriétés du preneur, le fait qu'il entend y reconstituer son
commerce et donner au fonds la destination prévue au bail, le fait qu'il
ait avisé la banque qu'il déposait le montant d'une année
de loyers, constitue des garanties offertes au bailleur.
Dans un autre arrêt, le tribunal civil de Nantes
78 va refuser de prononcer la
77 C.A. Montpellier 2 Nov. 1927 D.H. 1928 P. 95
78 Trib., civ., de Nantes, 1 Février 1956, Dalloz,
1956, P. 247. Le tribunal a jugé que le fait pour le propriétaire
d'invoquer le non paiement des loyers depuis deux ans, la fermeture du magasin
dépourvu du matériel, de marchandises et de
déprédations dans les lieux ne saurait obtenir la
résiliation, alors que les deux premières raisons qu'il invoque
peuvent l'être dans presque tous les cas de faillite et aboutiraient
à une résiliation automatique des baux; qu'elles n'ont de valeur
que lorsque viennent s'y ajouter de légitimes craintes de voir la
situation se prolonger en cas de continuation.
résiliation lorsque le syndic a obtenu d'un tiers,
l'engagement de se porter enchérisseur à un prix
déterminé, en cas de licitation du fonds et du droit au bail,
d'observer les clauses et conditions du bail quant aux réparations. Pour
le tribunal, ces mesures constituent des garanties assurant le
propriétaire du paiement des loyers en retard. La jurisprudence
apprécie avec beaucoup de rigueur l'insuffisance ou non des garanties
exigées.
L'alinéa 4 de l'article 97 du projet OHADA stipule
que, la demande de résiliation pour cause antérieure au jugement
d'ouverture doit être introduite dans le deuxième mois suivant la
deuxième insertion au journal d'annonces légales. Les causes de
résiliation antérieures au jugement sont en
général, les non paiement des loyers échus avant cette
date. Le bailleur aura à introduire sa demande dans le délai sus
indiqué.
Paragraphe Il - Restriction du privilège du
bailleur
En droit commun, le bailleur bénéficie d'un
privilège mobilier spécial qui garantit le paiement des
loyers.
Ce principe est énoncé par l'article 2102 du code
civil qui étend ce privilège aux meubles garnissant les lieux
loués.
Dans le cadre des procédures collectives, ce
privilège sera aménagé relativement au montant des
créances privilégiées.
En droit commun, le privilège du bailleur couvre tous
les loyers échus et à échoir pendant la durée du
bail, lorsque celui-ci est conclu par acte authentique ou à une date
certaine. Il s'agit des contrats établis par un officier public dont les
affirmations font foi jusqu'à inscription de faux et des contrats dont
la date ne peut être contestés par les tiers car, celle-ci
étant garantie par un titre juridique.
Lorsque ce contrat est résilié, le bailleur
peut voir le total de ces loyers lui être payés en
priorité; ce qui présente des inconvénients pour la
continuation. En effet, faits en général pour une longue
durée, les contrats de bail sont enregistrés et les loyers sont
souvent élevés; d'où une production
privilégiée du bailleur pour des sommes considérables. Ce
privilège porte sur tous les objets mobiliers garnissant les
lieux loués. Pour un débiteur civil, ce
mobilier ne représente qu'une partie de la fortune. Au contraire, pour
un local industriel ou commercial, il comprend le matériel et les
marchandises, c'est à dire les éléments les plus
importants du fonds de commerce79.
Aussi dans le désir d'augmenter le crédit
chirographaire des commerçants, la Loi du 12 février 1872
applicable en droit ivoirien et incorporée au code de commerce, a-t-elle
restreint ce privilège du bailleur. L'article 550 al 1er du code de
commerce et l'article 24 de la Loi du 4 mars 1889 rendant applicable à
la liquidation judiciaire les dispositions sur la faillite, disposent que "si
le bail est résilié, le propriétaire d'immeubles
affectés à l'industrie ou au commerce du débiteur aura
privilège pour les deux dernières années de location
échues avant le jugement déclaratif et pour l'année
courante, pour tout ce qui concerne l'exécution du bail" (par exemple
les accessoires de loyers, eau).
Les deux années échues
privilégiées se calculent en prenant pour point de départ
la date à laquelle a commencé le bail. Si par exemple, le bail a
commencé le 1er janvier 1980 et que le jugement d'ouverture intervient
le 1er janvier 1984, les deux années privilégiées sont
celles qui se placent entre le 1er janvier 1982 et le 1er janvier 1984.
L'année courante est le temps qui s'écoule entre le dernier
anniversaire du commencement du bail avant la résiliation et la date de
résiliation.
Si le bail n'est pas résilié, le bailleur, une
fois payé de tous les loyers échus, ne pourra pas exiger le
paiement des loyers en cours ou à échoir, si les
sûretés qui lui ont été données lors du
contrat sont maintenues, ou si celles qui lui ont été fournies
depuis la faillite ou la liquidation judiciaire sont jugées suffisantes.
Il faut comprendre que si le bail n'est pas résilié et que les
meubles garnissant les lieux loués sont enlevés, le bailleur
pourra exercer son privilège comme au cas de résiliation, et en
outre pour une année à échoir à partir de
l'expiration de l'année courante, que le bail ait ou non date certaine
selon l'article 550 du code de commerce et l'article 24 de la Loi du 4 mars
1889.
79 RIPERT et ROBLOT: Traité élémentaire de
droit commercial, T2 , 13 ed., L.G.D.J., p. 1207, N°3266
Dans le projet OHADA, ce délai est beaucoup plus
réduit qu'en droit positif. En effet dans la réforme, ce
délai est relatif aux douze derniers mois selon l'article 98 de l'acte
uniforme sur les procédures collectives qui stipule que "si le bail est
résilié, le bailleur a privilège pour les douze derniers
mois de loyers échus avant la décision d'ouverture ainsi que pour
les douze mois échus ou à échoir postérieurement
à cette décision".
SECTION II : LE CONTRAT DE TRAVAIL
En cas d'ouverture d'une procédure collective
d'apurement du passif, les salariés de l'entreprise sont les plus
touchés. Très souvent, ils perdent leur emploi et se retrouvent
au chômage, au détriment de leur famille. En raison de cet aspect
social, il est apparu nécessaire, voire urgent de les protéger,
d'autant plus qu'ils subissent les conséquences d'une situation dont ils
ne sont pas forcément responsables. Aussi, a-t-il été
institué le maintien de plein droit des contrats de travail en cas de
poursuite de l'activité d'une entreprise en faillite ou en liquidation
judiciaire.
Désormais, ces procédures collectives ne sont
pas considérées comme des cas de force majeure exonérant
l'employeur. Celui ci est tenu de maintenir les contrats de travail en cours
(Paragraphe I).
Il peut toutefois apparaître que le maintien en
fonction de tout le personnel soit difficile en raison des difficultés
économiques que connaît l'entreprise. Le syndic ou le
débiteur assisté peuvent procéder à des
licenciements. La faillite ou liquidation judiciaire sera dans ce cas un motif
économique de licenciement (Paragraphe II).
Paragraphe I - La faillite et la liquidation
judiciaire ne sont pas un cas de force majeure
Pour justifier les licenciements qu'ils effectuaient, les
employeurs assimilaient la faillite ou la liquidation judiciaire à un
cas de force majeure. Ce motif a été rejeté par le code du
travail ivoirien (en son article L-1615) qui stipule que les contrats de
travail ne peuvent être "rompus" pour cause de faillite ou liquidation
judiciaire (A) mais qu'au contraire, ils sont maintenus de
plein droit (B).
A - Absence de rupture du contrat de travail pour
cause de faillite ou liquidation judiciaire.
Un débiteur en faillite ou liquidation judiciaire ne
peut se prévaloir de ce fait pour licencier son personnel ipso facto,
car l'ouverture d'une procédure collective n'est pas un cas de force
majeure.
La notion de force majeure s'entend des faits et
événements provenant d'une cause étrangère non
imputable au débiteur qui ont mis un obstacle à l'accomplissement
complet et régulier de ses obligations. Une telle notion qui s'applique
en général aux contrats, ne saurait en aucun cas s'adapter
à la faillite ou liquidation, dans la mesure où celles-ci
proviennent du fait personnel du débiteur et souvent de sa faute. C'est
pourquoi le code du travail ivoirien en son article L-16-5 dispose que "la
cessation de l'entreprise, sauf en cas de force majeure, ne dispense pas
l'employeur de respecter les règles établies. La faillite et la
liquidation judiciaire ne sont pas considérées comme des cas de
force majeure".
Le code du travail ivoirien a codifié la position de la
doctrine et la jurisprudence française dominantes. En effet, la cour
d'appel de Rouen 80a jugé que "la faillite ne délie
pas le débiteur de ses engagements, qu'elle ne constitue pas un cas de
force majeure mais qu'elle résulte dans l'espèce jugée, de
l'inconduite et de la vie de désordre du débiteur; que même
dans le cas où elle a pour cause le malheur, on ne saurait dire qu'avec
une plus grande prudence, une prévoyance plus pénétrante
qu'on ne l'aurait pas évitée".
La faillite ne présente pas les caractères d'une
force supérieure à laquelle la volonté humaine est
absolument impuissante à résister. Ainsi, la mise en liquidation
judiciaire ne rompt pas le contrat de travail en cours81.
Dans le projet OHADA, ce principe ressort indirectement de
l'article 110 de l'acte uniforme sur les procédures collectives
d'apurement du passif qui ne prévoit les licenciements que lorsqu'ils
ont urgents et indispensables.
80 C. A., Rouen, 27 août 1873, D. 1876. II. p.
62-63
81 Ch . req. 27 avril 1937, D., 1937, P. 330
On peut dire que le principe est le maintien des contrats de
travail et l'exception, le licenciement lorsqu'il est urgent et
indispensable.
B - Maintien de plein droit des contrats de travail
Le jugement de déclaratif de faillite ou de
liquidation judiciaire n'éteint pas d'office le contrat de travail.
Lorsque la continuation de l'exploitation est décidée, ces
contrats subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.
Ce principe ressort de l'article L -11-8 du code de travail qui stipule que
"s'il survient un changement d'employeur, personne physique ou morale, tous les
contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le
nouvel entrepreneur et le personnel de l'entreprise".
Dans le projet OHADA, ce maintien des contrats n'est pas
expressément prévu. Toutefois par l'interprétation
à contrario de l'article 110 de ce projet- qui prévoit les
licenciements dans des cas particuliers-, nous pouvons déduire que le
principe en la matière est le maintien des contrats de travail.
La cour de cassation française 82 a
affirmé ce principe en décidant que "dès lors qu'une
entreprise continue à fonctionner sous une direction nouvelle, les
salariés de cette entreprise sont liés automatiquement à
leur nouvel employeur sans aucune solution de continuité, quelque soit
la modification survenue dans la situation de l'employeur.
Selon cette juridiction, l'admission de l'employeur au
règlement judiciaire (liquidation judiciaire en droit positif ivoirien)
suivie de l'autorisation de continuation de l'exploitation donnée par le
juge commissaire, a placé la masse dans une situation identique à
celle de tout nouvel employeur reprenant la direction d'une entreprise dont
l'activité est restée la même. La masse est donc
légalement tenue de reprendre à sa charge les contrats de
travail.
S'il est vrai que le syndic ou le débiteur
assisté est tenu de maintenir les
82 Cass., Soc., 7 Juillet 1961, J. C. P., 1961, II,
12287 bis
contrats de travail, il faut préciser qu'en raison des
difficultés que rencontre l'entreprise, le syndic ou le débiteur
peut être autorisé à procéder à certains
licenciements.
Paragraphe Il - Admission de la faillite ou de la
liquidation comme motif économique de licenciement
Le législateur, conscient des réalités
économiques des entreprises en difficulté a admis que des
licenciements soient effectués. Il s'agit des licenciements pour motif
économique tirés de la cessation des paiements.
A - Licenciement pour motif économique tiré
de la cessation des paiements
La notion de licenciement pour motif économique est
vaste et comprend plusieurs aspects énumérés par le code
du travail. Au titre des hypothèses de motif économique,
l'article L-16-7 al. 2 du code du travail prévoit les difficultés
économiques de nature à compromettre l'activité et
l'équilibre financier de l'entreprise. Ce sont ces difficultés
économiques liés à la cessation des paiements et au souci
de redressement de l'entreprise qui vont justifier les licenciements.
Ainsi, les problèmes financiers qu'il rencontre et son
incapacité à maintenir le nombreux personnel sont des motifs
économiques de licenciement par le syndic. En effet, la poursuite de
l'activité implique souvent des aménagements. Certains
salariés sont "sacrifiés" au profit de l'entreprise, lorsque les
fonds ne suffisent pas à les payer et à assurer la continuation
de l'exploitation.
La cour d'appel de Paris 83a jugé que le
déficit avéré et persistant de l'exploitation et la mise
en liquidation judiciaire constituent des motifs légitimes de
licenciement du personnel". Selon cette juridiction, s'il apparaît que
l'entreprise est déficitaire et que ce déficit s'aggrave et
perdure, le syndic peut, sur le fondement de ces difficultés,
procéder à certains licenciements.
83 C. A., Paris, 4ème Chambre, 14
Déc., 1954, J. C. P., 1955. 11. 8559
B - Renforcement des mesures par le projet OHADA :
le licenciement doit être urgent et indispensable
Le projet OHADA en son article 110 stipule que les licenciements
pour motifs économiques doivent présenter un caractère
urgent et indispensable.
Cela signifie que les difficultés économiques
de l'entreprise doivent être telles qu'il soit urgent et indispensable
pour elle de licencier le personnel si elle ne veut pas compromettre le
redressement ou l'équilibre financier de l'entreprise.
Il s'agit en réalité de ne rompre les contrats que
dans des hypothèses très strictement définies.
L'accumulation de ces adjectifs est significative. Elle
dénote le souhait des initiatives du projet de réforme de montrer
qu'à ce stade, les compressions d'effectifs ne doivent être
décidées que si la survie de l'entreprise impose de façon
manifeste un allégement immédiat de ses charges en
personnel84. Ces garanties importantes permettent de s'assurer du
sérieux de la mesure de licenciement envisagée.
84 HENRY BLAISE: La sauvegarde des
intérêts des salariés dans les entreprises en
difficultés, D., S., Juin 1985, page 449
TITRE I : NECESSITE DE GARANTIR LES CREANCES
NEES
DE L'EXPLOITATION
La poursuite de l'exploitation génère de
nouvelles dettes, donc de nouveaux créanciers 85qui viennent
s'ajouter à la liste des créanciers antérieurs au jugement
déclaratif de faillite ou de liquidation judiciaire. Cette superposition
des créanciers a posé le problème de leur ordre de
paiement.
Dans le but de favoriser la poursuite de l'exploitation, un
traitement privilégié est accordé aux créanciers
postérieurs au jugement déclaratif. Ce traitement
privilégié s'apprécie par rapport aux créanciers
antérieurs86, à l'égard desquels il se traduit
par une priorité de paiement (CHAPITRE I).
Cependant, cette priorité de paiement n'est pas
absolue car certains créanciers quoiqu'antérieurs au jugement
déclaratif de faillite ou de liquidation judiciaire vont primer ces
créanciers postérieurs (CHAPITRE II).
85 Nous citerons en exemple, les fournisseurs de
l'entreprise, le bailleur de fonds et les salariés
86 ll s'apprécie également entre les
créanciers postérieurs. Entre eux, le paiement se fera selon un
ordre précis. Les créanciers postérieurs titulaires de
sûretés réelles spéciales viendront en rang
favorable et seront payés avant les créanciers chirographaires
postérieurs au jugement. En principe, ces créanciers seront
payés intégralement et au marc-le -franc au cas où l'actif
restant serait insuffisant pour les désintéresser totalement .Cet
ordre de paiement est commun à celui qui est en vigueur en droit commun
des procédures collectives. C'est pourquoi il ne sera pas repris dans ce
mémoire.
CHAPITRE I : PRINCIPE DE LA PRIORITE DE PAIEMENT
DES
CREANCES POSTERIEURES AU JUGEMENT DECLARATIF
La doctrine et la jurisprudence française qui vont
élaborer ce principe. En effet, la cour de cassation française
87 dans un arrêt qui mettait en rapport un bailleur
(créancier postérieur) et les autres créanciers va
décider que le bailleur est fondé à réclamer le
paiement de dommages et intérêts, par préférence
à tous les autres créanciers du failli. Que ce dernier n'est pas
réduit au privilège que lui reconnaît la loi sur les objets
garnissant les lieux loués. La cour de cassation annonçait ainsi
le principe de la priorité des créanciers postérieurs au
jugement déclaratif qui a été adopté, sinon
confirmé par de nombreuses juridictions et auteurs88.
Ainsi, dans les procédures collectives de faillite ou
de liquidation judiciaire, ce principe signifie-t-il que les créanciers
qui ont contracté régulièrement après l'ouverture
de la procédure, sont payés par prélèvement sur
l'actif avant les créanciers antérieurs au jugement d'ouverture.
On justifie cette différence en disant qu'il existe une masse seulement
pour les créanciers antérieurs au jugement déclaratif. Ces
créanciers sont des créanciers dans la masse89. Ils
sont payés sur l'actif de cette masse sans venir en concours avec
87 Cass., civ., 7 Avril 1857, D., P., 1857, 1, 171
88
Cass. com. 16 mars 1965. D. 1966, 63 voir
aussi A. HONORAT : La situation des créanciers de la masse dans la
faillite . rep. Commaille 1962. 465
89 La distinction créanciers de la masse -
créanciers dans la masse, a été à l'origine d'un
débat doctrinal.Certains auteurs ont contesté la notion de
créanciers de la masse. Pour DURAND et ROBLOT , les créanciers de
la masse seraient de simples créanciers du failli. En fait, ils estiment
que la masse n'a pas de patrimoine parce qu'elle n'a pas de biens effectivement
appropriés. N'ayant pas de patrimoine, elle ne peut avoir un actif ou un
passif indépendants de ceux du débiteur.
A cette
question. la cour de cassation
française dans un arrêt de principe, a répondu que la masse
des créanciers constitue une personne morale distincte de la personne
des créanciers qui la composent. Ce qui implique qu'elle a un patrimoine
propre distinct de celui du débiteur. J.C.P. 1956, II, 9601 note
GRANGER, Dalloz 1956, 265, note HOUIN.
les créanciers postérieurs, créanciers
personnels du débiteur90.
La notion de créances de la masse est juridiquement
inexacte puisque ces créanciers dits de la masse sont en
réalité des créanciers du failli; les biens de ce dernier
constituent leur seul gage. Cette situation privilégiée est
fondée sur l'idée que ces créanciers ont conservé
et accru l'actif de la faillite ou encore, sur l'idée de risque
commercial qu'ils ont pris en contractant avec un débiteur en faillite
ou en liquidation. Ce privilège est alors un moyen d'assurer leur
sécurité91.
Toutefois, la justification la plus solide du traitement de
faveur des créanciers postérieurs est d'ordre pratique. Elle est
particulièrement impérieuse selon le mot de RIPERT et ROBLOT
92 pendant la phase de continuation. L'activité doit
être poursuivie, elle ne peut l'être que si les créances qui
naissent en cette occasion bénéficient d'une garantie de
paiement.
La mise en oeuvre de ce principe suppose que les créances
en question présentent un certain nombre de caractères.
90 Yves GUYON : Droit des affaires, Entreprises en
difficulté, T. 2, éd., Economica, Paris, 1989
91 Guy LAMBERT, J.C.P. 1961.1.1643 La personnalité
juridique de la masse (la condition juridique de la masse et la
consécration de la personnalité juridique de ce groupement. La
reconnaissance de la personnalité juridique de la masse a donnée
naissance à un nouveau fondement : la masse sans garantir
personnellement le règlement des dettes postérieures, aurait
accepté qu'elles fussent payées en priorité sur l'actif du
débiteur.
92 RIPERT et ROBLOT, Traité de droit
commercial, T. 2, 13 ème ed., L.G.D.J., Paris, 1992, P. 1022
SECTION I : CARACTERISTIQES DES CREANCES
PRIORITAIRES
Pour qu'une créance soit prioritaire, elle doit
être née après le jugement d'ouverture, résulter
d'une continuation de l'activité et être régulière.
Ces caractéristiques sont déduites du principe de la
priorité des créances postérieures, élaborée
par la jurisprudence. Le projet OHADA en son article 117 va codifier ces
critères d'origine jurisprudentielle.
Paragraphe I - Naissance postérieure de la
créance après le jugement d'ouverture
La doctrine et la jurisprudence admettent que les
créanciers dont la créance est née du chef de
l'activité du syndic ou du débiteur assisté après
le jugement déclaratif doivent être payés avant les
créanciers dans la masse (c'est à dire, ceux dont la
créance est née antérieurement au jugement
déclaratif).
La détermination de la date de naissance de la
créance n'est pas toujours aisée car, il peut se poser des
problèmes relatifs à la postdate et aux créances reconnues
postérieurement au jugement déclaratif mais, nées d'une
cause antérieure.
A - Détermination de la date de naissance de
la créance La détermination de cette date
revêt une importance certaine.
Pour la connaître, il suffit en principe, de comparer
la date du jugement d'ouverture qui est connue et la date de la créance.
La situation est simple pour les créances qui naissent d'actes de
commerce, dont la date peut être établie par tous moyens.
S'il s'avère que la créance a une date
postérieure au jugement déclaratif, elle sera
considérée a priori comme créance postérieure au
jugement déclaratif, elle sera considérée à priori
comme une créance postérieure. Dans le cas contraire, elle
sera
considérée comme une créance
extérieure et exclue du domaine du principe de la priorité.
Ainsi, les personnes qui passent un contrat avec le
débiteur assisté ou le syndic agissant dans
l'intérêt de la masse deviennent des créanciers de la
masse, lorsque la preuve de la postériorité de leur
créance est rapportée.
B - Le problème des postdates
C'est l'hypothèse d'un contrat que le débiteur
a conclu antérieurement au jugement déclaratif dont il modifie la
date avec la complicité de son cocontractant pour que ce contrat soit
considéré comme conclu postérieurement au jugement
déclaratif. Cette pratique se rencontre lorsque le débiteur
exerce des pouvoirs de gestion93.
En général, le débiteur commet ces actes
lorsqu'il veut faire bénéficier à cette créance, la
priorité de paiement. Cette fraude est en pratique aisée, peu
décelable et en droit, difficilement contestable. En effet, les
dispositions de l'article 1328 du code civil sur la date certaine des actes
sous seing privé ne sont d'aucun secours en la matière. Ces
dispositions légales n'ont d'effet que contre l'anti date en
matière civile et non pas à l'égard de la
postdate94.
En revanche, l'indication d'une fausse date constitue à
n'en pas douter un faux passible de peines pénales. La
caractérisation de l'infraction de faux nécessite l'existence
d'un préjudice réel causé à autrui par suite de
l'altération de la vérité au moyen de ce support
altéré. Cette condition est remplie dans les cas d'apposition de
fausses dates.
Cette altération de la vérité fait
cependant subir des préjudicies aux créanciers antérieurs
à la procédure collective car elle rompt le principe
d'égalité entre les créanciers. Elle affecte
également le sort des créanciers postérieurs qui
subissent
93 Notamment, dans le redressement judiciaire
où il accomplit seul les actes conservatoires et les actes de gestion
courante.
94 F. DERRIDA, Le financement de l'entreprise, R.T.D. Com.,
1986, n° spécial, page 64.
un préjudice dans la mesure où, le droit au
paiement, devenu frauduleusement prioritaire viendra diminuer l'assiette de
l'actif partageable et par là, conduire essentiellement à
empêcher un paiement intégral des créanciers
postérieurs95.
C - Le problème des créances reconnues
postérieurement et nées d'une cause antérieure
Deux catégories de créances sont en cause. Les
créances contractuelles et les créances délictuelles.
1 - Les créances contractuelles
Plusieurs problèmes apparaissent à ce niveau :
Le problème des contrats à exécutions
successives
Le problème de l'indemnité pour inexécution
des contrats Celui des indemnités dues pour résiliation.
a - Les contrats à exécutions successives
Lors de la continuation de l'exploitation, le syndic ou le
débiteur assisté ont la possibilité d'exiger
l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise
au cocontractant du débiteur. Ils peuvent notamment obtenir la
continuation des contrats à exécutions successives tels que les
contrats de fourniture ou de prestation de service. Les dettes nées
à l'occasion de ces contrats doivent-elles bénéficier de
la priorité de paiement ?
Cette question qui a fait l'objet de débats doctrinaux
96 a été résolue. Aujourd'hui, la jurisprudence
97 opte pour la solution suivante : les dettes antérieures
échues avant le jugement déclaratif sont des dettes dans la masse
et les dettes postérieures
95 C. SAINT ALARY, La situation des créanciers
postérieures à l'ouverture de la procédure, in les annales
de l'université de Toulouse, T., XXX. IV, P. 215, n° 14
96 Yves GUYON, Entreprises en difficulté, T.
2, ed., economica, Paris, 1989, n° 1249, P. 272- 273
97 Cass. , com., 22 janvier 1974, D., S., 1974, P., 514, note
DERRIDA
échues après le jugement déclaratif sont
des dettes de la masse qui bénéficient d'une priorité de
paiement.
b - L'indemnité pour inexécution du
contrat
Lorsque le créancier réclame des dommages et
intérêts pour inexécution du contrat par le débiteur
assisté ou le liquidateur, la détermination de la date de
naissance du contrat n'est pas aisée surtout, quand on est en
présence d'une obligation qui ne peut être exécutée
en nature.
Lorsque le contrat est né antérieurement au
jugement déclaratif mais que le jugement qui accorde les dommages et
intérêts est postérieur à la faillite, la date de ce
jugement importe peu car, si le droit du créancier est antérieur
à la faillite, le jugement est seulement déclaratif du
droit98. Tant que les dommages-intérêts accordés
compensent exactement le montant de l'obligation contractuelle, la
jurisprudence considère que la créance naît du contrat et
qu'elle est antérieure à la faillite99. Elle donne la
même solution lorsque la condamnation du débiteur procède
d'une faute "se rattachant indissolublement au contrat"100. Il en
est ainsi en cas d'inexécution d'une obligation dont l'objet est
déterminé par le contrat.
S'il s'agit au contraire de dommages et intérêts
destinés à compenser l'inexécution d'une obligation de
faire (par exemple la faute d'un mandataire), l'obligation est
considérée comme née postérieurement à la
faillite101).
Pour RIPERT et ROBLOT, la question est de savoir si la
créance est antérieure ou postérieure à la
déclaration de faillite ou de liquidation.102 Si les dommages
et intérêts compensent non pas l'inexécution de
l'obligation mais le dommage supplémentaire causé par cette
inexécution, la créance doit être considérée
comme résultant du jugement et non du contrat. Elle ne peut alors
être invoquée contre la masse.
98 S eine, Co ; 6 juillet 1936, Gaz. Pal. , 1937. 2. 655
99 Cass., Civ ; 6 décembre 1937, S., 1939. I., 232
100 Ch., Req., 2 Avril 1941, S., 1941, I, 120
101 Cass. civ ; 20 janv. 1932, D.H. 1932, 130
102 RIPERT et ROBLOT, Traité de droit commercial, T.
2,, 5 e ed. L.G.D.J., 1964, n° 2992, p. 414
c. L'indemnité pour résiliation du
contrat
La date de naissance du contrat est également
discutable en cas de résiliation d'un contrat. La question se pose
principalement à propos des indemnités de licenciement dues aux
salariés.
On peut estimer que si les contrats de travail ont
été maintenus puis résiliés par le syndic ou le
débiteur assisté pendant la continuation, la totalité des
indemnités de licenciement devrait être considérée
comme une dette postérieure; donc bénéficiant du paiement
prioritaire.
Cette solution serait défavorable aux créanciers
antérieurs car les indemnités de licenciement atteignent souvent
un montant considérable
La jurisprudence française 103 a
procédé à une distinction et décidé que le
droit de priorité se limite à la seule fraction de
l'indemnité de licenciement correspondant au travail accompli
après l'ouverture de la procédure collective.
2 - Les créances délictuelles
Le problème se pose dans les mêmes termes que
celui des créances délictuelles, lorsque le fait
générateur de la responsabilité et le dommage sont
antérieurs à la faillite et que le jugement de condamnation est
postérieur. Prenant le contre pied d`une position qu'elle avait
précédemment adoptée, la jurisprudence
actuelle104 juge que lorsque le fait générateur de la
faute a été accompli avant l'ouverture de la procédure, il
y a lieu d'admettre que la victime est créancière dans la
masse.
Il y a lieu d'abonder dans le même sens que la
jurisprudence française car le jugement déclaratif ne fait que
constater une situation juridique qui existait antérieurement à
sa date. Aussi pensons nous que cette distinction selon la naissance du fait
générateur de responsabilité doit être maintenue.
103 Cass., soc., 31 janv., 1980, D., 1980, note DERRIDA
104 Cass., com., 28 Avril 1966, D., 1967, 82, note HONORAT
contre une jurisprudence classique qui estime que le jugement est constitutif
et non déclaratif du droit à réparation.
Paragraphe Il - La régularité de la
créance
La postériorité de la créance au
jugement déclaratif ouvrant la procédure collective d'apurement
du passif est une condition nécessaire mais non suffisante pour donner
lieu à un paiement prioritaire. Il faut également que la
créance contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle
soit régulière. La détermination de cette
régularité pose le problème des créances
nées d'une activité irrégulière.
A - Régularité des créances
contractuelles
Cette régularité s'apprécie
généralement par rapport aux règles relatives à la
formation des contrats. Dans le cadre de notre étude, elle concerne les
pouvoirs du débiteur assisté et du syndic.
1 - Les créances accomplies dans la limite des
pouvoirs du syndic ou du débiteur assisté
Les créances contractuelles qui
bénéficient de la priorité de paiement sont celles
conclues par le syndic ou le débiteur assisté dans le respect de
l'étendue de leurs pouvoirs. Cette étendue de pouvoirs
s'apprécie différemment selon que le débiteur dessaisi est
représenté par le syndic ou est assisté du liquidateur.
Dans l'hypothèse de la faillite, le débiteur est
frappé de dessaisissement et est représenté par le syndic
qui agit à sa place et assure la gestion de l'exploitation.
Le syndic est l'interlocuteur entre le débiteur et ses
cocontractants. Les risques de voir ce débiteur effectuer des actes en
dehors de ses pouvoirs sont limités car il est dessaisi de
l'administration et de la disposition de ses biens.
Seront donc déclarées régulières,
les créances résultant de contrats passés entre le syndic
agissant dans l'intérêt de la masse et dans les limites des
pouvoirs qui lui sont accordés et ses cocontractants. Il ne faut pas
oublier que la continuation est une période transitoire durant laquelle
le syndic ne doit accomplir que les actes nécessaires à
l'exploitation.
Au contraire, seront déclarées
irrégulières les créances résultant de contrats
qu'il ne peut accomplir qu'avec l'autorisation du tribunal105, du
juge commissaire106.
Dans la liquidation judiciaire ce sera pareil. Seront
déclarées irrégulières les créances naissant
d'actes que le débiteur liquidé ne peut accomplir seul mais avec
l'assistance de son liquidateur107.
Dans la liquidation des biens et le règlement
judiciaire du projet OHADA, le même principe sera appliqué et les
actes que le débiteur aurait accompli en dehors des actes conservatoires
et de gestion courante que là reconnaît la Loi seront
déclarés irréguliers. Les créances en
résultant ne seront donc pas prioritaires parce que nées
d'activité irrégulière. Le cocontractant aurait dû
se renseigner sur l'étendue des pouvoirs du débiteur
assisté et du syndic avant de s'engager.
2 - Le sort des créances nées d'une
activité irrégulière
Ce sont en général les créances
nées d'activités exercées dans la limite des pouvoirs des
organes de gestion mais nées d'un défaut d'autorisation. La
solution consiste à déclarer dans ce cas, l'exploitation
irrégulière. Les dettes nées de cette continuation
irrégulière sont des dettes hors procédures ou hors la
masse. Elles seront déclarées inopposables à la masse des
créanciers.
L'article 115 de l'acte uniforme sur les procédures
collectives du projet OHADA stipule "ne sont déclarées
créances contre la masse que celles qui sont nées d'une
activité régulière du débiteur ou du syndic".
En droit français, le défaut de décision
régulière est pallié parfois par le recours à la
théorie de l'apparence lorsque les tiers ont pu légitimement
croire en une continuation régulière de l'exploitation.
La chambre sociale de la cour de cassation française
108 dans un arrêt où une
105 Par exemple, consentir à une location
gérance
106 La vente des effets mobiliers et marchandises selon
l'article 486 al 1 er ou l'accomplissement d'une transaction.
107 Par exemple, exercer des actions en justice qui n'ont pas
valeur d'actes conservatoires, procéder au recouvrement des effets et
créances exigées selon l'article 6 al ter du code de commerce.
108 Cass., soc., 28 oct., 1971, R.T.D. Com., 1973, 910, obs.
HOUIN
Cass., soc., 6 mai 1975, D.,S., 1975, 559 note A. HONORAT
entreprise eu liquidation des biens avait poursuivi son
activité commerciale après le prononcé du jugement
déclaratif de liquidation des biens sans y avoir été
régulièrement autorisé -et cela, jusqu'à la date de
l'appel en justice-, a condamné le syndic qui assiste le
débiteur, à payer les sommes de dommages et intérêts
dus à un salarié embauché pendant cette activité
irrégulière et licencié. La cour a fondé sa
décision sur le fait que le syndic avait en fait approuvé la
continuation dans la mesure où, au lieu d'utiliser les moyens que la loi
met à sa disposition pour contraindre le commerçant
liquidé à cesser son exploitation, il a laissé le
débiteur poursuivre la sienne.
Cette théorie de l'apparence est en général
protectrice des salariés et pourrait inspirer le juge ivoirien dans la
résolution des espèces qu'il aura à juger.
B - Régularité des créances
délictuelles
Dans le cadre de la continuation de l'exploitation, des
créances délictuelles peuvent naître. Elles sont plus
difficiles à délimiter. Le syndic ou le débiteur peuvent
commettre des fautes susceptibles d'engager leur responsabilité. La
victime est-elle créancière de la masse pour les dommages et
intérêts qui lui sont alloués ?
En dehors de ce cas, il peut arriver que les choses que le
débiteur assisté ou le syndic ont sous leur garde ou encore les
préposés commettent des fautes.
De nombreuses décisions109 permettent aux
créanciers dont la créance est née de fautes du syndic
à se faire payer sur l'actif, au titre de créanciers de la masse.
Ces décisions sont intervenues dans des cas de continuation de
l'exploitation par le syndic.
Les fautes commises dans le cadre de cette exploitation sont
considérées comme nées du fait du débiteur
lui-même.
109 Ch., req., 13 fev., 1929, S., 1929. I. 181; Nancy , 3
juill., 1895, D., 1895.2.31
Ainsi, les créanciers antérieurs sont-ils
obligés de laisser passer avant eux tous les créanciers de faute
délictuelle dont la créance se rattache à
l'exploitation.
En ce qui concerne le personnel et les choses, dans la mesure
ou ils sont affectés au service de l'entreprise, celle-ci doit supporter
la charge des responsabilités correspondantes, indépendamment des
discussions qui peuvent s'élever sur l'attribution (au débiteur
ou au syndic) des qualités de commettant et de gardien.
C - Les créances quasi contractuelles
Comme il n'y a plus d'intervention du syndic dans ce cas, il
devient difficile d'expliquer la naissance d'une dette à la charge de la
masse.
Cependant, dans l'hypothèse de la gestion d'affaires,
la jurisprudence a admis l'action de gestion d'affaires de la part de celui qui
a fait un acte de gestion utile à la masse. On est alors dans
l'hypothèse des frais de la masse110.
Quant à la répétition de l'indu, elle
doit être admise si le syndic ou le débiteur assisté a
reçu une somme qui n'était pas due à la masse. La solution
relative à la répétition de l'indu peut être
appliquée à l'action de «in rem verso», intentée
à raison d'un enrichissement procuré au patrimoine du failli
après la déclaration de faillite. La consistance du patrimoine a
été fixée au jour du jugement déclaratif; la masse
ne peut pas s'enrichir aux dépens d'autrui par un enrichissement qui
serait sans cause111.
Il faut retenir en ce qui concerne les créances
délictuelles ou quasi délictuelles que, la
régularité résulte du seul fait que la faute ou le dommage
est survenu à l'occasion d'une activité autorisée.
Certains auteurs ont évoqué la
nécessité pour ces créances d'être en relation avec
les besoins de la poursuite. Une telle opinion ne peut être admise comme
résultant du principe de la priorité car elle créerait une
insécurité à l'égard des créanciers qui ne
peuvent a priori savoir si un acte entre dans les besoins de
110 Ch., req., 4 Janvier 1858, D., 1859.1.98
111 Cass., civ., 5 Fév., 1901, D., 1902. 1. 41
l'entreprise. Elle ne saurait également être
admise dans le droit futur car elle ne ressort pas de l'article 117 de l'acte
uniforme du projet OHADA sur les procédures collectives d'apurement du
passif.
Il ne faut pas distinguer là où le projet OHADA ne
distingue pas.
Le troisième caractère que doit avoir la
créance, c'est de résulter de la poursuite de l'exploitation.
Paragraphe III - Poursuite de l'activité de
l'entreprise
Elle se déduit du principe de la priorité de
paiement des créances postérieures élaboré par la
jurisprudence française applicable en Côte d'Ivoire. Elle
résulte expressément de l'article 117 de l'acte uniforme sur les
procédures collectives d'apurement du passif.
Les créances en cause doivent naître de la
continuation de l'exploitation. Ainsi, les actes étrangers à
cette exploitation ne peuvent avoir la qualité de créances
nées de la poursuite. Aucun motif économique ou moral ne
justifierait l'application du principe de la priorité à des
créances nées dans l'intérêt personnel du
débiteur assisté ou du syndic. Ainsi par exemple, lorsque
l'épouse d'un Directeur en liquidation judiciaire fait des achats
à crédit, il n'y a aucune raison de faire
bénéficier le vendeur de la priorité de paiement dans la
mesure où un tel acte n'entre pas dans la poursuite de
l'exploitation.
SECTION II : EXERCICE DU DROIT DE PRIORITE PAR
LES
CREANCIERS POSTERIEURS - TRAITEMENT DE
FAVEUR
Lorsque les créances nées de la continuation de
l'exploitation revêtent les caractères sur énoncés,
elles bénéficient d'un droit de préférence sur les
créances de la masse. Cette préférence s'exprime à
travers :
· la priorité de rang accordée aux
créanciers postérieurs (Paragraphe I)
· l'absence de soumission de ces créanciers aux
règles collectives (Paragraphe II)
Paragraphe I - Priorité de rang des
créanciers de la masse
Les créanciers postérieurs jouissent d'une
priorité de rang. Ils sont payés sur le montant de l'actif avant
toute répartition entre les créanciers dans la masse.
La question de savoir sur quel patrimoine sont payées
ces créances a suscité des débats doctrinaux qui renvoient
à un autre plus large, celui de l'existence ou non d'un patrimoine
propre à la masse. Une solution a été trouvée
à cette question. Il est admis que la masse des créanciers est un
tiers par rapport au débiteur et possède un patrimoine qui lui
est propre et distinct de celui du débiteur112.
Les créanciers postérieurs sont payés
sur l'actif du débiteur car, il est admis que les actes passés au
cours de la continuation produisent leurs effets dans le patrimoine du
débiteur qu'ils enrichissent. Ces dettes sont appelés dettes de
la masse mais ne sont pas en réalité des éléments
du passif de ce groupement.
112 Charles KOUASSI, Traité des faillites et liquidations
judiciaires en Côte divoire, ed., SOCOGEC, 1987, n° 407 et
F. DERRIDA : Tiers ? Ayant cause ? La situation de la masse des
créanciers par rapport au débiteur dans les procédures
collectives, R.T.D. Com., 1976.1., n° 27 et suivants.
La reconnaissance de la personnalité juridique
à la masse lui donne une indépendance telle que son patrimoine
n'entre pas en principe dans le gage des créanciers postérieurs,
lesquels n'ont de droit que sur le patrimoine du
débiteur113.
Dans l'ordre de paiement en droit positif ivoirien, les
créanciers de la masse occupent un rang favorable par rapport aux
créanciers dans la masse.
Paragraphe II - Absence de règles collectives
Toutes les règles collectives imposées aux
créanciers qui sont dans la masse ne s'appliquent pas aux
créanciers contre la masse. Il en est ainsi du droit de poursuite
individuelle qui est maintenu à leur égard (A)
des intérêts qui continuent de courir en leur faveur
(B) et de l'absence de production et de vérification de
leurs créances (C).
A - Maintien du droit de poursuite individuelle
La création du groupement qu'est la masse restreint
les droits des créanciers qui la composent. Cette restriction a
été instituée pour maintenir l'exercice collectif des
droits des créanciers. Cela a pour conséquence d'empêcher
les créanciers composant la masse d'exercer les poursuites
individuelles.
Dans la mesure où les créanciers
postérieurs ne sont pas créanciers dans la masse, ils ne sont pas
soumis à cette discipline collective. En effet, contrairement aux
créanciers composant la masse, ils voient leur droit de poursuite
individuelle maintenu. Ainsi peuvent-ils introduire une action en paiement
contre le débiteur représenté par le syndic. Ils peuvent
notamment faire une saisie immobilière ou une saisie conservatoire. Cela
signifie que contrairement aux dispositions de l'article 5 de la Loi du 4 mars
1889, les actions mobilières et immobilières et toutes les voies
d'exécution sur les meubles et immeubles sont maintenues à
l'égard de ces créanciers de la masse.
113 Pour les auteurs qui soutiennent que la masse est un
tiers par rapport au débiteur, les actes passés avant la
procédure sont opposables à cette masse en vertu du droit commun
des conventions à l'égard des tiers. Cette opposabilité ne
nécessite pas de qualifier la masse d'ayant cause car ces actes auraient
été opposables même en dehors de toutes procédures
collectives.
Ces arguments prennent le contre pied, de la théorie
selon laquelle, la masse est un ayant cause du débiteur
B - Maintien du cours des intérêts
En principe, le jugement déclaratif de faillite
arrête le cours des intérêts à l'égard des
créanciers dans la masse.
Le législateur a voulu éviter que ces derniers
ne subissent les effets des lenteurs de la procédure. Les
créanciers postérieurs au jugement ne sont pas soumis à
cette exigence. En effet, les intérêts qui grèvent leurs
créances continuent de courir jusqu'à leur
désintéressement. Ces intérêts comprennent aussi
bien la somme principale et les intérêts, tant conventionnels que
légaux.
Ce maintien du cours des intérêts ne concerne
que les créances assorties d'intérêts. Cela signifie que
ces créances viennent en rang prioritaire pour le principal et les
intérêts devant les créances dans la masse.
C - Absence de production et de vérification des
créances
Dans la masse, les créanciers ne peuvent agir par voie
d'action individuelle. Ils sont obligés de se faire admettre à la
faillite du débiteur. Ainsi, les créanciers qui veulent
participer aux résultats de la liquidation doivent produire à la
faillite.
Il faut préciser qu'ils ne sont pas obligés de
déclarer leurs créances mais s'ils veulent être
portés sur l'état des créances susceptibles de recevoir
une répartition, ils sont tenus de produire à la masse.
Cette exigence ne s'impose pas aux créanciers
postérieurs au jugement déclaratif dans la mesure où, ils
ne sont pas soumis à une discipline collective.
Ces derniers ne sont pas obligés de remettre au syndic
ou au liquidateur, des titres ou des justificatifs de créances
accompagnés d'un bordereau indiquant les pièces
déposées et les sommes réclamées. De même,
ils échappent à la vérification des créances qui
consiste à rechercher si les créances produites sont
justifiées dans leur existence ou dans leur montant. Cela constitue un
avantage pour eux car, ils voient leurs créances admises sans
formalité. Le seul contrôle
effectué, est celui de rechercher si les créances
en question revêtent les caractéristiques des créances
prioritaires.
CHAPITRE II : TEMPERAMENT AU PRINCIPE DE LA PRIORITE
DU
PAIEMENT DES CREANCES POSTERIEURES
Le principe de la priorité de paiement n'est pas
absolu. Il ne s'applique pas en présence de certains créanciers
antérieurs au jugement déclaratif. Ces créanciers sont
d'une part les créanciers de salaire que l'on a voulu protéger en
raison du caractère alimentaire de leur créance (SECTION
I) d'autre part, les créanciers antérieurs au jugement
déclaratif titulaire de sûretés réelles
spéciales. Ces derniers sont privilégiés parce qu'ils ont
des droits constitués sur le patrimoine du débiteur avant le
jugement déclaratif de faillite ou de liquidation judiciaire
(SECTION II).
SECTION I : PAIEMENT PRIORITAIRE DES CREANCES DE
SALAIRE
En raison de la fragilité de leur emploi, le
législateur a accordé des faveurs aux salariés afin de les
protéger surtout, lorsque leur employeur tombe en faillite ou en
liquidation judiciaire. Ceux ci s'ajoutent aux créanciers à
désintéresser.
Lorsqu'ils sont en concours avec des créanciers
titulaires de sûretés, les salariés sont
lésés car l'actif est très souvent insuffisant pour
effectuer le paiement jusqu'à leur rang. Pour palier ce problème,
le législateur a institué le principe du paiement immédiat
qui permet aux salariés de recevoir leur créance de salaire dans
les premiers jours de l'ouverture de la procédure collective
(Paragraphe I).
Dans un second temps, ils bénéficient d'un
privilège général des salaires qui leur permet de venir en
rang favorable lorsqu'ils sont en concours avec les créanciers
chirographaires (Paragraphe II).
Paragraphe I - Paiement immédiat des
créances de salaire
Ce principe du paiement immédiat des créances
de salaires est une garantie accordée aux salariés pour combler
les limites du privilège général qu'ils ont et qui, dans
la pratique, est très souvent inefficace. Il consiste à verser
très rapidement aux salariés et avant tout autre
créancier, la fraction de salaire indispensable pour vivre;
c'est-à-dire la fraction incessible et insaisissable.
Ce principe est appelé dans la pratique "super
privilège des salaires114".
114 Ce super privilège est perçu par certains
auteurs (DURAND et VITU) comme un prolongement, un renforcement du
privilège des salaires car il répond aux mêmes idées
et satisfait les mêmes besoins. Pour eux, ce sont certainement des
créances privilégiées soumises pour partie à un
paiement préférentiel. Le super privilège se
développe à l'intérieur du privilège
général des salaires. In Fernand DERRIDA, "Le Super
Privilège" des salariés dans les procédures de
règlement judiciaire et de liquidation des biens, Dalloz 1973, chron. V
P. 59
Voir aussi SAINT ALARY HOUIN (C), L'Efficacité des
sûretés garantissant les créances salariales, D., Soc.,
1987, P. 842.
Aussi protecteur que puisse être ce principe, il faut
préciser qu'il ne concerne que certaines créances (A)
et s'exerce de façon particulière
(B).
A - Les créances garanties
Elles s'apprécient à l'égard de leur nature
et de leur montant 1 - Nature des créances
Les créances garanties par ce paiement immédiat
sont énumérées par les articles L. 33-3, 33.4 du titre III
et du chapitre III du code du travail ivoirien.
L'article 96 de l'acte uniforme sur les procédures
collectives d'apurement du passif du projet OHADA qui admet le paiement
immédiat des créances de salaires se réfère au code
du travail quant à la détermination précise du contenu de
ces créances. Cet article L 33-3 al 2 précité, stipule
qu'il s'agit des rémunérations de toute nature. L'article L 33-4
al 1 er pour sa part stipule que ces rémunérations
comprennent non seulement " les salaires, les primes, commissions, prestations
diverses, indemnités de toute nature notamment celle pour inobservation
du préavis, ainsi que les indemnités de licenciement ou les
dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de
travail.
Ainsi, seuls les créanciers titulaires d'un contrat de
travail ou d'apprentissage peuvent invoquer ce paiement immédiat qu'est
le super privilège des salariés. Le code du travail ivoirien a
admis comme créances privilégiées, les indemnités
dues pour résiliation abusive.
La doctrine française rejette la prise en compte de
telles créances dans la mesure où elles ne constituent pas des
accessoires du salaire mais représentent plutôt une
indemnité en responsabilité tendant à la réparation
du préjudice causé aux salariés.
Il n'y a pas lieu selon nous de retirer le caractère
super privilégié à une créance que la loi a
prévue comme telle. Ce serait marquer un recul sur le terrain du droit
social. En vertu des principes selon lesquels "il n'y a pas de privilège
sans texte" et "les privilèges sont de droit étroit", il y a lieu
de maintenir ces
indemnités pour rupture abusive du contrat de travail
comme créances privilégiées.
Lorsque ces créances sont déterminées dans
leur nature, il faut préciser qu'elles sont réduites quant
à leur plafond.
2 - Montant des créances
Les créances garanties s'appliquent à la
fraction insaisissable des sommes dues. L'institution de ce plafond correspond
à toutes les idées prises en considération pour fixer le
régime de ce super privilège: ne pas amputer les créances
privilégiées, éviter l'assèchement de la
trésorerie du syndic et surtout donner satisfaction aux besoins
alimentaires immédiats des salariés.
La fraction insaisissable représente la différence
entre les salaires et commissions dues, avec la portion saisissable
Cette portion saisissable étant fixée sur la
base du salaire annuel, il est nécessaire de déterminer ce
salaire annuel en tenant compte de tous les accessoires, puis d'en retrancher
la portion saisissable et de fixer enfin la portion insaisissable
115. Cette portion saisissable couvre les salaires effectivement
gagnés par les salariés et apprentis pour les 60 derniers jours
de travail ou d'apprentissage. Que faut-il entendre par "60 derniers jours de
travail" ?
Sont-ce seulement les jours précédents le
jugement déclaratif ou les jours qui précèdent la
cessation du travail même s'ils ne précèdent pas
immédiatement le jugement ?
Nous pensons qu'il y a lieu de prendre en compte les 60 derniers
jours qui précèdent la cessation du travail car cette solution
est plus favorable aux salariés.
La cour de cassation française 116 a
décidé qu'il s'agit des jours antérieurs au départ
du salarié même s'ils ne précèdent pas
immédiatement le jugement déclaratif.
B - Exercice du principe du paiement immédiat
Selon l'article L 33-4 du code du travail et l'article 96 du
projet OHADA, les salaires couverts par le super privilège doivent
être payés nonobstant l'existence de toute autre créance
dans les dix jours suivant le jugement déclaratif. Ainsi, les
créances de salaires viennent en premier rang avant toute autre
créance, même privilégiée.
L'article 96 al 2 du projet OHADA sur les procédures
collectives stipule que ce paiement se fait sur simple décision du juge
commissaire Le syndic paie toutes les créances super
privilégiées des travailleurs, sous déduction des
acomptes.
Au cas où il n'y aurait pas d'acomptes, les sommes
concernées doivent être acquittées sur les premières
rentrées de fonds. S'il n'y a pas de fonds disponibles, le syndic peut
emprunter de l'argent; le prêteur est alors subrogé dans les
droits des salariés et il doit être remboursé dès la
rentrée des fonds nécessaires, sans qu'aucune créance ne
puisse y faire obstacle. Ce paiement immédiat porte sur les meubles et
immeubles du débiteur.
Les créanciers privilégiés priment tout
autre créancier muni d'un privilège général ou
spécial, nanti ou hypothécaire.
Les frais de justice sont classés en premier lieu par
l'article 2101 du code civil. Que décider lorsqu'ils sont en concours
avec le super privilège ?
On pourrait invoquer le principe selon lequel les
règles spéciales dérogent aux règles
générales et décider que les créances de salaire
prime les frais de justice car le code du travail est une règle
spéciale. On peut également invoquer le caractère
alimentaire des créances de salaire117.
117 Trib.,civ., Parthenay, 9 Avril 1937, D., H., 1937. 374.
Certains tribunaux adoptent la solution selon laquelle les salariés ne
doivent respecter que les frais de justice dont ils auront personnellement
tiré profit. En revanche si le syndic a réalisé certains
biens afin de se procurer les fonds nécessaires au règlement des
créances privilégiées, les frais afférents à
cette réalisation, y compris les honoraires doivent être
payés avant le super privilège même si celui-ci ne peut
être intégralement couvert.
Dans le projet OHADA, le super privilège est
payé après les créances de frais de justice
classées par les articles 2101 du code civil. Cette solution du projet
OHADA, est inspirée de celle du tribunal civil précité.
Que décider également lorsque le super
privilège est en concours avec les créances garanties par un gage
quand on sait que l'article 2073 du code civil édicte pour les
créanciers gagistes le droit de se faire payer sur la chose qu'ils
détiennent par privilège et préférence aux autres
créanciers ?
Le législateur ne résout pas ce conflit de
privilèges. Cependant, la solution ne semble pas aisée en
pratique car, il ne faut pas oublier que le créancier gagiste
bénéficie d'un droit de rétention qui lui donne la
faculté d'obtenir son remboursement avant toute remise de l'objet.
Au delà de cet aspect, l'article L 33-4 du code du
travail dispose que le super privilège vient en rang favorable devant
toutes les autres créances privilégiées même le
trésor. Cela signifie donc que le super privilège est payé
avant les créances garanties par un gage.
Le projet OHADA tranche la question et prévoit le
paiement des créances super privilégiées avant celui des
créances garanties par un gage. En effet, dans l'ordre de paiement de ce
projet, le super privilège des salariés vient en second rang
après les créances de frais de justice mais avant les
créanciers gagistes.
En plus de ce super privilège, les créanciers de
salaires bénéficient d'un privilège général
lorsqu'ils sont en concours avec les autres créanciers.
Paragraphe Il - Le paiement privilégié
des créances de salaire
Il s'étend à une catégorie précise
de salarié (A) et vise également certaines
créances (B).
A - Bénéficiaires du privilège
général
Le privilège général des salaires
s'appliquent à tous les salariés (quelles que soient la nature de
leur contrat et de leur activité) qui sont liés à un
employeur par un contrat de travail. Ce contrat se caractérise par un
lien de subordination pour les
conditions de travail et les modalités de
rémunération. Selon l'article 549 du code de commerce, il s'agit
des ouvriers, artistes dramatistes et autres personnes employées dans
les entreprises de spectacle public de même que les loueurs de services.
L'alinéa 2 de cet article étend ce privilège aux commis
sédentaires ou voyageurs, placiers et à d'autres
salariés.
Le projet OHADA étend ce privilège au contrat
d'apprentissage; ce qui est une innovation par rapport au code de commerce.
B - Les créances garanties par ce
privilège
Selon l'article 2101 du code civil et l'article L 33-2 du
code du travail ivoirien, les salariés jouissent d'un privilège
général -sur les meubles et immeubles du débiteur- qui
garantissent le paiement des salaires dus aux employés. Les
créances garanties sont les six derniers mois de salaire pour les
bénéficiaires de ce privilège
énumérés par l'article 549 du code de commerce.
Pour les gens de service de l'article 2101 du code civil, ce
privilège prend en compte les salaires dus pour l'année
échue et ce qui est dû sur l'année courante. Cette
dérogation faite en faveur des gens de service est justifiée par
leur plus grande dépendance.
L'article L. 33-2 du code de travail prévoit un
délai différent. Ce délai est de douze mois lorsqu'il
s'agit des créances de salaire. Lorsqu'il s'agit d'allocations de
congés payés, il porte sur l'année suivant la date
où le droit à ces congés a été acquis.
Il y a lieu de mettre en rapport ces textes et d'opter pour
les dispositions du code de travail en vertu du principe selon lequel, les
règles spéciales dérogent aux règles
générales; le code du travail étant perçu comme un
texte spécial. Ainsi, lorsqu'il s'agira de créances de salaires,
le délai pris en compte sera de douze mois et lorsqu'il s'agira des
allocations de congés payées, ce sera I'année suivant la
date où le droit à ces congés a été
acquis.
Que faut-il entendre par l'expression "douze derniers de mois de
travail" ?
Le code de travail ne donne pas de réponse à la
question. Le code de commerce quant à lui dispose qu'il s'agit des six
derniers mois précédant le jugement déclaratif. Il faut
toujours considérer dans un souci de protection des salariés
qu'il s'agit des jours précédant la cessation de travail comme la
jurisprudence l'a décidé en ce qui concerne le super
privilège des salariés118.
Le privilège garantit les sommes dues en
rémunération des services du salarié quels qu'en soit la
dénomination (salaires, appointements, traitements), le mode de calcul
(à l'heure, à la semaine, au mois, à la commission) et la
composition (principal et accessoires s'analysant en prime, gratifications,
congés payés, allocations familiales).
Le privilège garantit aussi les indemnités dues
en raison de l'inobservation du délai de préavis, les
indemnités de licenciement puis les dommages et intérêts
versés à la suite d'une rupture de contrat de travail selon
l'article L 33-3 du code du travail.
Bien que paraissant constituer une garantie efficace, ce
privilège souffre en réalité de plusieurs faiblesses.
D'abord, son rang n'est pas excellent lorsqu'il est en concours avec les autres
créanciers. Selon les articles 2101 et 2104 du code civil, le
privilège général des salaires occupe le quatrième
rang après :
· les frais de justice
· les frais funéraires
· les frais de dernière maladie.
Dans le projet OHADA, il occupe le septième rang
après :
· les frais de justice
· le super privilège
· les créanciers gagistes ou nantis
· les privilèges généraux
· les frais d'inhumation
· les frais de dernière maladie
Lorsque les créanciers munis d'un privilège
général sont en concours avec les créanciers
hypothécaires, ceux -ci occupent un rang favorable car ils sont
titulaires d'une sûreté réelle spéciale,
contrairement aux salariés qui ont un privilège
général. Cette priorité est fondée sur le principe
selon lequel les règles spéciales dérogent aux
règles générales.
Il faut préciser qu'en réalité,
malgré l'existence du privilège ordinaire, le paiement des
salaires reste hypothétique faute de disponibilité ou d'actif
suffisants. Cette situation a pour conséquence le fait que ces
créanciers ont en théorie un privilège mais en
réalité se retrouvent sans argent. Or que vaut un
privilège si son exercice n'est pas excellent ?
C'est la raison pour laquelle en France, un régime
d'assurance a été institué dans le but de garantir
à cent pour cent le paiement des salaires en cas de défaillance
de l'entreprise. Sa gestion est confié à I'A.G.S. (Association
Nationale pour la Gestion du Régime d'Assurance des Créances des
Salariés).
La Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (C.N.P.S.) en
Côte d'Ivoire pourrait s'en inspirer afin que ce privilège soit
effectif.
SECTION II : LES CREANCES ANTERIEURES AU
JUGEMENT
DECLARATIF GARANTIES DE SURETES REELLES
SPECIALES
En plus des salaires certaines créances
antérieures au jugement déclaratif bénéficient de
sûretés qui leur donnent un rang prioritaire par rapport aux
créances postérieures. Cette priorité est justifiée
par le fait que ces créances garantissent un droit antérieur au
jugement déclaratif.
Ces sûretés n'ont pas la même portée
selon qu'elles sont exercées sur les biens
meubles (Paragraphe I) ou sur les biens
immobiliers du débiteur (Paragraphe II).
Paragraphe I - En matière mobilière: le
gage et le nantissement
Le gage et le nantissement sont des sûretés qui
portent sur les biens meubles du débiteur. Les créances
hypothécaires au contraire, portent sur les biens immeubles de ce
dernier.
Le gage et le nantissement s'exercent de la même
manière à la seule différence que le créancier
gagiste a un droit de rétention sur le bien qu'il a reçu en gage.
En raison de cet aspect, ces deux garanties mobilières seront
étudiées en même temps.
En droit positif ivoirien ou dans le projet OHADA, le
titulaire d'une créance garantie par un gage ou un nantissement
bénéficie d'une priorité de paiement par rapport aux
créanciers postérieurs au jugement déclaratif. Il en est
ainsi du moins, si ce droit a été valablement constitué
sur le patrimoine du débiteur, par l'inscription du gage et du
nantissement antérieurement au jugement déclaratif.
Ces créanciers gagistes et nantis sont des
créanciers hors la masse; ils échappent aux effets des
procédures collectives qui soumettent tous les créanciers
à une discipline collective. Ainsi, ces derniers ne subiront donc pas la
suspension des
poursuites individuelles, la production, la
vérification des créances et I' arrêt du cours des
intérêts. On peut alors déduire qu'ils ne sont pas
représentés par le syndic ou le débiteur assisté
pour réaliser leur gage, dans la mesure où 'ils échappent
aux conséquences judiciaires de la faillite ou liquidation dans la
mesure de la sûreté dont ils bénéficient. Toutefois,
ces créanciers pourraient intégrer la masse à condition de
renoncer à leur sûreté.
Le créancier gagiste qui est en possession de la chose
grevée de privilège est en droit de l'opposer aux autres
créanciers dans la masse et aux créanciers contre la masse qui
n'ont pas de sûreté. Il suffit qu'il ait été mis en
possession par le débiteur avant la déclaration de faillite ou de
liquidation judiciaire. Sa créance continuant de produire des
intérêts, il peut se payer le montant de ces intérêts
sur le prix de vente de l'objet donné en gage119. Il peut
vendre cet objet en respectant les formes légales. Dans ce cas,
120 il touche le prix de la réalisation de I' objet, dans les
limites de sa créance.
Lorsque ce dernier poursuit la réalisation de l'objet
du gage, il subit alors le concours des autres créanciers. C'est
pourquoi très souvent, lorsqu'il a devant lui des créanciers dont
le privilège prime le sien- à l'exemple du super privilège
des salaires-, il se contente de faire jouer son droit de rétention pour
amener le syndic ou le débiteur assisté à faire le retrait
de son gage en payant sa dette. Cette attitude est particulièrement
préjudiciable à la masse si le bien grevé est d'une valeur
supérieure à la créance garantie. C'est pourquoi, il est
donné au syndic ou au débiteur assisté de retirer le gage,
en remboursement la dette de ce créancier, avec l'autorisation du juge
commissaire.
A la différence du créancier gagiste, le
créancier nanti n'a pas un droit de rétention sur le bien nanti
car, le nantissement est constitué sans la dépossession du bien
du débiteur.
Le débiteur assisté ou le syndic peuvent vendre
le bien donné en nantissement
119 Nancy, 28 Mai, D., 1-1, 1935. 406
120 Cass., civ., 31 juil., 1912, D.,P., 1913 .1 .81, note
PERCEROU. L'exécution du gage s'opère sans intervention du juge.
Le créancier peut par signification adressée au syndic et au
liquidateur, procéder à la vente publique des objets
donnés en gage selon les articles 486 al 1 et 93 du code de commerce.
et payer au créancier nanti sa créance principale
et les intérêts.
L'ordre de paiement de ces créanciers confirme leur
situation privilégiée. Cet ordre de paiement n'est pas clairement
établi par un texte en droit positif ivoirien. Cependant, la
réunion de texte épars nous permet d'établir un ordre de
paiement préférentiel. Selon cet ordre, créanciers
gagistes et nantis viennent en quatrième rang, à la
différence des créanciers de la masse qui occupent le
cinquième rang. Ces créanciers gagistes et nantis sont
préférés aux créanciers de la masse.
Le traitement de ces créanciers en droit positif
ivoirien diffère quelque peu de celui du projet OHADA. En effet, bien
qu'ayant accordé une priorité de paiement aux créanciers
nantis et gagistes, le projet OHADA les soumet au régime commun à
tous les créanciers dans la masse. Ils subissent donc les règles
de discipline collectives une que sont l'interdiction des poursuites
individuelles, l'arrêt du cours des intérêts, l'obligation
de production et de vérification des créances.
Le projet OHADA donne compétence au seul syndic pour
réaliser le gage des créanciers et leur nantissement. Lorsqu'est
ouvert un redressement judiciaire, le créancier gagiste ne peut
réaliser son gage, il doit attendre l'issue du vote concordataire. Il en
est de même pour le créancier nanti dont le privilège ne
peut s'exercer avant ce vote. Il ne faut vendre les biens du débiteur
que lorsque le concordat n'aboutit pas ou est annulé car le souci
majeur, c'est de maintenir l'entreprise en vie.
En cas d'absence de concordat ou de résolution de
celui-ci, les créanciers gagistes et nantis retrouvent leur
liberté et peuvent voir leur privilège s'exercer comme en droit
positif mais, par le seul syndic. Dans la liquidation des biens, l'article 149
du projet OHADA donne la possibilité au syndic de rembourser la dette
des créanciers nantis et gagistes au profit de la masse ou de
procéder à la réalisation de l'actif.
Si dans un délai de trois mois suivant la
décision de liquidation des biens le syndic n'a pas retiré ou
entrepris la procédure de réalisation du gage, le
créancier gagiste retrouve sa liberté et peut dans ce cas,
exercer ou reprendre son droit de poursuite individuelle, à charge d'en
rendre compte au syndic. Quant au créancier
nanti, il reprend son droit de poursuite individuelle et peut
poursuivre la réalisation de son bien en exerçant par exemple une
saisie arrêt sur les biens du fonds de commerce qu'il a pris
nantissement. L'ordre de classement établi par l'article 167 du projet
OHADA nous permet de voir que les créanciers gagistes occupent le
quatrième rang et les créanciers nantis le cinquième
rang.
L'ordre de paiement par ordre de priorité est le suivant
:
· les créanciers de frais de justice engagés
pour parvenir à la réalisation du bien vendu
· les créanciers de frais engagés pour la
conservation du bien vendu
· les créanciers de salaire super
privilégiés
· les créanciers garantis par un gage
· les créanciers garantis par un nantissement
· les créanciers de la masse qui viennent en
septième rang
Cependant il faut remarquer que la priorité de ces
créanciers munis de sûretés réelles spéciales
sur les créanciers postérieurs n'est pas sans limite. En effet,
ces créanciers gagistes et nantis viennent en rang inférieur
devant certains créanciers postérieurs au jugement munis de
privilèges mobiliers généraux que sont le super
privilège de salaire et les frais de justice.
Les créanciers super privilégiés de
salaire occupent le troisième rang alors que les créanciers
nantis et gagistes occupent respectivement les cinquième et
quatrième rangs. De même, les créanciers de frais de
justice postérieurs au jugement déclaratif priment ces
créanciers antérieurs au jugement déclaratif munis de
sûretés réelles spéciales.
en rang favorable. Dans ce cas, un créancier gagiste ou
nanti peut malgré son privilège, ne pas recevoir le paiement de
sa créance si l'actif est suffisant.
Paragraphe II - En matière immobilière:
l'hypothèque
Selon l'article 2117 du code civil, l'hypothèque est un
droit réel spécial qui porte sur les biens immobiliers
affectés à l'acquittement d'une obligation.
Elle peut être judiciaire et résulter alors des
jugements ou des actes judiciaires. Elle peut être également
conventionnelle ou légale (ou forcée depuis le décret du
26 juillet 1932 portant réforme du régime foncier).
Les créanciers hypothécaires
bénéficient d'une priorité de paiement par rapport aux
créanciers postérieurs au jugement déclaratif. Ils devront
au préalable valablement constituer leur privilège sur le
patrimoine du débiteur. Leur droit ne doit pas être inscrit en
fraude des droits de la masse. Ces créanciers hypothécaires comme
les créanciers gagistes et nantis ne sont pas des créanciers dans
la masse en droit positif ivoirien. Ils conservent leur droit de poursuite
individuelle et peuvent entamer la procédure de réalisation de
leur hypothèque pour se faire payer sur le prix de la vente. Ils
pourront également se faire payer les intérêts
légaux ou conventionnels qui accompagnent leurs créances.
A partir de l'union, si les créanciers n'ont pas
entamé la procédure de réalisation de leur garantie, ils
perdent leur droit de poursuite individuelle au profit du syndic qui acquiert
le pouvoir de vendre de ces biens immobiliers. Dans ce cas, le syndic est tenu
de vendre ces biens en suivant la procédure de vente des immeubles
prescrite par les articles 378 du code de procédure civile et les
procédures spéciales prévues par les articles 572 et 573
du code de commerce.
Dans le projet OHADA, ces créanciers
hypothécaires ne peuvent exercer immédiatement leur
privilège. Ils doivent attendre la fin du vote concordataire.
procéder à la vente de ces immeubles et payer les
créanciers hypothécaires.
Si au contraire, est engagée une procédure de
liquidation des biens, l'article 150 al 3 donne au syndic la possibilité
de procéder à la réalisation de ces biens immobiliers dans
les trois mois suivant la liquidation des biens.
Au cas où il ne ferait pas dans ce délai, les
créanciers hypothécaires peuvent exercer ou reprendre leur droit
de poursuite individuelle à charge d'en rendre compte au syndic. Dans
l'ordre de paiement des créanciers en droit positif ivoirien, les
créanciers hypothécaires occupent le troisième rang,
après les créanciers de salaires super privilégiés
et les créanciers de frais de justice. Ils priment ainsi les
créanciers postérieurs au jugement encore appelés
créanciers contre la masse qui occupent le cinquième rang. Le
créancier hypothécaire n'est pas garanti du paiement effectif de
sa créance car sa sûreté peut entrer en concours avec des
créanciers titulaires d'un privilège général ou
même avec d'autres créanciers munis de sûretés
réelles spéciales.
Selon l'article 2134 du code civil, lorsque plusieurs
créanciers hypothécaires entrent en concours, la collocation
s'établit selon le rang que leur donne la date de leur inscription sur
les registres du conservateur.
Dans le projet OHADA, l'ordre de paiement est clairement
établi. Selon l'article 166 de l'acte uniforme sur les procédures
collectives, les créanciers hypothécaires viennent en
troisième rang après:
. les créanciers de frais de justice engagés pour
la réalisation du bien . les créanciers de salaire super
privilégiés.
Ils priment également les créanciers de la
masse qui occupent le quatrième rang. Lorsqu'un créancier
hypothécaire est en concours avec un créancier muni d'un
privilège général, on admet que les privilèges
spéciaux priment les privilèges généraux sauf texte
contraire qui exclut les privilèges de frais de justice et le super
privilège des salaires.
réelles spéciales, il faut noter que le droit
des procédures collectives va "sacrifier" certaines sûretés
dont l'hypothèque légale de la femme mariée que lui
reconnaît l'article 30 du décret du 26 juillet 1932 relatif
à la reforme du droit foncier.
Cette hypothèque comprend en principe tous les immeubles
présents et à venir.
En matière de faillite et liquidation judiciaire,
cette hypothèque conserve sa valeur avec cependant une modification.
L'article 533 du code de commerce restreint son assiette sous certaines
conditions121:
Lorsque le mari est commerçant au moment de la
célébration du mariage ou lorsque n'ayant pas de profession
déterminée, il est devenu commerçant dans l'année;
les immeubles qui lui appartenaient à l'époque de la
célébration du mariage ou qui lui sont advenus depuis par
succession, donation entre vifs ou testamentaires, sont seuls soumis à
l'hypothèque de la femme:
pour les deniers et effets mobiliers qu'elle a
apportés en dot ou qui lui sont advenus depuis leur mariage par
succession ou donation entre vifs ou à cause de mort dont elle prouve la
délivrance ou le paiement ;
· pour le remploi de ses biens aliénés
pendant le mariage ;
· pour l'indemnité de dette par celles
contractées avec son mari.
En conclusion à l'étude des sûretés
réelles spéciales, il faut dire que les créanciers
antérieurs au jugement déclaratif munis de telles
sûretés ne sont pas dans une situation qui leur garantit un
paiement absolu car, ils sont primés par d'autres créanciers.
De plus, lorsqu'ils veulent exercer leur privilège,
certains voient leurs droits réduits. Cela a pour conséquence de
vider dans une certaine mesure ces privilèges de leur sens. C'est une
exigence liée à la particularité de la
continuation de l'activité et du droit des
procédures collectives en général, qui exigent qu'un
régime spécial leur soit appliqué. La prise en compte de
l'intérêt de l'entreprise et des créanciers n'est pas
aisée à gérer; c'est pourquoi très souvent, des
sacrifices seront exigés de la part de ces créanciers.
CONCLUSION
Au terme de notre analyse, l'importance de la continuation de
l'exploitation ne fait pas de doute. Cette importance se mesure à la
sensibilité de la procédure qui a engendré de nombreux
problèmes et débats tant doctrinaux que jurisprudentiels.
Cependant, cette importance n'est pas perceptible en droit
positif ivoirien en raison du défaut de réglementation
particulière de cette exploitation, mais surtout en raison de la
vétusté et l'inadaptation des quelques textes qui la
réglemente et qui sont presque toujours orientés vers la
liquidation des entreprises. Avec le projet OHADA qui donne à la
continuation un cadre précis d'expansion en la réglementant, en
tranchant les conflits qui ont perduré depuis des décennies, en
lui assignant de nouveaux objectifs, il y a lieu de croire que le continuation
de l'exploitation se fera connaître et montrera ainsi son importance.
L'idée de sauvegarde des entreprises nous donne
à espérer et à penser que lors de l'entrée en
vigueur de cet acte uniforme sur les procédures collectives d'apurement
du passif, l'impact de la continuation de l'exploitation sera perceptible sur
l'économie de notre pays.
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Cassation commerciale
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1972 n° 17284 Cass., com., 25 janv., 1971, D., 1971, somm., 105 Cass.,
com., 22 janv., 1974, D.,S., 1974. 514
Cassation sociale
Cass., soc., 7 janv., 1955, Bull., civ., IV, n° 151 Cass.,
soc., 7 juil., 1961, J.C.P., 1961, II, 12287 bis
Cass,. soc., 28 oct., 1971, R.T.D. Com., 1973, 910, obs.,
HOUIN Cass., soc., 6 mai 1975, D.S., 1975, 559, note A. HONORAT
Chambre des requêtes
Ch., req., 4 janv., 1858, D., 1859 . I. 98 Ch., req., 27 avril
1937, D.,1937 . p.330 Ch., req., 2 avril 1941, S., 1941, I., 120
Cour Suprême
Cour Suprême, Abidjan, 8 nov., 1974, R.I.D., 1975, I et II,
p. 40, n°3 Cour d'appel
C. A., Rouen, 7 août 1873, D., 1876, II. p. 62-63 C. A
Douai, 8 août 1894, D. P., 1896. 2. 1
C. A. Douai, 27 fev., 1894, D. P,. 1896. 2. 1
C. A. Nancy, 26 juin 1896, Gaz., Pal., 1896. 2. 520 C. A. Nancy,
26 juin 1896, D., 1898. 1. 559
C. A. Montpellier, 2 nov., 1927, D .H., 1928 .95 C. A. Paris, 23
janv., 1931, D.H., 1931, p. 154
C. A. Paris, 21 avril 1934, Gaz., Pal., 1934. 2. 134 C. A. Nancy,
8 mai 1935, D.H., 1935. 406
C. A. Paris 14 déc., 1954, J.C.P., 1955. II .8559 C. A.
Alger, 1er juil., J.C.P., 1958. 10863
C. A. Paris, 31 janv., 1963, J.C.P., 1963 . 1.13083
C. A. Toulouse, 6 déc., 1966, D.S., 1967, p. 324-325 C. A.
Paris, 12 nov., 1971, rev., jur., com., 1972. 14
C. A. Colmar, 23 fev., 1972, R.T.D. Com., 1973. 375 n° 38 C.
A. Rennes, 26 nov., 1974, Gaz., Pal., 1975. 1. 294
C. A. Rouen, 11 avril 1975, D., 1975, somm., 114
C. A. Abidjan, 8 juil., 1977, R.I.D. III et IV p . 164 n°
470 TRIBUNAL
Tribunal Civil
Trib., civ., Parthenay, 9 avril 1937 D. H., 1937, 314 Trib.,
civ., de la Seine, 5 fev., 1948, D., 1948, 198 Tribunal Commercial
Trib., Verniers, 31 juil., 1902, D. P., 1903.2.425
Trib., com., Lyon, 25 oct., 1972, rev., jur., com, 1973, 123
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
Al. Alinéa
Bull. civ. Bulletin Civil
A. Cour d'appel
Cass. Cassation
Cass. civ. Cassation chambre cive
Cass. com. Cassation chambre
commerciale
Cass. soc. Cassation chambre sociale
Ch. req. Chambre des requêtes
Chron. Chronique
Comp. Comparez
D . D a l l o z
D. H. Dalloz hebdomadaire
D. P. Dalloz périodique
D. S. Dalloz sirey
Doct. Doctrine
D. soc. Droit social
Ed. Edition
Encyl. Encyclopédie
Fasc. Fascicule
Gaz. Pal. Gazette du palais
In. A l'intérieur de
Info. Rap. Informations rapides
J. Cl. Juris classeur
J.C.P. Juris classeur périodique
J.C.P., ed (E) . Juris classeur périodique édition
entreprises J.O.A.O.F
J.O.A.O.F. Journal Officiel de L'Afrique Occidentale
Française
J.O.R.C.I. Journal Officiel de la République de Côte
d'Ivoire
L.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de
Jurisprudence
N° Numéro
Obs. Observation
O.H.A.DA Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit
des affaires
Op cit . Dans l'ouvrage précité
P. Page
P.U.F. Presses universitaires de France
R.I.D. Revue ivoirienne de droit
R.T.D. com. Revue trimestrielle de droit commercial
S . S i r e y
Somm Sommaire
Tome
Trib. Tribunal
Trib. Civ Tribunal civil
|