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Formation professionnelle et professionnels formateurs : le cas des stages cliniques infirmiers

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par Gaà¯ta Le Helloco-Moy
Université Bordeaux 2 - Master 0000
  

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4.4 - La didactique des soins infirmiers face à la contrainte du milieu de soin

Former aux soins infirmiers alors que l'on doit avant tout rester soignant pour les patients représente une gymnastique incessante pour les infirmiers. Passer du rôle du soignant à celui de formateur, du cadre du soin à celui de la formation, c'est le challenge quotidien des professionnels qui enseignent leur métier en même temps qu'ils l'exercent. Si l'on rajoute à cela les nombreuses responsabilités qui leur incombent et les demandes incessantes émanant des autres acteurs de soin comme des patients et de leur famille, on comprend mieux la difficulté éprouvée par certains professionnels quand il s'agit de jongler avec toutes ces contraintes sur le temps qui leur est imparti pour réaliser l'ensemble de ces actions.

Avant toute chose et pour tous les professionnels interrogés, le soin réalisé avec l'étudiant se doit d'être toujours éducatif et l'exemple de l'étudiant préparant l'ensemble des boîtes du service a frappé tout le monde. Le premier groupe nous donne une première piste en affirmant qu'il vaut mieux « qu'il prépare pour SON patient et qu'il comprenne déjà ce qu'il met comme médicament dans la boite pour ce patient là » (A) mettant le doigt sur l'incongruité de la préparation de boîtes pour des patients qu'il ne gère pas. Le dernier groupe reprend ce non-sens didactique nous affirmant : « je ne vois pas l'intérêt parc'qu'il va faire du travail à la chaine sans forcément savoir tout ce qu'il prépare parce que 17 boîtes c'est beaucoup trop je pense, on peut imaginer qu'il a peut-être deux patients qu'il a en charge, pourquoi pas préparer les deux boîtes des patients qu'il a en charge ? » (V) Ce thème est repris par une infirmière du même groupe qui nous précise ainsi qu'il faut qu'« en fait, (que) la préparation des boîtes soit pour lui un enseignement aussi, parce que là, préparer des boîtes cela n'a aucun intérêt, je veux dire si il connait pas la pathologie des patients et tout ça cela n'a aucun intérêt » (F). Et toujours dans la volonté d'analyse des situations présentées, ce même groupe se risque même à affirmer que « c'est pas formateur sauf pour être en situation pour se tromper » (V).

Ainsi, le soin ne serait pas toujours formateur et la didactique du professionnel serait donc essentielle à la compréhension du geste afin de le replacer dans une dynamique globale de la prise en charge d'un patient. « Comme j'dis, savoir faire une calci (calciparine®), c'est pas le geste de la sous-cutané qui est difficile c'est savoir pourquoi on le fait » (S). Le professionnel doit-il expliquer cela ou doit-il laisser l'étudiant chercher ce « pourquoi du comment » ? Les avis ici semblent plus partagés avec la même scission entre les groupes, les deux premiers laissant le soin aux étudiants de s'autonomiser dans la recherche alors que les deux derniers groupes s'appliquent à mettre en place des situations les plus claires possibles pour l'étudiant afin qu'il comprenne au mieux le sens de ses actions. Ainsi, le troisième groupe, conscient de l'enjeu temporel durant les stages, nous explique les raisons d'enseigner plutôt que de laisser l'étudiant aller vers l'erreur sans apporter techniques et méthodes pour l'aider dans ses expériences de soin : « C'est toujours impressionnant d'avoir une liste détaillée comme ça mais c'est en faisant ou en donnant, en tout cas quand on est élève, le maximum de formation... comment dire ? Qu'on aura le minimum [d'erreurs] après dans les pratiques courantes » (R).

Il apparait donc ici que, même si le soin doit être éducatif pour tous, les conditions de mise en rapport au savoir qu'il requiert pour être exercé professionnellement peuvent varier d'un infirmier à un autre et cette variation peut avoir des incidences importantes sur l'apprentissage réel de l'étudiant. Si nous prenons l'exemple du soin relationnel, nous voyons que les infirmières des deux premiers groupes ressentent cette difficulté didactique sans vraiment parvenir à un consensus sur la méthode qu'elles emploient passant d'un apprentissage par imitation : « qu'elle soit présente pour déjà voir un peu... je sais pas être un peu proche du relationnel et puis que le patient voit que non qu'il y a erreur... » (A) à une pédagogie essai-erreur : « Moi je crois que je laisse faire et que je réajuste avant que cela dérive aussi hein on essaie de vite réajuster quand il y a un comportement qui n'est pas adapté et qui va... » (B) alors que le second groupe imagine plutôt l'importance des savoirs pré-requis en restant tout de même au conditionnel : « Je l'aurais peut-être pas apostrophée sur ce ton là parce que c'est une première année par contre je l'aurais bien reprise » (I).

Dans les deux groupes suivants, il n'y a pas de méthode toute faite, prête à servir ni de recherche de celle-ci, mais plutôt une recherche d'explication sur ce qui a pu conduire l'élève à faire une erreur en tentant de comprendre simultanément si cette erreur pouvait être commise par un professionnel dans le même contexte. Ainsi un infirmier du troisième groupe note que « c'est assez rare déjà qu'un élève réponde, déjà que c'est pas facile quand on... alors de là à aller l'exprimer » (R), démontrant la difficulté des actes relationnels. Ce point de vue est repris en totalité par le quatrième groupe qui met fortement l'accent sur cet aspect : « bah moi j'ai envie de dire que j'ai l'impression que c'est plus facile quand on explique un soin technique que quand on est dans le relationnel parce que c'est plus du concret et que le relationnel serait finalement plus difficile à acquérir et à appréhender » (V).

Il semble également que la difficulté liée aux contraintes des soins soit plus prégnante pour les deux premiers groupes, qui nous ont rapporté une difficulté ressentie face à la charge de travail, qui peut ainsi engendrer des possibilités de mise en condition fluctuantes : « Il y aura peut-être des jours où on aura plus le temps aussi de le prendre à part l'étudiant, de lui expliquer... et d'autres où on aura moins le temps » (B). Ces contraintes sont cependant vécues comme une injonction paradoxale puisque cette même infirmière nous dit un peu plus loin : « Enfin bon, on essaye toujours de garder du temps pour les étudiants... » et sa collègue approuve ces paroles en finissant sa phrase avec un « mais y'a des jours où c'est pas possible ... » (A), laissant ainsi place à des rires qui illustrent cette contradiction entre la volonté de prendre du temps et le sentiment de ne pas pouvoir le faire. Dans le second groupe, une infirmière prend la parole pour parler au nom de toutes et expose similairement ce paradoxe : « après cela dépend aussi du boulot que tu as mais je pense que, nous, on n'aurait pas le temps de prendre [du temps pour tout réexpliquer] » (I). Pourquoi les autres groupes n'ont-ils pas abordé cet aspect ? Rien ne nous permet de penser qu'ils aient moins de travail ni une meilleure organisation de service, et pourtant, cette difficulté est ressentie et les conditions qui empêchent les infirmières de séparer soins et formation sans avoir le sentiment d'une charge de travail en sus nous échappent en partie et, en dehors de l'expertise qui permet une meilleure hiérarchisation des priorités tout au long de la journée, nous ne pouvons, dans les limites de notre échantillon, avancer d'autres hypothèses. Il faudrait, sur ce point comme sur d'autres, approfondir cette question

 
l'autonomisation à la mesure des possibilités de chaque étudiant en fonction de son niveau de formation... début de réponse ?

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Une autre difficulté, d'ordre plus structurel, est relatée par les professionnels opposant des erreurs liées à des habitudes d'équipe et à la peine que peuvent éprouver les étudiants à comprendre ces habitudes. Ceci se passe comme si l'équipe représentait alors un cadre dont les règles doivent être connues pour comprendre, accepter et ne pas s'offusquer du fait que ce qui se réalise dans ce service précis puisse différer d'un autre service. De par la connaissance de ce cadre, les professionnels analysent des causes probables aux erreurs de cadre des étudiants : « I : en même temps, j'imagine qu'au niveau des transmissions c'était pas ... S : pas clair.. » voire éprouvent eux-mêmes les limites de ces cadres qui ne coïncident pas forcément avec les leurs : « C'est avec un produit qui est déjà facturé et facturable, et donc, point de vue économique je trouve ça un petit peu limite » (M). Cependant, la prise de conscience des limites de ce cadre permet d'accepter qu'un étudiant puisse en sortir sans pour autant porter le poids de son désengagement, comme nous le raconte une infirmière du quatrième entretien :

« C'est pour ça qu'il faut faire attention et qu'il ne faut pas faire culpabiliser le personnel par rapport à ça parc'que forcément quand un patient nous pose des questions, qu'on a connaissance du diagnostic, que quelque fois le patient ne sait pas ou ne veut pas savoir, on est aussi pris à parti et c'est pas forcément facile à vivre donc c'est un peu lourd de faire culpabiliser une élève alors que même nous, en tant que soignants, on est pas toujours très clairs par rapport à ça en plus... c'est lourd ! » (V, E4, 150-155)

Même si aucune méthode infaillible ne résulte de ces données pour transmettre les soins infirmiers, il apparait que ces savoirs n'échappent pas aux obstacles inhérents à l'ensemble des formations. Ces acteurs se heurtent donc aux mêmes problèmes que tous les professionnels de la formation, résolvant leurs difficultés au quotidien, dans des actions réflectives plus ou moins adaptées selon les points de vue de chacun.

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"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon