Section II : Le rôle du costume lors de
l'initiation et du rituel Ku'ngang
A-L'initiation au Ku'ngang
Nous voulons signaler que le costume qui a retenu notre
attention est un élément fondamental de cette confrérie.
Il intervient dans tous les actes que posent les membres et avant de le
revêtir, chaque membre passe absolument par une intromission
particulière.
Cette confrérie est lignagère, l'entrée
un droit de sang et l'initiation non obligatoire. Quand un fils de Ku'ngang
manifeste la volonté d'intégrer le groupe, son père
le présente aux confrères et il obtient son droit
d'entrée. Tous les fils de Ku'ngang peuvent volontairement
intégrer la confrérie mais il faut au préalable que
celui-ci soit «préparé». Cette pré-initiation
consiste à faire boire aux enfants à bas âge des
décoctions et à lécher des poudres d'os d'animaux
broyés et beaucoup de décoctés similaires. Ceci
s'accompagne de paroles incantatoires et protectrices. Il doit aussi prendre
connaissance avec le costume, ce nouvel objet fait de particules humaines,
animales et végétales qui devront lui servir de bouclier contre
les attaques mystiques.
Aussi, la fille aînée Tèt Ndeh
Ku'ngang obtient d'office son droit d'entrer dans la
société, de siéger et de prendre part à toutes ses
manifestations publiques. Elle prend de ce fait le nom de Maffeuh
Ku'ngang.
Pour nuancer les propos de PERROIS et NOTUE (1997, 74-76), le
Ku'ngang à Bansoa ne siège pas du tout à la
chefferie et le chef est d'office exclu d'en être membre dans la mesure
où il n'est pas de la lignée. Bien plus, les postulants ne
contractent pas impérativement d'alliance totémique avec des
animaux féroces lors de leur initiation.
Bien qu'issu de la lignée, le nouveau membre doit subir
l'épreuve du jet de cauris. Tous les fils Ku'ngang ont la
possibilité d'en devenir membres mais pas la même
prédisposition à supporter les rigueurs de la formation. Ainsi,
la confrérie réunit tout son comité et le devin
prend quatre cauris sur lesquels il demande au postulant de
cracher. Ceci fait, ils sont jetés au sol et le devin interprète
leur position. Si les cauris répondent par l'affirmative, le candidat
est alors autorisé à commencer son initiation. Au cas contraire,
l'expérience est répétée deux à trois fois.
Si cela persiste, il y a un huis clos entre les membres pour détecter le
blocage. Au sortir de là, l'on refait le jet et s'il y a toujours refus,
le candidat se voit refusé l'accès à l'initiation. Il faut
noter que le candidat choisi par les esprits n'a pas besoin de subir deux jets
car le premier est très souvent confirmé.
Il est vrai que le Ku'ngang est
caractérisé par les pouvoirs magico-religieux des membres. C'est
ce qu'ils appellent entre eux le Nguegang, forme camouflée de
Nekang qui signifie la magie. Cette puissance s'acquiert à la
naissance et est cultivée au fil des apprentissages divers sous le
regard perspicace du Tatchouop (maître initiateur).
Lors de la première initiation marquant son accession
à la confrérie, le jeune postulant a le crâne rasé
et le corps embaumé de P'poh (poudre rouge de bois d'acajou)
mélangée à de l'huile de palme, preuve qu'il décide
de se sacrifier pour la cause du ku'ngang. Il est gardé chez le
Tèt Ndeh pendant la durée de son initiation et ne doit
retourner chez ses parents qu'une fois la première phase
terminée. Il ingurgite au quotidien des décoctions dont seul
l'initiateur connaît la composition. Il est mis sous un régime
alimentaire ascétique pendant les trois à six semaines que peut
durer son intromission. Pendant cette phase de privations, l'impétrant
passe de son onction en rouge vers une onction jaune faite de terre ocre
broyée et mélangé à l'huile. Au menu, il ne
consomme que des insectes, des grenouilles et bien d'autres.
La rigueur de son initiation tient aussi du caractère
puissant de cette confrérie car le jeune aspirant doit être bien
préparé à affronter les esprits maléfiques lors des
étapes qui joncheront son parcours.
Cette phase s'achève par une manifestation solennelle.
Une fête sur la place publique marque d'office la sortie des nouvelles
recrues. Ils ont le torse nu et portent tous des jupes en tissu en batik
«ndop». C'est à cette occasion qu'ils commencent
à exercer leur jeune talent surnaturel en mangeant du taro cru ou en
mâchant des objets tranchants tels des lames de rasoir ou des tessons de
bouteilles. Il arrive parfois que la rudesse de la formation ait raison de
certains prétendants. A la sortie, si un parent au lieu de voir son fils
trouve plutôt brandi un haillon de son vêtement recouvert de
cendre, il comprendra que celui-ci a succombé pendant son
apprentissage.
La deuxième phase est la plus longue et la plus
spirituelle. Parvenus à l'âge adulte et mariés pour la
plupart, les candidats doivent apprendre à maîtriser leur force
intérieure, leur énergie et les forces qui les entourent à
travers une méditation. Ils apprennent à connaître la danse
Ku' (lire Kou') ainsi que tous les accessoires qui y sont
associés. Ils s'exercent sous le regard du Tèt Nekang
(père de la magie) à opérer des prodiges tel que commander
ou maîtriser les forces de la nature (vents, orages, pluies, foudre,
essaim d'abeilles...) Ils apprennent aussi à déposer le
fétiche en cas de vol et comment l'amener à agir sur le coupable
en cas de non restitution (voir photo 9). C'est également à ce
stade qu'ils apprennent à charger une statue et d'en faire un
réceptacle du Nguegang (voir photo 10, 11 et 12), capable de
motricité, de parole et d'action sur l'homme. Une fois que la formation
complète est achevée, l'aspirant est à même de
savoir quel prodige peut être fait en public ou pas. Les autres pratiques
et démonstrations restent ésotériques.
A cause du pacte de discrétion qui lie tous les membres
de cette société, nous n'avons pas pu accéder à
plus d'informations relatives à certains autres rites qui se passent
lors de ces initiations. Nous voulons tout de même aborder le rituel.
|