Section I : Les origines du Ku'ngang à Bansoa
Avant de parler de ces origines, attardons-nous sur le mot
lui-même.
A- La doctrine fondamentale du Ku'ngang
Quelle que soit la variation de la façon
d'écrire ou de prononcer le mot, Ku'ngang traduit une seule et
même réalité pour toutes les communautés
Bamiléké qui le connaissent. Selon nos informateurs2,
Ku'ngang serait dérivé de la langue Fotouni dans le
département des Haut-plateaux de l'Ouest. Kou'
ou ku' pourrait se traduire par respect, amour,
confiance; Ngang quant à lui signifierait la
personne, quelqu'un ou l'indiqué. Le Ku'ngang est donc l'amour
ou le respect pour une personne. Il se décrit comme un rassemblement ou
une assemblée de personnes détentrices d'un pouvoir surnaturel et
dont le but est entre autres, de protéger le village contre les
épidémies, les mauvais esprits, les mauvais sorts et veiller
à sa prospérité autant agraire qu'humaine. PERROIS (1993,
88) à cet effet mentionne que :
Le ku'ngang constitue la société
secrète la plus active dans les chefferies car elle joue de nombreux
rôles, notamment en matière d'agriculture, de magie au
bénéfice du groupe, des rapports avec les défunts et
parfois-même militaire en complément du Manjong.
Le Ku'ngang est l'assemblée des sorciers et
des marabouts les plus puissants et les plus réputés du village
dont les origines remontent très loin dans le temps. Dans certains cas,
le Ku'ngang joue le rôle d'organe répressif et parfois
même de Justicier3.
On peut avoir une idée de sa région de
départ, des endroits de la province où on a ses premières
manifestations. Pour PERROIS et NOTUE, (1997, 74) «C'est à partir
d'un quartier de Banka que le Ku'ngang se serait répandu dans
une bonne partie des chefferies de la région».
Malgré ses origines assez mitigées, le
Ku'ngang s'est propagé dans plusieurs chefferies
Bamiléké, ainsi Bansoa n'a pas été
épargné.
B- L'arrivée du Ku'ngang à Bansoa.
Les enquêtes ont permis de découvrir que le
Ku'ngang s'est implanté à Bansoa en plusieurs
étapes, provenant des endroits différents. Certains informateurs
(anonymes) situent son arrivée à environ deux siècles et
pour d'autres, cette arrivée est plus récente, environ un
siècle et demi.
Selon un informateur4, le Ku'ngang dont il
est héritier et chef de clan est venu de Fotouni il y a quelques
siècles. Nous avons répertorié sept clans siégeant
encore à Bansoa. Cet informateur, âgé de 56 ans environ est
le 5e descendant d'une génération de Ku'ngang.
Sa maman encore vivante est âgée de 76 ans. Il affirme que,
son grand-père était le premier maître Ku'ngang
à arriver à Bansoa. Si l'on considère que les trois hommes
qui l'ont précédés ont vécu chacun au moins 50 ans,
cela nous situe approximativement à 206 ans avec l'âge de
l'informateur compris. Les témoignages convergent pour dire que ce clan
est le plus puissant et le plus ancien du groupement Bansoa car c'est lui qui
détiendrait la pierre du Ku'ngang5.
En effet, un prince Fotouni du nom de MBAH Sengang n'ayant pas
hérité du trône s'enfuit du village et se retrouva à
Bansoa. Il était doté d'un pouvoir surnaturel et impressionna par
le fait même le XIIIe chef de la dynastie Bansoa du nom de
FOMENE dit Ta'atoh Ntu'u».6 Celui-ci
sollicita les services de MBAH Sengang pour conquérir les territoires,
et surtout parce qu'il n'arrivait pas à faire un héritier
mâle. Un traitement spécial lui fut administré par le
guérisseur et le chef put enfin faire un garçon, Tchinde I,
père de
Djontu Maurice à son tour père de Sa majesté
TCHINDE II DJONTU Jean de Dieu, roi des Bansoa.
Comme sa renommée ne cessait de croître, cela
suscita quelques jalousies dans la cour, même et c'est pour éviter
des soulèvements que le chef permit à MBAH Sengang de s'installer
dans la partie sud-ouest du village et d'y créer sa chefferie car il
avait beaucoup de femmes et d'enfants. Une fois installé, il entreprit
immédiatement d'agrandir son territoire en repoussant les Baloum qu'il
effrayait par des voies mystiques. Il fonda ainsi la Chefferie
"La'afiè" qui signifie nouveau village ou terres
neuves.
D'un autre côté, le clan Ndze Tsinkem7
est venu de Bangam avec un nommé Ndzetchap et est aujourd'hui à
sa troisième génération. Vu les 57 ans d'âge de
l'actuel successeur et considérant que ses prédécesseurs
ont vécu chacun au moins 50 ans, on situe à environ 150 ans
l'implantation de ce clan depuis l'émigration de Bangam.
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Photo2 :
Entretien avec, M. Ngumtsa jean Galbert (tradi-praticien chef
de clan Ku'ngang) en compagnie de sa mère.
Photo3 : Entretien avec M. Matthieu
Soh, (tradi-praticien et Chef de clan Ku'ngang)
Un autre clan venu de Bangam et qui n'a pas encore de descendance
à Bansoa est celui de Ndi Mbè Tamenouo. Cet autre chef de clan et
tradi-praticien est âgé de 62 ans.
S'il est vérifié avec NOTUE que le
Ku'ngang est né à Banka, l'hypothèse de sa
progression dans le temps et dans l'espace, suivant le parcours Banka, Bandja,
Batié, Bangam, Bamendjou et Bansoa peut être émise (voir
carte 3). La surprise est que ce Ku'ngang ait trouvé une autre
forme pré-existante, plus simple, plus sobre et plus ancienne.
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