CHAPITRE IX : La vulnérabilité du quartier
Darou
Rahman face au risque généré par la
centrale
électrique de Kounoune
9.1. Proximité du quartier à la
centrale
Darou Rahman est le quartier qui connait parmi ceux choisis
dans cette présente étude les dynamiques urbaines les plus
importantes. Il constitue cependant une extension de la ville de Rufisque
tendant à se rapprocher de plus en plus à la centrale
électrique. La présence future de l?autoroute à
péage d?ailleurs qui est en construction est un élément
explicatif des spéculations des réserves foncières
existantes et du développement accrue de plusieurs habitations autour de
la centrale électrique (photo10).
Photo 11 : Cohabitation habitation et
centrale électrique de kounoune
Source : Enquête mémoire Alassane
Barro, ENEA, 2010
L?accident de la SONACOS toujours pris comme situation de
référence a mis en lumière l?extreme
vulnérabilité des populations face au risque industriel qui peut
se concrétiser à tout moment et à une large
échelle. La vulnérabilité est difficile à mesurer
et ne se résume pas à une simple note d?exposition à un
aléa.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Dans le quartier de Darou Rahman, il n?existe pratiquement que
des locataires et ceuxci ne sont pas en mesures de répondre à la
question liée aux éventuels relogements. Mais tout compte fait,
nos enquêtes ont révélées que 71% des chefs de
ménages ?locataires?? ont un niveau d?information très
insuffisant des risques encourus en étant à côté de
la centrale et seulement 7% pour un niveau suffisant. Nombreux sont ceux qui
s?activent dans le commerce, la péche, l?agriculture et peu travaillant
dans les entreprises voisines et les travaux de l?autoroute à
péage.
Par contre 5% bénéficient des services de la
centrale à l?exemple de l?utilisation gratuite de l?eau et
l?éclairage de proximité.
Cependant, la question de savoir le genre de titre
d?occupation dont ils disposent a entrainé une certaine
réticence. Or, la réponse devait nous permettre à juste
titre d?identifier les véritables motivations de leur implantation dans
la zone à risque mais aussi de remettre en cause certains passages du
code de l?urbanisme notamment son article L72. En effet, toute autorisation de
construction doit être faite sur certaines bases particulièrement
des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en
matière de sécurité, de santé, d?hygiène et
d?environnement.
GRAPHIQUE 7: Niveau d?information des
chefs de ménages sur le risque encouru
70%
60%
50%
40%
30%
20%
10%
0%
7%
2%
7%
13%
suffisant peu suffisant insuffisant trés
insuffisant ne sait pas
Source : Enquête mémoire Alassane
Barro, ENEA, 2010
Ce quartier constitue aujourd?hui une préoccupation
majeure de tous les acteurs raison pour laquelle il devrait exister une
synergie adéquate entre eux en vue de régler durablement le
problème.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
En effet, l?appréhension qu?ont les uns ne l?est
forcément pas pour les autres. Les représentants de l?Etat,
motivés par des impératifs de sécurité, les
élus locaux partagés entre le principe de précaution et
les intérêts du développement économique et foncier
de la commune de Rufisque, les riverains désireux de maintenir les
possibilités de valorisation et d?aménagement de leurs biens
immobiliers en ne souhaitant pas être exposés à un risque
et les industriels souhaitent consolider leur présence sur le site sans
être entrainer dans des mécanismes d?indemnisation trop lourd
financièrement.
9.2. Inventaire des éléments rendant
vulnérables le quartier « Darou Rahman »
Il existe des éléments de
vulnérabilité lié à la structure physique comme la
topographie, la climatologie, la densité de peuplement etc.
Ce quartier englobe en son sein plusieurs concessions et a une
densité de peuplement assez grande (3hbts/chambre). Il n?a pas fait
l?objet d?un lotissement raison pour laquelle les maisons se sont
regroupées fortement et sont construites en dure le plus souvent.
La rose des vents de la zone, représentant les quatre
points cardinaux et marquée des 32 directions des vents montre que
ceux-ci quitte le plus souvent du Nord vers le Sud de la centrale où se
trouve le quartier Darou Rahman. Elle est un élément important
dans l?analyse des facteurs susceptibles de faire propager les effets de flamme
issus dans un incendie.
Il existe toujours dans cette zone des équipements tels
que l?école élémentaire, des magasins commerciaux et
autres souvent appréhendé comme des établissements
recevant du public, des voies de communications tels que l?autoroute à
péage (photo10) où bientôt la circulation
s?intensifiera tant en terme d?augmentation des moyens de transport que des
personnes devant l?emprunter et enfin l?existence de réseau
électrique des lignes haute tension. Tout ceci ne fera qu?augmenter
l?ampleur des conséquences aussi bien environnementales qu?humaines. La
convoitise récente de cet espace s?explique par la présence des
terres agricoles en grande partie privée qui sont, de plus en plus,
cédés à une urbanisation majoritairement anarchique au
profit de l?habitat individuel comme le montre le graphique suivant :
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
GRAPHIQUE 8 : Typologie d?habitat dans le
quartier Darou Rahman
23%
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
13%
64%
habitat moderne individuel habitat moderne collectif
habitat précaire
Source : Enquête mémoire Alassane
Barro, ENEA, 2010
Photo 12 : Les travaux de l'autoroute à
péage Dakar-Thiès se trouvant entre Darou Rahman et la centrale
électrique
Source : Enquête mémoire Alassane
Barro, ENEA, 2010
En somme, l?étude révèle que la
vulnérabilité du quartier Darou Rahman est relativement
élevée.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
9.3. Perception du risque selon les
populations
9.3.1. La connaissance du risque
Au regard du graphique 9, on constate que 80
chefs de ménages enquêtés soit 66,6% prétendent
connaitre l?existence d?un risque susceptible de se produire dans les
périmètres de la centrale électrique mais sa nature
demeure toujours méconnaissable. Mais tout compte fait, ils sont en
mesures d?inventorier les conséquences telles économiques et
environnementales. Nombreux sont ceux qui disent que le risque «
zéro » n?existe pas donc un accident majeur est toujours possible
de se produire malgré la mise en oeuvre des mesures de
sécurité. Tout de méme, ils ignorent l?existence d?une
distance d?isolement et d?un signal d?alerte. Ils dénoncent ce manque de
communication et de sensibilisation entre populations exposées et
techniciens. Malgré cette connaissance, certains ont construit leur
maison tout en ignorant la distance d?isolement qui est une norme
réglementaire fixée par le code de l?environnement et de
l?urbanisme.
La zone de Kounoune abritant cette unité est
aujourd?hui une zone d?extension. Gela ne signifie pas que les populations ont
été informées sur les probabilités de survenance de
ce dernier. Ils ont su les manifestations d?un risque et de ses
conséquences à travers l?exemple de l?accident de la SONACOS en
1992 et dont les pertes humaines, économiques étaient
consistantes. Get événement a marqué un tournant dans
l?appréhension et la gestion des catastrophes industrielles.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
GRAPHIQUE 9 : Réponses des chefs
de ménages sur l?existence du risque
40
80
70
60
30
20
50
10
0
80
35
5
oui non ne sait pas
Source : Enquête
mémoire Alassane Barro, ENEA, 2010
9.3.2. L'information et la sensibilisation par rapport au
risque encouru
L?information et la sensibilisation des personnes
exposées au risque sont un droit reconnu aux citoyens. Elles sont l?un
des piliers de la politique de prévention des risques majeurs.
Cependant, recevoir cette information préventive influence-t-il la
connaissance des risques et de leur gestion ? Quels sont les dangers auxquels
les populations sont exposées ?, quelles sont les conduites à
tenir en cas de catastrophes ?, l?organisation institutionnelle est-elle claire
?
Si ces populations riveraines sont informées sur
l?existence du risque, sur leurs effets et sur les consignes de
sécurité, on peut s?attendre peut être à une
diminution de leur vulnérabilité et donc à une limitation
des conséquences dramatiques. C?est l?éloignement qui est le plus
favorable que l?information.
Mais, la mise en oeuvre d?une politique systématique se
heurte souvent aux traditions de secret des divers acteurs. Pourtant,
l?information préventive du public est reconnue de plus en plus comme un
facteur de prévention à part entière, si l?on tient compte
des victimes des incidents passés. Les médias jouent un
rôle non négligeable en matière de sensibilisation des
populations. Il n?y a aucune organisation dans la zone à l?exemple du
Comité Local d?Information et de Concertation pour assurer la
coordination entre industriels et population. Plusieurs chefs de ménages
ont fait part de leur difficulté à être tenu
régulièrement informés de la situation de l?installation
classée implantée dans leur territoire. L?évolution
permanente de nos sociétés est à la fois la cause et le
facteur aggravant de toute catastrophe et rend incertaines non seulement les
probabilités
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
d?occurrence mais également l?ampleur des
conséquences qu?une catastrophe peut entrainer pour les personnes et
l?environnement. Le niveau d?instruction a facilité la
compréhension du concept risque chez la plupart des personnes. En effet,
le graphique ci-dessous montre effectivement que 30 chefs de ménages
ayant eu un niveau entre le moyen et le secondaire ont donné une
perception assez profonde du risque allant de sa caractérisation
jusqu?à son évaluation.
GRAPHIQUE 10 : Répartition des
populations de l?échantillon selon le niveau d?instruction
25
20
15
10
0
5
9
23
1
23
14
3
9 9
3
0
0 0
12
0
0
6
2
2
Source : Enquête mémoire Alassane
Barro, ENEA, 2010
9.4. Perception du risque selon les acteurs
institutionnels
Du côté institutionnel, les structures telles que
la DEEC et la DPC sont conscientes de l?existence du risque étant
entendues que c?est elles qui ont la prérogative d?autoriser une
installation à faire une exploitation si cette dernière ne porte
pas des atteintes significatives sur les personnes, les biens et
l?environnement en s?appuyant sur les principaux instruments de gestion des
risques industriels. Mais aussi de la pré-validation à la
validation des documents tels que les études d?impact environnemental et
les plans d?opération interne. Ils conduisent des inspections au niveau
de la centrale et environs pour s?assurer de la prise en compte des
différentes recommandations avancées par les membres du
comité technique. S?agissant des quelques concessions et l?école
trouvées sur place avant le projet, ces acteurs ordonnent toujours leur
relocalisation ou passer aux opérations d?indemnisation à ces
personnes frappées de servitude publique. Ceci dit
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
qu?il y a des situations d?urgence prévisibles
étant entendu que la centrale électrique est une installation
classée à haut risque. Ces chefs de ménages se verront
accorder un certain nombre de garantie financière face aux restrictions
de leur ?droit??. En matière de délaissement et
d?expropriation, la valeur du bien est appréciée en vue de son
acquisition, sans tenir compte de la dépréciation
supplémentaire éventuelle causée par les interdictions
prise en application de l?article L13 du code de l?environnement. Ici le seul
problème de ces chefs de ménages resterait de retrouver une autre
concession avec ce montant financier qui leur est alloué. Contrairement,
si l?Etat utilisait le droit de préemption où le prix qui leur
serait proposé à l?occasion de la cession sera
nécessairement influencé par la situation géographique de
la concession. Ainsi, ceci pourra favoriser un départ spontané
des chefs de ménages des lieux.
Et maintenant, si toutes les démarches entreprises
n?ont pas donné de résultats satisfaisants c'est-à-dire
sur le prix à payer ou bien le consentement à payer, l?Etat peut
s?appuyer sur le droit d?expropriation pour cause d?utilité publique.
En se référant au modèle français,
l?inexistence d?un PPRT dans le droit sénégalais que le
Préfet du Département devrait se procurer, constitue une limite
à la prévention. Le PPRT considéré comme maillon de
la protection donnait le Préfet d?imposer dans un
périmètre donné des servitudes d?utilités
publiques28 censées prévenir les effets de toutes
explosions, incendies dues à une cause accidentelle.
Les PPRT appréhendés selon (BAROCCA et al, 2005)
comme un outil devant permettre la réduction de la
vulnérabilité des biens et des personnes par la révision
des conceptions urbanistiques, des modes d?urbanisation et de la cartographie
réglementaire qui découler non de la seule étude des
aléas mais aussi de l?analyse de la vulnérabilité des
territoires.
Toujours est-il que ce représentant de l?Etat est
conscient de l?existence du risque. L?indisponibilité de cet outil
explique les insuffisances au niveau institutionnel alors là il importe
de mettre l?accent sur l?harmonisation des politiques sectorielles
définissant de manière claire et précise la
responsabilité de chaque acteurs (Préfet, Sous-préfet, le
PCR, le responsable industriel et urbanisme, la population etc.).
28 Article L13 du code de l'urbanisme au
Sénégal
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Par contre le plan ORSEC demeure l?unique arme disponible pour
faire face aux risques naturels comme technologiques,
Et jusque là, la procédure tarde à
arriver à terme. Les politiques de réduction des
conséquences des accidents constituent une économie pour la
collectivité. Cette dernière n?a jamais considéré
les coüts de prévention comme des investissements rentables mais
plutôt comptabilisés comme des dépenses.
La perception suffisante des populations et des acteurs avec
le risque au quel ils cohabitent infirme l?hypothèse de départ
qui sous tendait que la perception était insuffisante.
9.5. La mission des différentes
structures
La DEEC : Sous l?autorité du Ministre de
l?Environnement et de la protection de la nature, elle est chargée de la
mise en oeuvre de la politique du Gouvernement en matière
d?environnement, notamment de la protection de la nature et des hommes contre
les pollutions et les nuisances. Elle élabore les textes
législatifs et réglementaires concernant l?environnement, met en
oeuvre les moyens propres à assurer la prévention et le
contrôle des pollutions et nuisances.
La DPC : C?est l?arrêté n°539 du 12 janvier
1990 qui organise la DPC au Sénégal, elle est chargée de
l?élaboration des textes qui régissent le domaine de la
prévention des risques. Elle est chargée d?étudier des
dossiers de construction ou de transformation des ERP en vue de s?assurer de
leur conformité avec les dispositions législatives et
réglementaires en vigueur, de veiller à la coordination des
activités de prévention de prévention et de gestion des
catastrophes menées dans la région.
La Direction de l?Urbanisme et de l?Architecture (DUA) : Selon
le Décret n°2004-84 du 23 janvier 2004 portant organisation du
Ministère de l?urbanisme et de l?aménagement du territoire, la
DUA se charge d?élaborer et de suivre l?application des lois et
règlements en matière d?urbanisme et de l?aménagement du
territoire, d?élaborer et de mettre en place des outils de gestion
urbaine.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
Pour la DEEC, la loi 2001 demande bien le POI et
l?étude d?impact et pour les deux l?étude de danger est une
nécessité. Cette dernière repose sur une nomenclature des
ICPE et surtout un guide méthodologique des dangers.
Il est à noter également le la DEEC et la DPC
travaillent ensemble dans le POI. Il y a les coordinations régionales de
sécurité qui sont des structures interministérielles
regroupant tous les services compétents qui s coordination entre elles
étant entendus que chacune ne va sans solliciter les services de
l?autre. De méme, il est reproché aux textes de n?avoir pas rendu
obligatoire la responsabilisation civile des chefs d?entreprises en cas
d?accidents. A cela s?ajoute que les considérations relatives à
l?environnement sont intégrées dans des textes sectoriels qui,
par conséquent n?ont pas une vision globale des problèmes. Enfin,
les textes sont rarement appliqués et respectés.
L'urbanisation non maitrisée et le risque industriel :
Cas de la centrale électrique de Kounoune
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