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Les déclarations interprétatives en droit international public

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par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

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Section III- Harmonisation des dispositions conventionnelles qui font usage de concepts Juridiques indéterminés

Des difficultés d'interprétation surgissent aussi dans des cas particuliers lorsque le traité fait usage d'expression dont l'interprétation est équivoque. Il s'agit de termes vagues, du fait qu'elles renvoient à des concepts élastiques, pour ainsi dire à contenu variable, dont on peut considérer qu'elles sont des concepts juridiques indéterminés. Dans de pareils cas, on est confronté à une imprécision particulière, qui va au delà de celle que tout langage connaît et dont il est presque impossible de se passer. Il s'agirait d'une imprécision structurelle, strictement inhérente au concept que l'on veut utiliser.

Le plus souvent, des termes vagues sont choisis de manière intentionnelle. Par exemple, toutes les fois ou l'on veut ouvrir la disposition vers le futur et les différentes situations possibles. Dans cette hypothèse, la norme peut renvoyer aux valeurs sociales d'une société déterminée et aura une signification évoluant au fur et à mesure que les valeurs de la société en question pourront changer.

Par exemple, si l'on parle de « raisonnable » ou encore de « nécessaire dans une société démocratique », ces deux expressions sont vagues parce qu'il faut qu'elles le soient, afin que le juge ou l'interprète, quel qu'il soit, puisse adapter la norme à la réalité sociale avec laquelle il se confronte17(*). Lorsqu'on ajoute une déclaration interprétative à une manifestation de volonté relative à un traité qui présente des expressions vagues, c'est précisément dans le but de choisir une signification parmi la multiplicité d'acceptions abstraitement possibles. L'exemple de la formulation de l'article 2 paragraphe 4 de convention de 1958 sur le plateau continental est édifiant à cet égard :

« Les ressources naturelles visées dans les présents articles comprennent les ressources minérales et autres ressources non vivantes du lit de la mer et du sous-sol,

ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au stade ou ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le lit de la mer ou au dessous de ce lit, soit incapables de se déplacer si ce n'est en restant en contact physique avec le lit de la mer ou le sous-sol ».

On le voit clairement, l'expression « constamment en contact physique » (en anglais « in constant physical contact ») est une expression abstraite, précisément parce qu'elle se réfère à une situation, à savoir la continuité dans le temps du contact physique, qu'on peut évaluer de différentes manières. On ne saurait l'établir une fois pour toutes, ce que veut dire « constamment en contact physique », c'est-à-dire dans quels cas on aura un contact physique constant et dans quel cas le contact physique ne l'est pas.

Toutefois, il s'agit là d'une question d'importance primordiale, dans la mesure où c'est justement ce contact physique constant qui permet de distinguer les espèces vivantes assujetties au régime du plateau continental, des espèces pélagiques nageant dans les eaux sur jacentes.

Lors de son adhésion à la convention le 14 juin 1965, la France déclara :

« Le gouvernement de la République française estime que l'expression « organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires » doit être interprétée comme excluant les crustacés, à l'exception d'une espèce de crabe dite anatife ».

Il s'agit d'une déclaration qui clarifie un texte ambigu. Selon l'avis de la France, les crustacés ne sont pas des espèces sédentaires (à l'exception du crabe anatife) ; il n y a donc pas lieu de discuter si leur contact avec le fond de la mer est constant ou non. Ce n'est pas à notre sens, une définition de l'expression vague, mais le résultat du point de vue de l'interprétation du texte, est tout à fait comparable, parce que la déclaration éclaircit l'opinion de la France sur l'interprétation du texte, en indiquant les hypothèses auxquelles le texte sera applicable du point de vue de la France18(*).

* 17 J. Salmon, « Les notions à contenu variable en droit international public », in Chaïm, Perelman, and Vander Elst, R., Les notions à contenu variable en droit, Bruylant, Bruxelles, 1984, p. 251 ss.

* 18 In Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général, mise à jour au 31 décembre 1994, Nations Unies, New York, 1995, P. 846

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