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Les déclarations interprétatives en droit international public

( Télécharger le fichier original )
par Jean Benoà®t MINYEM
Institut de Hautes Etudes Internationales - Master de relations internationales 2010
  

Disponible en mode multipage

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ECOLE DES HAUTES ETUDES INTERNATIONALES

CENTRE D'ETUDES DIPLOMATIQUES ET STRATEGIQUES

LES DECLARATIONS INTERPRETATIVES EN DROIT INTERNATIONAL

PUBLIC

Mémoire de master

Présenté par Jean-Benoit MINYEM

(Cameroun)

Remerciements

Je remercie le professeur LEBEDEV mon directeur, dont les précieux conseils et suggestions m'ont guidé et éclairé tout au long de la rédaction de ce travail de recherche.

Je remercie Mr Marie-Joseph AYISSI du département des traités du Haut Commissariat au Droits de l'homme à Genève pour l'ensemble d'informations mis à ma disposition.

Chaleureux remerciements à Madame Elisabeth CHAMOT pour sa patience et sa disponibilité.

TABLE DES MATIERES

PAGES

INTRODUCTION 7

-Problématique et apparition des déclarations interprétatives 7

-Développements récents 7

PREMIERE PARTIE : EXPOSE DU CONCEPT 10

CHAPITRE I : La définition des déclarations interprétatives 10

Section I : Les déclarations interprétatives à la lumière de la définition des réserves 10

A- Les éléments de définition communs aux réserves et aux déclarations interprétatives 11

1-Identité de la déclaration (unilatérale) 11

2-Quel que soit son libellé 12

B- L'élément temporel de la définition 13

Section II : Les déclarations interprétatives à la lumière de l'analyse

Prétorienne 14

A- L'arrêt Bellilos 15

1- Les circonstances et procédure de l'affaire la cour sur la nature de la déclaration 15

2- Conclusion de la Cour sur la nature de la déclaration et sur sa validité 17

3- Solution de la Cour 17

B- L'arrêt M.K contre France 18

1- Faits et procédure 18

2- Question juridique posée 18

PAGES

CHAPITRE II : Déclarations interprétatives : considérations générales et fonctions 20

Section I- La source des déclarations interprétatives 20

Section II- Solution des problèmes ou des conflits d'interprétation 21

Section III- Harmonisation des dispositions conventionnelles qui font

usage des concepts juridiques indéterminés 25

CHAPITRE III La classification des déclarations interprétatives et leur distinction d'avec les réserves 27

Section I- Typologie des déclarations interprétatives 27

A- Les déclarations interprétatives simples 27

1) Définition 27

2) Remarques 28

B- Les déclarations interprétatives conditionnelles 29

1) Principes 29

2) Formulation et confirmation 29

C- Les déclarations interprétatives tardives 30

1) Double typologie 30

2) Déclaration interprétatives conditionnelles tardives 30

Section II- Rapports entre déclarations interprétatives et domaines voisins 31

A- La distinction entre déclarations interprétatives et réserves 31

1) De la difficulté d'opérer une distinction entre les deux concepts 31

a) diversité d'objectifs poursuivis

b) obstacles tenant à la terminologie

2) L'élément téléologique comme critère de distinction 33

B- Les procédés d'interprétation des traités autres que les déclarations

Interprétatives 34

PAGES

DEUXIEME PARTIE 36

  AMORCE D'UN REGIME JURIDIQUE POUR LES

DECLARATIONS INTERPRETATIVES

Section I La question de l'admissibilité des déclarations 36

A- Le principe de la liberté de formuler les déclarations interprétatives

1) Un pouvoir quasi illimité 37

2) Une faculté d'évaluation de la part des cocontractants 38

3) Un droit de protestation ou d'objection 41

B- L'exigence de la compatibilité de la déclaration interprétative

avec l'objet et le but du traité 43

1) Appréciation de la compatibilité des déclarations

par le juge international 43

2) Appréciation par les Etats intéressés 45

Section II Les conséquences des déclarations interprétatives sur les relations conventionnelles 46

A- Sur la nature et les effets des déclarations interprétatives unilatérales 46

1) L'étendue de l'effet des déclarations interprétatives 46

2) Les déclarations interprétatives et les Etats parties 47

3) L'incertitude de l'article 31.2 de la convention

de Vienne sur le droit des traités 48

B-Sur la réciprocité des effets des déclarations interprétatives 49

1) Les données du problème 49

2) Réciprocité des effets juridiques et extensibilité du régime juridique 50

C- Les effets juridiques des déclarations interprétatives non acceptées 51

1) Valorisation des règles sur l'interprétation des traités internationaux 51

2) Contribution à l'interprétation des traités internationaux 54

PAGES

TROISIEME PARTIE 

DECLARATIONS INTERPRETATIVES, PIS-ALLER ET VUES

PROSPECTIVES 57

CHAPITRE PREMIER : PREFACE

SECTION I- APERCU DE L'EVOLUTION RECENTE DU DROIT

INTERNATIONAL PUBLIC 57

A- Point de départ : le droit classique 57

1) Les sources 57

2) Elargissement du champ d'application 58

B- L'apparition des règles nouvelles et le principe de nationalité 59

1) La formation des Etats 59

2) L'inflation des règles nouvelles et la modification

des règles anciennes

C- Les perspectives d'avenir 62

1) Risques de désagrégation 62

2) L'élargissement du champ d'application 63

SECTION II- LA JUSTIFICATION DES SOLUTIONS DE PIS-ALLER 64

A- La justification de telles solutions 64

B- Les conditions de validités de ces solutions 65

1) Ne pas prétendre être définitive 65

2) La solution doit être pratique 65

3) La solution doit se garder d'une rigueur excessive 66

4) Les risques inhérents 66

C- Les conclusions qui s'imposent quant aux déclarations interprétatives 67

PAGES

CHAPITRE DEUXIEME 

LA RAISON D'ETRE DES DECLARATIONS

INTERPRETATIVES 68

SECTION I : LES RAISONS QUI EXIGENT LA SUPPRESSION DES

DECLARATIONS INTERPRETATIVES 68

A- Raisons d'ordre théorique 68

1) La question des conflits 68

2) L'absence des déclarations interprétatives dans les deux dernières conventions de Vienne 69

B- Raisons d'ordre pratique 69

1) Risques d'anéantissement 69

2) Péril d'altération 69

3) La déclaration interprétative affecte

l'élaboration du traité 70

SECTION II : LES PRETEXTES EN FAVEUR DU MAINTIENT 70

DES DECLARATIONS INTERNATIONALES 70

A- Raisons internes aux Etats 70

1) Utilité des déclarations interprétatives dans la cohésion sociale 70

2) L'opinion publique des Etats concernés 71

B- Nécessité d'assouplir le régime des traités 72

1) Conciliation entre exigences d'unité et

besoin d'universalité 72

2) Limitation des abus auxquels les déclarations

interprétatives ouvrent la porte 72

CONCLUSION 73

INTRODUCTION

Le phénomène conventionnel, qui a pris de nos jours une importance considérable, soulève tant du point de vue juridique que politique un grand nombre de problèmes d'une extrême complexité. Qu'il nous suffise de citer, en restant sur le plan strictement juridique, toute la question du facteur temporel en droit des traités, celui de l'application des conventions internationales par les tribunaux internes, et enfin celle qui nous concerne ici en l'occurrence l'épineuse question des déclarations interprétatives en droit international public.

La doctrine a longuement disserté sur toutes les questions susmentionnées. Cependant, celle relative à aux déclarations interprétatives continue à poser à la communauté scientifique une série de problèmes juridiques sur lesquelles l'unanimité est loin d'être la chose la mieux partagée. Les plus cruciaux d'entre eux étant sans conteste d'une part leur qualification (la distinction d'entre elles et les réserves compte tenu de ce que les objectifs poursuivis par les sujets déclarants ne sont pas toujours dépourvus d'ambiguïté ; certaines déclarations unilatérales, étant présentées comme « interprétatives » afin de contourner l'interdiction ou la limitation des réserves qui peuvent être prévues par le traité sur lequel elles portent), et d'autre part toutes les questions allant de la formulation à la modification ou au retrait des déclarations interprétatives et à leurs effets notamment dans les rapports entre les parties contractantes. La convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, bien qu'elle traite de la question des réserves sur ce point, n'apporte pas une solution à ce sujet. Tout aussi les autres conventions de Vienne précisément celle de 1978 sur la succession d'Etats en matière de traités et celles de 1986 relative aux droit des traités entre Etats et Organisations internationales, maintiennent également cette attitude réservée. Au demeurant, les Etats ont toujours considéré qu'ils pouvaient assortir l'expression de leur consentement à être liés par un traité multilatéral ou bilatéral des déclarations par lesquelles ils indiquent l'esprit dans lequel ils acceptent de s'engager sans pour autant viser à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions de la convention à leur égard. Ce qui, dès lors, ne sont pas des réserves. La pratique de telles déclarations, qui est fort ancienne, est concomitante à l'apparition des premiers traités multilatéraux. En effet, on fait remonter en général celle-ci à l'acte final du congrès de Vienne de 1815, qui réunit « dans un instrument général », l'ensemble des traités conclu après la fin des guerres napoléoniennes. Dès cette première manifestation de la technique multilatérale, on voit apparaître une déclaration interprétative de la Grande Bretagne qui, lors de l'échange des instruments de ratification, déclara que l'article VIII du traité d'alliance devait être «understood as binding the contracting parties (...), to a common effort against Napoléon Bonaparte (...),but is not to be understood as binding his Britanic majesty to prosecute the war, with a view of imposing upon France any particular government»1(*) (« entendu comme liant les parties contractantes à joindre leurs efforts contre l'autorité de Napoléon Bonaparte (...), mais ne doit pas être compris comme obligeant sa majesté Britannique à poursuivre la guerre avec l'intention d'imposer à la France un gouvernement particulier »).

Cette pratique s'est développée à mesure que croissait le nombre de conventions multilatérales portant sur des sujets de plus en plus nombreux, variés et sensibles. Elle est devenue aujourd'hui absolument courante, on pourrait presque dire systématique au moins dans certains domaines tels que les droits de l'homme ou le désarmement. Mais malheureusement, pendant longtemps, les réserves et les déclarations interprétatives n'étaient distinguées clairement ni dans la pratique des Etats ni par la doctrine. En ce qui concerne cette dernière, l'opinion dominante assimile purement et simplement les unes aux autres et les auteurs qui en font la distinction se montrent en général embarrassés par elle2(*).

Cependant, tout récemment Alain Pellet, rapporteur spécial de la commission de droit international sur le sujet des réserves a consacré d'importants développements à la question et a proposé dans son troisième rapport consacré aux réserves, une définition de la déclaration interprétative que l'on utilisera pour s'orienter aussi bien dans la recherche d'un régime juridique pour les déclarations interprétatives (PartieII) que pour l'analyse des vues prospectives (Partie III), après avoir revisité le concept (Partie I)

PREMIERE PARTIE : EXPOSE DU CONCEPT

CHAPITRE PREMIER : LA DEFINITION DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

La définition des déclarations interprétatives peut être recherchée empiriquement en partant de la définition des réserves pour en dégager celle des déclarations interprétatives, ce qui du même coup permet de distinguer les déclarations interprétatives d'autres déclarations qui n'entrent pas dans cette catégorie.

Section I- Les déclarations interprétatives à la lumière de la définition des réserves

Aux termes de l'article 2(d) de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités, une réserve est une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat au moment ou il signe, ratifie, adopte, accepte ou adhère à un traité, par lequel il vise à exclure ou à modifier l'effet juridique de certaines dispositions du traité à son égard. Pour certains, auteurs, l'expression déclaration interprétative « s'entend d'une déclaration unilatérale, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un Etat ou une organisation internationale par laquelle cet Etat ou cette organisation vise à préciser ou à clarifier le sens que le déclarant attribue au traité ou à certaines de ses dispositions3(*)». Il apparaît prima facie que des quatre éléments constitutifs de la définition des réserves, le caractère de déclaration unilatérale et l'indifférence à la dénomination se retrouvent très certainement dans les déclarations interprétatives ; cela est moins clair en ce qui concerne le critère rationae temporis. Par souci de commodité, il paraît utile de distinguer d'une part les éléments de définition communs à ces deux institutions,

et, d'autre part de faire une place à la question du moment auquel une déclaration interprétative peut intervenir.

A- Les éléments de définitions communs aux réserves et aux déclarations interprétatives

Il s'agit ici dans les deux cas, d'une part des déclarations unilatérales émanant d'Etats ou d'organisations internationales et, d'autre part de la non pertinence du libellé ou de la désignation aux fins de leur définition.

1) Une déclaration unilatérale

A notre sens, il ne semble guère utile de s'appesantir sur ce premier aspect ;

Une déclaration interprétative est assurément une déclaration unilatérale au même titre qu'une réserve. Elles se présentent de la même manière ; en la forme, rien ne les distingue.  « As concern the outer requisites and their formal appearence, interpretative declaration may not be distinguished from reservations. Both are unilaterally initiated, cast in writing and presented at clearly identifiable moments4(*) » (« Pour ce qui est des exigences de forme et des aspects internes, les déclarations interprétatives ne peuvent être distinguées des réserves. Toutes deux sont d'initiatives unilatérales, exprimées par écrits et présentées à des moments clairement identifiables. ») Tout au plus, faut-il préciser que comme pour les réserves ce caractère unilatéral ne fait pas obstacle à leur formulation conjointe par plusieurs Etats ou organisations internationales. En effet, il n'est pas rare, comme dans le cas des réserves, que plusieurs Etats se concertent avant de formuler des déclarations interprétatives voisines ou identiques. Tel est le cas de nombreuses déclarations interprétatives formulées pas les pays de l'Est européen avant la fin de la guerre froide5(*) ou les déclarations faites par les Etats membres des communautés européennes lors de la signature de la convention de 1993 sur les armes chimiques et

confirmées lors de la ratification6(*). Toutefois, comme dans le cas des réserves, une telle formulation ne saurait limiter la compétence discrétionnaire de chacun « des déclarants conjoints », de retirer, voir de modifier la déclaration en ce qui le concerne.

2) Quel que soit son libellé ou sa désignation....

Le second point commun entre les réserves et les déclarations interprétatives tient à la non pertinence du libellé ou de la désignation retenue par leur auteur. Toutefois, on peut estimer que le libellé et la désignation d'une déclaration unilatérale constitue un élément d'appréciation qui est pris en considération, et dont on peut considérer qu'il présente une importance particulière, voire décisive. Lorsqu'un même Etat formule simultanément des réserves et des déclarations interprétatives au sujet d'un même traité et en désigne certaines comme étant des réserves et d'autres comme étant des déclarations interprétatives. Dans le même esprit, il peut arriver que le traité lui-même au sujet duquel la déclaration a été formulée, fournisse des indications ou des présomptions au sujet de la nature juridique de celle-ci.

Telle est en particulier l'hypothèse dans laquelle le traité interdit des réserves d'une manière générale comme le fait par exemple l'article 309 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer (1982) ou d'une manière spéciale comme le fait l'article 12 de la convention de Genève sur le plateau continental (1958). Dans ces hypothèses, les déclarations formulées au sujet des dispositions auxquelles toute réserve est interdite, sont réputées constituer des déclarations interprétatives et non des réserves. Dans la mesure où « this would comply with the presumption that a state would intend to perform an act permitted, rather than one prohibited, by a treaty and protect that state from the possibility that the impermissible reservation would have the effect of invalidating the entire act of acceptance of the treaty to which the declaration was attached. »7(*)(« Ceci serait en accord avec la présomption selon

laquelle un Etat s'emploie à agir conformément à un traité plutôt qu'en contrariété avec lui (....) »)

B- L'élément temporel de la définition

Sans nul doute, nous sommes tentés de nous interroger sur l'importance du facteur temps en droit des déclarations interprétatives. Ici comme dans d'autres domaines du droit international public, la question des réserves, dont l'un des éléments important de la définition tient au moment auquel une déclaration unilatérale doit être formulée pour pouvoir être qualifiée de réserve, il est raisonnable nous semble t-il de penser à qu'en ce qui concerne les déclarations interprétatives, même si un instrument établi par une partie à l'occasion de la conclusion du traité peut, à certaines conditions, être pris en considération aux fins de l'interprétation au titre du contexte comme le prévoit expressément l'article 31, paragraphe 2.b, des conventions de vienne de 1969 (sur le droit des traités) et celle de 1986 (sur les traités entre Etats et organisations internationales), il ne saurait y avoir là une quelconque exclusivité rationae temporis. Du reste, le paragraphe 3 de cette même disposition invite expressément l'interprète à tenir compte en même temps que du contexte, de tout accord intervenu entre les parties et/ou de toute pratique ultérieurement suivie.

Ces accords et/ou cette pratique ultérieurement suivie, peuvent prendre appui sur des déclarations interprétatives lesquelles peuvent être formulées à un moment quelconque de la vie du traité à celui de sa conclusion, à celui de l'expression par l'Etat ou de l'organisation internationale de son consentement à être lié ou lors de l'application du traité. Si l'interprétation proposée par le déclarant est acceptée, expressément ou implicitement par les autres parties contractantes, la déclaration interprétative constitue un élément d'un accord ou d'une pratique ultérieure. En tout état de cause, tel était la position de Sir Humphrey Waldock dans son quatrième rapport sur le droit des traités8(*), dans lequel il faisait remarquer qu'une déclaration

peut avoir été faite pendant les négociations, au moment de la signature, de la ratification ou plus tard, au cours de la pratique. Au demeurant, enfermer la formulation des déclarations interprétatives dans un laps de temps limité comme le fait la définition des réserves présenterait un grave inconvénient de ne pas répondre à

la pratique nous semble t-il. Même si, cela va de soi, c'est en effet très souvent au moment ou il exprime leur consentement à être liés que les Etats ou les organisations internationales formulent de telles déclarations.

De tout ce qui précède, on ne saurait cependant déduire qu'une déclaration interprétative peut être formulée à tout moment puisque :

a) D'une part, ceci peut être formellement prohibé part le traité en question ;

b) D'autre part, il semble exclu qu'un Etat ou une organisation internationale puisse formuler une déclaration interprétative conditionnelle à n'importe quel moment de la vie du traité. Un tel laxisme ferait peser une incertitude inacceptable sur la réalité et la portée des engagements conventionnels.

c) Enfin, même s'agissant des simples déclarations interprétatives, celles-ci peuvent sans doute être modifiées à tout moment seulement dans la mesure ou elles n'ont pas été expressément acceptées par les autres parties contractantes au traité ou crée un estoppel en leur faveur.

Mais la question de la distinction des déclarations interprétatives d'avec les réserves n'est pas le seul problème juridique posé par les déclarations interprétatives. Il nous semble nécessaire d'étudier deux autres aspects de la problématique juridique posée par les déclarations interprétatives. Il s'agit tout d'abord d'examiner la contribution de celle-ci à l'interprétation des textes des traités surtout lorsque ces conventions font usage d'expressions ou de mots difficiles à interpréter. Enfin, il faudra étudier le régime juridique applicable aux déclarations interprétatives et à leurs effets, en distinguant entre la modalité consensuelle, intervenant lorsque la déclaration est acceptée par un plusieurs Etats contractants et d'autres modalités auxquelles ont doit recourir si la déclaration n'est pas acceptée.

Section II- Les déclarations interprétatives à la lumière de l'analyse prétorienne

La jurisprudence en la matière est restée nous semble t-il, constante quant à la détermination de la nature des déclarations interprétatives, en ceci qu'elle n'est pas demeurée formaliste et s'est laissée allée non seulement au delà du seul intitulé, mais surtout s'est attelée à cerner le contenu matériel d'un acte unilatéral quel qu'ait été sa dénomination. A cet égard, il est utile, nous semble t-il, d'analyser un certain nombre de décisions prétoriennes assez pertinentes en ce sens qu'elles sécrètent le substrat même de la qualification jurisprudentielle des déclarations interprétatives. Il s'agira des arrêts BELLILOS et M.K.

A- L'arrêt BELLILOS

1) Les circonstances de l'Affaire

Les faits sont anodins9(*). En l'espèce, Mme Marlène Bellilos, citoyenne suisse domiciliée à Lausanne, y était étudiante à l'époque de l'affaire. Par un rapport du 16 avril 1981, la police municipale de Lausanne lui reprochait d'avoir contrevenu au règlement général de la police de la commune en participant le 4 avril de la même année, à une manifestation dans les rues de la ville.

Elle fut alors traduite devant les tribunaux de son pays et reconnue coupable des faits qui lui étaient reprochés. Après avoir épuisé toutes les voies de recours internes à l'Etat suisse, Mme Bellilos décida de saisir la Cour européenne des droits de l'homme le 24 mars 1983. Elle se plaignait de n'avoir pas été jugée par un tribunal indépendant et impartial, au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme. A l'appui de sa demande et dans son mémoire complémentaire du 4 mai 1987, la requérante priait la Cour de dire qu'elle a été en l'espèce, victime d'une violation de l'article 6 paragraphe 1 de la convention qui prévoit en substance que toute personne a droit à un procès équitable, public et dans

un délai raisonnable par un tribunal compétent et impartial qui décidera soit des contestations sur des droits et obligations à caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Or, il se trouve que cette disposition fait l'objet d'une déclaration interprétative unilatérale de la Suisse comme suit :

« Pour le gouvernement fédéral suisse, la garantie d'un procès équitable figurant à l'article 6 paragraphe 1 de la convention, en ce qui concerne soit les contestations portant sur les droits et obligations de caractère civil, soit le bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre la personne en cause, vise uniquement à assurer un contrôle judiciaire final des actes ou décisions de l'autorité publique qui touchent à de tels droits ou obligations ou à l'examen du bien fondé d'une telle accusation ».

Par voie d'exception préliminaire, le gouvernement suisse plaide l'incompatibilité de la requête de dame Bellilos avec les engagements internationaux assumés par la Suisse au titre de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne des droits de l'homme. A l'appui de sa défense, le gouvernement suisse invoque la déclaration interprétative unilatérale ci-dessus, formulée au moment du dépôt de sa ratification. A ses yeux, la Cour aurait dû décliner sa compétence car la requête portait sur un droit non reconnu par la Suisse, compte tenu de ce que ladite déclaration revêt manifestement un caractère restrictif et par voie de conséquence devrait s'analyser en une réserve pure et simple. Or, d'après la requérante, on ne saurait assimiler ladite déclaration à une réserve. En ratifiant la convention, la Suisse a formulé deux « réserves » et deux « déclarations interprétatives », elle aurait adopté de cette manière une terminologie ne devant rien au hasard. La Cour examinera la nature de la déclaration litigieuse puis, le cas échéant sa validité au regard de l'article 64 de la convention aux termes duquel :

«1. Tout Etat peut, au moment de la signature de la (...) convention ou du dépôt de son instrument de ratification, formuler une réserve au sujet d'une disposition particulière de la convention, dans la mesure ou une loi de son territoire n'est pas

conforme à cette disposition. Les réserves de caractère général ne sont pas autorisées aux termes du présent article. 

2. Toute réserve émise conformément au présent article comporte un bref exposé de la loi en cause » 

2) Conclusions de la cour sur la nature de la déclaration

La question de savoir s'il faut considérer comme une réserve une déclaration qualifiée d'interprétative apparaît difficile notamment en l'espèce parce que le gouvernement helvétique a formulé dans un même instrument de ratification aussi bien des réserves que des déclarations interprétatives. Plus généralement, la cour reconnait la grande importance, soulignée à juste titre par le gouvernement helvète du régime juridique applicable aux réserves et déclarations interprétatives des Etats parties à la convention. Celle-ci ne mentionne que les réserves, mais on constate que plusieurs Etats ont émis aussi ou uniquement des déclarations interprétatives, sans toujours établir entre les unes et les autres une nette distinction.

Pour dégager la nature juridique d'une telle déclaration, il y a lieu de regarder au-delà du seul intitulé et de s'attacher à cerner le contenu matériel. En l'occurrence, il s'avère que la Suisse entendait soustraire à l'empire de l'article 6 paragraphe 1 certaines catégories de litiges et se prémunir contre une interprétation trop large de ce dernier. Or, la Cour doit veiller à éviter que les obligations découlant de la convention ne subissent des restrictions qui ne répondraient pas aux exigences de l'article 64 relatif aux réserves. Partant, elle examinera sous l'angle de cette disposition, comme dans le cas d'une réserve, la validité de la déclaration dont il s'agit.

3) Solution de la Cour concernant la validité de cette déclaration

Après avoir constaté qu'en la matière, elle possède une plénitude de compétence en vertu des articles 19, 45, et 49 de la convention, la Cour estime que pour ce qui

concerne l'article 64 paragraphe 1, la terminologie « réserve de caractère général », est rédigée en termes trop vagues ou amples pour que l'on puisse en apprécier le sens et le champ d'application. Par ailleurs, le libellé de la déclaration contestée ne permet pas de mesurer au juste la portée de l'engament suisse. En particulier quant au point de savoir si « le contrôle judiciaire final » s'exerce ou non sur les faits en cause. Cette terminologie se prête donc à différentes interprétations alors que l'article 64 paragraphe 1 exige précision et clarté. Pour ce qui concerne l'article 64 paragraphe 2, la Cour constate que cette disposition s'adresse à tous les Etats parties, unitaires ou fédéraux et dotés ou non d'un droit de procédure unifié. Par voie de conséquence, la déclaration interprétative de la Suisse est non valide.

B- L'arrêt M.K. contre France

1) Faits et procédure

L'auteur de la communication est M.K., citoyen français demeurant à Rennes ; il dit être Breton et que sa langue maternelle est le breton. Les tribunaux français lui auraient toujours refusé le droit de s'exprimer en breton et son droit de présenter sa défense en breton et de s'exprimer librement en breton ne serait pas respecté. En conséquence, il affirme être victime des violations commises par la France de plusieurs dispositions du Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques ; Notamment l'article 19 paragraphe 2 relatif à la liberté d'expression, de l'article 26 traitant de l'égalité devant la loi et enfin de l'article 27 afférent à la protection des minorités. En réservant le problème de l'application de l'article 27, la cour note d'une manière générale que les recours internes n'ont pas été épuisés. Sans doute en l'état de la législation française, le requérant était obligé d'utiliser le français pour faire valoir sa prétention au fond devant les tribunaux. Mais cette exigence initiale

n'apparaît pas déraisonnable au comité qui note que le fait d'utiliser le français pour former un recours, ne préjugerait pas de la plainte quant au fond10(*).

2) La question juridique posée et la solution de la cour

Cependant, la présente affaire était dominée par une question principale : l'applicabilité de l'article 26 du pacte selon lequel « dans les Etats ou il existe des minorité ethniques, religieuses ou linguistiques, les personnes appartenant à ces minorités ne peuvent être privées du droit d'avoir en commun avec les autres membres de leur groupe, leur propre vie culturelle, de professer et de pratiquer leur propre religion, ou d'employer leur propre langue »11(*).

Or, en adhérant au pacte, le gouvernement français a « déclaré » que « compte tenu de l'article 2 de la constitution... l'article 27 n'a pas lieu de s'appliquer en ce qui concerne la république ».

Juridiquement, le problème se posait en ces termes : si la notification française était analysée comme une simple « déclaration », elle devrait être interprétée à la lumière du sens et du contenu que le comité de New York a donné à l'article 27 d'une manière générale12(*). Si par contre, elle devait être entendue comme une « réserve », elle était susceptible de remettre en cause la compétence rationae materiae du comité.

Ce problème de qualification s'est posé dans l'arrêt Bellilos précité. A cet égard, on a remarqué que si un Etat, dans un même instrument désignait formellement certains actes comme réserves et d'autres comme déclarations interprétatives, il avait par là même indiqué la portée qu'il les attribuait. Dans cette

perspective, la France n'avait fait qu'une simple déclaration interprétative sur l'article 27 comme le relevait le requérant. En vérité, cet argument est important,

mais pas décisif à notre sens. Pour le comité, c'est même un indice assez faible compte tenu de la pratique générale des Etats. Se basant sur l'article 2 de la convention de Vienne sur le droit des traités, le comité estime que ce n'est pas la désignation formelle de la déclaration mais l'effet qu'elle vise à avoir qui détermine sa nature : « si la déclaration vise à l'évidence à exclure ou à modifier l'effet juridique d'une disposition conventionnelle particulière, elle doit être considérée comme une réserve obligatoire ».

En l'espèce, le comité considère que par son libellé, l'article 27 n'a pas lieu de s'appliquer et par la volonté sans équivoque du gouvernement français, la déclaration a valeur de réserve.

CHAPITRE DEUXIEME

LES DECLARATIONS INTERPRETATIVES : CONSIDERATIONS GENERALES

ET FONCTIONS

Section I- La source des déclarations interprétatives

Si l'on considère que la source d'une déclaration est le fait qui lui donne naissance, force est de constater que nombreuses et diverses peuvent être les motivations amenant les Etats à formuler les déclarations interprétatives. Très souvent, les Etats formulent les déclarations interprétatives parce qu'ils veulent combler un écart entre ce que la convention à laquelle ils font partie dit, et ce qu'ils considèrent comme être conforme à leur point de vue. Cela se vérifie très souvent lors de la conclusion des traités sur la protection internationale des droits de l'homme. Chaque disposition dans ces traités est, nous semble t-il le résultat des compromis idéologiques, qui restent parfois très diverses. Chaque Etat fera alors une déclaration interprétative pour combler ce qui lui apparaît être un vide entre ce que le traité dit et ce que lui-même aurait aimé dire. La querelle sur le véritable contenu du droit à la liberté d'information sur le plan international est un exemple resté célèbre13(*).

Dans certains cas la déclaration interprétative est, pour ainsi dire, imposée par les circonstances. C'est ce qui se vérifie, chaque jour davantage lorsque les traités internationaux interdisent expressément les réserves, tout en admettant les déclarations interprétatives. On peut citer le cas de la convention de Montego Bay du 10 Décembre 1982, dont l'article 309 admet seulement les réserves qui ont expressément été autorisées par le traité, mais dont l'article 310 prévoit que :

« L'article 309 n'interdit pas à un Etat, au moment ou il signe, ou ratifie la convention ou adhère à celle-ci, de faire des déclarations, quels qu'en soit le libellé ou la dénomination, notamment en vue d'harmoniser ses lois et règlements avec la convention dans leur application à condition que ces déclarations ne visent pas à exclure ou à modifier l'effet juridique des dispositions de la convention dans leur application à cet Etat ».

Comme on le sait, les Etats parties à la convention ont fait usage de cette possibilité sans ménagement, ce qui prouve s'il y'en avait besoin, que les méthodes du package deal et du consensus n'ont pu avoir définitivement raison des divergences relatives à certains problèmes qui s'étaient manifestés lors des travaux de la conférence14(*). Mais quelles que soient les raisons, de caractère idéologique ou pratique, qui poussent les Etats à formuler des déclarations interprétatives unilatérales, la déclaration interprétative a fonction de résoudre un problème de nature interprétative. Par ailleurs, il arrive que les traités internationaux soient rédigés dans un langage très souvent difficile à interpréter. Il ne s'agit pas ici de difficulté d'interprétation de tout langage juridique, mais de quelque chose de tout à fait particulier aux traités internationaux. Souvent ces instruments sont libellés en termes obscurs, flous ou équivoques et c'est précisément pour cela que les Etats se sentent alors obligés de formuler des déclarations sur leur interprétation.

Section II La solution des problèmes ou des conflits d'interprétation

Dans les traités internationaux, on constate très souvent, que certaines dispositions ne permettent pas de comprendre la signification exacte d'un mot ou d'une expression, d'une phrase entre deux ou plusieurs autres qui sont également utilisable pour exprimer son consentement, sa position, ou son point de vue. Dans tout les cas, la déclaration aura pour but d'ajouter au traité ce qui lui fait défaut pour devenir univoque, du point de vue de l'Etat déclarant. Reprenons l'exemple de

l'article 121.3 de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer qui prévoit que « les rochers qui ne se prêtent pas à une vie économique propre n'ont pas de zone économique exclusive, ni de plateau continental ».

A l'examen de la disposition suscitée, il y a lieu de se demander s'il s'agit de rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine et n'ont pas de vie économique propre parce qu'ils sont trop petits pour en avoir une ou bien s'il s'agit de rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine pour le moment mais qui pourront s'y prêter plus tard ou dans quelques années ? Il est évident que si l'on choisi la première interprétation, ces rochers n'auront jamais de zone économique exclusive, nie de plateau continental parce qu'ils sont trop petits. Mais si l'on considère que la deuxième interprétation est préférable, il faudra alors en conclure que ces rochers auront une zone économique exclusive et un plateau continental parce qu'il est possible qu'ils soient habités ou exploités à l'avenir.

Dès lors, il est aisément compréhensible que les Etats aient trouvé nécessaire de formuler des déclarations interprétatives à ce sujet, à l'instar de la République islamique d'Iran qui prévoit dans sa déclaration interprétative que « les îlots situés dans les mers fermées ou semi-fermées, qui pourraient se prêter à l'habitation humaine ou à une vie économique propre mais qui en raison de conditions climatiques, de restrictions financières ou d'autres limitations n'ont pas encore été mis en exploitation, relèvent donc pleinement des dispositions du paragraphe 2 de l'article 121 concernant le régime des îles et intervient donc pleinement dans la délimitation des diverses zones maritimes des Etats côtiers intéressés ».

En formulant cette déclaration, la République islamique d'Iran a choisi a contrario la première interprétation de l'article 121.3 parce qu'il dit précisément que lorsqu'il s'agit des rochers qui pourraient se prêter à l'habitation humaine, l'article 121.3 ne s'applique pas.

Il faut encore parler des problèmes d'interprétation qui se posent toutes les fois que même s'il ne s'agit pas de termes vagues ou ambigus, la disposition du traité contient des formulations qui se prêtent à diverses interprétations en raison de leur rédaction imparfaite. Dans ce cas encore, la déclaration interprétative possède une

fonction des plus salutaires, dans la mesure ou elle peut proposer la solution que l'Etat déclarant aura choisi. C'est exactement ce qui s'est passé avec une déclaration interprétative de la France relative à une disposition de la convention de 1958 sur le plateau continental dont l'article 1 défini les deux critères de l'adjacence ; jusqu'à une profondeur de 200 mètres et l'exploitabilité. En effet, cet article dispose :

« Aux fins du présents, l'expression plateau continental est utilisée pour désigner :

a) Le lit de mer et le sous-sol des régions sous marines adjacentes aux côtes mais situées en dehors de la mer territoriale jusqu'à une profondeur de 200 mètres ou au-delà de cette limite jusqu'au point ou la profondeur des eaux sur jacentes permet l'exploitation des ressources naturelles desdites régions

b) Le lit de la mer et le sous-sol des régions sous marines analogues qui sont adjacentes aux côtes des îles »15(*)

A notre sens, ces deux critères pouvaient bien être réconciliables lorsqu'on écrivit le texte de la convention. Mais à cause des progrès techniques successifs, déjà au moment de l'entrée en vigueur de la convention en 1964, la zone exploitable allait bien au-delà de celle qu'on pouvait définir adjacente sur la ligne hysobathe des 200 mètres. Ce qui a motivé une déclaration interprétative de la France en 1965 indiquant que :

« selon le gouvernement de la république française, le terme `'régions adjacentes« se réfère à une notion de dépendance géophysique, géologique, et géographique qui exclut par elle-même une extension illimitée du plateau continental »

Cette déclaration interprétative met en évidence le fait que le critère de l'exploitabilité ne peut l'emporter sur le critère de l'adjacence, même si le texte du traité ne dit rien à ce sujet.

Dans d'autres cas, les difficultés d'interprétation d'un texte conventionnel peuvent découler du fait que ce texte à trait à un dossier très sensible dans la communauté internationale. Le clivage entre les différentes positions des Etats se reflète alors sur l'interprétation du texte en question, qui, dès lors, devient problématique. L'exemple de l'article 1 commun au pacte des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, ou l'autodétermination des peuples est indiqué comme condition sine qua non de la protection de tout droit de l'homme. Il faut rappeler ici, qu'au moment de la signature de ce texte, il y eut des discussions sur la question de l'extension exacte du droit des peuples à l'autodétermination. S'agissait-il d'un droit de tout peuple ou bien seulement des peuples soumis à une domination étrangère, raciste ou coloniale ? Le gouvernement de l'Inde était parmi ceux qui préféraient cette dernière interprétation et trouva très utile au moment de la ratification des pactes, de le dire encore une fois avec une déclaration qui se lit comme suit :

« En ce qui concerne l'article premier du pacte international relatifs aux droits économiques, sociaux et culturels, et l'article premier du pacte international relatif aux droits civils et politiques, le gouvernement de la république déclare que les mots « le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » qui figurent dans ces articles s'appliquent uniquement aux peuples soumis à une domination étrangère et qu'ils ne concernent pas les Etats souverains indépendants ni une élément d'un peuple ou d'une nation. Principe fondamental de l'intégrité nationale »16(*).

La dernière fonction des déclarations interprétatives à notre sens semble bien être toute la question de l'harmonisation des dispositions conventionnelles qui font usage de concepts juridiques indéterminés.

Section III- Harmonisation des dispositions conventionnelles qui font usage de concepts Juridiques indéterminés

Des difficultés d'interprétation surgissent aussi dans des cas particuliers lorsque le traité fait usage d'expression dont l'interprétation est équivoque. Il s'agit de termes vagues, du fait qu'elles renvoient à des concepts élastiques, pour ainsi dire à contenu variable, dont on peut considérer qu'elles sont des concepts juridiques indéterminés. Dans de pareils cas, on est confronté à une imprécision particulière, qui va au delà de celle que tout langage connaît et dont il est presque impossible de se passer. Il s'agirait d'une imprécision structurelle, strictement inhérente au concept que l'on veut utiliser.

Le plus souvent, des termes vagues sont choisis de manière intentionnelle. Par exemple, toutes les fois ou l'on veut ouvrir la disposition vers le futur et les différentes situations possibles. Dans cette hypothèse, la norme peut renvoyer aux valeurs sociales d'une société déterminée et aura une signification évoluant au fur et à mesure que les valeurs de la société en question pourront changer.

Par exemple, si l'on parle de « raisonnable » ou encore de « nécessaire dans une société démocratique », ces deux expressions sont vagues parce qu'il faut qu'elles le soient, afin que le juge ou l'interprète, quel qu'il soit, puisse adapter la norme à la réalité sociale avec laquelle il se confronte17(*). Lorsqu'on ajoute une déclaration interprétative à une manifestation de volonté relative à un traité qui présente des expressions vagues, c'est précisément dans le but de choisir une signification parmi la multiplicité d'acceptions abstraitement possibles. L'exemple de la formulation de l'article 2 paragraphe 4 de convention de 1958 sur le plateau continental est édifiant à cet égard :

« Les ressources naturelles visées dans les présents articles comprennent les ressources minérales et autres ressources non vivantes du lit de la mer et du sous-sol,

ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c'est-à-dire les organismes qui, au stade ou ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le lit de la mer ou au dessous de ce lit, soit incapables de se déplacer si ce n'est en restant en contact physique avec le lit de la mer ou le sous-sol ».

On le voit clairement, l'expression « constamment en contact physique » (en anglais « in constant physical contact ») est une expression abstraite, précisément parce qu'elle se réfère à une situation, à savoir la continuité dans le temps du contact physique, qu'on peut évaluer de différentes manières. On ne saurait l'établir une fois pour toutes, ce que veut dire « constamment en contact physique », c'est-à-dire dans quels cas on aura un contact physique constant et dans quel cas le contact physique ne l'est pas.

Toutefois, il s'agit là d'une question d'importance primordiale, dans la mesure où c'est justement ce contact physique constant qui permet de distinguer les espèces vivantes assujetties au régime du plateau continental, des espèces pélagiques nageant dans les eaux sur jacentes.

Lors de son adhésion à la convention le 14 juin 1965, la France déclara :

« Le gouvernement de la République française estime que l'expression « organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires » doit être interprétée comme excluant les crustacés, à l'exception d'une espèce de crabe dite anatife ».

Il s'agit d'une déclaration qui clarifie un texte ambigu. Selon l'avis de la France, les crustacés ne sont pas des espèces sédentaires (à l'exception du crabe anatife) ; il n y a donc pas lieu de discuter si leur contact avec le fond de la mer est constant ou non. Ce n'est pas à notre sens, une définition de l'expression vague, mais le résultat du point de vue de l'interprétation du texte, est tout à fait comparable, parce que la déclaration éclaircit l'opinion de la France sur l'interprétation du texte, en indiquant les hypothèses auxquelles le texte sera applicable du point de vue de la France18(*).

CHAPITRE TROISIEME

LA CLASSIFICATION DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

ET LA DISTICTION AVEC LES RESERVES

Bien qu'il soit assez difficile de les distinguer des réserves qui sont également des techniques conventionnelles de modulation de l'application des traités, nous allons tout d'abord procéder à une analyse systémique de la typologie des déclarations interprétatives qui, devons nous le mentionner comporte plusieurs variantes. Il s'agira tour à tour des déclarations interprétatives simples, des déclarations interprétatives conditionnelles, et enfin d'examiner la question délicate de la formulation des déclarations interprétatives tardives, avant de démêler l'écheveau de leur différenciation d'avec les réserves.

I- TYPOLOGIE DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

Comme susmentionné, il existe trois types de déclarations interprétatives : les déclarations interprétatives simples, les déclarations interprétatives conditionnelles et les déclarations interprétatives tardives.

A- Les déclarations interprétatives simples

1) Définition

Une déclaration interprétative est un acte unilatéral, quel que soit son libellé ou sa désignation, faite par un sujet de droit international (Etat ou Organisation internationale), par laquelle celle-ci vise à préciser ou à clarifier le sens ou la portée que le déclarant attribue au traité ou à certaines de ses dispositions. Il est très souvent difficile de distinguer les déclarations interprétatives unilatérales tant des réserves que d'autres déclarations faites au sujet d'un traité, souvent à l'occasion d'un de

l'expression d'un consentement à être lié de leurs auteurs. Cette distinction présente pourtant une grande importance pratique car, de celle-ci, dépend le régime juridique applicable à chacune de ces déclarations. A propos du problème de la qualification juridique des déclarations interprétatives, le rapporteur spécial de la Commission de droit international sur le sujet Alain Pellet a considéré que la qualification d'une déclaration par un Etat déclarant comme déclaration interprétative n'est pas conclusive, mais peut créer une présomption, surtout lorsque l'auteur de la déclaration qualifie certaines de ses déclarations comme « réserves » et d'autres comme « déclarations interprétatives ».

2) Remarques

Pendant longtemps, les réserves et les déclarations interprétatives n'étaient clairement distinguées ni dans la pratique des Etats, ni par la doctrine. Par ailleurs, le libellé ou les désignations données à une déclaration unilatérale, constituent in fine, un indice de l'effet juridique visé. Au demeurant, la formulation d'une déclaration interprétative simple peut, sauf disposition contraire du traité sur lequel elle porte, être formulée à tout moment. De même, la formulation conjointe d'une déclaration interprétative par plusieurs Etats ou Organisations Internationales n'affecte pas le caractère unilatéral de cette déclaration interprétative. En outre la déclaration d'un Etat ou d'une Organisation internationale au moment de l'adoption, de l'authentification du texte d'un traité ou de l'expression de son consentement à être lié par un traité n'affecte en rien son caractère équivoque à partir du moment le dit sujet de droit international est présumé par cet acte apporter ultérieurement des éclaircissements au sujet de son adhésion total au texte.

B- Les déclarations interprétatives conditionnelles

1) Principes

Une déclaration unilatérale, formulée par un Etat ou une organisation internationale à la signature, à la ratification, à l'acte de confirmation formelle, à l'acceptation ou à l'approbation d'un traité ou à l'adhésion ;ou lorsqu'un Etat fait une notification de succession à un traité, par laquelle cet Etat ou cette organisation subordonne son consentement à être lié par ce traité à une interprétation spécifiée du traité ou de certaines de ses dispositions constitue une déclaration interprétative conditionnelle. Les déclarations interprétatives conditionnelles ou non, apparaissent ainsi comme des « offres » d'interprétation, régies par le principe fondamental de la bonne foi, mais qui ne présentent en elles mêmes aucun caractère authentique obligatoire. Il arrive cependant fréquemment que leurs auteurs s'efforcent de leur donner une portée supplémentaire, qui les rapprochent des réserves, sans les y assimiler. Il en va ainsi lorsqu'un Etat ou une organisation internationale ne se borne pas à avancer une interprétation, mais en fait une condition de son consentement à être lié.

2) Formulation et confirmation

Il n'est pas rare qu'en formulant une déclaration, un Etat indique expressément que l'interprétation qu'il avance constitue la condition sine qua non à laquelle il subordonne son consentement à être lié. Dans ces cas, la déclaration doit être formulée par écrit aux Etats cocontractants et aux autres organisations internationales ayant qualité pour devenir parties au traité. Une déclaration interprétative conditionnelle portant sur un traité en vigueur qui est l'acte constitutif d'une organisation internationale ou qui crée un organe délibérant doit en outre être communiquée à cette organisation ou à cet organe. Faite lors de la signature d'un traité, une déclaration interprétative ne nécessite pas de confirmation ultérieure lorsqu'un Etat ou une organisation internationale exprime son consentement à être lié

par le traité. Par ailleurs, lorsqu'une déclaration interprétative conditionnelle est formulée lors de la signature d'un traité sous réserve de ratification, d'un acte de confirmation formelle d'acceptation ou d'approbation, elle doit être confirmée formellement par l'Etat ou l'organisation internationale qui en est l'auteur au moment ou il exprime son consentement à être lié par le traité. En pareil cas, la déclaration interprétative sera réputée avoir été faite à la date à laquelle elle a été confirmée.

C- Les déclarations interprétatives tardives

1) Double typologie

Au même titre que les réserves, les déclarations interprétatives peuvent être tardives. C'est le cas notamment pour les déclarations interprétatives conditionnelles tardives qui, comme les réserves, ne peuvent être formulées ou confirmées qu'au moment du consentement définitif à être lié. Mais ça peut l'être aussi s'agissant des déclarations interprétatives simples qui en principe peuvent être formulées à tout moment19(*), soit que le traité fixe un délai pendant lequel elles peuvent être faites, soit en raison des circonstances entourant leur formulation. Lorsqu'un traité dispose qu'une déclaration interprétative ne peut être faite qu'à des moments spécifiés, un Etat ou une organisation internationale ne peut formuler une déclaration interprétative conditionnelle de ce traité à un autre moment, à moins que la formulation tardive de la déclaration interprétative ne suscite aucune objection de la part des autres parties contractantes.

2) Déclaration interprétatives conditionnelles tardives

Un Etat ou une organisation internationale ne peut formuler une déclaration interprétative conditionnelle d'un traité après l'expression de son consentement à être

lié par le traité à moins que la formulation tardive de la déclaration ne suscite aucune objection de la part des parties contractantes.

II- RAPPORTS ENTRE LES DECLARATIONS INTERPRETATIVES ET

ET LES DOMAINES VOISINS

Il est opportun de pouvoir amorcer dans une première partie, la question de la distinction de des déclarations interprétatives et des réserves, bien que cette tâche soit assez délicate à effectuer compte tenu de la kyrielle d'éléments qui rentrent en ligne de compte. Puis, dans une deuxième partie, aborder toute la question des procédés alternatifs aux déclarations interprétatives.

A- La distinction entre les déclarations interprétatives et les réserves

Comme nous l'avons souligné plus haut, l'opération, assez subtile, tient tant à l'incertitude terminologique qu'à la variété de motifs conduisant les Etats à formuler les déclarations interprétatives. Le facteur téléologique, pourrait constituer nous semble t-il le critère le plus décisif de la distinction entre les deux déclarations unilatérales.

1) De la difficulté d'opérer une distinction entre les deux concepts

Comme l'exprime si bien Frank Horn, « the question of determining the nature of a statement is one of the very fundamental problems in reservations law20(*) » (« la question de la détermination de la nature d'une déclaration est l'un des problèmes les plus fondamentaux que suscite le droit relatif aux réserves »).Sa solution est compliquée entre autres par la diversité des objectifs poursuivis par les auteurs de ces déclarations et l'incertitude de la terminologie retenue. Dans l'hypothèse d'une déclaration interprétative, il s'agit en principe dans tous les cas, d'interpréter les

dispositions d'un traité. Dans certaines hypothèses, il s'agit, pour les représentants du pouvoir exécutif, de rassurer le parlement national sur la portée réelle d'un traité par lequel l'Etat s'engage. Bien souvent, cette préoccupation tient au souci d'avancer une interprétation compatible avec les dispositions du droit interne. Ce qui constitue l'un des motifs les plus fréquents à l'origine de telles déclarations. Tel est le cas, par exemple de la déclaration suisse au sujet de la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection diplomatique internationale, y compris les agents diplomatiques21(*).

La formulation d'une déclaration interprétative peut également avoir pour objet de rappeler la position prise par un Etat lors de la négociation qui a abouti à la l'adoption du traité. On ne saurait dissimuler, finalement le fait que certaines déclarations unilatérales sont présentées comme étant interprétatives dans le but de contourner l'interdiction ou la limitation des réserves prévues par le traité sur lequel elles portent, ou résultant des règles générales applicables aux réserves. Ainsi, certains commentateurs ont noté que certaines déclarations interprétatives dont les Etats dotés d'armes nucléaires avaient assortis leurs ratifications du traité de Tlatelolco et ses protocoles relatifs à la dénucléarisation de l'Amérique latine dont l'article 27 interdit les réserves mais pas les déclarations interprétatives, constituaient en réalité de véritables réserves22(*). De même, la nature interprétative de certaines déclarations faites par les Etats au sujet de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer dont les articles 309 et 310 interdisent les réserves mais autorisent expressément les déclarations à condition qu'elles ne visent pas à exclure ou à modifier l'effet juridique des dispositions de la convention a été contesté par d'autres parties23(*) même lorsqu'une réserve est possible, il est certain que les Etats préfèrent souvent recourir à des déclarations dites « interprétatives » supposées rendre leurs réticences moins apparentes.

2) Aux obstacles tenant à l'incertitude de la terminologie

L'un des éléments les plus importants de la définition des réserves tient à son indifférence à la terminologie utilisée par les Etats ou les organisations internationales lorsqu'ils les formulent, ce que les conventions de Vienne de 1969 et 1986 mettent en évidence en définissant la réserve comme une déclaration unilatérale quel que soit son libellé ou sa désignation. Cette précision oblige absolument à s'intéresser au contenu des déclarations et à l'effet qu'elles visent à produire. Malheureusement, ces dispositions permettent aux Etats de jouer avec les libellés dans l'espoir de d'abuser leurs partenaires sur la nature réelle de leurs intentions. Baptisant « déclarations » des instruments qui constituent à l'évidence d'indiscutables réserves, ils espèrent endormir la vigilance des autres parties tout en atteignant les mêmes objectifs. Ou à l'inverse, pour donner plus de poids à des déclarations qui sont clairement dépourvus d'effet juridique sur les dispositions du traité, ils les appellent réserves, alors même qu'elles n'en sont pas au sens de la convention de Vienne.

D'autre part, alors qu'en français on ne rencontre guère d'autres appellations que « réserves » et « déclarations »24(*), la terminologie anglaise est beaucoup plus diversifiée puisque certains Etats anglophones en particulier les Etats Unis utilisent non seulement « reservation » et « interpretative declaration » mais aussi « statement », « understanding », « provisio », « interpretation », « explanation», etc. Du reste, les mêmes mots peuvent, de l'avis même de l'Etat qui les a employés recouvrir des réalités juridiques diverses. Ainsi le Cambodge avait, en acceptant les statuts de l'O.M.C.I, utilisé le mot « déclare » à deux reprises pour expliquer la portée de son acceptation. Face à la demande de clarification de la part du Royaume-Uni, il a précisé que la première partie de sa déclaration était une « déclaration politique » alors que la seconde constituait une réserve25(*). Comble de confusion, il arrive même

que certains Etats fassent des déclarations interprétatives en se référant expressément aux dispositions d'une convention relative aux réserves. Il en va ainsi d'une déclaration de Malte au sujet de l'article 10 de la convention européenne des droits de l'homme qui fait référence à l'article 64 de cet instrument26(*).

De ce qui précède, nous estimons que la distinction fondamentale entre les déclarations interprétatives et les réserves tient à ceci que la réserve affecte la norme conventionnelle dans son application à l'Etat réservataire, alors que la déclaration interprétative opère dans la formulation. En définitive, les deux concepts opèrent plutôt du point de vue de leur objet.

En tout état de cause, toutes les déclarations interprétatives visent à interpréter les dispositions d'un traité. Cependant, si l'Etat ou l'organisation internationale qui les formule peut, dans certain cas, se borner à proposer une interprétation, dans d'autres, il entends l'imposer à ses cocontractants ou en tout cas, il en fait la condition de son engagement, ce qui conduit à distinguer deux catégories bien différentes de déclarations interprétatives. En d'autres termes si toutes les déclarations interprétatives visent à préciser le sens et le but des dispositions du traité auquel elles se rapportent, certaines ont en outre une fonction supplémentaire en ce sens qu'elles conditionnent l'acceptation du traité par l'Etat ou l'organisation internationale qui les formulent.

De ce qui précède, l'élément téléologique est le critère essentiel de distinction nous semble t-il entre les déclarations interprétatives et les réserves.

B- Les procédés d'interprétation des traités autres que les déclarations interprétatives

Pas plus que les réserves ne constituent pas le seul moyen à la disposition des parties contractantes pour moduler l'application des dispositions d'un traité, les déclarations interprétatives ne sont pas les seuls procédés par lesquels les Etats ou les organisations internationales peuvent en préciser ou en clarifier le sens ou la portée.

Si l'on laisse de côté les mécanismes d'interprétation par des tiers parfois prévus par le traité27(*) la diversité de ces procédés alternatifs est cependant moins grande en matière d'interprétation.

1) Les dispositions conventionnelles

Tout d'abord, il arrive très fréquemment que le traité précise l'interprétation qu'il convient de donner à ses propres dispositions. Tel est souvent l'objet des clauses contenant la définition des termes employés dans le traité28(*). En outre, il est très fréquent qu'un traité donne des indications sur la manière dont il convient d'interpréter les obligations incombant aux parties ; soit dans le corps du traité, soit dans un instrument distinct. En second lieu, les parties ou certaines d'entre elles, peuvent conclurent un accord aux fins d'interpréter un traité ou des clauses d'un traité précédemment conclu entre elles. Cette hypothèse est expressément envisagé par les articles 31, paragraphe 3 des conventions de Vienne de 1969 et de 1986 qui imposent à l'interprète de tenir du texte en même temps que du contexte de tout ultérieur survenu entre les parties au sujet de l'interprétation du traité ou de l'application de ses dispositions. Ainsi, il peut arriver que l'interprétation d'un traité multilatéral soit « bilatéralisée ». Tel est le cas lorsqu'une convention multilatérale renvoie à des accords la fonction de préciser le sens ou la portée de certaines de ses dispositions. A cet effet, la convention de 1971 sur la reconnaissance et l'exécution des jugements étrangers en matière civile et commerciale prévoit que les Etats ont la faculté de conclure des accords complémentaires aux fins de préciser les sens des termes « en matière civile ou commerciale », de déterminer les tribunaux aux décisions desquels la convention s'applique, de déterminer les sens des mots « sécurité sociale » et définir les mots « résidence habituelle ».

Par ailleurs, de préciser le sens du mot « droit » dans les Etats qui ont plusieurs systèmes juridiques.

DEUXIEME PARTIE

AMORCE D'UN REGIME JURIDIQUE POUR LES DECLARATIONS

INTERPRETATIVES

Comme signalé au tout début de ce travail, c'est l'une des questions les plus épineuses qui se pose à cette catégorie juridique. Il nous semble que ce régime juridique, dans le cas où la Commission de droit international l'établira, épouseras les contours de celui des réserves aux traités ( ???). En effet, les déclarations interprétatives et les réserves sont des species du même genus. « Déclaration unilatérale se rapportant au traité ». Pour cela, nous utiliserons le schéma du régime juridique des réserves, au moins comme point de départ, en ne négligeant pas les caractéristiques originelles de la problématique des déclarations interprétatives unilatérales ; lesquelles nous ne pouvons contester.

SECTION I LA QUESTION DE L'ADMISSIBILITE DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

Dans le système classique, l'admission d'une réserve dépendait du consentement de tout les Etats intéressés. Dans son avis consultatif du 28 mai 1951, au sujet des réserves faites à la convention sur le génocide, la cour internationale de justice a pris une position à contre courant de la tendance traditionnelle. En effet, la cour a estimé qu'il fallait prendre au contraire en considération la compatibilité de la réserve avec des fins de la convention, c'est-à-dire sa validité intrinsèque. Dans cette hypothèse toutefois, la réserve ne pouvait avoir d'effet qu'à l'égard des Etats qui l'avaient acceptée. Cette partie de notre travail sera consacrée à l'analyse de tout le problème de la recevabilité des déclarations interprétatives. Ceci sera fait au travers de toute la question de la liberté d'émettre des actes unilatéraux en rapport au traité

(A), et surtout les exigences de compatibilité de la déclaration interprétative avec l'objet et le but du traité. (B)

A- Le principe de la liberté de formuler les déclarations interprétatives

1) Un pouvoir quasi-illimité

De prime abord, il nous semble que la liberté de formuler les déclarations interprétatives soit totale, compte tenu de ceci que l'examen de la pratique internationale prouve que les Etats considèrent l'émission des déclarations interprétatives comme toujours admissibles. Il est notoire, en effet, que les traités qui interdisent les réserves admettent presque toujours des déclarations interprétatives unilatérales, comme c'est le cas pour la convention de Montego Bay suscitée ou de l'article 120 du statut de Rome portant création de la Cour pénale internationale (CPI). Toutefois, en cas de formulation tardive, que se soit une déclaration interprétative simple ou conditionnelle, le rapporteur spécial de la Commission de droit international sur la question, le Professeur Alain Pellet estime, dans son cinquième rapport sur les réserves aux traités, que lorsqu'un traité contient une clause selon laquelle une déclaration interprétative ne peut être faite qu'à des moments spécifiés, un Etat ou une organisation internationale ne peut formuler une déclaration interprétative de ce traité à un autre moment à moins que la formulation tardive29(*) de la déclaration interprétative ne suscite aucune objection de la part des autres parties contractantes. Les déclarations formulées le 31 janvier 1995 par le gouvernement Egyptien, qui avait ratifié la convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontaliers de déchets dangereux et de leur élimination en 1993, constituent un exemple frappant de formulation tardive.

En effet, aux termes de l'article 26 paragraphe 2 de la convention, un Etat ne peut, dans certaines limites, formuler de telles déclarations que « lorsqu'il signe, ratifie, accepte ou approuve, ou confirme la présente convention ou adhère ».

Plusieurs parties ont contesté la recevabilité des déclarations Egyptiennes soit parce que selon elles, elles constituaient en réalité des réserves (interdites par le paragraphe 1 de l'article 26), soit du fait de leur tardiveté30(*). Au demeurant, la liberté que possèdent les Etats parties à une convention de formuler, des déclarations ayant pour objet l'interprétation des dispositions d'un traité, n'entrave pas la faculté de leurs cocontractants d'évaluer lesdites déclarations.

2) Une faculté d'évaluation de la part des cocontractants

Un bref examen des traits les plus indicatifs de la pratique internationale à ce sujet montre, en effet, que les Etats ont très souvent recours à des déclarations pour exprimer leur opinion sur l'admissibilité des déclarations alors même qu'il est certain que ces déclarations interprétatives ne sont pas qualifiables en tant que réserves. Leurs effets ne peuvent donc pas être celles des réserves. Il est également important de noter que les Etats utilisent lors de leurs évaluation des déclaration interprétatives, un double standard d'évaluation : tout d'abord ils se demandent si la déclaration interprétative peut être considérée quant à ses effets comme une réserve ou non(et alors il faudra évaluer encore si elle est acceptable ou non, compte tenu de l'admissibilité des réserves à ce traité là), ou bien si la déclaration interprétative est compatible avec l'objet et le but du traité).

Mais si on peut dans l'abstrait dire que les déclarations interprétatives unilatérales sont toujours admissibles, cela ne veux pas dire pour autant que n'importe quelle déclaration interprétative unilatérale soit automatique admissible quel qu'en soit le contenu ou le libellé.

Et cela pour deux raisons importantes.

- De prime abord, il faut reconnaître que la déclaration interprétative est une déclaration unilatérale ; mais une déclaration unilatérale qui se réfère à un traité donné et spécifique. Il paraît donc tout à fait naturel que la déclaration unilatérale doive être compatible avec le traité international auquel elle se réfère. Il serait très

difficile autrement, de dire que la déclaration interprétative est précisément ce qu'elle veut être, c'est-à-dire une déclaration interprétative du traité ou une clause d celui-ci31(*).

- Cela dit, il faut mettre en relief un deuxième élément. La pratique internationale montre que les Etats parties à un traité international formulent très souvent des considérations interprétatives unilatérales, soulignant parfois avec beaucoup d'argumentations meurs points de vue sur ces déclarations et sur les positions qu'elles expriment. A leur tour, les dépositaires ont toujours considéré une telle attitude comme parfaitement normale en se bornant (comme ils le font avec les réserves et les objections aux réserves) à les faire circuler parmi les parties au traité, sans ajouter de commentaires. On peut donc dès lors, estimer qu'il appartient à chaque Etat parti au traité d'exprimer sont point de vue sur lesdites déclarations32(*).

Ainsi, il nous semble logique de conclure que pour les déclarations interprétatives unilatérales, on puisse parler d'un véritable jugement d'admissibilité que chaque Etat, parti au traité établira s'il le souhaite, pour lui-même, comme cela se passe pour les réserves à travers le mécanisme des objections unilatérales.

Un exemple fort intéressant de ce que nous venons de souligner est donné par la déclaration interprétative des Philippines sur la convention de Montego Bay, déclarations exprimées lors de la signature de la convention le 10 décembre 1982 et encore le 8 mai 1984 au moment de la ratification. Il s'agit de huit déclarations dont certaines ont été jugées par certaines Etats comme incompatibles parce qu'elles constituaient en réalité des réserves interdites par la convention en ses articles 309 et 310. D'autres ont été jugées compatibles avec l'objet et le but de la convention, évaluation qui les aurait fait juger incompatibles même si elles avaient été des réserves et que ces dernières avaient été admissibles d'après la convention..

La première de ces déclarations du gouvernement des philippines semble se borner à formuler une espèce de principe général d'interprétation, à teneur duquel :

« La signature de la convention par le gouvernement des Philippines ne portera atteinte ni au préjudice en aucune façon aux droits souverains de la République des Philippines prévus par la constitution des philippines et prévus par celle-ci ».

La deuxième et troisième déclaration visent à confirmer que la signature de la convention par le gouvernement des Philippines ne saurait être considérée comme une renonciation aux droits qui reviennent aux Philippines en tant que successeur des Etats-Unis aux traités de Paris du 10 décembre 1898 et de Washington du 2 janvier 1930, ni aux droits découlant du traité de défense mutuelle et d'assistance réciproque entre les Philippines et les Etats-Unis d'Amérique le 30 août 1951. La quatrième déclaration est en fait une déclaration de souveraineté sur les îles KAYALAN et les zones maritimes adjacentes. La cinquième indique que la convention ne pourra être interprétée ni comme amendant de quelque façon que se soit des lois ou d'autres normes internes, ni comme empêchant leur modification dans le futur. La sixième déclaration établit que les dispositions de la convention sur les eaux archipélagiques ne modifient pas la souveraineté des philippines en tant qu'Etat archipélagique sur les eaux qui sont des voies de communication maritime. La septième déclaration énonce le fondement logico-juridique d'une telle affirmation, puisqu'elle souligne que « le concept des eaux archipélagiques est semblable à celui des eaux intérieures aux termes de la constitution de des Philippines et exclut les détroits reliant ces eaux avec la zone économique exclusive ou avec la haute mer de l' application des dispositions concernant le droit de passage des navires étrangers pour la navigation internationale ».

La huitième déclaration précise que le fait que la République des Philippines accepte les procédures de règlement pacifique des différends, prévues à l'article 298 de la convention, ne peut être considéré comme une dérogation à la souveraineté. Une phrase très difficile à interpréter et dans laquelle on pourrait voir, peut être, encore une fois la volonté de réaffirmer une attitude très libre et indépendante dans l'interprétation de la convention.

Certes, le résultat évident de ces déclarations nous semble t-il, était de reformuler le libellé de la convention de MONTEGO BAY selon l'interprétation que les Philippines croyaient être la meilleure. Et ceci, même dans un domaine très délicat et politiquement difficile comme celui du régime juridique des eaux archipélagiques. Au surplus, ces déclarations nous paraissent fort imprécises parce qu'elles contiennent des affirmations qui semblent subordonner l'interprétation du Droit international au droit interne des Philippines. Ce qui ne pouvait pas manquer de susciter des protestations de certains Etats.

3) Un droit de protestation ou d'objection

Cependant, on trouve dans la pratique des Etats des déclarations de protestations dans lesquelles il est souligné que la déclaration interprétative rendue par un autre Etat parti au traité, tout en étant acceptable parce qu'elle ne vise pas à modifier les effets juridiques de certaines dispositions du traité, a néanmoins un contenu inacceptable parce que incompatible avec l'objet et le but du traité.

Un exemple type est la déclaration italienne de protestations contre plusieurs déclarations interprétatives formulées par des Etats partis à la convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le mouvement transfrontalier des déchets dangereux et leur élimination. Un traité qui interdit également des réserves. Par la déclaration du 30 mars 1990, le gouvernement de la République italienne protestait contre plusieurs déclarations interprétatives unilatérales par lesquelles les gouvernements parties à la convention affirmaient leur droit de limiter et contrôler le transit dans leurs eaux de navires battant pavillon étranger. Parmi ces déclarations, on peut lire celle de la Colombie selon laquelle

« Pour la Colombie, il entendu que la mise en oeuvre ne restreindra pas mais au contraire renforcera l'application des principes juridiques et politiques qui, comme indiqué dans la déclaration faite le 21 mars 1989 à la conférence de Bâle, gouvernent l'action de l'Etat colombien dans le domaine visé par la convention. Et, notamment,

qu'aucune disposition de la convention ne pourra être interprétée ou appliquée d'une manière qui porte atteinte à la faculté de l'Etat colombien d'appliquer lesdits principes et les autres règles de son droit interne, pour ce qui est de sa zone terrestre (y compris les sous-sols), de son espace aérien, de ses eaux territoriales, de son

plateau continental et de sa zone économique exclusive, conformément au droit international33(*). »

Le gouvernement italien formulait une objection formelle à cette déclaration et dans le même texte, proposait l'interprétation qui lui semblait préférable.

« Le gouvernement d'Italie, en exprimant ses objections vis-à-vis des déclarations faites, par les gouvernements de la Colombie, de l'Equateur, du Mexique, de l'Uruguay et du Venezuela, ainsi que d'autres déclarations ayant une portée similaire qui pourraient être faites à l'avenir, considère qu'aucune disposition de la présente convention ne doit être interprétée comme limitant les droits de navigation reconnus par le droit international. Par conséquent, un Etat partie n'est pas tenu de donner notification à n'importe quel autre Etat ou en obtenir l'autorisation, pour le simple passage par la mer territoriale ou l'exercice de la liberté de navigation dans la zone économique exclusive par un navire battant pavillon et transportant une cargaison et des objets dangereux »

Au moyen de cette déclaration, le gouvernement italien visait le but de formaliser l'existence d'un différend sur l'interprétation de la convention. Même si le gouvernement italien ne dit pas que la déclaration interprétative de la Colombie est inadmissible parce qu'elle est incompatible avec l'objet et le but du traité, il souligne qu'il la considère comme inacceptable. Il est donc clair que le gouvernement italien n'accepte pas et n'acceptera pas que l'interprétation colombienne de la disposition du traité lui soit opposée.

B- L'exigence de la compatibilité de la déclaration interprétative avec l'objet et le but du traité

Comme dans le cas des réserves, la compatibilité d'un acte unilatéral relatif à l'interprétation d'une convention avec l'objet et le but du traité, est l'une des exigences fondamentales (c'est le moins que l'on puisse dire) en ce qui concerne la question de l'admissibilité des déclarations interprétatives. Toutefois, l'utilisation du critère de compatibilité diffère selon qu'il s'agit de son appréciation par le juge ou par les parties.

1) Appréciation de la compatibilité des déclarations par le juge international

La question est assez délicate. Pour peu que l'on se pose la question de savoir si une éventuelle intervention du juge international aux fins de l'appréciation du critère de compatibilité peut permettre d'éviter toute incertitude en ce qui concerne le statut des Etats et celui de la convention. Par exemple, si parmi les Etats dont la ratification permettrait l'entrée en vigueur du traité, l'un d'eux fait une déclaration interprétative dont la validité est contestée, l'entrée en vigueur est-elle suspendue jusqu'au moment ou le juge rendra sa décision ? Dans la négative, et la déclaration interprétative est finalement déclarée incompatible, le traité cesse t-il d'être en vigueur ? ou alors est-il considéré ab initio comme n'ayant jamais été en vigueur ?

Si au contraire, la déclaration interprétative est déclarée compatible, quelle est la portée de cette décision à l'égard de l'Etat objectant ? Nous pensons que ce dernier devra reconnaître à l'Etat auteur de la déclaration interprétative la qualité de partie à la convention. Sans que cela implique qu'il doive retirer son objection et accepter d'être lié à cet Etat. Une telle interprétation serait en effet, en contradiction avec le principe fondamental du consentement selon lequel un acte ne peut être opposable à un Etat tant qu'il n'a pas donné son assentiment. Elle aboutirait aussi à priver le Etats du droit de formuler des objections pour des motifs autres que l'incompatibilité avec l'objet et le but du traité, alors que chaque Etat doit pouvoir apprécier la portée d'une

déclaration interprétative en fonction de ses propres intérêts. Même parfaitement valable, une déclaration interprétative peut avoir pour un Etat donné, des conséquences préjudiciables contre lesquelles il doit pouvoir se prémunir.

Ainsi, le recours au juge ne supprimerait pas le chassé croisé entre les Etats parties, ceux qui ont fait les déclarations interprétatives, ceux qui les acceptent et ceux qui les refusent. A moins que l'on accepte (ce qui serait fort dangereux...) dans l'hypothèse des déclarations interprétatives, le principe de l'unanimité qui a été abandonné depuis l'avis consultatif de 1951 relatif aux réserves à la convention sur la prévention des crimes de génocide, il n'est pas possible nous semble-t-il de trouver un système qui évite ces complications dans les relations conventionnelles.

Bien qu'elle apparaisse comme le meilleur moyen d'apprécier de façon objective la validité d'une déclaration interprétative, la solution judiciaire ne permettra pas nous semble-t-il de surmonter tous les obstacles. La raison principale réside dans le fait qu'il n'est pas possible d'isoler la question de la validité des déclarations interprétatives et de la traiter uniquement en tant que telle, comme si la décision prise à ce sujet ne déterminait pas la participation de l'Etat auteur de la déclaration interprétative. Or, si l'admissibilité d'une déclaration interprétative ne relève en elle-même que du domaine juridique, il n'en est pas de même de l'acceptation d'un Etat parmi les parties au traité (ou de son rejet). De nombreuses considérations politiques interviennent. A plus forte raison si cet Etat se propose de faire une déclaration interprétative. C'est cette politisation inéluctable du débat qui complique l'intervention de la cour.

Dans son opinion dissidente de l'arrêt de la Cour internationale de justice du 2 juin 1999 relative à la licéité de l'emploi de la force, le juge KRECA fait valoir que les premières et deuxième « déclarations interprétatives » formulées par les Etats Unis à l'égard de l'article II, sont en réalité des réserves incompatibles avec l'objet et le but de la convention sur le génocide. Plus précisément, les articles II, III, IV de la convention sur le génocide à tout le moins appartiennent au jus cogens. Les normes du jus cogens sont prééminentes ; elles ont donc pour effet de frapper de nullité toute acte, qu'il soit unilatéral ou bilatéral qui n'est pas en conformité avec elles.

Cette conclusion logique, fondée sur la nature impérative ou absolument obligatoire des normes du jus cogens qui expriment dans le domaine normatif les valeurs fondamentales de l'ensemble de la communauté internationale, a notamment été confirmée dans les affaires du plateau continental de la mer du nord. La seule façon d'écarter la sanction de la nullité en ce qui concerne la déclaration interprétative des Etats Unis à l'égard de certaines dispositions de la convention sur le génocide est peut être l'interprétation selon laquelle la nullité ne frappe que les déclarations interprétatives et qu'elle n'a pas d'incidence juridique sur la réserve elle-même.

Cependant, une telle interprétation serait contraire au principe fondamental d'indivisibilité des actes en contradiction avec la norme du jus cogens qui est énoncée au paragraphe 5 de l'article 44 de la convention de Vienne sur le droit des traités.

3) Appréciation de la compatibilité des déclarations interprétatives par les Etats intéressés

La procédure du recours au juge est elle la plus profitable quant à l'obtention d'une éventuelle appréciation objective de la validité des déclarations interprétatives ? Nous sommes bien tentés, sans grand risque de nous tromper, d'affirmer que le consentement des Etats est un moyen certain de donner un contenu réel et pratique au critère de la compatibilité, à condition peut être que ce consentement soit unanime ou majoritaire. Toutefois, il est important de souligner que cette conception ne correspond pas du tout à la réalité. Dans la mesure ou l'acceptation d'une déclaration interprétative ne signifie en aucun cas qu'elle est compatible avec l'objet et le but du traité. Elle lui permet tout simplement d'avoir des effets juridiques. Car, et d'une façon générale, - il faut bien le signaler ici - l'assentiment d'un Etat ne tient toujours pas compte de la validité de la déclaration interprétative, mais très souvent des conséquences que peut avoir pour ses intérêts l'acceptation de la déclaration interprétative proposée. Dans la pratique, un Etat partie n'accepte pas une déclaration interprétative mais l'Etat qui l'émet.

Cette dissociation entre l'acceptation et la validité effective de la déclaration interprétative, met en relief les questions d'unanimité et de majorité, et apparaît aussi bien lorsque le consentement a été unanime ou simplement majoritaire. Mais cela peut sécréter de graves inconvénients car, en établissant que sont compatibles les déclarations interprétatives qui soulèvent les protestations des deux tiers des Etats parties, on affirme à contrario que tout les autres sont compatibles. A notre sens, un tel raisonnement risque de masquer la réalité.

En définitive, l'intervention du juge international ou des Etats intéressés n'étant ni opportune, ni probante, les différentes modalités d'acceptation revêtent une grande importance puisque, suivant le degré de consentement exigé, elles peuvent permettre de conserver au critère de compatibilité une certaine réalité en empêchant la formulation des déclarations interprétatives abusives ou au contraire le réduire à une fiction.

SECTION II- LES CONSEQUENCES DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES SUR LES RELATIONS CONVENTIONNELLES

A- Sur la nature et les effets des déclarations interprétatives unilatérales

1) L'étendue de l'effet des déclarations interprétatives

Ce que nous avons vu jusqu'ici à propos de l'évaluation et de l'admissibilité des déclarations interprétatives nous a montré que même si celles-ci s'apparentent aux réserves, elles ont leurs caractéristiques propres. Elles sont des actes juridiques unilatéraux qui visent, grâce à l'interprétation qu'elles proposent, à sauvegarder une position juridique, à empêcher la cristallisation d'une pratique ou au contraire à l'y aider. La question qui se pose dès lors est celle de savoir comment es-ce que tout cela peut passer. Nous avons constaté que le jugement sur l'admissibilité des déclarations interprétatives prend la forme d'un acte unilatéral par lequel l'Etat objectant refuse que le contenu de la déclaration interprétative lui soit opposé. Bien évidemment, tout

cela est possible compte tenu de ce que la nature inorganique des relations internationales et du droit international implique une structure axée sur le consentement réciproque des Etats. On ne saurait donc opposer le contenu d'une déclaration interprétative à un Etat qui a déclaré s'opposer à cette interprétation34(*).

En outre, il faut souligner que la structure même de la convention de Vienne se base sur la dynamique consensuelle, même pour les déclarations interprétatives unilatérales. En effet, si la convention de Vienne a adopté une méthode objectiviste axée sur la valorisation du texte, elle a aussi admis qu'on puisse interpréter la disposition d'un traité d'une manière conforme à ce qui résulte de l'examen d'autres instruments formés par les parties aux traités. L'article 31.1 indique qu'un traité doit être interprété « suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans leur contexte », et, encore, on tiendra compte de « tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

2) Les déclarations interprétatives et les Etats parties.

La convention de vienne admet donc une interprétation qui tient aussi en compte la volonté des parties contractantes telle qu'elle se reconstruit à partir de plusieurs éléments du contexte. Il doit s'agir premièrement d'instruments rédigés « à l'occasion de la conclusion du traité », deuxièmement, de documents ayants « rapport au traité », et troisièmement (ce qui confirme leur nature contractuelle) de documents à prendre en considération « en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

On peut alors en déduire que la déclaration interprétative unilatérale ne peut produire des effets que si un Etat au moins l'a accepté. C'est cela qu'entendait nous semble t-il le rapporteur spécial, Sir Humphrey WALDOCK lorsqu'il affirmait :

« Il semble évident, pour des raisons de principe, qu'un document unilatéral ne peut être considéré come faisant partie du contexte aux fins d'interprétation du traité, à moins que les autres parties n'admettent qu'il y a lieu de tenir compte dudit document pour interpréter le traité ou pour déterminer les conditions auxquelles la partie intéressée à accepté le traité35(*) »

3) L'incertitude de l'article 31.2 de la convention de vienne

Cependant, il y a lieu de se poser la question de savoir ce que la convention de Vienne en son article 31.2 entend par « accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ». Est-ce que les autres parties doivent accepter que la déclaration soit relative au traité, ou alors accepter le contenu de la déclaration, c'est-à-dire l'interprétation qu'elle propose ?

Pour notre part, il semble bien que compte tenu de ce que l'article précise que l'on devra tenir compte des documents « aux fins d'interprétation », cela veut dire que les autres parties doivent accepter la déclaration comme interprétative, c'est-à-dire que l'interprétation proposée soit utilisée pour interpréter le texte du traité. En plus, faut-il que la déclaration soit acceptée par toutes les parties contractantes, ou bien seulement par certaines d'entre elles, devenant ainsi opposables seulement à celles-ci ?

C'est cette dernière solution qui nous paraît être la meilleure, parce qu'un traité multilatéral peut s'analyser en un faisceau de rapports bilatéraux entre les parties contractantes. Par ailleurs, il faut considérer l'attitude passive des Etats qui ne réagissent pas à la proposition d'une déclaration interprétative par un autre Etat contractant. Peut-on appliquer la règle de l'acceptation avant douze mois comme cela se passe pour les réserves, par voie d'interprétation analogique de l'article 21 de la convention de Vienne ? La réponse à cette question doit être négative nous semble t-il puisqu'il s'agit là d'un régime spécial qui ne peut faire l'objet d'une extension analogique. Il faudra alors revenir aux principes généraux en matière d'acquiescement : on sait que la simple inactivité ne suffit pas. Pour qu'on puisse

parler d'acquiescement, il faut un silence « qualifié ». Encore faudra-t-il le démontrer puisqu'il demeure assez difficile de relever cette situation lorsqu'un Etat reste simplement inactif à l'occasion d'une déclaration dont les effets juridiques ne sont pas encore suffisamment précisés36(*).

B- Sur la réciprocité des effets des déclarations interprétatives

1) Les données du problème

Nous sommes déjà arrivés à la conclusion selon laquelle la déclaration interprétative opère dans un mécanisme dominé par une structure consensuelle des rapports. Et, c'est précisément à cause de tout cela que la déclaration interprétative acceptée peut donner origine à un véritable accord juridique entre la partie contractante qui déclare et celle qui accepte. Quels sont les effets juridiques de cet accord ? Et surtout peut-on parler, d'une réciprocité des effets de la déclaration interprétative acceptée comme on le fait pour une réserve ?

La question est « corsée » dans la mesure où nous semble-t-il, même pour les réserves, le régime de la réciprocité des effets juridiques n'a pas été dûment approfondi dans la convention de Vienne. S'il est vrai que la réserve acceptée ou non objectée donne naissance à un accord juridique, cet accord doit pouvoir produire tous les effets d'un accord juridique, et, entre ces effets, celui de la réciprocité. On peut noter en effet que, la formulation de l'article 21 de la convention de Vienne semble considérer ce phénomène comme un fait naturel et donc automatique, lorsqu'il prévoit : « Une réserve établie à l'égard d'une autre partie conformément aux articles 19, 20, et 23 :

a) Modifie pour l'Etat auteur de la réserve dans ses relations avec cette autre partie les dispositions du traité sur lesquelles porte la réserve, dans la mesure prévue par cette réserve.

b) Modifie ces dispositions dans la même mesure pour cette autre partie dans ses rapports avec l'Etat auteur de la réserve ».

Mais que se passe t-il lorsque l'Etat qui formule la réserve le fait juste pour résoudre un problème qui se pose à lui ? C'est toute la question de la distinction entre la réciprocité des effets juridiques et l'extensibilité du régime juridique contenu dans la réserve qui se pose ici.

2) Réciprocité des effets juridiques et extensibilité du régime juridique

Le consentement d'un autre Etat à la réserve est nécessaire, mais cela ne veut pas dire que l'Etat acceptant puisse nécessairement appliquer la réserve en ce qui le concerne. Le consentement pourrait être donné tout simplement pour que l'Etat déclarant puisse appliquer à son problème le contenu de la réserve. La réciprocité des effets juridiques veux dire que le régime juridique contenu dans la réserve acceptée est objectif, qu'il est obligatoire tant pour l'Etat réservant que pour l'Etat acceptant. Mais cela ne veut pas dire que le régime juridique contenu dans la réserve soit nécessairement et automatiquement applicable à l'Etat acceptant.

On peut donner l'exemple des réserves des Philippines sur la notion d'eaux archipélagiques. Le concept de réciprocité pour les Philippines et pour les Etats qui les auraient acceptées signifie toujours que les Philippines peuvent appliquer le régime juridique contenu dans les réserves à leurs eaux archipélagiques et que l'Etat acceptant se prévaudra du même régime juridique seulement si lui aussi est un Etat archipélagique. En d'autres termes, il faut pouvoir distinguer entre la réciprocité des effets juridiques et l'extensibilité du régime juridique contenu dans la réserve. A notre sens, même si la déclaration est acceptée, il faut se demander si l'Etat acceptant

consent simplement à ce que l'Etat déclarant puisse se prévaloir du contenu de la déclaration ou s'il veut s'obliger à interpréter la disposition conventionnelle dans le sens de la déclaration en ce qui le concerne.

C- Les effets juridiques des déclarations interprétatives unilatérales non acceptées

A ce stade de l'étude, on peut se poser la question de savoir si la construction consensuelle proposée plus haut peut expliquer tous les effets des déclarations interprétatives. Autrement dit, est-il possible que la déclaration interprétative puisse produire des effets juridiques seulement si elle est acceptée par un ou plusieurs Etats contractants? Et que dans l'hypothèse d'une objection, tout s'arrête là sans aucune possibilité pour la déclaration de jouer quelque rôle que se soit? Afin de répondre à cette question, il nous semble nécessaire de revisiter les règles sur l'interprétation des traités internationaux, mais aussi sur l'interprétation juridique.

1) Valorisation des règles sur l'interprétation

On pourrait définir l'interprétation juridique comme l'ensemble des techniques et des opérations auxquelles on a recours afin d'attribuer une signification à des énoncés qui sont à juste titre appelés normatifs. Cette signification est ce que l'on appelle norme. Une définition de l'interprétation juridique implique au moins deux conséquences. La première est qu'il n'existe pas de dispositions pour lesquelles l'interprétation n'est pas nécessaire. La théorie de l'acte clair, formulée dans le célèbre dictum  in claris non fit interpretatio ne peut plus être retenue. Il n'y a pas de norme s'il n'y a pas d'interprétation. Toute norme est el résultat d'un processus d'interprétation37(*).

La deuxième conséquence est que, s'il n'ya pas de norme sans interprétation, la reconstruction de la norme se fait dans des conditions d'espace et de temps de l'interprétation même. Ce qui explique pourquoi d'un même texte normatif on peut donner des interprétations différentes selon le moment, le lieu, et la sensibilité de l'interprète38(*).

C'est précisément pour cela que tous les ordres juridiques connaissent des mécanismes de sauvegarde d'un certain degré d'homogénéité des interprétations. Or, ces mécanismes sont précisément de deux types : il peut s'agir de règles juridiques qui servent de repères aux interprètes, ou de règles formelles sur la distribution de la compétence d'interprétation. Les règles sur l'interprétation indiquent à l'interprète la voie à suivre dans la succession des opérations des opérations qu'il va parcourir et, c'est pour cela qu'on ne peut donc les voir comme des mécanismes de sauvegarde de l'homogénéité des interprétations. Mais il serait fallacieux de surévaluer l'efficacité de ces règles, qui ne sauraient à elles seules, empêcher que l'interprète adopte une interprétation extravagante. La quête de l'homogénéité doit en dernier ressort déboucher sur des règles de compétence, selon lesquelles il y a des interprétations qui doivent primer sur d'autres. Par exemple, dans les ordres juridiques internes, l'interprétation du juge prime sur celle des particuliers et, parmi les interprétations des juges, celle des juges de droit (là ou il y en a) priment sur celles des juges du fond. Ou bien il y aura d'autres règles équivalentes, comme celle du stare decisis.

Et dans l'ordre juridique international ? Où sont les juges de droit ? Quels sont les mécanismes qui assurent l'homogénéité des interprétations ? Comme on le sait, dans l'ordre juridique international il n y a rien de semblable. Pas d'organisation des fonctions, pas de tribunaux vraiment permanents à compétence générale39(*).On peut sûrement dire que l'interprétation juridique est confiée aux compétences concurrentes

des Etats40(*). Où sont-ils alors s'il y'en a des mécanismes d'homogénéisation des interprétations ?

Nous croyons pouvoir retrouver cette organisation de l'interprétation des traités dans les règles qui régissent l'interprétation des traités. Pas seulement dans le sens où elles peuvent montrer la voie à suivre à celui qui fait oeuvre d'interprétation d'un texte juridique international, mais aussi parce qu'elles peuvent organiser les interprétations différente en instituant une hiérarchie entre elles, selon la provenance de l'interprétation même.

En effet, la convention de Vienne sur le droit des traités, approuvée par ce législateur international que sont les Etats contractants dans leur ensemble, est le premier point de repère de l'interprétation. Tout près de celui-ci, on aura tous les autres accords conclus par les Etats parties (ou par quelques uns d'entre eux), et donc aussi les déclarations interprétatives unilatérales qui auront été acceptées par les autres parties. L'article 31 de la convention de Vienne prévoit justement qu'ils font parties du contexte du traité aux fins d'interprétation de l'instrument lorsqu'il énonce :

a) « Tout accord ayant rapport au traité et qui est intervenu entre toutes les parties à l'occasion de la conclusion du traité »

b) « Tout instrument établi par une ou plusieurs parties à l'occasion de la conclusion du traité et accepté par les autres parties en tant qu'instrument ayant rapport au traité ».

Au contraire, l'application du traité par les Etats est distincte du contexte. L'article 31.3 précise qu'il sera tenu compte de l'application  « en même temps » que du contexte. Et encore, on aura, pour ainsi dire, « un texte conventionnel » distinct de la pratique d'application, qui peut être aussi une pratique unilatérale, qu'on pourra utiliser seulement pour établir « l'accord des parties à l'égard de l'application du traité »41(*).

En principe donc, l'application unilatérale d'un traité par un Etat et, par conséquent, l'interprétation unilatérale à laquelle il se réfère pour l'appliquer, pourra être utilisée seulement si elle est concordante avec celle d'autres Etats (lettre b de l'article 31) sinon elle mènera directement aux conflits des interprétations.

C'est précisément à ce point de notre travail qu'il faut revenir aux déclarations interprétatives unilatérales. En effet, la seule manière pour un Etat de s'assurer dès le départ que sa propre interprétation unilatérale d'un article du traité soit prise en considération est celle de formuler une déclaration unilatérale et de la soumettre aux autres Etats, soit pour chercher un accord explicite ou tacite, soit pour documenter un désaccord42(*).

Car, même dans cette hypothèse, on aura des avantages, tout au moins du point de vue de l'ordre juridique dans son ensemble. Des dispositions conventionnelles assorties de nombreuses déclarations interprétatives unilatérales pourront, peut être se révéler d'application plus facile et moins controversée43(*). Car il y a lieu de signaler ici que la déclaration interprétative unilatérale d'un Etat peut aussi guider l'interprète de cet Etat même. Ainsi, le traité international se présente comme un continuum, caractérisé par une confrontation constante de d'oppositions et d'opinions qui permettent une application plus aisée et précise de ses dispositions44(*). Ce qui paraît très utile, surtout dans les domaines ou la règlementation internationale conventionnelle est plus récente comme le droit international de la mer ou des droits de l'homme.

2) Contribution à l'interprétation des traités internationaux

Si l'on considère que le droit international est un ordre juridique qui s'applique aux rapports entre sujets, les Etats souverains, eux aussi constitutifs d'ordres juridiques, on constate que l'interprétation unilatérale d'une disposition d'un traité international peut être conditionnée par l'interprétation des termes juridique de l'ordre interne d'un Etat. Tout au moins chaque fois que la disposition internationale doit être appliquée dans l'ordre interne de l'Etat. En effet, la norme internationale, une fois devenue applicable au niveau interne, vit dans l'ordre juridique interne même si elle maintient ses liens avec l'ordre juridique d'origine, qui est justement l'ordre juridique international.

Les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur les différentes solutions interprétatives sont très nombreux. Dans un Etat où les traités reçoivent une application directe, l'interprétation pourra être plus « internationale » que dans un Etat où le traité être reformulé dans un acte normatif interne. Et encore, dans un Etat où l'interprétation des traités internationaux ressort du domaine exclusif du pouvoir exécutif, ces derniers tiendront à donner une interprétation internationale plus fréquemment que dans un ordre juridique où l'interprétation des traités est confiée aux organes du pouvoir judiciaire interne45(*). Ceci s'avère particulièrement évident dans le cas d'expressions juridiques indéterminées, comme la notion de « bonne foi » ou celle de « due diligence », « d'ordre public » ou de « raisonnable ». Pour l'interprétation des dispositions qui contiennent ces expressions, il faut toujours se référer à l'expérience sociale d'un milieu donné, qui ne peut être que celui de l'Etat dans lequel l'interprète vit et travaille.

On pourrait avoir bien sûr des cas dans lesquels la communauté internationale a développé une pratique suffisante afin de donner un contenu à interprétatif à ces expressions, comme il se passe par exemple pour la notion de « nécessaire dans une société démocratique » aux articles 8-11 de la convention européenne des droits de

l'homme, mais, dans la plupart des cas, il est très difficile de proposer une interprétation qui ne soit pas tributaire des interprétations nationales. Ceci est reconnu par la Cour européenne des droits de l'homme, lorsqu'elle applique la doctrine de la « marge d'appréciation » des Etats dans l'interprétation de certaines dispositions conventionnelles. Ce qui revient à dire que les Etats peuvent interpréter la convention unilatéralement, même si la Cour a le pouvoir de vérifier que cette interprétation n'a pas dépassé les limites autorisées. Et tout cela se passe bien évidemment, parce que la Cour comprend que l'expression juridique indéterminée renvoie aux valeurs sociales qui peuvent être très différentes d'un Etat à l'autre. En effet, la Cour reconnaît une marge d'appréciation plus importante sin cette différence est grande, et une marge d'appréciation inférieure si la différence est réduite au minimum.

Et c'est dans ce type de cas que les déclarations interprétatives unilatérales peuvent être très utiles en soulignant l'interprétation interne que l'Etat souhaite proposer.

Force nous est de constater qu'arrivé à ce point, la nécessité de recourir à d'autres méthodes de recherche offerts par la science juridique afin d'aboutir à une solution des difficultés qui nous préoccupent est plus que jamais indispensable. Ayant esquissé un régime juridique des déclarations interprétatives, il nous est impossible de préciser le critère selon lequel les différends au sujet de la pratique des déclarations interprétatives pourraient être résolus. Au demeurant, les facteurs qui peuvent avoir une incidence sur les différentes solutions interprétatives sont diverses. Et ceux qui se posent avec le plus d'acuité sont tous ces éléments en rapport avec des questions sociologiques ou culturels. Quels qu'ils soient, il est évident que ces facteurs ont des répercussions sur le contenu des règles et sur la façon dont elles sont appliquées. La sociologie nous permet une étude approfondie des différents facteurs qui contribuent à la création, à la transformation et à la dissolution d'un corps de normes juridiques. Si elle reste - et elle doit le rester - entièrement étrangère à l'application qui en sera faite et qui continue d'être du domaine exclusif de la science juridique, elle peut cependant, en lui conférant une connaissance plus complète de tout les faits qui expliquent l'existence de telle ou loi plutôt que telle autre, ainsi que

le contenu, aider le juriste à les appliquer avec lucidité et combler toute lacune qui pourrait apparaître.

C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé d'ajouter une troisième partie à notre étude consacrée d'une part à un examen de l'évolution du droit international public et des principes qui s'en dégagent, ainsi qu'à l'application des résultats obtenus quant au problème particulier des déclarations interprétatives qui nous concerne. Nous espérons ainsi obtenir quelques idées maîtresses qui pourront nous guider dans la recherche des solutions à apporter à la question des déclarations interprétatives.

TROISIEME PARTIE

DECLARATIONS INTERPRETATIVES, PIS-ALLER ET VUES

PROSPECTIVES

CHAPITRE PREMIER : PREFACE

Pour rechercher à la question des déclarations interprétatives une solution qui soit en accord avec le sens de l'évolution générale du droit international et les principes qui s'en dégagent, il faudrait avant tout évoquer brièvement cette évolution avec les réflexions qu'elle a inspirées aux juristes. Ensuite, il faudra tirer les leçons qui s'en dégagent pour nous, et particulièrement les considérations qui s'imposent désormais pour la question des déclarations interprétatives. Tout cela sera le but de cette introduction qui constitue nécessairement un tour d'horizon dépassant les cadres strict de notre sujet.

SECTION I- APERCU DE L'EVOLUTION RECENTE DU DROIT INTERNATIONAL PUBLIC

A- Point de départ : le droit classique

1) Les sources

Toutes les règles qui régissent aujourd'hui les relations internationales ont leurs bases historiques dans le droit international classique qui fut à son apogée à la fin du XVIIIème siècle. Il s'est formé peu à peu entre des nations faisant partie de ce que le moyen âge connaît sous le nom de chrétienté. Ces mêmes pays ont participé au grand remous d'idées de la renaissance et ce sont inspirés des doctrines du XVIIIe siècle. Dans ce monde, connu aussi sous le nom de cercle culturel occidental, était alors appliqué un ensemble de règles basées sur une morale chrétienne commune, règles dont la validité n'était nullement remise en question par leurs sujets, même si leur

portée et leur fondement philosophique faisaient l'objet d'âpres discussions entre l'école positiviste et celle du droit naturel. Les règles du droit classique se distinguaient par leur homogénéité dérivant de leur base idéologique et morale commune. Grâce à cela, elles étaient appliquées avec une certaine régularité, même si elles contrecarraient quelques fois des intérêts particuliers. Elles avaient, aux yeux de ceux qui les invoquaient, un caractère d'universalité facile à comprendre quand on se représente qu'à ce moment la domination du monde non européen par les nations européennes atteignit une ampleur sans précédent. Grâce au colonialisme et la puissance supérieure des nations européenne, le droit classique semblait régir le monde entier.

1) L'élargissement du champ d'application

Cependant, cette domination était quelque peu illusoire dans la mesure où c'étaient les puissances colonisatrices qui traitaient entre elles pour se partages des colonies ou qui imposaient leur façon de voir aux pays non colonisés. C'est seulement au siècle dernier que le droit classique, ou plutôt ce qui en issu, fut appliqué par les nations européennes. Sur le continent américain, des pays nouveaux prirent naissance qui, en tant qu'anciennes colonies étaient peuplés d'une majorité d'émigrants d'origine européenne. Un pays asiatique comme le Japon, semi-asiatique comme la Turquie ou même, dans une certaine mesure, la Russie tsariste avec ses vastes territoires asiatiques et ses intérêts puissants du côté occidental, traitaient désormais sur un pied d'égalité avec les nations européennes. Tous ces pays ont adopté naturellement le droit classique comme étant celui qui était universellement appliqué.

De pair avec l'agrandissement de son champ d'application territorial, va la naissance d'un nombre insoupçonné de sujets nouveaux soumis dorénavant au droit international. La révolution des communications internationales, dans toute l'acception du terme, créa une quantité extraordinaire de questions à liquider. Il fallait s'occuper de la circulation internationale des biens et des idées par des moyens

toujours nouveaux que mettaient au point une technique en progression constante. Mais c'est notre siècle qui a certainement apporté les plus grands changements à l'ancien état de choses. Ils concernent avant tout les efforts d'organisation internationale, la naissance d'idéologies nouvelles et une profonde transformation de la politique internationale. Les deux guerres mondiales ont provoqué l'éclatement total ou partiel d'anciens empires qui étaient soit des associations d'Etats européens, soit des empires coloniaux. De ce fait, le nombre de pays nouveaux admis à traiter sur un pied d'égalité avec les Etats européens n'a cessé de croître. En même temps, pour couper court aux innombrables conflits qui risquaient de faire naître ce morcellement du monde en petites nations, on créa des organisations internationales comme foyers de discussions en vue de régler toute dissension.

B - L'apparition des règles nouvelles et du principe de nationalité

1) La formation des Etats

La création de ces pays nouveaux se faisait selon le principe de nationalités qui exigeait la réunion de toute population formant un groupement ethnique, culturel et historique dans un même Etat. Il est évident que cela favorisait le sens de la communauté, d'autant plus que cette reconnaissance d'être un Etat national était souvent acquise à la suite d'une longue lutte et de sacrifices communs. Tout cela ne manquait pas d'avoir des répercussions profondes sur les relations internationales et, par là, sur le développement du droit des gens qui se voyait de plus en plus en plus confronté aux problèmes entièrement nouveaux.

Une dernière évolution très importante vient de se dessiner ces dernières années seulement. En effet, jusqu'ici, la société internationale avait une structure atomique à base de différents Etats qui s'alliaient tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, afin de réaliser des objectifs essentiellement nationaux. A présent, on assiste à la formation d'une société moléculaire qui divise le monde en quelques petits groupes de puissances concentrées généralement autour d'un pays important.

Ces groupes sont plus ou moins homogènes et visent la réalisation d'intérêts et d'objectifs communs à leurs adhérents. En outre, les liens entre les membres de ces groupes sont souvent renforcés par une idéologie commune ou le fait d'appartenir à un monde culturel identique. Ce développement compromet fortement le principe de l'égalité de tous les sujets de droit qui est un des fondements du droit international classique.

2) L'inflation des règles nouvelles et la modification des règles anciennes.

Les profondes transformations de la vie internationale ont eu un double effet sur le développement du droit classique. D'une part, on assiste à la création d'un nombre impressionnant de règles nouvelles à caractère administratif ou technique qui s'occupent de problèmes neufs, inconnus du droit classique. D'autre part, on constate une importante modification de l'interprétation et de l'application de celles qui ont subsisté. Les règles nouvelles concernent tout d'abord les problèmes posés par le développement des communications internationales. C'est dans ce domaine qu'on trouve le plus grand nombre de règlements. Leur élaboration correspond en général à un besoin universel et ne touche que de peu aux intérêts jugés vitaux par les différents Etats. On y trouve très peu de conflits et le développement du droit international se fait d'habitude d'une façon saine et utile. En outre, les problèmes nouveaux ne pouvaient être prévus lors de la naissance du droit classique, de sorte que ce développement peut largement se faire en marge des principes. Un second groupe de règles nouvelles est formé par les tentatives de s'organiser sur le plan international. Ce sont des statuts de différents organisme et leurs efforts en vue d'acquérir une influence quelconque dans le déroulement des relations internationales. Ici, l'oeuvre est beaucoup plus douteuse. Une tendance à considérer certains désirs plus ou moins utopiques comme des faits actuels a provoqué la création d'un nombre impressionnant de règlement qui restent partiellement ou complètement en marge de l'actualité internationale. Nous avons ainsi en apparence, une imposante législation internationale qui consiste largement dans un camouflage des conflits et problèmes

réels. Cet état de choses n'a guère favorisé le respect du droit international à une époque où les dures réalités font plus que jamais la loi. Beaucoup de personnes sont ainsi amenés à voir dans le droit international, une survivance désuète du passé qui n'a plus aucune utilité réelle dans l'évolution des relations internationales.

Un troisième groupe de règles est plus ou moins lié au second. Il s'occupe de réglementer les conflits internationaux qui n'ont pu être évités. Un pareil règlement s'est imposé le jour ou les progrès techniques ont complètement bouleversés la notion de guerre. Malheureusement, les règles élaborées, pour indispensables qu'elles soient, ont subi l'esprit utopique qui règne trop souvent dans les organisations internationales. Pour être bien faites, elles sont généralement restées inappliquées, sans oublier le fait que l'absence d'un pouvoir supérieur coercitif sur le plan international rend difficile de les imposer aux parties belligérantes.

Si l'élaboration des règles nouvelles se solde par un échec au moins partiel, le sort des règles formant le droit classique n'a guère été meilleur. Tout ordre juridique, pour être efficace, a besoin d'un fondement moral et même, jusqu'à un certain point, d'une base idéologique qui le justifie aux yeux de ses sujets et renforce ainsi son application. Un tel fondement est plus indispensable encore au droit international qui ne connaît pas la possibilité de renforcer une réglementation par la puissance d'un pouvoir superposé aux sujets de droit. Or, ce qui précède montre justement que nous assistons à l'effondrement complet de bases morales et idéologiques du droit international classique. Non seulement il est appliqué par les Etats qui n'ont jamais fait parti du cercle des culturel occidental chrétien, mais les nations même qui en font partie se détachent plus ou moins de son idéologie commune pour s'adonner à des principes nationalistes.

Par conséquent, les Etats ne reconnaissent, pour la plupart aux règles du droit international d'autre raison d'être que leur application pendant un temps assez long. Alors, il ne faut guère s'étonner de leur façon cavalière de les interpréter et de les appliquer. C'est une conséquence tout à fait logique du développement d'idées en ce début de siècle que chaque Etat, se croit non seulement justifié, mais surtout obligé de les interpréter certaines dispositions normatives selon ses principes nationalistes

et, s'il en a une, selon son idéologie particulière. Il n y a pas, dès lors, de quoi s'étonner si nous constatons une inflation considérable de la pratique des déclarations interprétatives unilatérales dans le champ conventionnel. La tendance à ne pas respecter le droit international a en même temps pour effet de renforcer le retour des relations internationales vers le principe de la politique de force, retour qui est surtout causé par la formation de blocs très puissants. Si dans une société internationale atomique, il est souvent beaucoup plus difficile de prévoir toutes les répercussions d'un acte de force, il devient plus simple de mesurer l'importance des facteurs en concurrence lorsque les éléments à considérer sont en nombre restreint. En même temps, l'accumulation de puissance à un niveau jusqu'ici inconnu, donne à ces blocs une conscience accrue de leur capacité et les incite à ne pas tenir compte des règles de droit qui forment un obstacle à leurs ambitions.

C- Les perspectives d'avenir

1) Risques de désagrégation

Si l'on veut rendre compte des possibilités de développement futur du droit international, droit qui nous apparaît comme étant en pleine déliquescence, il faut se rappeler les caractéristiques particulières du droit des gens. La société internationale est caractérisée par une égalité théorique plus ou moins réelle de ses membres auxquels ne s'oppose aucun pouvoir supérieur. Dès lors, toute règle de droit doit renoncer à vouloir s'imposer par coercition et ne peux espérer être appliquée qu'en raison de son utilité ou de son acceptation par les sujets de droit international. Toute évolution du droit international ne peut donc être efficace si elle ne se base pas sur l'acceptation implicite ou explicite de ses sujets. Les déclarations interprétatives n'auront plus alors leur raison d'être- ce qui veut dire qu'elle doit correspondre à une morale internationale qui, vu l'opposition irréductible entre les morales nationales et les aspirations d'une société internationale, devra se former en marge de celle là. A notre sens, les hypothèses suivantes se dessinent alors pour un développement futur.

a) Faute d'une base nouvelle, le droit des gens se dissout complètement et nous retournons à un état plus ou moins anarchique des relations internationales. Cette possibilité suppose le renforcement de la tendance actuelle vers la formation d'un tout petit nombre de superpuissances, soit par intégration des nations qui les composent, soit par la naissance de fédérations supranationales localisées - le Conseil de l'Europe par exemple. Avec aussi peu de sujets, les relations internationales n'auront plus un besoin absolu de règles, et leur détermination par les seuls facteurs de puissance réciproque semble possible.

b) L'importance croissante des communications internationales et l'interdépendance de plus en plus forte fini par aboutir à une nouvelle morale internationale, peut être très rudimentaire, mais suffisante pour servir de base à de nouveaux principes régissant les relations internationales. Ce pourrait être le cas si une épreuve de force entre les blocs de puissance en compétition amenait à leur éclatement et rétablissait, sous forme différente peut être une structure plus atomique de la société internationale.

2) L'élargissement du champ d'application

Une compétition entre puissances pourrait également se solder par la victoire totale de l'un d'eux, surtout si, grâce à une idéologie commune de ses membres, il présente une telle cohésion qu'il ne s'intègre pas devant l'absence d'un adversaire sérieux. Dans ce cas, une morale internationale en accord avec cette idéologie victorieuse pourrait imposer les règles d'un droit nouveau. En dépit de toutes les apparences défavorables à un tel développement, il se pourrait qu'un organisme supranational universel autre ou en remplacement de l'O.N.U vît le jour qui, fort de son pouvoir législatif, imposerait des règles selon lesquelles devraient se dérouler désormais les relations internationales. Ce serait la fin du droit des gens qui deviendrait le droit public d'un Etat universel.

SECTION II- LA JUSTIFICATION DES SOLUTIONS DE PIS-ALLER

A- La nécessité de telles solutions

Quelle que soit le cours que prendra finalement le développement du droit international, celui-ci ne se dessinera que dans un avenir plus ou moins lointain. Pour le présent, nous sommes indiscutablement dans une période transitoire entre les deux ordres juridiques dont l'ancien perd de jour en jour l'efficacité et dont le nouveau reste une inconnue. Pendant tout le temps que durera ce stade, il faudra se contenter de tâtonnements, tout en essayant de limiter autant que possible, par un empirisme sain, les inconvénients qui s'attachent inévitablement à toute oeuvre de transition.

Malgré l'état d'incertitude qui caractérise le droit des gens, il faut trouver sans tarder une solution aux questions toujours plus nombreuses qui se posent à l'instar des déclarations interprétatives unilatérales. La vie internationale se déroule sans se soucier des difficultés qui se posent pour sa réglementation. L'évolution ininterrompue des rapports interétatiques exige des mesures immédiates. Evidemment, nous semble t-il, une solution actuelle en ce qui concerne les déclarations interprétatives, compte tenu de ce que les deux dernières conventions relatives aux droit des traités n'ont pas solutionné la question, ne pourra être que passagère et provisoire en attendant qu'une évolution provisoire ou passagère se dessine plus clairement. C'est ce résultat d'un tâtonnement plus ou moins efficace que nous appelons solution de pis-aller. Des besoins se font jour auxquels le droit classique ne peux suffire. La pratique tâche de les régler tant bien que mal et la doctrine essaie d'en déduire les principes nouveaux46(*). L'issue plus ou moins convaincante de ce processus constitue la solution de pis-aller. Elle n'est d'ailleurs jamais définitive, mais se développe à mesure que la nécessité pratique dont elle née prend de l'ampleur et se précise.

Les solutions de pis-aller son inévitables. A moins d'être utopiste, on ne peut inventer de toutes pièces un droit nouveau et, sauter ainsi d'un seul élan une longue

évolution à venir. Il semble au contraire, que cette évolution, sera elle-même conditionnée en partie par des solutions transitoires de pis-aller, lesquelles la favoriserons ou la retarderont. Tout dépendra de leur capacité à régler les questions qu'elles traitent. Une évolution ne peut s'accomplir sans bases et celles-ci ne seront pas jetées d'un seul trait, pas plus que le droit ne naîtra en un seul jour.

B- Les conditions de validité de telles solutions

Nous venons de voir pour quelles raisons les solutions de pis-aller s'imposent. Il est clair qu'elles n'auront de justification que leur capacité de suffire au but pour lequel elles ont été conçues. De là, découle un ensemble de conditions sans lesquelles elles ne sauraient être valables.

1) Ne pas prétendre être définitive

Tout d'abord, aucune solution de pis-aller ne doit prétendre être définitive. Elle ne peut convenir qu'à un stade dans l'évolution de la question qu'elle concerne, question qui s'amplifiera peut être ou au contraire disparaîtra. Il en découle à la fois une limitation et une simplification de la tâche à accomplir. Limitation en ce sens que seuls sont à considérer les facteurs d'une évolution proche et plus ou moins assurée. Simplification du fait que la solution peut s'inspirer uniquement des éléments connus de la question et doit pas contenir des échappatoires en vue des problèmes à venir.

2) La solution doit être pratique

Puisque le droit des gens ne dispose d'aucune autorité efficace pour la rendre obligatoire, une règle doit s'imposer par elle-même, en écartant des complications et sans créer des sources de controverses nouvelles. Pour réaliser cette condition, la solution doit d'abord être simple. Il faut qu'elle puisse couper court aux conflits par un principe unique et non par une casuistique compliquée. Plus embarrassante que la

question à régler. Elle doit aussi s'adapter dans la mesure du possible au régime auquel elle s'incorpore. Cette adaptation ne pourra jamais être entière puisque la solution porte sur un problème qui dépasse le cadre de l'institution classique au sein de laquelle il se pose. Cependant, en évitant d'introduire trop de principes opposés et contradictoires dans une institution unique, la solution aura les plus grandes chances de succès. Elle renforcera en même temps une institution déjà chancelante.

3) La solution doit se garder d'une rigueur excessive

Puisque la solution de pis-aller concerne une question en pleine évolution, elle doit, malgré son caractère passager, se garder d'une rigueur excessive. On ne peut tout de même pas changer de solution à chaque instant. Seule une certaine stabilité peut assurer une évolution saine du droit des gens. C'est pourquoi une solution de pis-aller doit contenir un minimum de souplesse qui la rend apte à subir le changement normal de circonstances. Par contre, il serait inopportun, de renoncer en fait à toute solution sous le couvert d'une fausse souplesse. Quand tout le problème peut revivre à l'intérieur de la « solution », grâce à des prévisions pour circonstances particulières, celle-ci est aussi dangereuse que tout autre de droit qui camoufle un conflit en proclamant sa suppression. Les organismes internationaux ont déjà trop péché en ce sens.

4) Risques inhérents

Le plus grand risque que court toute solution de pis-aller est certainement de vouloir jeter d'ores et déjà les bases complètes d'un « droit nouveau ». En proposant un principe général, comme l'a fait le professeur Alain Pellet dans ses développements très intéressants relatifs aux déclarations interprétatives47(*), elle peut s'attaquer aux questions même les plus disparates. Tous ces développements à notre sens sont encore dans leur stade primitif pour qu'on puisse déjà imaginer les lois de l'évolution future.

C- Les conclusions qui s'imposent quant aux déclarations interprétatives

La déclaration interprétative semble typique d'une évolution qui doit aboutir à une solution de pis-aller et non autre chose. Il apparaît clairement que les relations internationales en ce moment font naître dans la conclusion des traités des problèmes que le droit classique n'est pas en mesure de résoudre. Certaines tentatives comme celle de la théorie de la clausula rebus sic stantibus, ou celle de l'engagement contractuel de se réunir au bout d'un certain moment pour réviser le traité conclu, malgré leur utilité incontestable, pour apporter l'assouplissement nécessaire au régime des traités se sont révélées insuffisantes. Dès lors, deux questions se posent : la pratique des déclarations interprétatives constitue t-elle une solution de pis-aller acceptable ? Si oui, dans quelles conditions cette solution seras vraiment efficace ?

CHAPITRE DEUXIEME

LA RAISON D'ETRE DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

Il peut paraître absurde de parler de la suppression d'une pratique aussi bien établie que celle des déclarations interprétatives. Néanmoins, la possibilité qu'il s'agisse dans le cas de la déclaration interprétative, d'un phénomène allant à l'encontre de l'évolution générale du droit des gens n'est pas à exclure absolument. Les raisons qui ont donné naissance à la pratique relèvent à notre sens d'une certaine tendance du droit international à s'autodétruire. Nous analyserons tout d'abord, les causes possibles d'hypothèques théoriques et pratiques d'une éventuelle suppression des déclarations interprétatives unilatérales, ensuite nous examinerons d'autre hypothèses qui militent en faveur du maintient des déclarations interprétatives.

I- LES RAISONS QUI EXIGENT LA SUPPRESSION DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

A- Les raisons d'ordre théorique

1) Les questions de conflits

La pratique des déclarations interprétatives unilatérales rentre en conflit directe nous semble-t-il avec plusieurs règles expresses du droit classique des traités. Ainsi, celui-ci exige que le consentement à un traité, pour être définitif, soit dépourvu de toute altération de la volonté contractuelle telle qu'elle est exprimée dans le projet définitif. Or, la déclaration interprétative est une condition sous laquelle le consentement est donné et, ce qui est pis, une condition dont l'acceptation est susceptible de comporter l'admission d'un consentement non identique au projet final du traité. Tout traité crée un régime unique, même lorsqu'il contient des clauses de faveur, puisque celles-ci sont placées par les parties contractantes dans l'ensemble des dispositions conventionnelles. Par contre, la déclaration interprétative donne à son auteur la possibilité, théoriquement illimitée, d'insérer dans le traité des

dispositions violant à la fois son esprit et ses principes-dans l'hypothèse des réserves déguisées- et de superposer par là au régime conventionnel des aménagements particuliers qui sont souvent une négation pure et simple du premier.

2) L'absence des déclarations interprétatives dans les deux dernières conventions de Vienne

La pratique des déclarations interprétatives ne se laisse point classer parmi les phénomènes juridiques très connus. Son absence dans les deux dernières conventions de Vienne est très significative à cet égard. La déclaration interprétative n'est pas une clause contractuelle, puisqu'elle ne peut être ni une disposition du traité, ni une modification de celui-ci. La déclaration interprétative n'est plus un acte unilatéral capable d'engendrer une obligation, en raison de son caractère de condition qui implique la nécessité de son acceptation et vu l'incompatibilité d'une telle hypothèse avec les pratiques dominantes.

B- Les raisons d'ordre pratique

1) Risque d'anéantissement

La déclaration interprétative crée, sous l'apparence d'une réglementation conventionnelle unique, une diversité de fait qui peut aller jusqu'à l'anéantissement pratique du traité en question. Ce camouflage résultant des déclarations interprétatives peut permettre d'une part, à un petit groupe d'Etats de rendre inapplicable un traité, tout en ayant l'air de se prêter à la conclusion. D'autre part, une pratique facile des déclarations interprétatives laisse un Etat tirer tout le bénéfice moral de sa participation à une convention sans, pour autant qu'il assume les charges imposées par celle-ci.

2) Péril d'altération

La déclaration interprétative ronge le traité à la base. Compte tenu de ce que toute convention est conçue comme un ensemble et toutes les clauses se tiennent.

Sous le motif de « préciser le sens et la portée » de certaines dispositions, il se pourrait qu'une partie au traité soit en train de vider d'autres dispositions de tout leur sens ou de toute leur efficacité, voir de toute leur substance. On peut donc en conclure qu'un traité perd la plus grande partie de sa force dès qu'il contient un certain nombre de déclarations interprétatives.

3) La déclaration interprétative affecte l'élaboration du traité

En permettant aux Etats d'adapter après coup son contenu à leurs besoins, la déclaration interprétative affecte l'élaboration du traité. En effet, voyant qu'ils pourront toujours s'arranger par la suite, les Etats négligeront de donner à l'élaboration du traité les soins qui auraient pu en faire un chef d'oeuvre de clarté et de précision. Dès lors, les contradictions et obscurités dans l'instrument conventionnel feront le lit des déclarations interprétatives. Ce qui pourrait conduire à des contestations et litiges interminables.

II- LES ARGUMENTS EN FAVEUR DU MAINTIENT DES DECLARATIONS INTERPRETATIVES

Dans cette partie de notre étude, nous apporterons une tempérance aux raisons d'un maintient des déclarations interprétatives après avoir exploré certaines causes très souvent liées à la politique intérieure des Etats.

A- Les raisons internes aux Etats

1) Utilité des déclarations interprétatives dans la cohésion sociale

Si l'on considère les déclarations interprétatives comme le résultat d'un besoin que le droit classique des traités est incapable de satisfaire, l'incongruité juridique de la déclaration interprétative devient alors une chose inévitable. Elle devra être acceptée si la satisfaction du besoin dont les déclarations interprétatives témoignent s'avère inéluctable. Quant aux critiques d'ordre pratique, elles s'adressent surtout aux

abus de l'utilisation des déclarations interprétatives. Ceux-ci résultent à notre sens du relâchement du contrôle qui découle des infractions à la théorie de l'acceptation unanime. En rétablissant un contrôle suffisant, on éviterait la désintégration du traité sous son unité apparente. De même, l'élaboration des traités sera plus soignée, les Etats ayant désormais plus d'espoir de tirer un avantage d'un traité bien fait que les déclarations interprétatives qu'ils pourraient y faire. Le destin des déclarations interprétatives dépendra donc largement de la possibilité de les contrôler efficacement.

2) L'opinion publique des Etats concernés

Ici, il faut considérer un facteur de plus en plus en plus important dans la vie politique des Etats, à savoir l'opinion publique. A la faveur des moyens de communications très perfectionnés à l'heure actuelle, le public peut être de suite renseigné sur tous les traités importants qu'un Etat est entrain de conclure. Ces mêmes moyens de communications permettent en outre à des petits groupes intéressés de prendre une influence démesurée dans la formation de l'opinion publique. Or, dans les Etats démocratiques, le « treaty making power » dans son ensemble dépend largement de l'opinion publique. D'abord parce qu'il est sorti plus ou moins d'élections, et aussi parce qu'à la longue, l'opinion publique est capable de lui ôter toute possibilité d'action. Au vu de l'influence que divers facteurs extraparlementaires prennent de plus dans la vie des Etats. Dans ces conditions, le gouvernement ou le parlement préférera céder à l'opinion publique en faisant diverses déclarations interprétatives en accord avec ses intérêts sur le plan interne. L'action de l'opinion publique est d'autant plus grande qu'aucune morale internationale ne les incite à respecter le droit des gens, alors que c'est dans ce domaine surtout que les principes nationalistes trouvent leurs représentants les plus ardents.

B- La nécessité d'assouplir le régime des traités

1) Conciliation entre exigences d'unité et besoin d'universalité

On pourrait penser que la déclaration interprétative résulte d'un conflit entre les principes de l'universalité et de l'unité du traité. Le premier exige la participation aussi large que possible en vue de régler toutes les questions sur un champ quasi universel. Le second exige que le traité ne subisse aucune altération. Il est certain qu'une règle de droit n'a de valeur que là où elle est acceptée. Pratiquement, cela revient à dire qu'elle s'appliquera aux seules parties du traité qui l'énoncent, puisque

la formation du droit international coutumier est devenue négligeable. De là, le principe de l'universalité. Mais encore faudrait-il qu'une règle soit digne de ce nom. La déclaration interprétative peut, si elle évite des abus, constituer une conciliation des deux exigences.

2) La limitation des abus auxquels les déclarations interprétatives ouvrent la porte

Et c'est ici que nous touchons au besoin dont la déclaration interprétative est la manifestation. Dans l'Etat actuel des relations internationales, consentir à une convention sans y apporter quelques aménagements fussent-ils interprétatifs, est devenu très difficile dans la mesure où les susceptibilités nationales, les principes idéologiques s'avèrent très souvent incapables de tout compromis. Par conséquent, la déclaration interprétative devient l'une des solutions possibles. Elle nous apparaît comme un complément indispensable au régime strict du traité classique.

Elle est le résultat de certaines difficultés particulières à nos relations internationales actuelles qui sont marquées par l'opposition de nationalismes, d'idéologies et de cultures. Cependant, la déclaration interprétative ne sera utile que dans la mesure où on arrivera à limiter les abus auxquels elle ouvre la porte.

CONCLUSION

En définitive, il apparaît que les déclarations interprétatives unilatérales font partie à plein titre de la pratique internationale. Elles jouent un rôle d'importance primordiale non seulement dans l'interprétation des traités internationaux, mais aussi et surtout dans la diplomatie multilatérale. Cependant, nous paraît-il, les auteurs ne parlent d'elles que pour les distinguer des réserves. A contre-courant de cette tradition, nous avons cherché à formuler des considérations sur une amorce de régime juridique propre à ces déclarations, qui puisse mettre en valeur leurs particularités. Nous avons ainsi essayé d'établir que, même en étant insérée dans un régime fondamentalement contractuel, la déclaration interprétative peut aussi produire des effets juridiques. En posant des points de repères pour l'interprétation d'un traité international.

Par ailleurs, il est manifeste que la déclaration interprétative est un exemple typique de l'état actuel de l'évolution du droit international public. Cette étape est caractérisée par la dissolution avancée du fondement idéologique et moral du droit classique, de l'affaiblissement concomitant de ses règles principales et de la naissance quotidienne des règles nouvelles dont les unes se tiennent en marge du droit classique. De pair avec cette dissolution va un besoin toujours croissant de solutions nouvelles que le droit classique, par son fondement et ses origines est incapable de fournir. Dans ces conditions, on recourt plus souvent à des solutions de pis-aller, qui sont caractérisées par le fait qu'elles permettent d'établir un modus vivendi, reposant sur des considérations d'ordre pratique, essentiellement provisoires et soumises à des changements. La pratique des déclarations interprétatives, si nous souhaitons lui donner la moindre chance de succès, devra être imposée par une codification internationale - pour laquelle il faudra d'ailleurs prévoir avec un soin particulier le sort des déclarations interprétatives en ce qui la concerne - tant que cela ne sera pas le cas, elle n'aura que valeur d'une ébauche.

En tout état de cause, nous pouvons affirmer que l'avenir des déclarations interprétatives reste pour le moment une inconnue. Cela devrait nous inciter à

abandonner la recherche des solutions trop théoriques et à nous concentrer sur la résolution, dans la mesure du possible, des difficultés pratiques qu'on rencontre quotidiennement. La présente étude est une tentative dans cette direction et nous espérons que les travaux de la Commission de droit international en la matière permettront de jeter les bases d'une réglementation efficace des déclarations interprétatives pour les années à venir.

BIBLIOGRAPHIE

I DOCUMENTS

Organisation des Nations Unies

Commission de droit international

Rapports sur le droit et la pratique concernant les réserves aux traités. Par Alain Pellet, rapporteur spécial.

-47ème session A/CN.4/470

-50ème session. A/CN.4/491/add1

-50ème session, A/CN.4/491/add2

-50ème session, A/CN.4/491/add3

-50ème session, A/CN.4/491/add4

-52èmesession, A/CN.4/508/add1

-52èmesession, A/CN.4/508/add2

-53ème session, A/CN.4/518/add1

-53ème session, A/CN.4/518/add2

-53ème session, A/CN.4/518/add3

-54ème session, A/CN.4/526

-54ème session, A/CN.4/526/add1

54ème session, A/CN.4/526/add2

-54ème session, A/CN.4/526/add3

CONVENTIONS

- Déclarations d'acceptation des Etats à la juridiction obligatoire de la cour internationale de justice. Sur site internet : www.icj-cij.org

-Convention de vienne sur le droit des traité, signé le 23 mai 1969.

- Recueil des traités.

JURISPRUDENCE

-Affaire Bellilos,29 avril 1988,Cour Européenne des Droits de l'homme.

-Affaire M.K contre France, 22 juin 1999, cour Européenne des Droits de l'homme.

-Affaire des Pêcheries norvégiennes

TRAVAUX

1 Ouvrages

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Bastid, Suzanne ; Les traités dans la vie internationale : conclusions et effets. Paris, Economica, 1985.

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* 1 Cité par Alain PELLET, rapporteur spécial de la commission de droit international dans son troisième rapport sur les réserves aux traités. A/CN.4/491/Add4

* 2 Voir F. HORN, Reservations and Interpretative Declarations to Multilateral Treaties, Amsterdam, 1988,Vol.5. P 229 et 235; voir aussi Sapienza, Rosario, Dichiarazioni interpretative unilaterali e trattati internazionali, Milan, Giuffrè, 1996, pp.69 à 82 et 117 à 122.

* 3 Pellet, Alain, cité par Sapienza, Rosario, Les déclarations interprétatives unilatérales et l'interprétation des traités in Revue Générale de Droit International Public, 1999, p. 64.

* 4 Horn, Frank, op.cit, p. 236.

* 5 Voir les déclarations de la Bulgarie, du BELARUS, de la Fédération de Russie, de la Hongrie, de la Mongolie, de Roumanie et de l'Ukraine en ce qui concerne les articles 48 et 50 de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. In traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général des Nations Unies. Etat au 31 décembre 1996, Chap. III. 3, pp. 60 à 62.

* 6 Traités multilatéraux op.cit.Chap. XXVI.3, pp. 938 et 939.

* 7 D.W.Greig, Reservation :equity as a balancing factor ?Australian Yearbook of International Law,1995 p. 25

* 8 Annuaire de la commission de droit international, 1964, Vol. II, p.52

* 9 Arrêt du 29 avril 1988 série A n° 132.Publications de la cour Européenne des Droits de l'Homme. Série A. Arrêts et décisions, N° 131-140.

* 10 Dans son opinion individuelle, M. Vennergren remarque « qu'un recours ne saurait être considéré comme utile si la législation nationale est telle qu'il serait automatiquement rejeté par les tribunaux », cité par Gérard Cohen Jonathan, « Note sur les décisions et constatations du comité des droits de l'homme des Nations Unies relatifs à la France » in Annuaire français de droit international, 1989, p. 430.

* 11 Notons que la convention européenne ne comporte aucune disposition comparable, malgré certaines suggestions émises par l'assemblée du conseil de l'Europe.

* 12 Et cet égard, il n'est pas certain que l'article 27 soit apte à donner satisfaction à n'importe quelle prétention émise par certains membres d'une communauté linguistique.

* 13 Voir Condorelli, Luigi. The new International Information Order and the Law of Nations : prospects and problems, In The Italian Year Book of International Law, 1980-81, p.123

* 14 Voir Condorelli, Luigi, The new International Information Order and the Law of Nations : prospects and problems, in The Italian Year Book of International Law, 1980-81, p.123.

* 15 Kolb, Robert, L'interprétation de l'article 121, paragraphe 3, de la convention de Montego Bay sur le Droit de la mer : « Les rochers qui ne se prêtent pas à l'habitation humaine ou à une vie économique propre..... » in Annuaire français de droit international, vol. 40, 1994, p. 876 - 909.

* 16 J, Charpentier. Le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Méthodes d'analyse du droit international. In Mélanges offert à Charles Chaumont, Paris, Pédone, 1984, p.117 ss.

* 17 J. Salmon, « Les notions à contenu variable en droit international public », in Chaïm, Perelman, and Vander Elst, R., Les notions à contenu variable en droit, Bruylant, Bruxelles, 1984, p. 251 ss.

* 18 In Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général, mise à jour au 31 décembre 1994, Nations Unies, New York, 1995, P. 846

* 19 Voir 5ème rapport de la Commission de droit international par le rapporteur spécial Alain Pellet. A/CN.4/508/Add4.

* 20 Horn, Frank, Reservations and Interpretative Declarations to Multilateral treaties, Amsterdam, 1988, p. 336.

* 21 Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général. Etat au 16 Décembre 1996, chap. XVIII.7, p. 765.

* 22 Pascal, Boniface, Les sources du droit du désarmement, Paris, Economica, 1989, pp.76 à 81.

* 23 Voir notamment les nombreuses objections faites à la déclaration des philippines in Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général. Etat au 31 Décembre 1996, chap.XXI. 6, pp. 873 à 876.

* 24 Ceci semble vrai pour l'ensemble de langues latines : en espagnol, on oppose « reserva » à « declaración  interpretativa», en italien « riserva » à « dichiarazione  interpretativa », en portugais, « reserva » à « declaração  interpretativa», et en roumain, « rezerva » à « declaratie interpretativa ».

* 25Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général, Etat au 31 Décembre 1995, chap. XII. 1, pp. 646 et 647.

* 26 Exemple cité par William, Schabas, commentaire de l'article 64 in Louis Edmond Petiti, Emmanuel Decaux et Pierre-Henri Imbert (Dirs), La convention européenne des droits de l'homme, commentaire article par article, Paris, Economica, 1995, p. 926.

* 27 Denys, Simon, L'interprétation judiciaire des traités d'organisations internationales, Paris, Pedone, 1981.

* 28 Parmi de très nombreux exemples, l'article 2 des conventions de Vienne de 1969 et 1986, ainsi que l'article XXX des statuts du Fonds monétaire international.

* 29 Voir Traités multilatéraux déposés auprès du secrétaire général. Etat au 31 Décembre 1999, Vol II, pp. 368 et 369.

* 30 Ibid. pp. 931 et 932.

* 31 Eco,Umberto, I limiti dell' interpretazione, Bompiani, Milano,1990, cité par Rosario Sapienza, op. cit.

* 32 F. Horn, ibid., p.351 ss.

* 33 L'article 26 de la convention interdit les réserves, mais admet les déclarations qui ne modifient pas l'effet juridique des dispositions. International Legal Materials, 1989, p.657 ss.

* 34 MAHINGA, G., L'opposabilité des normes et des actes juridiques en droit international, in Revue de Droit international et de droit comparé, 1994,  p. 301 ss.

* 35 In Annuaire de la Commission de Droit International. Sixième rapport, 1966-II, p. 106.

* 36 La question de l'acquiescement et en particulier celle du silence qualifié a été posée dans l'affaire des pêcheries Norvégiennes en ces termes : « La notoriété des faits, la tolérance générale de la communauté internationale, la position de la Grande Bretagne dans la mer du nord, son intérêt propre dans la question, son abstention prolongée, permettrait en tout cas à la Norvège d'opposer son système au Royaume-Uni », ICJ Reports 1951, p. 139.

* 37 La théorie de l'acte clair est déjà énoncée par VATTEL in Le droit des gens ou principes de la loi naturelle appliqués à la conduite et aux affaires des nations et des souverains, Londres, 1758, libre II, chap. XVII, P.263 ; qui énonce :  « Il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a absolument pas besoin d'interprétation... quand un acte est conçu en termes clairs et précis, quand le sens en est manifeste et ne conduit à rien d'absurde, il n'ya aucune raison de s'opposer au sens que cet acte présente naturellement », cité par Rosario Sapienza in Les déclarations interprétatives et l'interprétation des traités, op.cit., p. 623.

* 38 Nous ne pouvons étudier ici la problématique différente des interprétations vraies ou fausses. Y a-t-il toujours une interprétation vraie? Ou alors devrait-on se contenter de plusieurs interprétations possibles?

* 39Bien qu'il y ait des progrès très évidents en ce sens, nous estimons qu'il faut les évaluer avec prudence parce qu'il y a encore assez de problèmes à résoudre. Comme le dit CONDORELLI, L. La Cour Internationale de Justice : cinquante ans et pas une ride pour le moment in The European Journal of International Law, 1991, p.206 ss

* 40 SUR, serge. L'interprétation en droit international public. Paris, Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence, 1974, p. 68

* 41 DI STEFANO, G., La pratique subséquente des Etats parties à un traité, in Annuaire français de droit international, 1994, pp. 44 ss.

* 42 Nous ne voulons pas dire que la déclaration interprétative unilatérale sera opposable aux autres Etats parties car, il faut pour cela que chaque Etat y donne son consentement. Mais, on ne saurait nier le fait évident que la déclaration est document de l'interprétation unilatérale, qu'elle est là et les autres Etats ne peuvent pas dire qu'elle n'existe pas.

Sur l'opposabilité en cette matière, J.-P. JACQUES y consacre de nombreux développements dans son cours de l'Académie, Acte et norme en droit international public in Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1991, Vol II, p. 367 ss.

* 43 B.CONFORTI traite du rôle des interprètes internes dans l'application du droit international dans son Cours général de droit international public in Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye 1988, Vol V, p. 9 ss. aux p. 114 ss.

* 44 Peut être nous faudra-t-il une nouvelle théorie de droit international, comme l'écrit G. ABI-SAAB dans son Cours général de droit international public in Recueil des cours de l'Académie de droit international de La Haye, 1987, Vol VII, p. 9 ss. aux pp. 127 ss.

* 45 PESCATORE, P., L'application judiciaire des traités internationaux dans la communauté européenne et dans ses Etats membres, in Mélanges Teigen, Paris, 1984, p. 355 ss.

* 46 La Commission de droit international oeuvre dans ce sens.

* 47 In Troisième rapport sur les réserves aux traités, op.cit.






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