La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises( Télécharger le fichier original )par Pierre ROCAMORA Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007 |
B : Eléments communs aux deux délits1/ Les moyens de la corruptionSelon les articles 445-1 et 445-2 du Code pénal, il résulte que les offres, promesses, dons, présents ou avantages quelconques doivent avoir été proposé ou octroyé - corruption active - sollicités ou agrées - corruption passive - pour obtenir ou avoir obtenu l'accomplissement ou le non accomplissement d'un acte relevant de la fonction de l'agent corrompu. Une jurisprudence constante affirme que cet accomplissement ou non accomplissement de l'acte relevant de la fonction de l'agent doit avoir été déterminé par la contrepartie corruptrice. Il doit donc exister un nécessaire lien de causalité entre l'acte de l'agent et la contrepartie corruptrice. Le législateur a ainsi érigé en condition, l'existence de ce lien de causalité, condition qui permet de qualifier le délit de corruption privée. Cependant, en ce qui concerne les moyens mêmes de la corruption, la loi n'est pas venu poser de conditions strictes sur ces derniers, on parle alors du principe de l'indifférence des moyens de corruption. Ce principe est toutefois à relativiser, car en fonction des moyens employés, la qualification pénale sera différente. Tel est le cas lorsque l'agent corrompu cède à des sollicitations émanant d'un tiers à raison de la violence, de la menace de violence ou de la contrainte. Dans cette configuration, l'agent sera considéré comme victime et non comme corrompu, et la poursuite de l'initiateur de l'acte s'effectuera sur le chef du délit d'extorsion ou de chantage, et non pas sur celui de corruption privée active. D'autre part, il est à noter que la nouvelle rédaction des articles 445-1 et 445-2 fait expressément référence à des avantages « quelconques ». Par conséquent, la contrepartie corruptrice sera constituée non seulement par l'obtention d'un bénéfice, mais également par l'obtention d'une économie. Le cadre juridique de la corruption privée et donc plus largement défini, permettant de retenir cette qualification même à défaut d'enrichissement. La notion d'enrichissement de l'agent devient donc indifférente, ce qui laisse à l'organe poursuivant une plus grande marge de manoeuvre. A titre d'exemple, peuvent constituer des avantages quelconques, le don d'une somme d'argent en espèces, des présents en nature48(*), l'offre de participation dans une société49(*), la promesse d'améliorer la situation professionnelle de l'intéressé50(*) ou d'augmenter son salaire51(*)... De plus, en ce qui concerne des sommes issues de fonds sociaux, la jurisprudence a depuis fort longtemps admis que l'utilisation de tels fonds qui serviraient à corrompre autrui est constitutive du délit d'abus de bien sociaux et non pas de celui de corruption privée. Malgré le fait que cette problématique ne soit pas encore intervenue devant les tribunaux en matière de corruption privée, tout prête à croire que la solution précitée sera envisagée en vertu des décisions antérieures rendues sur cette question. D'autre part, la loi du 4 juillet 2005 qui énonce que les avantages perçus peuvent être des avantages « quelconques », ouvre également un large champ d'application au délit de corruption privée. De ce fait, les moyens générateurs de la corruption seront aussi bien des avantages patrimoniaux qu'extrapatrimoniaux. Il est donc désormais possible de prendre en compte tout avantage subjectif afin de soulever la qualification de corruption privée. Tout échappatoire consistant à déclarer que la contrepartie corruptrice réside dans un avantage subjectif, et donc ne tombe pas sous la qualification de corruption privée devra être écarté, et on imagine bien les répercussions positives apportées par la nouvelle loi en terme de répression. De plus, comme nous l'avons dit auparavant, en matière de corruption privée, l'absence d'enrichissement personnel est indifférente à la qualification pénale de ce délit. Ainsi, il importe peut que l'agent corrompu soit ou non le destinataire exclusif de la contrepartie corruptrice52(*). De nature patrimoniale ou extrapatrimoniale, cette contrepartie corruptrice peut être indifféremment destinée à la satisfaction de la personne corrompue ou à la satisfaction tout entière ou partielle d'une tierce personne, qui fait alors figure de receleur53(*). * 48 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 18 juillet 1985. Bulletin criminel 1985, n°269. * 49 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 14 janvier 1991. Juris-data n° 1991-001573. * 50 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 8 décembre 1966. Bulletin criminel 1966, n° 285. * 51 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 15 janvier 1986. Juris-data 1986-000146. * 52 En ce sens, le législateur interne a suivie la volonté du législateur communautaire qui, en vertu des dispositions de l'article 2§1 de la décision cadre du conseil de l'Union Européenne du 22 juillet 2003, avait expressément invité à retenir dans les liens de la prévention tout « avantage indu de quelque nature que ce soit », que cet avantage soit indifféremment destiné à la satisfaction même de l'agent corrompu ou à celle d'un « tiers ». * 53 Arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation du 9 février 2005. Juris-data n° 2005-027764. |
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