La corruption privée : un risque majeur pour les entreprises( Télécharger le fichier original )par Pierre ROCAMORA Université Paul Cezanne, Aix Marseille 3 - Master 2 délinquance économique et financière 2007 |
Section 2ème : Un dispositif législatif exhaustif de lutte contre la corruption privéeA contrario de l'incrimination de corruption publique, apparue très tôt en droit pénal français38(*), l'infraction de corruption privée n'est, quant à elle, apparue que très tardivement. En effet, il a fallu attendre la loi du 19 février 1919, qui venait alors compléter les dispositions des articles 177 et 179 du Code pénal de 1810, articles qui ne prévoyaient que la corruption publique. Ladite loi de 1919 restant toutefois insuffisante, car seuls les employés d'entreprises privées étaient visés. Nonobstant deux modifications39(*), cette carence législative perdurera jusqu'à la loi du 4 juillet 200540(*) dont l'article 2 est venu ajouter un chapitre V au livre IV du Code pénal de 1992 intitulée « de la corruption des personnes n'exerçant pas une fonction publique ». Cette loi est le résultat de la transposition de la décision cadre du 22 juillet 2003 émanant du conseil de l'Union Européenne41(*). L'apport non négligeable de cette loi mérite donc toute notre attention, et il s'agira d'étudier celui-ci à travers les éléments constitutifs du délit de corruption privée. Pour cela, nous envisagerons dans un premier temps de nous pencher sur les éléments constitutifs de cette infraction (I), avec d'une part les éléments spécifiques aux deux délits, et d'autre part les éléments communs. Ensuite, nous évoquerons les modalités de répression, pour là encore, entrevoir les changements bénéfiques que le législateur de 2005 a entendu apporter à cette infraction (II). I : Eléments constitutifs des délits de corruption privée active et passiveL'infraction de corruption privée, à l'instar de toutes les autres infractions, se doit pour être établie, de regrouper différents éléments constitutifs. Du fait de la différenciation du législateur entre corruption active et passive, chaque protagoniste se voit appliquer un délit spécifique. Le corrupteur sera poursuivi pour corruption privée active et le corrompu pour corruption privée passive. Ainsi, les infractions de corruption privée active et passive connaissent des spécificités propres à chacune d'elles (A), mais ces délits connaissent également des similarités dans leur application (B). Il s'agira donc d'étudier ces particularités inhérentes à l'infraction de corruption privée. A : Eléments spécifiques à chacun des délits42(*)* 38 L'un des premiers textes officiels dans lequel il est expressément fait référence à la lutte contre la corruption est l'ordonnance du 23 mars 1302 sur la réforme du royaume prise par Philippe le Bel. Il y indique clairement à ses baillis, sénéchaux et prévôts les règles à respecter pour que leur décision ne puissent être entachées d'irrégularités ou de favoritisme. Ordonnance disponible sur le rapport d'activité du Service Central de Prévention de la Corruption pour l'année 2001, p. 16. * 39 La première modification est due à une ordonnance du 8 février 1945, qui consistait à compléter les termes de l'article 177 de 1810, afin d'étendre l'incrimination de corruption privée aux actes facilités par la fonction de l'agent, dans le but de faire cesser l'impunité de la para-corruption privée. La seconde sera opérée par la loi dite « d'adaptation » n°92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal. Cette loi aura pour effet, d'une part de dépénaliser le délit, faisant porter le maximum de la peine d'emprisonnement de trois à deux ans. D'autre part, de transférer le siège du délit à l'article L.152-6 du Code du travail. * 40 Loi n°2005-750 du 4 juillet 2005. * 41 Décision cadre 2003/586/JAI du Conseil de l'Union Européenne qui abroge l'action commune de l'Union Européenne du 22 décembre 1998 relative à la corruption dans le secteur privé. * 42 Partie inspirée de : Marc Segonds : « Corruption active et passive de personnes n'exerçant pas une fonction publique », JurisClasseur Pénal des Affaires, 15 septembre 2006. |
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