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La dynamique des droits de la défense dans le code de procédure pénale. Cas de la préparation du procès

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par Bernard BELBARA
Université de Ngaoundéré - DEA 2006
  

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2- Cantonnement dans la durée

100. C'est le point sur lequel la rupture est désormais consommée d'avec les pratiques anciennement admises. Par le passé en effet, et selon l'article 3 de la loi n°58/203 du 26 décembre 1958 modifiant certaines dispositions du CIC, la durée de la garde à vue était de 24 heures renouvelable trois fois, en plus des délais de distance153(*). Cette réglementation était cependant lacunaire, étant donné le vide juridique sur le point de départ du délai. Les risques étaient connus : des gardes à vue illimitées quoique les codifications internationales auxquelles a adhéré le Cameroun appelaient déjà à un jugement dans un délai raisonnable154(*), sans retard excessif155(*). Dans ce contexte de vide juridique caractérisé, fréquents étaient les abus, comme le soulignent les propos du genre : « beaucoup de suspects passent très souvent des semaines, voire des mois en cellule, les OPJ n'ayant pas une obligation de computation des délais »156(*). Bref, et à partir du moment où on ne sait pas le point de départ du délai de la garde à vue, il s'avère difficile de respecter les délais prescrits.

101. Le régime institué par le CPP rassure et inquiète.

Rassurant, il l'est dans la mesure où, dorénavant, le point de départ de la garde à vue est connu. L'article 121 du CPP dispose à cet effet : « Le délai de la garde à vue court à partir de l'heure à laquelle le suspect se présente ou est conduit dans les locaux du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie. Cette heure est mentionnée dans le registre de la main courante et au procès verbal d'audition ». Cette clarification législative est salutaire et valait vraiment la peine.

102. Inquiétant, le régime institué par le CPP l'est dans la mesure où, contrairement au CIC, la durée de la garde à vue paraît rallongée. Selon les termes de l'article 119 al2 du CPP en effet, le délai de la garde à vue ne peut excéder quarante-huit (48) heures renouvelable une fois. Sur autorisation du procureur de la république, ce délai peut être renouvelé deux fois157(*), ce qui conduit à un total de cent quarante quatre (144) heures, soit six jours ! Le nouveau délai est exagérément long. L'on peut logiquement se demander si le Cameroun n'a pas régressé dans le souci de ménager le justiciable. L'ancienne durée, vingt-quatre heures renouvelable trois fois, était à nos yeux proches du droit à être traduit, du moins à être jugé « sans retard excessif » du PIDCIP du 19 décembre 1966.

103. Toujours au chapitre des inquiétudes, la faculté de prolongation de la durée de la garde à vue reconnue aux OPJ n'est pas sans susciter des frayeurs. Ils ont certes le droit d'ordonner cette mesure158(*), ce qui est normal. Mais leur reconnaître la faculté de la prolonger ne protège pas suffisamment le suspect. En toute hypothèse, le risque des prolongations fantaisistes n'est pas à exclure. Nul n'est sans ignorer les caprices, on dirait même l'atavisme répressif de nos chers OPJ, toujours enclins à abuser de leurs pouvoirs et à porter des coups sévères aux droits fondamentaux. Et ce n'est nullement la motivation de l'article 119 alinéas 2 (c) du CPP qui fera défaut. Il aurait été prudent, quoique maintenant la durée de 48 heures renouvelable, de subordonner tout renouvellement à l'autorisation expresse du procureur de la république, qui se prononcerait en tenant compte de la complexité de l'affaire.

On aurait pu objecter, avec raison d'ailleurs, que les postes de police et de gendarmerie sont relativement plus disséminés sur l'étendue du territoire national que l'infrastructure judiciaire, mais c'est ignorer l'importance des nouvelles technologies de la communication caractéristique de notre époque et qui pourraient être utilisées à dessein.

104. Par ailleurs, la lecture combinée des alinéas 1 et 2 de l'article 119 du CPP peut être sujette à controverse. Elle laisse en tout cas penser qu'en sus du renouvellement ordonné par l'OPJ, deux autres peuvent l'être par le procureur de la république, ce qui ferait un total de trois renouvellements. Le législateur aurait dû, nous semble-t-il, afin de taire toute déformation et interprétation parcellaire, être plus précis en parlant de renouvellement pour la « seconde fois »159(*). Si la garde à vue est une mesure gravement attentatoire à la liberté individuelle, son contenu strictement réglementé par la loi assure au suspect l'exercice des droits fondamentaux qui viennent en garantir le bon déroulement, à tel point qu'il n'est pas saugrenu d'affirmer que le suspect aurait tout intérêt à y être placé160(*).

* 153 Durée qui, pour une partie de la doctrine était insuffisante pour le dénouement satisfaisant des enquêtes de police. Voir par exemple R. DJILA, « Procès pénal et droits de l'homme dans le droit positif camerounais », Thèse d'Etat, Dakar 2001, pp 88-89.

* 154 Voir article 7 alinéa 1 (d) de la CADHP.

* 155 Voir article 14 al3c du PIDCIP de 1966.

* 156 S. NGONO, « Le procès pénal camerounais au regard de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples », Thèse, Paris XIII, 2000, p.338.

* 157 Article 119 alinéa 2 du CPP.

* 158 Voir articles 86, 92 al2, 104 al2a... du CPP

* 159 M. TIMTCHUENG et R. ASSONTSA, « Le nouveau visage de la garde à vue dans la procédure pénale camerounaise », in Annales de la Faculté des sciences juridiques et politiques de l'Université de Dschang, Edition spéciale sur le Nouveau code de procédure pénale, vol.11, 2007, pp 95 à 110.

* 160 D'un point de vue formel du moins. Nous ne sommes sans ignorer les conditions matérielles de détention qui, loin d'être idylliques, sont de nature à décourager le premier venu.

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