Chapitre I : PRESENTATION DU RESEAU FERROVIAIRE
A l'indépendance, le chemin de fer participe
déjà au développement de la Côte-d'Ivoire. Ainsi, il
importe pour nous d'évoquer brièvement son histoire, les
activités du réseau et leurs évolutions.
A- : Les activités du chemin de fer en 1960
1- Rappel historique
A la fin du XIXeme siècle, les premiers efforts de
l'administration coloniale pour exploiter les richesses de la
Côte-d'Ivoire coïncident avec l'âge d'or du chemin de fer en
Europe. C'est tout naturellement que le rail apparût comme le mode de
transport le mieux adapté à la mise en valeur des richesses du
pays.
Envisagé dès 1893 par « le capitaine
Marchand »2 la réalisation d'un chemin de fer
destiné à atteindre le Niger fit en 1898 l'objet d'une
première étude confiée à « la mission
Houdaille qui devait en même temps déterminer l'emplacement du
port de la Côte-d'Ivoire »3.
L'idée maîtresse était alors de relier
Grand-Bassam à Kong important
centre caravanier de l'époque suivant la vallée de
la comoé. L'étude de celui-cieffectué par le
capitaine Crosson-Duplesses, permit d'entreprendre la construction du
début de la ligne en 1904. Malgré les interruptions dues à
des difficultés de toutes sortes et surtout la première guerre
et la deuxième guerre, la ligne avança tant bien que mal.
Pour mieux apprécier l'évolution des travaux,
referons-nous à ce tableau 1
2 La Régie Abidjan Niger n°27,
Abidjan, SEDU 1978, p15
3 id La Regie Abidjan- Niger n° 27 op-cit
p15
14
Tableau 1
Etapes de la construction du Rail en
Côte-d'Ivoire
Désignation des sections
|
Longueur Km
|
Date d'exécution
|
Abidjan- Agboville
|
82
|
1903-1906
|
Agboville- Dimbokro
|
99
|
1906-1910
|
Dimbokro- Bouaké
|
135
|
1910-1912
|
Bouaké- Katiola
|
55
|
1919-1923
|
Katiola- Tafiré
|
117
|
1924-1928
|
Tafiré- Ferkessedougou
|
70
|
1929
|
Ferkessedougou- Bobo-Dioulasso
|
228
|
1929-1932
|
Abidjan- Wharf de Port- Bouet
|
11
|
1930-1931
|
Source : SEMI- BI- ZAN, La politique coloniale des travaux
publics en Côte-d'Ivoire, thèse 3eme cycle 1973, p186
En effet, débuté le 12 Janvier 1904, la ligne
qui devait finalement atteindre Ouagadougou au kilomètre 1145 va
traverser le sud de la Côte-d'Ivoire en passant par le centre pour enfin
aboutir au nord du pays.
Exploité d'abord directement par l'administration
coloniale, puis confié à la Régie des chemins de fer de
l'AOF (voir sigles et abréviations), le réseau obtint enfin son
autonomie de gestion. Et le « 1er Avril 1959, fut
créée la Régie Nationale des chemins de fer Abidjan Niger
(RAN) »4 qui exploite les voies ferrées
implantées en Côte-d'Ivoire et en Haute-Volta pour le compte de
ces deux pays.
4 Henri Bourgoin, Philippe Guilhaume,
Côte-d'Ivoire, économie et société p110
2- Les services proposés
Au lendemain des indépendances, le souci premier des
autorités ivoiriennes est de construire maintenant une
Côte-d'Ivoire moderne tournée résolument vers le
développement.
En effet, en 1960 la Côte-d'Ivoire acquiert son
indépendance héritant des vestiges de la colonisation. Mais force
est de constater que ces vestiges quoique utiles ne peuvent garantir un
développement judicieux et harmonieux de cette jeune nation en
construction. Dès lors, l'Etat de Côte-d'Ivoire va chercher les
voies et moyens pour mettre en place sa politique de développement.
C'est dans cette optique que pour le déplacement des
personnes et des biens à l'intérieur comme à
l'extérieur du pays, les moyens de transport et de communication
(routes, voie ferrée, transport aérien, voies lagunaires et
maritimes) seront très vite sollicités pour le faire.
Le chemin de fer héritage de la colonisation et quoique
vétuste va s'affirmer dès l'abord comme un atout fondamentale
dans la mise en place de cette politique de développement.
Par ailleurs, notons que l'une « des bases les plus
importantes de toute activité dans un pays reste l'infrastructure
économique »5. C'est en cela que le réseau
ferroviaire en 1960 va s'atteler à être un des facteurs essentiels
du développement de la Côte-d'Ivoire par les services qu'il se
propose d'offrir.
Nous savons que la Côte-d'Ivoire est un pays agricole
doté d'un port en eau profonde qu'il fallait approvisionner en produits
d'exportation.
De même, la colonisation a fait que le pays entretient
des relations avec les pays sahéliens ; relations basées sur le
déplacement des populations et d'importants échanges commerciaux
dans la mesure où par l'entremise du chemin de fer, le port
approvisionne ces pays du nord en produits de toutes sortes et sert aussi de
support pour l'exportation de leurs productions agricoles.
5 Louis Edouard Settie, l'Etat et le processus de
développement en Côte d'Ivoire 1960-1980, Abidjan ipnetp 1997,
p25
16
Toutes ces situations vont faire que les activités du
chemin de fer en 1960 seront intenses. Et comme nous l'avons
évoqué plus haut, le chemin de fer est un moyen de transport et
de communication qui propose de transporter des voyageurs du sud au nord et
vice-versa ; il va bien s'y prendre en ce début des indépendances
car le service voyageurs du réseau est en constante évolution au
fil des mois d'exploitation.
Que ça soit le trafic international de voyageurs parce
que faisant partie intégrante du trafic où le trafic à
l'intérieur de la Côte-d'Ivoire, ce sont des milliers de personnes
qui utilisent le train pour leurs différents déplacements. Cet
accroissement du trafic voyageur répond aux soucis des autorités
ivoiriennes de permettre à bon nombre de personnes de se déplacer
librement sans les contraintes d'une cherté du prix du transport.
C'est en ce sens que dès les indépendances, des
mesures seront prises pour les voyageurs et les marchandises consistant
à appliquer sur les itinéraires reliant les grands centres et les
centres importants des prix fermes et moins élevés que ceux
donnés par les trafics habituellement applicables pour permettre un
trafic voyageur et marchandise intense.
En effet, à défaut de proposer des
matériels de pointe pour le trafic, l'application de prix à la
portée de toutes les couches de la population a entraîné un
engouement de la part des voyageurs à emprunter le rail pour leur
déplacement.
Par ailleurs, à l'indépendance le chemin de fer
bien que vétuste présentait de meilleurs atouts pour le transport
des voyageurs. C'est fort de tous ces constats que les résultats de
quelques mois d'exploitations ne laisseront personne indifférent.
Déjà en Août 1960, le chemin de fer va transporter 115.076
voyageurs soit 16 millions de voyageurs-kilomètres contre
« 107.689 voyageurs, soit 14 millions de voyageurs-
kilomètre »6 en 1959.
6 Régie du chemin de fer Abidjan Niger,
Rapport trafic de la RAN 1960
18
L'on note une augmentation en nombre voyageurs de 6,42 % et en
trafic de 13,35 % durant le mois d'Août sur les années
comparées de 1959 et 1960.
Les activités du chemin de fer du point de vue du
trafic voyageur étaient en constante progression et ceci pour le bonheur
des autorités ivoiriennes qui voient en ce moyen de transport et de
communication un atout indispensable pour le développement du pays.
Ainsi en Décembre 1960, le rail va transporter 142.000 voyageurs soit 20
millions de voyageurs-kilomètres contre 134.000 voyageurs en 1959.
L'analyse de ces chiffres nous montre une hausse des
activités du réseau ferroviaire pour le transport des voyageurs
car le nombre voyageur a augmenté de 5,50 % et de 21,89 % du point de
vue du trafic.
Par ailleurs, lorsqu'on essaie d'analyser les résultats
cumulés des activités au niveau du trafic voyageurs sur les huit
(08) premiers mois (Janvier à Août), nous constatons une
augmentation en nombre voyageurs de 5,53 % et en trafic de 9,48 % par rapport
à la même période de 1959.
Ce sont « 1.015.806 voyageurs soit 149 millions
voyageurs-kilomètres »7
contre 135 millions voyageurs-kilomètres en 1959. En
d'autre terme, les activités du chemin de fer en 1960 du point de vue
des voyageurs étaient en nette croissance durant toute
l'année.
Ainsi, lorsqu'il s'agit de nous focaliser sur le trafic
voyageur sur toute l'année, les résultats sont très
rassurants et portent à croire que la voie ferrée est un moyen de
transport et de communication apprécié par les populations pour
se déplacer à l'intérieur comme à
l'extérieur de la Côte-d'Ivoire.
Les résultats sur l'année complète de 1960
comparés à ceux de 1959 se présentent comme suit : de
Janvier 1960 à Décembre 1960, ce sont 1.508.890 Voyageurs qui ont
empruntés le train soit 216 millions de voyageurs-kilomètres
contre 195 millions de voyageurs-kilomètres pour la même
période de 1959.
7 id.Regie du chemin de fer Abidjan Niger, Rapport
trafic de le RAN op-cit
Le constat est que sur toute l'année, l'on note une
augmentation des activités du chemin de fer à travers son trafic
voyageur qui a connu une hausse de 7,12 % en nombre voyageurs et 12,55 % en
trafic.
Au total, le trafic voyageur du réseau ferroviaire est
en nette croissance faisant du chemin de fer un moyen de transport et de
communication indispensable pour l'économie ivoirienne.
Il en est de même pour le trafic marchandises de la voie
ferrée qui connaît lui aussi une croissance exponentielle.
En effet, nous savons que depuis sa mise en service, le chemin
de fer devait servir à transporter les marchandises lourdes du sud au
nord et vice-versa. Et ce rôle n'a pas beaucoup changé en 1960 car
les autorités ivoiriennes vont miser sur la voie ferrée pour
transporter les produits de l'agriculture vers le Port d'Abidjan, mais aussi
approvisionner les pays sahéliens qui n'ont pas de
débouché sur la mer.
Ainsi donc, en Avril 1960 déjà le trafic
marchandises est en nette augmentation par rapport aux chiffres du même
mois de 1959.
Cette augmentation est de 13,70 % et porte surtout sur les
transports de ciment (4.774 tonnes en 1960 contre 2.609 tonnes en 1959), des
graines de coton, d'arachides, de sésames et autres
oléagineux.
A partir d'Août de cette même année,
c'est-à-dire quatre mois après, le trafic marchandises continu sa
croissance et nous allons enregistrer 40.051 tonnes de marchandises
chargées soit 15 millions tonnes-kilomètre en trafic en 1960
contre 32.475 tonnes de marchandises chargées soit 13 millions
tonnes-kilomètre en trafic en 1959.
Le résultat est que le trafic marchandises a connu une
augmentation de 18,90 % en tonnes chargées et de 12,66 % en
tonnes-kilomètre sur les quatre mois d'étude.
Le trafic international étant un des piliers du
réseau ferroviaire en Côted'Ivoire, son accroissement va
automatiquement se refléter sur la croissance des
activités du Chemin de fer dans la mesure où le
Mali, la Haute-Volta, et le Niger ont besoin de se ravitailler en produits de
toutes sortes, vue l'accroissement de leurs populations et le niveau de vie
qu'elles aspirent.
Dès lors, l'analyse des chiffres de Décembre
1960 au niveau du trafic nous laisse croire que le chemin de fer en 1960
était le moyen de transport et de communication le plus utilisé
pour évacuer les marchandises dans les deux sens. Nous avons
enregistré une augmentation du trafic de 62,75 % en tonnes
chargées et 65,97 % en trafic par rapport à Décembre
1959.
Au total, lorsqu'on essaie de comparer les huit (08) premiers
mois du trafic de marchandises de 1960 par rapport à la même
période de 1959, nous constatons que de Janvier 1960 à Août
de cette même année, le trafic se présentait comme suit :
au niveau des tonnes marchandises chargées, nous avons enregistré
358.742 tonnes soit 132 millions de tonnes-kilomètre.
C'est en cela que nous avons noté une
légère augmentation de 2,14 % en tonnes chargées et 4,89 %
en trafic. Ces chiffres il faut le dire montrent la vitalité du trafic
du chemin de fer qui continue de prendre du volume durant notre période
d'étude c'est-à-dire 1960.
Cet accroissement du volume des activités du
réseau ferroviaire est dû au développement de la
Côte-d'Ivoire et de ses voisins immédiats ou lointain du nord dont
la Haute-Volta avec qui notre pays a des liens économiques très
forts de part le Port d'Abidjan.
Tous ces échanges commerciaux qui naissent, prennent
forme et se développent, agissent immédiatement sur le trafic
marchandises du chemin de fer car les résultats des douze (12) mois
d'exploitation vont attester nos dires.
De Janvier à fin Décembre 1960, le trafic
marchandises du rail a connu une progression très satisfaisante qui
augure des lendemains meilleurs.
Au niveau des tonnes chargées, nous enregistrons
567.568 tonnes soit 219 millions de tonnes-kilomètre contre 190 millions
de tonnes- kilomètre pour la même période de 1959.
20
C'est une augmentation de 13,03 % en tonnes chargées et
15,08 % en trafic qui est constatée.
En 1960, les échanges commerciaux à
l'intérieur comme à l'extérieur de la Côte-d'Ivoire
sont concentrés sur un ensemble de produits qui circulent sur le
réseau.
A propos des marchandises transportées, il faut noter
que celles-ci d'une manière générale se composent dans le
sens nord-sud de « bois, arachides, karité, palmistes, coton,
banane, café, riz »8 .
Dans le sens inverse, ce sont des marchandises
constituées d'épiceries, conserves, farine, boissons, sel et
surtout le ciment et le combustible liquide car les pays comme le Mali, la
Haute-Volta et le Niger sont aussi en construction donc ils ont
énormément besoin de matériaux de construction mais aussi
des hydrocarbures.
Par ailleurs, il convient de noter qu'il existe un
déséquilibre dans le trafic car il est souvent en faveur des
marchandises en partance du sud vers le nord et provenant plus
précisément de l'Europe dans la mesure où par le bais du
chemin de fer, L'Etat profite pour ravitailler les villes de l'intérieur
du pays qui sont embranchées sur le réseau et les pays
sahéliens.
En somme, en 1960 le chemin de fer en Côte-d'Ivoire
était déjà incontournable du point de vue du volume de ses
activités.
En effet, comme moyen de transport et de communication, il
était utilisédès 1960 pour le transport des voyageurs et
des marchandises du sud au nord et
vice-versa.
Ainsi tout au long de l'année 1960 les activités
du réseau croissaient en volume faisant du chemin de fer un outil
indispensable dans le développement économique du pays.
8 Louis Edouard Settie, l'Etat et le processus de
développement en Côte-d'Ivoire 1960-1980 op-cit p28
Par ailleurs toutes sortes de produits circulent sur le
réseau à cause des liens économiques unissant la
Côte-d'Ivoire aux pays sahéliens en général et la
Haute-Volta en particulier. Ce qui nous amène à nous
intéresser à son rythme de croissance de 1960-1980
|