Entre convention alpine, directive territoriale d'aménagement des Alpes du nord et initiatives locales, quelles perspectives pour les politiques foncières volontaristes dans les Alpes ?( Télécharger le fichier original )par Nathalie MOYON Université Joseph Fourier (Grenoble1), Institut de Géographie Alpine - Master 2 Recherche Villes, Territoires et Durabilité 2009 |
2. Qui se préoccupe du foncier ?Cette seconde question est incontournable : qui sont les acteurs sur cette scène du foncier ? Selon Le Meur89(*), l'enjeu foncier se situe à ce niveau car « il renvoie tout d'abord à une relation foncière, c'est-à-dire à un rapport social noué entre acteurs individuels ou collectifs autour d'une chose ou d'un bien et non au rapport direct d'un individu ou d'un groupe à cette chose ou à ce bien. En outre, une relation foncière est souvent sous-tendue par un complexe d'enjeux très hétérogènes et dépendants des acteurs impliqués. [...] En bref, une relation foncière n'est que rarement purement foncière ». Le jeu d'acteurs permet de comprendre à la fois le conflit foncier et l'objet foncier en lui-même (usage, valeur, histoire...). Cette seconde partie s'attardera donc à la question des acteurs du foncier. 2.1. Les acteurs et la préoccupation foncièreD'après J. Comby, un opérateur foncier est un organisme public ou parapublic chargé de mener des opérations d'achat et de vente de terrains pour le compte d'une collectivité publique en utilisant un fonds de roulement et la compétence de techniciens dont les collectivités publiques ne disposent pas toujours. En effet, depuis les Lois de décentralisation de 1982-1983, les collectivités territoriales, (communes, départements et régions) se sont vues octroyer certaines prérogatives d'aménagement de l'espace et par conséquent, une responsabilité en matière de gestion du foncier. En revanche, comme le fait remarquer Comby, ce rôle d'opérateur foncier est tenu de plus en plus souvent par d'autres acteurs (publics ou parapublics) tels que les établissements publics fonciers (EPF). Les enjeux fonciers sont portés par des acteurs individuels et collectifs, que Le Meur90(*) classe schématiquement dans deux catégories : d'une part des acteurs en compétition pour l'accès aux ressources (relations de concurrence, d'échange, de conflit, d'alliance), d'autre part, des instances ou institutions de contrôle de l'accès aux ressources (Etat, collectivités). Cependant, il est très complexe d'essayer de représenter la diversité des acteurs qui sont mobilisés sur la question du foncier (cela reviendrait presque à répertorier les acteurs de l'aménagement et du développement territorial en France), et développer une liste de ces acteurs, de leurs missions, de leur échelle d'intervention ou encore de leurs moyens d'actions serait long, fastidieux et inutile puisque ces données sont facilement accessibles par ailleurs. Toutefois, une typologie des acteurs sollicités sur le thème de l'ingénierie foncière dans le cadre du programme de recherche IngéTerr est en cours. Cette typologie offrira une visibilité, jusqu'ici inexistante, des acteurs du foncier en France (et donc des compétences mobilisables sur le sujet), permettant d'organiser les organismes ou individus suivants91(*) : CAUE, SAFER, SUACI, Agence d'urbanisme, EPF, maire, adjoint à l'urbanisme et autres adjoints, conseil local de développement, DDT, préfet, chambres d'agriculture, conseils généraux, associations, notaires, bureaux d'études, citoyens, techniciens des collectivités territoriales, agriculteurs, PNR... Le schéma suivant est une première tentative d'organisation des acteurs qui se « préoccupent » du foncier (le propriétaire par exemple), ou dont l'objet de travail est le foncier (le notaire par exemple). Le schéma distingue six grandes catégories d'acteurs repérés notamment à l'occasion des entretiens : ces catégories d'acteurs sont détaillées par une liste non-exhaustive d'individus ou de structures. Région, Conseil général, Communes, EPCI, PNR, Parcs, Elus et adjoints Etat central, Préfecture de région, Préfecture départementale, DDT SAFER, EPF / EPFL Chambres d'agriculture, SUACI, CAUE, Agence d'urbanisme Association Foncière Urbaine, Société Civile Immobilière Association Foncière Pastorale, Groupement Foncier Agricole Notaires Géomètres Bureaux d'études Propriétaires, Citoyens, Exploitants agricoles, Terre de Liens, Associations diverses Figure 9. Acteurs et "préoccupation foncière", N. Moyon 2010 L'approche du foncier par des cadres normatifs de l'aménagement met en avant le rôle de l'Etat. Il est à la fois relais des politiques publiques européennes qui peuvent impacter le foncier (par exemple la Politique Agricole Commune), il initie ses propres politiques publiques dans un cadre normatif qu'il maîtrise, et met en oeuvre lui-même certaines de ses directives (à travers ses services déconcentrés, ou certains outils de planification et d'aménagement tels que les DTA ou les PIG92(*)). Pourtant, le schéma précédent montre à quel point l'Etat, mais aussi les collectivités territoriales « classiques », ne sont pas seuls sur cette question du foncier. Deux catégories ont vu leur importance croître ces dernières années : les organismes publics et parapublics, notamment avec la montée en puissance des Etablissements Publics Fonciers (locaux ou d'Etat) et les agences d'urbanisme, ainsi que la société civile. Certes, les propriétaires ont toujours été « actifs », mais aujourd'hui ils ne sont plus les seuls individus à s'adresser à leur maire au sujet du foncier : un citoyen souhaite préserver le paysage typique de sa commune, des individus désirent consommer des produits issus d'une agriculture de proximité, une association nationale se mobilise sur les questions d'accès au foncier agricole... Le foncier mobilise-t-il plus d'acteurs qu'auparavant ? Il semblerait que la réponse soit positive. Ces deux catégories d'acteurs illustrent deux tendances parallèles, presque contradictoire : d'un côté, l'objet foncier se spécialise avec une ingénierie qui semble se déployer progressivement, et de l'autre, la société civile, novice, se réapproprie cette question territoriale. Par ailleurs, les collectivités abordent le foncier à travers une série d'institutions spécialisées séparées les unes des autres : l'administration de la justice pour régler les conflits entre propriétaires, la perception de l'impôt, la conservation juridique des actes de mutation, l'expropriation d'utilité publique, les interventions sur le marché des terrains, les politiques d'aménagement, la réglementation de l'usage des sols. A travers ces institutions, on retrouve les dimensions juridiques, économiques et politiques de l'objet foncier. * 89 LE MEUR Pierre-Yves, op.cit. * 90 Idem, p.4 * 91 Cette liste est indicative et donc non-exhaustive, elle est donnée à titre d'exemple. * 92 DTA : Directive territorial d'aménagement, devenue DTADD, et PIG, Projet d'intérêt général. |
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