III - CONSTRUCTION DES REPRESENTATIONS SOCIALES
Avec le recul de la théorie, ma recherche aura
contribué à identifier de façon non exhaustive, le contenu
des représentations des soignants. J'ai tenté une approche de
leurs structures et des relations qui lient les éléments entre
eux. J'ai signalé en première partie que j'avais
éclairé cette approche par la lecture sur le thème des
représentations. L'objet ici est de structurer ces apports
théoriques autour de trois questions :
- Quelle est l'origine des représentations ?
- Quelle est leur structure ?
- Et comment évoluent-elles ?
Pour appréhender ces notions, je me suis aidée
non seulement de D. Jodelet mais aussi de J.-C. Abric qui, dans ses recherches
avec C. Flament, a beaucoup travaillé sur les mécanismes de
transformation des représentations. Tous deux s'appuient sur les
écrits de S. Moscovici quand ils abordent l'origine des
représentations.
3.1/ Genèse des représentations sociales
Moscovici a décrit deux processus qui interviennent
lors de la création les représentations sociales :
l'objectivation et l'ancrage.
3.1.1/ L'objectivation
L'objectivation caractérise le passage du concept
(ici la fonction de formateur, l'abstrait) à sa représentation
c'est-à-dire un contenu et une structure compréhensible pour
l'individu. Ce processus se divise lui-même en trois phases. La
première est la « construction
sélective » ou de décontextualisation.
L'individu va sélectionner une partie des informations en fonction de
critères culturels et va donc en éliminer certaines. Les
éléments les plus résistants de la représentation
sont alors dissociés du contexte qui leur a donné naissance,
« acquérant ainsi une plus grande autonomie qui augmente
leur possibilité d'utilisation pour l'individu. » (J.-C.
Abric, 1994, p. 21).
La deuxième phase, la
« schématisation
structurante », va consister en la formation d'un
modèle ou « noyau figuratif ». Les
informations retenues s'organisent selon un agencement particulier des
connaissances concernant cet objet, et notamment selon un noyau
« simple, concret, imagé et cohérent avec la
culture et les normes sociales ambiantes. » (M.-L. Rouquette, P.
Rateau, 1998, p. 32). Ce noyau figuratif constitue une base forte de la
représentation autour duquel sont retenus, catégorisés et
interprétés les autres éléments de la
représentation. Je reprendrais cette théorie du noyau figuratif
ensuite par la théorie du noyau central de J.-C. Abric.
La communication et les contraintes liées à
l'appartenance sociale des sujets ont un effet majeur sur ces deux phases.
« Enfin, la dernière étape,
celle de naturalisation a lieu quand les
éléments du schéma figuratif sont presque physiquement
perçus ou perceptibles par le sujet. » (N. Rousiau, C.
Bonardi, 2001, p. 20).
J.-C. Abric montrera que ces trois phases ne sont pas
nécessairement présentes lors de la construction d'une
représentation mais que celle-ci puise largement dans le système
de valeurs de l'individu.
3.1.2/ L'ancrage
L'ancrage complète le processus
d'objectivation en enracinant la représentation et son objet dans
l'espace social afin d'en faire un usage quotidien. Il permet d'intégrer
ce que nous ne connaissons pas ou peu dans un cadre plus familier qui nous est
propre, correspondant à notre système de valeurs
déjà présent. W. Doise en propose une
définition : « mettre un objet nouveau dans un cadre
de référence bien connu pour pouvoir
l'interpréter. » (W. Doise, 1996, p. 22).
|