II - CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
2.1/ Caractères fondamentaux d'une
représentation sociale (d'après D. Jodelet et J.-C. Abric)
· Sans objet, pas de
représentations
La représentation est toujours en rapport avec un
objet. Suite à mon constat, il m'a paru opportun de mettre le
formateur en position d'objet dans l'approche de la compréhension des
représentations des soignants, ici sujets. Il a bien fallu
délimiter le champ de ce travail.
L'objet et le sujet s'influencent l'un l'autre constamment.
Cette recherche empirique nous aura amené à nous
intéresser au processus qui intervient dans la mise en place de
l'interaction et mieux discerner les comportements et attitudes
engendrées.
· Le caractère
imageant
L'image créée dans la représentation
renvoie à l'imaginaire social et individuel. Elle facilite la
compréhension et permet de mettre des mots sur des notions abstraites ou
des choses que nous avons des difficultés à percevoir.
« Elle le rend présent quand il est lointain ou
absent. » (D. Jodelet, 1994, pp. 36-57).
· Le caractère symbolique et
signifiant
Ce caractère renvoie aux processus idéologiques
qui traversent les individus. La représentation confère à
son objet une signification qui résulte de la construction mentale du
sujet. Cette symbolisation lui permet de donner un sens à l'objet. La
représentation « est donc le représentant mental de
l'objet qu'elle restitue symboliquement ».
· Le caractère
constructif
Cela renvoie à la notion d'action de la première
définition. Par un processus cognitif, le sujet s'approprie la
réalité en la construisant pour l'intégrer dans son
système de valeurs.
· Le caractère autonome et
créatif
Cette caractéristique renvoie à la notion
d'impact que j'ai développée plus haut. La représentation
induit les comportements et attitudes que nous avons lors de nos interactions
avec l'objet. C'est la « part de re-construction,
d'interprétation de l'objet et d'expression du sujet »
(D. Jodelet, 1994, pp. 36-57) dans la représentation.
2.2/ Fonctions des représentations sociales
(d'après J.-C. ABRIC)
2.2.1/ Des fonctions cognitives ou de
« domestication de l'étrange » (S.
Moscovici, 1984, cité par W. Doise, 1996, p.21)
Les représentations permettent à l'individu
d'intégrer des connaissances dans un cadre de pensée
compréhensible pour lui. Elles lui permettent de classer des choses
inconnues dans son univers cognitif et ainsi rendent moins abstraites ces
choses. Les représentations procurent à l'individu sa
manière de penser et d'interpréter la vie quotidienne en fonction
de ses valeurs. De plus, « elles définissent un cadre de
référence commun qui permet l'échange social. »
(J.-C. Abric, 1996, p.16). C'est donc grâce aux
représentations que l'individu peut communiquer socialement.
2.2.2/ Des fonctions d'orientation des
comportements
La représentation sert à agir sur le monde et
autrui. C'est grâce à elle que l'individu oriente ses
comportements, opinions, attitudes car elle donne un sens à l'objet.
Elle « oriente et organise les conduites et communications
sociales » (D. Jodelet, 2003, p.53).
Elle a pour fonction d'anticiper les rapports sociaux, ce qui
me semble important dans l'approche d'une collaboration.
« L'existence d'une représentation de la situation
préalable à l'interaction elle-même fait que dans la
plupart des cas « les jeux sont faits à l'avance »,
les conclusions sont posées avant même que l'action ne
débute ». Autant du côté du formateur que du
soignant ou de l'étudiant, c'est sur ce point je pense qu'il faut porter
son attention. Les relations se construisent, si les individus se rencontrent,
c'est pour produire et non pour stagner. De cette fonction se crée
également un système d'attentes dont j'ai extrait les composantes
dans l'analyse des entretiens : « elle est un système
de prédécodage de la réalité car elle
détermine en ensemble d'anticipations et d'attentes. »
(J.-C. Abric, 1994, p.13).
C'est sur cette fonction que j'ai dès le départ
voulu orienter mes entretiens et ma recherche. Lorsque les membres d'un groupe
construisent une vision de la réalité
« consensuelle », « cette vision, qui peut
entrer en conflit avec celle d'autres groupes, est un guide pour les actions et
échanges quotidiens » (D. Jodelet, 2003, p. 52). Outre
le fait de confirmer que les représentations conditionnent les
échanges, la théorie affirme plus particulièrement que
cette vision peut faire entrer en conflit les individus en interaction à
partir du moment où elle n'est pas partagée. Si les formateurs ne
partagent pas la vision des soignants sur la formation, alors il va y avoir
conflit dans les discours portés aux étudiants. D'où
l'importance de bien définir l'objet de la représentation, ce que
nous aborderons en deuxième chapitre.
Construire une vision commune entre les trois
acteurs qu'ils ne soient pas en interaction non constructive me semble
être une clef d'action pour l'efficience de l'ingénierie de
formation. Mes conclusions de la partie empirique sont ici
corroborées et enrichies : comme les représentations ont un
rôle dans la qualité de la formation, il ne faut pas aller contre
mais les comprendre pour les utiliser. Créer une relation triangulaire
bénéfique à chacun revient à construire ensemble
une vision commune de la réalité de la formation pour faciliter
la professionnalisation de l'étudiant.
2.2.3/ Des fonctions identitaires
Les représentations ont une part d'élaboration
individuelle ou collective. Communes, elles contribuent au partage d'un
même langage, d'une même idée soit
d' « une vision consensuelle de la réalité
pour ce groupe » (D. Jodelet, 2003, p. 52). Ainsi, lorsque le
groupe adhère aux mêmes représentations, il renforce son
lien social et affirme une identité sociale avec cet objectif de garder
une image gratifiante.
Ainsi, si formateurs, soignants et étudiants devaient
renforcer leur lien social, ils créeraient une identité commune
de constructeurs de la formation.
2.2.4/ Des fonctions justificatives
Le groupe va se comporter face à un autre groupe en
légitimant ses actes et prises de positions par les
représentations qu'il partage. Il renforce ainsi son affiliation sociale
au groupe. « La représentation faite de l'autre sert
à justifier l'action qu'on entreprend à son
égard » (W. Doise, 1996, p. 24). Alors la
représentation sera la justification d'un comportement face à un
autre groupe, notamment, dit Abric, pour se « donner bonne
conscience ». « Ainsi, dans la situation de
rapports compétitifs vont être progressivement
élaborées des représentations du groupe adverse, visant
à lui attribuer des caractéristiques justifiant un comportement
hostile à son égard » (J.-C. Abric, 1994, p.
18).
Or nous avons vu lors des entretiens que les
représentations des soignants avaient tendance à comparer la
fonction du formateur à un unique rôle de transmetteur de savoirs
et d'évaluateur (présent que pour les MSP). Donc le formateur
devra s'attendre à avoir des comportements ou des discours sur les lieux
de stage qui le cantonnent à ces fonctions.
|