MEUNIER - LUCOT
Maguy
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DES REPRESENTATIONS A LA PRATIQUE REFLEXIVE :
POUR UNE CO-CONSTRUCTION DE LA PROFESSIONNALISATION
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Sous la direction de Mr VERRIER François,
Directeur par intérim de l'IFSI du CHRU de Lille
Mémoire présenté pour l'obtention du
diplôme Cadre de Santé
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Institut de Formation des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille
Promotion 2009 / 2010
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MEUNIER-LUCOT Maguy
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DES REPRESENTATIONS A LA PRATIQUE REFLEXIVE :
POUR UNE CO-CONSTRUCTION DE LA PROFESSIONNALISATION
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Sous la direction de Mr VERRIER François,
Directeur par intérim de l'IFSI du CHRU de Lille
Mémoire présenté pour l'obtention du
diplôme Cadre de Santé
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Institut de Formation des Cadres de Santé
Centre Hospitalier Régional Universitaire de Lille
Promotion 2009 / 2010
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« L'IFCS n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises
dans le mémoire, ces opinions doivent être
considérées comme propres à l'auteur. »
SOMMAIRE
PREAMBULE
- 1 -
INTRODUCTION AU MEMOIRE
- 4 -
PARTIE I : PARTIE EMPIRIQUE
INTRODUCTION A LA PARTIE EMPIRIQUE
- 6 -
CHAPITRE I -
PREMIERE VAGUE D'ENTRETIENS
- 7 -
I - CADRE DES ENTRETIENS
- 7 -
II - ANALYSE DE LA PREMIERE VAGUE
- 11 -
SYNTHESE DE LA PREMIERE VAGUE
- 16 -
CHAPITRE II -
DEUXIEME VAGUE D'ENTRETIENS
- 17 -
I - CADRE DES ENTRETIENS
- 17 -
II - ANALYSE DE LA DEUXIEME VAGUE
- 20 -
SYNTHESE A L'ISSUE DE LA DEUXIEME
VAGUE
- 27 -
TRANSITION -
QUAND LA THEORIE S'IMPOSE
- 28 -
I - EVOLUTION DE MA RECHERCHE
- 28 -
II - UNE METHODOLOGIE ADAPTEE
- 29 -
CHAPITRE III -
TROISIEME VAGUE D'ENTRETIENS
- 31 -
I - CADRE DES ENTRETIENS
- 31 -
II - ANALYSE
- 33 -
SYNTHESE DE LA TROISIEME VAGUE
- 39 -
CONCLUSION DE LA PARTIE EMPIRIQUE
- 41 -
PARTIE II : PARTIE THEORIQUE
INTRODUCTION
- 48 -
CHAPITRE I -
DE L'IMPORTANCE DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
- 50
-
I - LES REPRESENTATIONS SONT
INCONTOURNABLES
- 50 -
II - CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS DES
REPRESENTATIONS SOCIALES
- 56 -
III - CONSTRUCTION DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
- 60 -
CONCLUSION DU CHAPITRE I
- 74 -
CHAPITRE II -
ELEMENTS
CONTEXTUELS
DE LA FORMATION INFIRMIERE
- 76 -
I - LES PRINCIPES DE BASE DE LA FORMATION
INFIRMIERE
- 76
II - LA FINALITE DE LA FORMATION COMME
OBJET DE REPRESENTATION COMMUN
- 81 -
III - QUELLE PRATIQUE POUR LA
RELIANCE ?
- 89 -
CONCLUSION DU CHAPITRE II
- 90 -
CHAPITRE III -
LA PRATIQUE REFLEXIVE
- 91
-
I - ELEMENTS DE BASE DU CONCEPT
- 91 -
II - L'INTERET DE LA PRATIQUE REFLEXIVE
- 96 -
III - LES LIMITES DE LA PRATIQUE
REFLEXIVE
- 98 -
IV - LA POSTURE D'ACCOMPAGNATEUR DE LA
PRATIQUE REFLEXIVE
- 100 -
CONCLUSION DU CHAPITRE III
- 103 -
CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE
- 105 -
PROBLEMATIQUE
DE L'EMPIRIQUE A LA THEORIE VERS LE
PRAGMATIQUE
- 107 -
PARTIE III : PARTIE PRAGMATIQUE
INTRODUCTION
109
I - PETIT RECIT REFLEXIF
109
II- ATTENTES ET DECOUVERTES
112
III - LE REINVESTISSEMENT PROFESSIONNEL
114
IV - LIMITES DU MEMOIRE
121
CONCLUSION
123
CONCLUSION GENERALE
- 124 -
BIBLIOGRAPHIE
- 126 -
TABLE DES MATIERES
- 130 -
ANNEXE A : Les 10 compétences IDE
et les 10 compétences MEM
- 135 -
REMERCIEMENTS
Cette année tant attendue avec une troublante
combinaison d'envie et d'anxiété touche à sa fin par ce
mémoire. Cette page est l'occasion pour moi de montrer ma reconnaissance
à tous ceux qui ont contribué à ce que tout soit si
fécond.
Merci à Monsieur Verrier, directeur de mémoire,
pour son écoute attentive, ses éclairages bienvenus, ses conseils
précieux, ses encouragements et sa disponibilité.
Merci à Catherine Brossaud, pour ces échanges
enrichissants, sa bonne humeur partagée, sa grande disponibilité,
bref pour son accompagnement de qualité.
Merci à toutes les personnes de terrain qui ont permis
la réalisation et l'aboutissement de ce travail.
Grâce à vous, ce mémoire a
emprunté des chemins parsemés de découvertes et de
réflexions engageantes qui l'ont rendu si motivant.
Merci à Mireille Bidon, pour ces rencontres collectives
à la fois rigoureuses et détendues. Pour son aide à la
conscientisation de nombres d'apprentissages.
Merci à toute l'équipe de l'IFCS pour avoir
facilité cette très complexe année d'études.
Merci à la direction du CHU d'Amiens pour avoir pris
cet « engagement moral » et financier envers moi.
Merci à Monsieur le Professeur Rémond pour son
soutien.
Merci à Madame Jamault pour le temps consacré et
son expertise pédagogique à toute épreuve.
Merci à l'équipe de l'IFMEM d'Amiens pour son
soutien moral.
Nonobstant ces rencontres professionnelles qui, je
l'espère, continueront d'être aussi riches et pleines de
perspectives, ces efforts n'auraient pu être aussi facilités sans
les rencontres amicales.
Merci à tous les internes de l'Institut pour nos
échanges moteurs, nos réunions couloirs et nos moments
gastronomiques partagés, si déstressant et vecteurs de
gaieté en toute simplicité.
Merci à Agnès, une hygiéniste hors pair,
pour son regard professionnel champenois si avisé et si profitable.
Merci à Mylène, pour sa présence
tranquillisante, pour cette rencontre de la première heure qui a su
durer en toute sincérité.
Merci à Gilles, l'indispensable, pour tous ces moments,
de sérieux, de fous rires, bref ces moments de vie partagés. Pour
ton écoute, tes certitudes et ton altruisme.
Sans oublier tous ceux qui me sont chers dans la
vie.
Merci à ma famille et mes parents, pour leur grande
patience, leur présence sans conditions et leur soutien.
Merci à mes beaux parents et mes amis de toujours pour
leurs attentions et leurs grandes capacités d'adaptation pendant cette
année imprévisible.
A Fabien et Martin pour ce bonheur de partager ma vie avec
vous.
PREAMBULE
Après un parcours étudiant hors secteur
sanitaire, j'ai désiré changer de voie pour un
« métier de l'humain ». J'ai alors
intégré une formation paramédicale soignante, et plus
précisément l'institut de formation de manipulateurs
d'électroradiologie médicale. Je savais que cette formation
était fondée sur l'alternance et j'en attendais un apport
théorique pour comprendre les situations auxquelles j'allais être
confrontée. Mais j'en attendais également, voire surtout, un
apprentissage situationnel qui allait me permettre d'évoluer au
gré des exigences technologiques, institutionnelles et aussi au
gré de mes propres exigences. Pour cela, j'ai toujours compté sur
l'expérience des professionnels, tant sur le terrain qu'à
l'institut. Chacun d'eux devait m'apporter ses savoirs et savoir-faire pour
construire ma propre identité professionnelle.
Mon premier contact avec des professionnels manipulateurs a
été avec les formateurs de l'institut. Ils représentaient
alors le savoir. D'eux, j'attendais de pouvoir comprendre les situations de
stage, de savoir pourquoi je devais agir de telle ou telle façon en tant
que manipulatrice.
Puis j'ai commencé les stages et j'ai alors
rencontré d'autres professionnels dans les services. Je retrouvais mes
valeurs chez beaucoup d'entre eux, alors je me tournais vers ceux-ci
préférentiellement pour m'approprier des exemples de comportement
vis-à-vis des personnes soignées et pour m'apprendre mon futur
métier dans des situations réelles. J'avais donc des attentes
envers eux différentes des premières.
Déjà, d'un oeil d'étudiante, ma vision
était quelque peu dichotomique. D'un côté, les formateurs,
qui posaient des situations théoriques, idéales ; de l'autre
des personnels soignants qui s'adaptaient chaque jour aux situations
singulières qui se présentaient tout en essayant de produire des
résultats normés, conformes. Or souvent ces résultats
étaient proches de la norme enseignée en cours mais rarement 100%
conformes. Déjà un décalage se ressentait entre ces deux
enseignements théoriques et pratiques.
Ensuite, je deviens moi-même professionnelle de
santé qui encadre des étudiants. Avec mes collègues, nous
cherchons à expliquer nos pratiques à l'étudiant pour
qu'il puisse avoir de bons réflexes et être un futur professionnel
qui produise des résultats au maximum corrects et fiables tout en
faisant preuve d'attitude exemplaire1(*) vis-à-vis des personnes soignées.
Avec le recul, je m'aperçois que très rarement
mes collègues et moi-même faisions référence aux
formateurs comme personnes ressources pour les étudiants. Je cherchais
à apporter aux étudiants ce que j'attendais moi-même peu
avant, des professionnels en stage. Je m'étais construit ma propre
conception de l'apprentissage d'un étudiant en stage au travers de mon
vécu antérieur.
Ensuite je deviens faisant fonction cadre de santé
formatrice à l'institut de formation de manipulateurs
d'électroradiologie médicale. M'occupant des premières
années, je m'efforce de poser des bases sur lesquelles les
étudiants pourront se reposer pour mieux appréhender les
apprentissages théoriques suivants. Pour ce qui concerne la pratique,
les stages qu'ils vont effectuer, je m'attache à y faire un lien
constant dans mes enseignements. Chaque expérience de stage doit
être l'occasion d'alimenter les cours et inversement. Donc, de mon point
du vue de « formatrice », je me suis forgée une
nouvelle conception de l'apprentissage des étudiants.
Cette période a été pour moi l'occasion
de vivre une nouvelle facette du métier et de profondes
réflexions sur ce que je pouvais apporter aux étudiants. Je me
rends compte que finalement, j'ai les mêmes responsabilités envers
les étudiants que je sois manipulatrice en unité ou formatrice.
Ces deux rôles ont la même finalité : former des futurs
professionnels. Le rôle de chacun est donc complémentaire.
Fallait-il alors passer par ces étapes pour s'en rendre compte ?
Puis j'eus une forte surprise lorsqu'à deux reprises
deux étudiants sont venus me voir pour m'interpeller : des
manipulateurs leur avaient dit qu'ils pouvaient se contenter de ce qu'ils
apprenaient en stage car « la théorie, ça ne sert
à rien ». Ils étaient perdus face à ces
propos et ne savaient plus que penser des messages portés à
l'institut.
Cette situation a été le point de départ
de ma réflexion pour ce mémoire.
Personnels de santé ou cadres formateurs de toutes
filières, nous avons le devoir de participer à la formation des
futurs professionnels de santé. La compétence 10 du nouveau
référentiel de formation infirmier stipule
: « Informer et former des professionnels et des personnes
en formation ». La compétence 9 du prochain
référentiel de formation manipulateur précise :
« formation et information des professionnels et
étudiants » (annexe A, p. 135).
J'ai alors exposé mon constat à des
collègues étudiants cadres de santé et une intervention a
retenu mon attention : « parfois les formateurs sont
complètement à côté de la plaque ».
Ce n'est pas la première fois que j'entendais cette
réflexion...
Ce travail sera donc pour moi l'occasion de mieux comprendre.
Mieux comprendre ce qui pousse les professionnels à exprimer ce type de
discours d'une part et d'autre part, je souhaiterais rechercher si les acteurs
de la formation peuvent trouver un moyen de ne plus s'opposer dans les paroles
portées aux étudiants.
Ce mémoire est bien une
« initiation » à la recherche. Il est à
considérer comme tel avec ses limites (temps, lectures ciblées,
interprétations, ...). Elargir son esprit, porter un regard plus
complet, voire différent, sont ses buts.
INTRODUCTION
INTRODUCTION AU
MEMOIRE
Le mémoire est un travail de réflexion qui
permet de se remettre régulièrement en question. La
première pensée qui m'est venue est l'espoir de traiter un sujet
qui puisse faire évoluer ma pratique future en tant que cadre de
santé formatrice.
Le sujet des représentations que je souhaite traiter me
semble approprié à l'utilisation de la méthode
inductive pour ce mémoire. Elle comporte trois parties.
La première, « partie
empirique », aura pour objectif de progresser par
tâtonnements sur les questions posées en récoltant, par des
entretiens, l'expérience des personnes concernées.
La deuxième partie est
théorique. Elle devra permettre de développer
les concepts clefs apportés par la première partie.
Enfin, le mémoire présentera une
troisième partie, appelée « partie
pragmatique », qui fera le lien de cette recherche avec le
réinvestissement professionnel que je compte en faire.
Cette méthode inductive sera un avantage pour
« partir du terrain », de la réalité en
écartant mes a priori. Commencer par mener des entretiens sans apport
théorique devrait me permettre de ne pas rester focalisée sur une
idée précise et de laisser libre cours à la pensée
de l'interviewé tout en le recentrant sur mon sujet par des
reformulations ou des relances sur des mots clefs qui me semblent
appropriés à la recherche.
L'entretien est « un véritable
échange au cours duquel l'interlocuteur exprime ses perceptions d'un
événement ou d'une situation, ses interprétations ou ses
expériences, tandis que par des questions ouvertes et ses
réactions, le chercheur facilite cette expression » (R.
Quivy et L. Van Campenhoudt, 1995, p.194).
Plus particulièrement, j'ai choisi de mener des
entretiens semi directifs pour laisser s'exprimer les
personnes interrogées tout en gardant un fil conducteur reproductible
dans les entretiens suivants au travers de questions préparées.
C'est un bon compromis entre l'entretien directif et non directif entre
latitude et exploitabilité des réponses.
J'ai réalisé trois vagues d'entretiens avec sept
personnes au total. Pour les deux premières vagues d'entretiens, j'ai
réalisé deux interviews. J'ai expliqué à toutes les
personnes que les entretiens allaient être enregistrés. Elles ont
toutes accepté sans montrer de signe d'intimidation car je leur ai
assuré l'anonymat. Ce mode de recueil allait me permettre d'être
plus concentrée sur les propos et m'autoriser le repérage de mots
clefs pour me permettre les relances.
En ce qui concerne l'analyse, j'ai retranscrit tous les
entretiens par écrit afin de profiter non seulement de mon sens auditif
mais aussi de mon sens visuel pour m'approprier les contenus. J'ai pu ainsi les
relire plusieurs fois afin d'être plus juste sur leur
interprétation. Pour les deux premières vagues d'entretiens et
par vague, j'ai procédé par analyse à tendance qualitative
plus que quantitative. D'après R. L'Ecuyer, « L'analyse
qualitative consiste à décrire les particularités
spécifiques des différents éléments (mots, phrases,
idées) regroupés dans chacune des catégories et qui se
dégagent en sus des seules significations quantitatives. En somme, le
fait d'être tous regroupés sous une même catégorie ne
rend pas tous ces énoncés synonymes pour autant. De plus, le
postulat veut surtout ici que l'essence de la signification du
phénomène étudié réside dans la nature, dans
la spécificité même des contenus du matériel
analysé plutôt que dans sa seule répartition quantitative.
Enfin, les tenants de cette approche soutiennent qu'il est tout à fait
possible de s'objectiver et de procéder à une analyse qualitative
sans automatiquement sombrer dans les égarements et la
subjectivité » (R. L'Ecuyer, 1987, p. 62). Par ailleurs,
j'ai cherché à regrouper les items communs cités par les
deux interviewés de chaque vague afin de limiter des choix
arbitraires.
A partir de ces entretiens menés dans le milieu
infirmier, je chercherai à analyser les représentations que les
soignants ont des formateurs. Je m'aiderai ensuite de la théorie sur les
représentations pour comprendre leur mécanisme
d'élaboration et de transformation. Le fil de la recherche nous
mènera à cerner les finalités de la formation pour
l'étudiant et nous conduira à la pratique réflexive dans
l'étude d'un dernier concept. La dernière partie appelée
pragmatique, me permettra de projeter le réinvestissement de cette
recherche dans une future prise de fonction en tant que cadre de
santé.
PARTIE
I
PARTIE EMPIRIQUE
INTRODUCTION A LA PARTIE
EMPIRIQUE
Mon constat est fait : tout au long de ces étapes,
ma vision et mes attentes se sont modifiées selon le rôle que
j'avais dans la formation. Je me rappelle alors une citation de Lao Tseu qui me
tient à coeur : « les choses ne changent pas, change
ta façon de les voir, cela suffit ». Autrement dit, si
les choses n'ont jamais changé, j'ai appris à porter un autre
regard sur elles.
Des premiers questionnements émergent :
· Jusqu'à quel point nos représentations
influent sur nos comportements relatifs à l'encadrement des
étudiants ?
· Quelles influences ont-elles sur les relations
soignant-formateur ?
· Quelles influences ces relations ont-elles sur la
formation des futurs professionnels paramédicaux ?
L'interaction formateur-soignant m'apparaît alors
essentielle pour la formation de l'étudiant. Mon souhait est de mieux
comprendre les représentations des professionnels encadrant les
stagiaires sur les cadres formateurs. Je me demande si elles n'ont pas une
place primordiale dans leurs relations et ainsi si elles n'agiraient pas sur la
formation de l'étudiant.
Avant de comprendre l'impact des représentations sur
les relations, il m'a semblé opportun de chercher à les
identifier. Plutôt que de juger l'autre, je voudrais le comprendre. Mes
recherches devraient par conséquent me permettre d'éclairer mon
premier questionnement :
Comment sont réellement perçus les
formateurs par les professionnels de proximité ?
CHAPITRE I
PREMIERE VAGUE D'ENTRETIENS
I - CADRE DES ENTRETIENS
1.1/ Objectifs
Cette première vague d'entretiens a pour moi plusieurs
objectifs :
- M'entrainer à cette technique nouvelle.
- Constater si le sujet suscitait de l'intérêt
pour les personnes interrogées et s'il est fondé.
- Vérifier si des points que je ne voulais pas aborder
ou auxquels je n'avais pas pensé, étaient
évoqués.
- Trouver une réelle problématique en termes de
réinvestissement professionnel.
- Affiner une consigne de départ qui corresponde
vraiment au sujet que je souhaite traiter et qui puisse faire évoluer ma
réflexion.
J'ai donc vraiment considéré ces premiers
entretiens comme un entrainement que je n'allais pas exploiter. Cependant, j'ai
décidé de les utiliser dans ce travail car ils ont répondu
à mes objectifs.
1.2/ Population choisie
Mon choix se porte sur la formation en soins infirmiers pour
plusieurs raisons : c'est une formation paramédicale soignante
sensiblement identique sur le plan pédagogique avec la formation des
manipulateurs (en trois ans, en alternance, conduisant à un DE2(*), ...). En outre, interroger une
autre filière que la mienne devait me permettre de prendre du recul par
rapport à ma profession et donc de partir plus neutre dans la conduite
des entretiens et leur interprétation.
Par ailleurs, cette formation me semble proche de la formation
des manipulateurs vers laquelle je souhaite réinvestir ce travail. Il
s'avère que les IFSI3(*) mettent en place cette année un nouveau
référentiel de formation et que les IFMEM4(*) vont également suivre un
nouveau référentiel bâti sur le même schéma
dès la rentrée prochaine. Ces nouvelles conditions de
fonctionnement vont peut-être intervenir dans les façons de voir
la formation. Enfin, la formation des manipulateurs laissent une très
grande part à l'apprentissage des soins. Le cursus actuel et
probablement le futur en construction, offre des stages en unité de
soins. Pendant mon année de faisant fonction, j'ai suivi la promotion
qui devait effectuer ces stages et je pense, dans une optique de retour
à ce poste, que mieux connaître ces lieux de stage et la
représentation IDE me permettra de développer les relations avec
eux et porter bénéfice à l'étudiant.
Je décide pour ces premiers entretiens d'interroger
deux personnes qui regroupent plusieurs critères :
- être infirmier en unité et non cadre de
santé en unité car les infirmiers encadrent quotidiennement les
étudiants dans leurs pratiques et ils sont l'objet de mon constat.
- qui accueillent des étudiants
régulièrement en stage. Pour moi, il faut que l'accueil des
étudiants soit une pratique usuelle car les encadrants sont alors
susceptibles de mieux connaître la formation et les formateurs.
- travaillant dans le même hôpital et accueillant
des étudiants des trois années de la formation, provenant du
même IFSI ; questionner les soignants recevant le même public de
stagiaires devait me permettre d'avoir des données fondées sur
les mêmes références.
- qui aiment encadrer des étudiants. En effet je fais
le choix d'interroger des personnes susceptibles de s'intéresser au
sujet fixant l'axiome que des gens non intéressés ne pourraient
m'apporter des éléments exploitables.
1.3/ Consignes
J'établis une grille d'entretien semi directif
composée d'une première partie visant à faire connaissance
avec la personne et à la mettre à l'aise dans l'interaction en
parlant d'elle de manière à favoriser la libre parole. Une
deuxième partie reprend une question de démarrage ouverte et
trois autres me permettant une investigation plus poussée.
Je m'aperçois très vite pendant les entretiens
que je dévie de cette grille et que je rebondis sur d'autres questions.
Ceci dit, j'ai conservé le même squelette pour les deux
personnes :
1/ Que pensez vous de la formation des étudiants, en
général ?
3/ Que pensez vous du rôle du formateur ?
4/ Selon vous, que fait un formateur ?
5/ Selon vous, pourquoi devient-on formateur ?
1.4/ Déroulement et ressenti
du premier entretien
J'ai sollicité la cadre du service pour m'adresser
à une IDE5(*) qui
aime encadrer des étudiants et qui serait disponible. Elle n'avait pas
prévenu la personne le jour de l'entretien mais elle lui a
expliqué le moment venu. J'ai attendu vingt minutes qu'elle soit
disponible.
Nous n'avions pas de salle, je l'ai laissée trouver.
Nous allons dans le salon des familles, comme c'est le matin, il n'y a pas de
visites. Nous n'avons pas été dérangées. Je lui
explique la consigne. Nous nous sommes assises, elle derrière la table,
moi sur le côté pour ne pas avoir trop d'éloignement avec
elle.
Au début, j'avais peur qu'elle veuille en finir
très vite et je pensais qu'elle n'avait pas envie de répondre car
elle m'avait fait attendre.
Je demande des renseignements sur elle pour commencer. Elle me
répond d'emblée avec le sourire. Puis je pose les consignes.
Dès la première question, je sens son
raisonnement embrouillé, je me demande si mes questions interpellent.
Puis son discours devient plus fluide et son intonation de plus en plus
franche. Je comprends qu'elle est entrée dans le sujet, j'en profite
donc pour enchaîner sur mes questions et rebondir sur certains de ses
propos.
Je la sens impliquée dans le sujet, de même elle
se permet d'exprimer sa pensée avec franchise quitte à
provoquer : « il faut le reconnaître »,
« il y en a hein ? ». Elle me donne
également des exemples pour illustrer ses dires.
Je n'étais pas très à l'aise d'attendre
avant l'entretien, j'avais l'impression de la gêner. Je pensais que
j'allais pouvoir ne poser que très peu de questions et que l'entretien
serait vite écourté. Mais ce ne fût pas le cas. Comme elle
a tout de suite répondu avec intérêt, j'ai
été plus à l'aise et j'ai pu enchainer sur d'autres
questions. La parole d'un côté comme de l'autre devenant plus
fluide, nous étions toutes deux entrées dans un climat de
confiance où l'expression était libre.
1.5/ Déroulement et ressenti
du deuxième entretien
Le deuxième interviewé est faisant fonction
cadre de santé infirmier. Au début, je me demandais si cela
n'allait pas biaiser les réponses. Mais il n'a pas fait la formation
cadre de santé et je le sais impliqué dans l'encadrement des
étudiants, dans la mesure où il les suit
régulièrement sur les soins. C'est pourquoi il correspondait au
profil que je recherchais.
J'ai utilisé la même grille d'entretien que
précédemment sur laquelle j'avais consigné les questions
de relances. J'espérais peut être avoir l'occasion de les reposer
ici de sorte à analyser des éléments comparables.
J'étais très détendue et lui
également. Nous avons été dérangés pendant
la première partie de l'entretien puis l'entretien s'est
déroulé sans contrainte.
Certains de ses dires me font affirmer qu'il a
complètement exprimé sa pensée :
« ça me gêne beaucoup »,
« je pense que ça peut être une bonne
chose ».
1.6/ Synthèse des
déroulements et ressentis
La population choisie me semble adaptée au sujet car
tous les deux ont finalement été à l'aise et se sont
exprimés en toute transparence en donnant leurs avis.
A la fin de ces deux entretiens je me suis sentie un peu
perdue et j'ai compris que mes questions étaient trop vastes. De plus,
à la retranscription, le soir même, certains passages m'ont fait
penser que j'aurais pu relancer sur des thèmes précis qu'ils ont
abordés et qui auraient pu m'apporter des éléments
précieux de recherche. Cela allait me servir de leçon.
Je devais recentrer les prochains entretiens sur une seule
question ouverte mais ciblée.
II - ANALYSE DE LA PREMIERE
VAGUE
Pour effectuer l'analyse, j'ai choisi de recouper les
données des deux entretiens afin de mettre en exergue les items qui
pourraient être communs à la perception de la population cible. En
commençant par repérer les thèmes communs
récurrents, j'ai ensuite recherché si les expressions verbales
avaient le même sens ou non. Cinq items se sont dégagés
avec essentiellement des points communs.
2.1/ Thèmes récurrents communs :
· Le nouveau référentiel de
formation :
Ils ont des doutes quant à l'efficacité du
nouveau référentiel de formation mais en attendent des
résultats qualitatifs : « quel sera le niveau des
étudiants dans l'avenir ? », « il y a
un peu de questionnement par rapport à ça », pour
l'une et « je pense que ça peut être une bonne
chose », « Mais on est dans le
doute », « je suis un peu inquiet sur la
manière dont ça va se mettre en place » pour
l'autre.
· Le rôle du formateur est
limité à quelques actions :
Aucun ne m'en parle spontanément quand je leur pose des
questions sur la formation. Ils restent centrés sur la formation en
stage et n'aborde pas la formation en institut. Quand je leur pose la
première question sur le rôle du formateur, les deux commencent
par un silence et une réflexion avant de répondre, voire une
répétition de la question avec intonation de difficulté :
« que fait un formateur ? (silence). Et bien ma
foi, ... »
Pour la première, le rôle se limite
à « il prépare les cours »,
«Bah, il guide les étudiants dans leur
cursus (silence) , ils prennent aussi contact avec les
différents intervenants pour organiser, planifier les cours
(silence) », « ils viennent
évaluer ».
Pour le second, « on a beaucoup de cours
à préparer donc beaucoup de temps à passer »,
« Les copies à corriger, je pense pas qu'il y en ait
énormément », « il y a aussi
programmer les agendas, prévenir les intervenants, les faire venir,
etc. », « je pense qu'il y a aussi des animations
au niveau de groupes de travail au sein de l'IFSI »,
« Et certainement d'autres choses invisibles qui doivent prendre
un temps énorme », « peut être des
discussions par rapport à des cas particuliers d'étudiants qui
sont peut être en difficulté ou de la
paperasse ».
De manière générale, les
onomatopées (soupirs), les gênes avant de répondre, les
silences et les mots utilisés témoignent d'une
méconnaissance du travail du formateur, et laissent place à des
suppositions : « et bien ma foi »,
« bah ... », « je
pense », « certainement »,
« peut-être ».
· Les relations avec le
formateur :
Il faut attendre que je leur pose la question avant qu'ils
abordent le sujet.
La première interviewée souligne un manque de
relation : « on les voit pas beaucoup »,
« à part si ils viennent en MSP6(*) mais non c'est vrai qu'on les
voit pas trop nous ». En cas de souci avec un étudiant,
elle reconnaît passer par le cadre du service, voulant respecter une
« hiérarchie » mais ne s'est pas
posé la question de voir avec un formateur : « Je
pense que, même nous on pourrait directement voir avec le formateur,
parce qu'il est cadre aussi ».
Pour le deuxième, les rencontres ou échanges
avec le formateur ont bien lieu mais pour des moments précis
formels : « quand ils viennent faire leurs
évaluations, on les rencontre, donc on peut discuter avec eux
également donc il y a un certain partage qui se fait et on ...
communique également par téléphone ou par mail notamment
pour la programmation d'évaluation ou savoir comment se passe un stage,
si éventuellement on contacte l'école ».
Je me demande si cet écart correspond au fait qu'en
tant que faisant fonction, il rencontre plus facilement le formateur pour ces
moments formels. Ceci dit, le thème suivant traduit d'un temps de
rencontre restreint.
· Les attentes du professionnel face au
formateur :
Les propos des deux interrogés traduisent des attentes
envers le formateur.
L'IDE cherche des réponses auprès du formateur
de ce qu'il attend d'elle : « j'ai posé la question
à la formatrice par rapport à ce qu'on allait nous
demander », et de comprendre ce qu'elle doit faire :
« j'aimerais au moins avoir une information »,
« je voulais me renseigner ». Elle souhaite aussi
que le formateur « s'informe auprès de l'équipe du
déroulement du stage ». Je comprends qu'elle souhaiterait
donner son avis sur les étudiants qu'elle reçoit. D'ailleurs,
pour cela elle voudrait pouvoir « les joindre facilement, [et]
qu'ils soient à l'écoute de l'équipe »,
surtout pour les cas difficiles. Ce qui m'interpelle car dans la suite de son
discours, elle semble vouloir que les formateurs les écoutent lorsqu'ils
signalent qu'un étudiant n'est pas à sa place dans la
formation : « qu'ils soient à l'écoute de
l'équipe parce que des fois quand il y a des étudiants pour
lesquels c'est pas toujours très facile ; c'est pas évident
quoi. On veut pas non plus être ... je dirais méchant ; mais
y a des étudiants qui n'ont rien à faire dans la formation. Et
malheureusement quand il arrive des gens en deuxième, troisième
année, on se dit qu'est ce qu'ils ont fait avant, quoi.... (Sourire) il
y en a hein ? ».
Quant au faisant fonction, il souhaite que le formateur lui
transmette les données essentielles qu'il demande à
l'étudiant de connaître : « Après si
c'est fait à l'école, bien transmettre sur les terrains de stage
de bien vérifier que l'étudiant doit savoir faire ça,
ça, ça ». Il attend de la présence accrue
sur le terrain (notamment grâce au nouveau référentiel de
formation) : « ils [les formateurs] auront plus de
temps pour être présents sur le terrain et ainsi mieux accompagner
les étudiants. Ça va être une bonne chose par
contre » et un rôle de lien : « il est
important que les cadres formateurs ... ils vont être le lien par rapport
au terrain ».
· Les
représentations :
Par la question, selon vous, pourquoi devient-on formateur, je
m'attendais à voir s'exprimer des idées préconçues
sur le formateur. Ce qui à mon avis, s'est vérifié. Le
premier entretien permet de dégager deux idées : d'un
côté, le formateur est celui qui transmet son savoir
(« savoir transmettre son savoir »), de l'autre,
le cadre est formateur pour son confort personnel : « on
peut être formateur parce qu'il y a des horaires de jours hein, faut pas
se leurrer... les horaires de jours sont très
attractifs ». De plus, à deux reprises, il ressort, pour
la première, que les formateurs « doivent toujours
être à la recherche des nouvelles techniques aussi dans les soins,
parce que des fois ils sont aussi un peu à la ramasse
(rire) », « Bah oui, il y a des fois, il y a un
décalage et puis ce qui est tout à fait normal
quoi », « Enfin moi déjà je sais
qu'on a appris des choses [...] bon, ça se faisait plus
quoi ».
Tandis que le deuxième entretien renvoie plutôt
à la première idée : « Je pense,
déjà faut avoir une base pédagogue »,
« Après formateur, c'est un transfert de
connaissances ».
Puis spontanément, il apparaît une notion de
différence entre le cadre d'unité et le cadre formateur :
« On peut être apte à faire les 2 mais on peut
quelque fois être apte à faire l'un OU l'autre mais pas
forcément l'un et l'autre », le cadre d'unité
ayant un rôle de manager et le cadre formateur doit avoir
« un contact particulier avec
l'étudiant ». La première corrobore ces
dires sur la différence entre cadre formateur et cadre en
unité : « c'est clair que je
préférerais à la limite être formateur qu'être
cadre dans un service parce que là, c'est pas du tout la même
chose quoi ».
2.2/ Conclusion de la première vague
Tableau 1 : synthèse
de l'analyse de la première vague
THEMES
|
IDE
|
IDE faisant fonction cadre de santé en
unité
|
Le nouveau référentiel de formation
|
Questionnement quant à la qualité de
formation
|
Doute, inquiétude, grandes attentes pour un meilleur
encadrement
|
Le rôle du formateur
|
Pas spontané, manque de connaissance du rôle,
rôle restreint
|
Pas spontané, suppositions
|
Les relations avec le formateur
|
Peu de rencontres,
Mauvaise expérience
|
Rencontres pour les moments formels,
Bonnes expériences
|
Les attentes
|
Des renseignements sur ce que le formateur attend d'elle,
des réponses à ses questions, des échanges, un retour,
enthousiasme
|
Grandes, du temps sur le terrain, un lien avec le
terrain, des échanges
|
Les représentations
|
Un formateur transmet son savoir mais aussi
recherche un confort de vie par les horaires de jour, un formateur en
décalage avec la réalité dans son discours
théorique, rôle du cadre différent du cadre de
santé en unité
|
Un formateur transmet son savoir,
pédagogue,
Rôle différent du cadre de santé en
unité
|
Grâce à ce tableau, nous pouvons remarquer que
ces deux personnes ont le même discours sur des mêmes
thèmes : les relations avec les formateurs sont peu existantes, les
professionnels ont des attentes réelles envers les formateurs, ils
participent avec coeur à la formation des étudiants, leurs connaissances sur le rôle du formateur
restent floues, ce qui se traduit par leurs représentations.
SYNTHESE DE LA PREMIERE VAGUE
Nous dégageons des idées essentielles apportant
des éléments à notre question de départ.
Le rôle du formateur tourne donc autour de trois
éléments : relations avec le terrain de stage, attentes des
soignants et représentations. L'infirmier a des attentes envers le
formateur et notamment en termes de relations fondées sur les
représentations qu'il a de la fonction de formateur. Pour mieux les
comprendre, je me dois alors d'approfondir ma recherche avec cette nouvelle
question :
Dans le cadre de la professionnalisation de
l'étudiant, quelles relations souhaitent développer les soignants
et quelles attentes ont-ils du formateur ?
CHAPITRE II
DEUXIEME VAGUE D'ENTRETIENS
I - CADRE DES ENTRETIENS
1.1/ Objectifs
A ce stade les objectifs se veulent progressifs.
- Corroborer les items repérés dans les deux
premiers entretiens.
- Affiner les représentations en termes de relations et
d'attentes du soignant encadrant les stagiaires envers le formateur.
- Recentrer vers le but d'un encadrement efficient de
l'étudiant paramédical.
- Tenter de développer une problématique en
rapport avec ces représentations.
1.2/ Population choisie
Je choisis de continuer à interroger des soignants qui
répondent aux mêmes critères que pour la première
vague d'entretien, toujours dans cet esprit de pouvoir comparer des
éléments qui soient comparables. Etant donné que j'ai
décidé de découvrir les représentations d'une
population donnée, je pense qu'en changeant de population, je
n'étudierais pas les mêmes contenus de représentations.
1.3/ Consignes
Je choisis de moins cadrer l'entretien et de laisser plus
libre cours à l'expression de l'interviewé pour qu'il puisse
m'apporter des éléments nouveaux et plus spontanés. Je
mène donc un entretien non directif avec la même méthode
d'accroche que pour la première vague (connaissance de la personne) mais
avec une question écrite unique puis des questions ou des
réflexions à caractère de relance de la discussion.
J'espère faire exprimer une notion de lien ou de non lien entre
formateur et soignant. La question posée est :
Qu'apportent à l'étudiant le professionnel
en stage, et le formateur en institut ?
1.4/ Déroulement et
ressenti du troisième entretien
J'ai demandé au cadre de santé d'un service de
soins l'autorisation d'interroger une des infirmières. Je lui ai
proposé de me faire venir dès que la situation dans le service
permettait de libérer cette personne entre une demi-heure et trois
quarts d'heure. Sur ses conseils, je me présente donc après les
transmissions de l'après midi. Il me présente à une
infirmière qui me confirme avoir le temps nécessaire à me
consacrer.
Dès le début je la trouve intimidée.
J'explique cela par son jeune âge, cela fait 2 ans ½ qu'elle
travaille. Pour la mettre plus à l'aise, je lui réexplique
l'objet de ma démarche avant de sortir mon enregistreur.
L'entretien a duré trente minutes et s'est
déroulé au calme dans le bureau du cadre sans que nous ne soyons
jamais dérangées.
Je lui ai donc posé la question puis j'ai dû
beaucoup relancer, reformuler, utiliser des exemples devant ses réponses
très courtes.
J'ai vraiment cherché à la faire parler le plus
spontanément possible. Malgré cela, elle est restée
intimidée tout au long de l'entretien et même si elle me
répondait toujours avec de l'implication, elle n'a jamais vraiment
développé ses idées. J'ai donc constamment cherché
à les approfondir.
J'ai été quelque peu déroutée
devant sa timidité et ses réponses courtes. Cependant elle
s'exprimait de façon claire. Puis elle n'allait jamais sur le terrain
vers lequel je voulais l'emmener. Ce qui est pour moi intéressant et
mérite d'être analysé. En effet, il n'y avait peut
être pas lieu de lui prêter des représentations qu'elle n'a
pas. Finalement, j'ai vraiment eu l'impression d'un entretien laborieux
espérant pouvoir en extraire des points pour mon analyse. C'est à
ce moment que je me rends compte de la difficulté de faire soi
même abstraction de ses propres représentations pour mener ce
genre de recherche. Malgré cette impression, l'analyse montrera que son
discours fait ressortir des éléments intéressants pour
cette investigation.
1.5/ Déroulement et
ressenti du quatrième entretien
De la même façon que pour les
précédents entretiens, j'ai sollicité un cadre de
santé de service de soins qui m'a de suite orientée vers un
tuteur d'étudiant qui a cinq ans et demi d'expérience
professionnelle. Je l'ai rencontré et nous avons pris rendez vous pour
le lendemain. Dès que je suis arrivée, il a de suite cessé
son activité et nous nous sommes isolés dans l'office. Il s'est
exprimé de façon claire et convaincue. Nous avons
été dérangés à trois reprises pendant un
très court instant mais il a continué son discours sans
être perturbé par ces entrées sorties. Je me suis en
revanche poser la question de ces dérangements sur ses réponses
mais je me suis très vite rendue compte qu'il était imperturbable
car il ne faisait aucune pause dans son débit de parole. L'entrevue
s'est prolongée durant quarante-cinq minutes.
Tous les deux étions très à l'aise et je
pense qu'il s'est exprimé en toute franchise. J'ai ressenti un entretien
très riche, dans lequel ressortaient beaucoup d'informations qui
allaient m'être utiles pour ma recherche. J'ai eu l'impression de
relancer correctement sur ses dires vers l'objectif que je me suis fixé.
Je pense que cet infirmier s'est déjà posé beaucoup de
questions sur l'encadrement ; Pour lui, « C'est quelque
chose qui prend une part importante dans [son] travail, de prioritaire depuis
le début ». Ainsi, je trouve qu'il avait des idées
très forgées sur le sujet, comme nous allons le voir et qui
correspond au thème des représentations.
1.6/ Synthèse des
déroulements et ressentis
Le deuxième entretien de cette série,
initialement, me semblait plus exploitable que le premier. Je l'explique par
l'intérêt que j'ai porté au deuxième discours et par
le fait d'avoir été beaucoup plus à l'aise avec le
deuxième soignant. Les deux se sont montrés toutefois très
investis dans l'encadrement des étudiants. Les deux personnes ont fait
montre d'une capacité à se remettre en question quant à
leur comportement face à l'encadrement des stagiaires : «
ça nous permet de nous remettre en question des fois ».
Ce que j'ai trouvé très intéressant dans leur recrutement.
De plus, je me suis sentie davantage à l'aise dans la conduite des
entretiens, gardant toujours à l'esprit les objectifs cités peu
avant.
II - ANALYSE DE LA DEUXIEME
VAGUE
Je procède de la même méthode que pour la
première vague. J'ai ainsi dégagé six items :
2.1/ Thèmes
récurrents communs :
· La théorie et les
bases :
A la question posée, les
réponses d'emblée sont tout à fait superposables. La
première répond : « Je dirais que le formateur
apporte peut être plus tout ce qui est théorique» et le
deuxième : « pour moi, le formateur en institut
ça va apporter la partie théorique ».
D'emblée, également, il y a une opposition avec
l'infirmier : « mais nous, dans les services, c'est plus la
pratique », « l'infirmier va plutôt lui adapter
ça à la réalité du terrain ». De
prime abord, il semble donc que, selon eux, les rôles soient
partagés. D'un côté, il y a le formateur et de l'autre
l'infirmier avec chacun un rôle bien distinct vis-à-vis de
l'étudiant. Je reviens d'ailleurs dix et quinze minutes après le
début de la discussion sur ce rôle formateur
précisément. Pour l'infirmier, son rôle, «
c'est d'apprendre », comme pour la première où
« il faut avoir envie d'apprendre aux autres ce qu'on
connaît ». Je creuse alors pour savoir ce qu'ils entendent
par théorie. Les deux la comparent aux
« bases », « Il va nous donner à
l'étudiant la base pour pouvoir travailler sur le terrain. Pour moi
c'est ce rôle là. ».
J'ai tenté alors de savoir à quel moment il y
avait interaction au niveau des acteurs pour traiter du sujet des relations.
· L'étudiant comme lien entre terrain
de stage et institut :
Pour la deuxième question, je les ai donc
orientés à partir de ce qu'ils venaient de me dire. Je n'ai pas
voulu directement employer les termes de relation, de lien ou même de
formateur pour ne pas induire leur réponse. Je cherchais à voir
dans quelle mesure l'idée de coopération des acteurs leur
venaient. J'ai donc demandé d'une part : « comment
vous arrivez à savoir où elles en sont au niveau
théoriques quand elles [les étudiantes
infirmières] arrivent en stage ? » et d'autre
part, « Vous dîtes adapter « faire le rapport
entre ce qu'on leur apprend théoriquement » et quels
renseignements avez-vous de ce qu'ils apprennent théoriquement ... pour
pouvoir faire un rapport, étant vous, sur le
terrain ? ». De la même façon, je retrouve une
réponse conjointe. L'étudiant apparaît comme le relai de
l'information entre eux et l'institut. Quand l'une répond à
plusieurs reprises « On leur demande quels modules elles ont
passé », « on va demander aux étudiants, ce
qu'ils ont vu en cours », l'autre répond après un
sourire et une certaine gêne que « c'est leur bonne parole,
quoi. On leur demande comment ils ont appris le soin, comme on dit en
technique ». J'en ai déduit de sa gêne qu'il admet
que se référer à l'étudiant peut être sujet
à erreur et interprétation. Il se justifiera par la suite en
précisant que l'étudiant n'est pas infaillible car
« le problème des étudiants, c'est que si on leur
donne une certaine quantité d'informations, on sait qu'ils vont en
sélectionner et en garder qu'une partie » ou
« il fallait se fier à la bonne foi de l'étudiant
aussi, de ce qu'il avait retenu ». Ainsi il reconnaît que
« c'est l'étudiant qui fait le lien ».
Ici l'étudiant transmet aux soignants ce qu'il apprend à
l'institut.
De là j'ai de nouveau cherché à leur
faire parler du formateur dans cette relation a priori tripartite.
· Des relations jusqu'ici très faibles
avec l'IFSI :
En accord avec la première vague, spontanément,
ils ne me parlent pas du formateur. Ils reconnaissent un manque de relation
avec lui : « c'est vrai qu'on n'a pas de lien entre les IFSI
en fait ». La première personne dit clairement quand je
lui pose la question de savoir si elle connaît les formateurs que
« Non, ... je connais des noms mais ... ». Ceci ne
leur a d'ailleurs à tout deux jamais apporté de freins ou de
bénéfices car autant pour la première «
ça m'a jamais gênée de pas connaître »,
que pour l'infirmier, même si ce rôle de lien de
l'étudiant est peu fiable, par le nouveau référentiel, le
lien se fera non plus par l'étudiant mais par le tuteur du service
nouvellement choisi avec l'application du nouveau référentiel de
formation. Il n'aborde alors toujours pas le rôle du formateur. En effet,
pour lui, « réellement je pense que ça va donner un
plus et je pense que ce tuteur c'est vraiment le lien entre l'IFSI et le lieu
de stage, et le terrain. ». Ici les faibles relations sont
perceptibles et les étudiants comblent le lien.
Je choisis donc après dix minutes pour les deux
entretiens d'orienter mes questions vers le rôle du formateur.
· Un rôle peu
connu :
« Quel va être plus
précisément le rôle du formateur ? » ou
« c'est quoi leur
rôle ? ». De nouveau, la
réaction est similaire aux deux premiers entretiens. J'obtiens une
longue réflexion illustrée par un silence sur les
enregistrements. Le deuxième interviewé est gêné par
la question puis - silence- rire - hum hum - « c'est une
très bonne question. » - Rire-. Je compte donc
sur cette gêne pour leur demander plus de précisions.
J'espère ainsi leur faire exprimer leur représentation de ce
qu'ils pensent du formateur alors qu'ils ne connaissent pas réellement
la fonction.
·
Représentations :
J'ai donc pu recenser un ensemble de missions et de
qualités attribuées au formateur.
Si je combine les deux discours, outre
« apporter la théorie » dont nous avons
déjà parlé, il incombe au formateur de
« transmettre son savoir », ou
« C'est vraiment donner, comment dire, ... un ensemble
d'informations pour que l'étudiant, puisse ensuite vite les
réadapter au terrain », ou
« trouver les solutions pour aider ». Ses
qualités sont « la pédagogie »,
« Une qualité d'écoute aussi »,
« la patience », « la
curiosité » et « qu'il ne porte pas
jugements ». Ce dernier point semble d'ailleurs
préoccuper nos deux interrogés. « Faudrait qu'il
soit tourné vers l'étudiant mais, ... je trouve pas les mots ...
quelqu'un de compréhensif, qu'il comprenne l'étudiant, qu'il
porte pas de jugement si ça va pas » pour la
première et le second, à travers deux exemples de vécu
avec des formateurs, affirme qu'avec le système actuel de MSP,
« on n'a pas une évaluation qui je trouve est
représentative de certaines qualités de
l'étudiant ». Celui-ci met le poids de ce défaut
sur les formateurs en hésitant dans le flux de son discours à
incriminer directement le formateur : « ... c'est peut
être un peu dur ce que je vais dire mais, il y a certains formateurs qui,
... enfin où les évaluations n'étaient pas
justes ». De là découle un des rôles tel
qu'il est perçu par le soignant « pour moi c'est pas le
rôle du formateur de mettre en difficulté
l'étudiant ». Le formateur est donc tourné vers
l'étudiant pour lui apporter une aide, sans le mettre en
difficulté et quelqu'un de compréhensif, qui ne porte pas de
jugement.
Je commence alors à identifier une relation du
formateur vers l'étudiant reposant sur l'aide.
Je pousse l'investigation sur cette notion de relations.
Jusqu'ici faiblement existantes entre les terrains de stage et l'institut,
elles restent cependant un point duquel il émane des attentes.
· Les attentes en termes
d'échange :
Même si ce sujet n'est pas abordé
spontanément, les discours sont ponctués
régulièrement par cette notion d'échanges avec le
formateur. Je vais volontairement distinguer les propos des deux personnes car
leurs avis apportent différents éléments
intéressants.
En ce qui concerne la première interrogée, au
moment où elle aborde le thème du nouveau
référentiel de formation, elle suppose que « peut
être qu'on les verra pour faire le point avec
l'étudiant ». J'en profite pour la relancer sur ses
propos. Elle ajoute que « c'est important pour nous et pour
l'étudiant aussi ». Quand je lui demande sous quelle
forme elle imagine cette mise au point, elle est catégorique :
« je pense qu'il faut que ce soit une rencontre. Qu'il y ait le
formateur, l'étudiant et l'infirmière qui est
référente [...] sous forme de discussion ».
L'échange apparaît ici comme un moment charnière dans la
formation et pour l'étudiant, « parce que ça
va lui permettre d'avancer, de s'évaluer, de se remettre en
question » que pour le soignant « et pis nous
aussi pour les prochains étudiants de voir ce qui avait
été, ce qui a pas été, se remettre en question nous
aussi ». De même, l'infirmière souhaite pouvoir
demander « ce qu'ils[les formateurs] attendent de
nous ». La place du formateur dans cet échange n'est pas
resituée clairement mais le bénéfice est identifié
pour le soignant et l'étudiant.
En ce qui concerne le deuxième infirmier
interviewé, il replace le rôle du tuteur dans le cadre du nouveau
référentiel de formation, dans l'échange. Celui-ci
« va être vraiment le lien réel entre l'IFSI et
l'étudiant. Donc ça par contre ça fait un point
positif. ». Il affirme que ce lien permettra au tuteur d'aller
se renseigner sur toutes les nouvelles techniques de soins auprès des
IFSI pour ensuite en informer les équipes de soins du service.
Plus loin, il reprend ce « temps de
rencontre » comme étant un temps où il va pouvoir
« créer des liens avec les
formateurs ». Je cherche à savoir dans quel but il
souhaite créer ces liens. Il ajoute qu'il attend du formateur
« de nous apprendre à évaluer ». Son
« grand souci » étant
« d'être le plus juste possible dans
l'évaluation », il compte sur le formateur pour
l'aider : « je pense que la personne numéro 1 qui va
me permettre de passer le cap en me disant si je peux valider ou pas, ça
sera le formateur ». De même le tuteur « va
pouvoir avoir des informations beaucoup plus claires et directement avec l'IFSI
puisqu' [ils] travaillent en étroite collaboration ».
Dans ce cas, le tuteur devient pièce centrale de l'échange qui
reçoit du formateur et transmet à l'équipe, le but
étant « d'avoir une évaluation très juste et
très correcte » de l'étudiant.
Dans les deux cas, si le formateur a un rôle essentiel
envers les étudiants, l'attente du soignant reste tournée vers
lui-même. Le formateur doit devenir une aide pour le soignant.
2.2/ Conclusion de la deuxième vague
Tableau 2 : synthèse
de l'analyse de la deuxième vague d'entretiens
Thèmes récurrents
|
IDE 3
|
IDE 4
|
La théorie et les bases
|
Rôle du formateur spontanément cité
|
Rôle du formateur spontanément cité
|
L'étudiant comme lien
|
« on va demander aux étudiants, ce qu'ils
ont vu en cours »
|
Reçoit une quantité d'informations
détaillées et les transmet aux soignants
|
Des relations jusqu'ici
très faibles
|
Ne les connaît pas et cela ne la
« gène » pas
« on les [les formateurs] voit pas
sauf si ils [les étudiants]
évalués »
|
« c'est vrai qu'on n'a pas de lien entre les
IFSI en fait »
|
Le soignant connait mal le rôle du
formateur
|
Pas de réponse spontanée, silence
|
Pas de réponse spontanée, silence
|
Représentations
|
Transmission de savoirs
Patient
Compréhensif
Pas de jugement
|
« Donner cette acquisition de savoirs et de
bases »
pas de jugement
ne pas mettre en difficulté
|
Les attentes en termes
d'échange :
|
Rencontre entre formateur, étudiant, infirmière
référente
|
Rencontre entre IFSI et tuteur
« il faut qu'il y ait un lien »
(sous entendu les tuteurs)
« étroite
collaboration »
recevoir des informations des formateurs, aller les chercher
et que les formateurs leur donnent
|
2.3/ Analyse croisée avec
la première vague
Nous retrouvons des thèmes prépondérants
émergeant de ces quatre premiers entretiens.
La première similitude que je retiens est ce
manque de connaissance du rôle du formateur.
En termes de représentations, le
formateur reste cantonné à son rôle de transmission des
savoirs et des bases à l'étudiant. Le décalage avec la
réalité apparaît de façon moins flagrante pour la
deuxième vague. Pareillement, pour le second, même s'il ne sait
pas où ils prennent leurs informations, il est un fait que les
formateurs se tiennent au courant des nouvelles techniques de soins et ne sont
donc pas en décalage. C'est pourtant de là que partait mon
constat. Ce « décalage » est le constat que
j'attendais de façon flagrante de ces entretiens. Ayant eu deux
réponses sur quatre abondant dans ce sens, je mets cette idée de
côté en attendant de voir si elle resurgira dans les entretiens
ultérieurs.
Les rencontres sont pour tous jusqu'à
présent peu fréquentes si ce n'est pour des
moments formels. Peut être que ceci explique que les
attentes se traduisent dans les quatre cas par une
volonté d'échange.
Ceci répond à la question des relations
souhaitées par le personnel soignant avec le formateur. Il attend plus
d'échanges qui se traduiraient par des rencontres. Dans
deux cas, l'infirmière demanderait ce que le formateur attend d'elle en
tant qu'encadrante de stagiaire ou de manière générale
tous attendent des réponses à leurs questions, ou une aide dans
leurs démarches d'encadrement.
A noter que cet espoir d'échange est ravivé par
l'arrivée du nouveau référentiel de formation IDE mis en
place pendant la période de mes entretiens.
Il m'a semblé voir apparaître dans cette partie
une nouvelle notion autour du jugement. Je me souviens alors
de la première interrogée qui disait « il faut
être formateur juste ». Je rapproche ces deux points car
dans l'analyse, quand l'un dit que le formateur ne doit pas
« porter de jugement », un autre s'interroge sur
« comment être le plus juste possible ? ».
Je rajoute ces points en termes d'attente sur la posture du formateur :
être juste et ne pas porter de
jugement.
SYNTHESE A L'ISSUE DE LA
DEUXIEME VAGUE
La question à laquelle je devais répondre ici
était : dans le cadre de la professionnalisation de
l'étudiant, quelles relations souhaitent développer les soignants
et quelles attentes ont-ils du formateur ?
A ce stade, j'ai pu identifier une attente commune envers le
formateur. Les personnes soignantes attendent des échanges et
des postures bien déterminées. Le lien entre les
protagonistes apparaît à deux reprises comme étant la
clé de voûte de ces échanges mais la personne jouant ce
rôle n'est pas clairement identifiée. Les rencontres peu
fréquentes avec le formateur et le manque de connaissance
démontré de son rôle et les représentations
induites, jouent sur ces attentes. En effet, si les personnes
interrogées ont des attentes auxquelles les formateurs doivent
répondre, c'est que leurs représentations, pour moi, leurs
dictent que les formateurs ne répondent pas encore à ces
exigences. Si je parviens à identifier comment se sont forgées
ces représentations, je parviendrai peut être à identifier
en quoi elles freinent ou favorisent les relations. Dans quel cas, je pourrais
m'appuyer sur les leviers favorisant ces relations en tant que cadre de
santé.
En tous les cas, la relation est attendue comme allant du
formateur vers le soignant ou vers l'étudiant.
TRANSITION
QUAND LA THEORIE S'IMPOSE
I - EVOLUTION DE MA RECHERCHE
A ce stade, je me suis heurtée à une
problématique pour continuer. Quatre entretiens se sont
révélés concordants dans mes analyses. Les continuer dans
ce même esprit ne me semblait pas évolutif. Malgré la
démarche commune des soignants et des formateurs qui visent à
l'accompagnement des étudiants dans leur professionnalisation, de mon
constat émerge le fait que leurs relations répondent à
d'autres logiques que des logiques rationnelles. Dans la discussion avec le
directeur de mémoire, nous avons conclu qu'il convenait de se pencher
sur la notion de « représentations ». Le fait de
comprendre comment se construisent les représentations, ce qui les
structure, me permettra de mieux les identifier dans les discours. Une fois
identifiés dans cette recherche empirique, grâce à l'apport
de la recherche théorique, je souhaiterais pouvoir trouver une posture
permettant d'agir en amont ou en aval de ces représentations pour
favoriser les échanges.
En effet si le formateur connaît les
éléments qui participent à la formation des
représentations, l'impact que celles-ci ont sur les échanges et
la professionnalisation de l'étudiant, ou encore ce qui les rend stables
ou mouvantes, il va pouvoir orienter ses actions, les préparer en
fonction du bénéfice qu'ils auront convenu ensemble d'apporter
à et avec l'étudiant.
Denise Jodelet, par son ouvrage « Les
représentations sociales », (2003), m'a permis de mieux
comprendre la notion mais surtout ce qu'elle implique. Que les relations soient
influencées par les représentations de chacun des acteurs est un
fait observé et vérifié par les chercheurs. Mon travail
est bien de voir en quel sens le formateur va pouvoir agir pour faire que ces
représentations influent positivement voire le moins négativement
possible sur la relation au bénéfice de la formation de
l'étudiant. Il était donc bien nécessaire en
préalable d'identifier la nature des représentations des
soignants sur les formateurs. Ces deux acteurs sont des piliers de la formation
et l'idée que je développe ici est que chacun se doit de prendre
en compte l'autre, son rôle spécifique et complémentaire
envers l'étudiant pour sa professionnalisation. Certes je pourrais
traiter des représentations des formateurs sur les soignants ou des
étudiants sur les formateurs, mais je souhaite bien ici travailler ma
posture future dans mes relations avec les professionnels encadrant en stage.
Comprendre les représentations de ces futurs partenaires est
déjà faire l'effort d'aller vers l'autre pour a priori mettre de
côté ou revoir mes propres représentations, partant du
principe que des rapports travaillés entre formateurs et professionnels
de proximité ne peuvent qu'influer en positif sur l'apprentissage des
étudiants.
Etudier les représentations est d'avis d'experts, une
voie difficile et périlleuse. D. Jodelet (2003) ou J.-C. Abric (1994)
m'ont, entre autres, permis de relativiser ma démarche et de chercher
son amélioration.
II - UNE METHODOLOGIE
ADAPTEE ?
L'entretien semble être une méthode
appropriée à la recherche des représentations. Toutefois
pour être plus fidèle possible, il faudrait se contenter de
retranscrire mots à mots les dialogues. Mais « Une telle
façon de travailler employée systématiquement tournerait
vite à une forme très artificielle de collage. »
(D. Jodelet, 2003, p.141). C'est pourquoi « tout travail sur des
représentations culturelles est, au moins pour une large part,
interprétatif. Toute interprétation est le produit d'un travail
essentiellement intuitif de l'interprète et obéit à un
critère dont les implications varient selon le point de
vue. » (D. Jodelet, 2003, p.142). Je ne pourrais donc me passer
de ma propre interprétation des propos tenus. Elle se fait en fonction
de mon vécu, mon point de vue et ne peut être dissociée de
son contexte.
En revanche, l'étude des représentations
mériterait une démarche beaucoup plus approfondie et complexe
mais surtout « multi méthodologique »
(J.-C. Abric, 1994, p.53). Je me contenterai dans ce travail d'une partie de la
démarche à savoir les entretiens.
Jean Blaise Grize propose une grille d'entretien sur les types
de questions à poser pour obtenir des réponses fiables sur les
représentations (J.-B. Grize, 2003, pp. 183-184). Tout d'abord, il
existe trois niveaux de représentations : images mentales,
représentations référentielles et systèmes de
relations. « Les questions doivent être formulées de
façon à ce que le sujet soit amené à se placer au
plus haut de ces trois niveaux. » Ensuite, « Les
questions doivent être formulées de sorte qu'elles laissent la
place aux jugements de valeurs, ce qui, de plus, permettra d'avoir facilement
accès aux idéologies sous jacentes. » Enfin, ne
pas demander de définitions. Ce serait « une
représentation de représentation » et donc encore
plus complexe, les représentations le sont déjà
suffisamment.
Je pense avoir laissé la place à l'expression
des jugements de valeurs même si ce n'est pas toujours facile de les
exprimer pour les personnes interrogées. J'espère répondre
à ces critères lors de la troisième vague d'entretiens.
Quant à la population choisie pour ces entretiens, il
apparaît clair que la sélection d'une population homogène
était primordiale. L'étude des représentations n'est en
effet valable que si elle émane d'un groupe social identifié
comme tel. « Un groupe social est un ensemble d'individus
placés dans une même situation sociale, ayant au moins
partiellement conscience de leur identité de situation et réunis
par des activités qui les mettent directement et indirectement en
relation » (S. D'Agostino, P. Deubel, M. Montoussé, G.
Renouard, 2008, p. 352). Je considère donc que les soignants que
j'interroge font partie d'un groupe social dont la situation est :
appartenant au corps paramédical infirmier, réunis dans la
même activité hospitalière, accueillant des
étudiants régulièrement, entretenant des relations avec
les formateurs de ces mêmes étudiants. En outre, je pourrais me
poser la question d'aller interroger des formateurs. Mais si je pars du
principe que les formateurs constituent un groupe différent par leur
activité et leur appartenance à un corps, les
représentations de la formation véhiculées par ce groupe
sont différentes du groupe soignant. Cela confirme donc mon idée
de ne pas modifier la population de ma troisième vague d'entretiens.
Ma question évolue donc vers :
Quels sont les
éléments structurant les représentations des
soignants sur les formateurs et quels sont leurs impacts sur leurs relations
?
CHAPITRE III
TROISIEME VAGUE D'ENTRETIENS
I - CADRE DES ENTRETIENS
1.1/ Objectifs de ces
entretiens
Il s'agit là de comprendre en priorité ce qui
donne naissance aux représentations des infirmiers et quelle est la
nature de leur impact sur la relation soignant-formateur et par voie de fait,
sur la formation de l'étudiant.
Autrement dit, je vais m'attachée à rechercher
l'organisation des éléments constitutifs des
représentations, et identifier en quoi elles ont un impact dans les
relations soignant-formateur aujourd'hui.
1.2/
Population choisie
J'ai rencontré trois infirmiers d'un même
établissement, différent des deux premières vagues. Il
s'agit de trois personnes formées depuis six et sept ans. Elles ne sont
pas nommées tutrices et rentrent dans mes critères de
sélection établis au début en tous points.
1.3/
Consignes
Je reprends l'entretien semi directif pour me concentrer sur
les thèmes que je souhaite aborder.
Les consignes sont :
- Pouvez-vous me raconter vos premières
impressions sur les formateurs ?
Ceci pour comprendre la naissance de la
représentation.
Puis pour comprendre si la représentation s'est
modifiée et en quoi, j'ai souhaité poser la question suivante.
J'obtiendrai également des éléments constitutifs des
représentations.
- Pouvez-vous me raconter un événement
marquant lors d'une rencontre avec un formateur depuis que vous travaillez en
tant qu'infirmier ?
Enfin, pour laisser place aux jugements de valeur :
- A quoi distinguez-vous un bon formateur d'un mauvais
formateur ?
1.4/ Synthèses des
déroulements et ressentis de cette vague d'entretien
J'ai obtenu des rendez vous très rapidement avec les
infirmières. J'ai au préalable rencontré le cadre de
santé qui m'a orientée vers elles après avoir
exposé mes exigences. Elles ont été disponibles de suite
et nous nous sommes isolées dans un bureau soit du médecin soit
du cadre et nous n'avons pas été dérangées. Je dois
dire que les conditions étaient favorables (disponibilité, temps,
tranquillité). J'ai donc posé les mêmes questions et
effectué des relances intermédiaires. Je pense avoir bien
préparé le schéma que je voulais suivre et les quatre
entretiens ont vraiment eu le même fil conducteur avec chacun sa
spécificité de contenu.
Concernant les interviewées, au début, elles ont
trouvé les questions difficiles, n'ayant pas de souvenirs leur venant en
tête immédiatement. Ne voulant pas les orienter en
précisant davantage la question, mes silences ou mes acquiescements
à leurs interprétations ont permis de les laisser parler comme
elles le souhaitaient.
Elles m'ont toutes dit en fin d'entretien avoir
éprouvé de l'intérêt en évoquant leur
expérience.
Pour ma part, j'ai voulu rester concentrée sur leurs
paroles et mon fil conducteur. Je suis ressortie satisfaite du
déroulement avec la sensation d'avancer réellement dans ma
réflexion. L'apport théorique sur les représentations a
été un atout dans le maintien du fil conducteur, de même
qu'il sera un atout fort pour l'analyse des entretiens. Il m'a en effet permis
de porter un regard plus direct sur les notions clés. Comparé aux
deux premières vagues, j'ai eu l'impression de faire une analyse plus
poussée et de lier plus facilement les notions. Il est clair que mon
analyse aurait été différente sans ce regard. Elle en est
d'autant plus riche.
J'ai choisi d'analyser les entretiens un par un de
manière à suivre la logique d'élaboration des
représentations individu par individu.
Ensuite je ferais une synthèse des
éléments recueillis pour tenter d'en dégager une
règle (dans les limites de cette étude et pour la poursuite du
travail).
II - ANALYSE7(*)
2.1/ Analyse entretien
n°5
A la première question,
l'infirmière répond que l'objet formateur « c'est
juste une formatrice qui nous enseigne ». Je trouvais
intéressant de reprendre cette phrase à cause de la
présence de l'adjectif « juste ». Ce terme
placé spontanément, presque inconsciemment, dans le flux de la
parole, souligne pour moi le caractère
« réducteur » de ce qu'elle entend par formateur.
Elle précise sa pensée pour revenir sur une notion
évoquée en première vague à savoir
« je trouve qu'il y a des écarts par rapport à ce
qu'ils veulent nous enseigner et la réalité du
terrain ». En termes de représentation première,
constituant un des éléments
périphériques7 de la représentation de cette
personne, j'identifie la notion d'écart, que je place sur le versant
négatif. De même l'infirmière trouve que ce qui est
enseigné en institut est « très
théorique » et explique sa pensée en disant qu'
« en fin de compte sur la réalité du terrain, c'est
pas du tout ça ». Je place le côté
théorique comme un des éléments
périphériques de sa représentation sous le versant
négatif. Plus tard elle insiste en généralisant
c'est-à-dire qu'elle passe de « une
formatrice » (phrase du début de paragraphe) à
tous les formateurs : « Pour moi personnellement, je
dirais que les formateurs ils n'ont plus l'idée du terrain
actuel ». A la suite de ces propos, elle émet alors une
attente flagrante : « je dirais que les formateurs devraient
venir plus sur le terrain pour voir que la réalité du
terrain... ». Plus après dans l'entretien, elle lie
l'écart du formateur avec son manque de présence sur le
terrain : « je pense que c'est le manque de terrain qui font
que des fois l'écart se fait, se crée ».
Le manque de terrain m'apparaît ici comme le noyau
central7 de sa représentation car c'est la cause de
l'écart du formateur.
En outre, son vécu a été marqué
par une transition difficile entre le moment elle est passée
d'étudiante à infirmière « J'ai
été surprise le jour où j'ai été
infirmière toutes les responsabilités, de tout le travail qu'il y
a à faire » et cela se ressent sur ses actions en tant
qu'infirmière encadrante car elle prend à coeur d'apprendre aux
étudiants ce qu'elle n'a pas eu elle comme apport en institut. En effet,
lorsqu'elle me parle des transmissions orales qu'elle n'a pas appris à
faire en tant qu'étudiante, elle ajoute : « C'est
pour ça que moi, en tant qu'infirmière, j'incite mes
étudiants à faire des transmissions orales ».
Je vais m'arrêter sur cette première partie pour
faire un point qui me parait essentiel dans la construction des
représentations de cette personne. Le premier élément qui
ressort de cette analyse est l'écart du formateur avec le terrain pour
reprendre ses termes. De là, elle s'est forgée une attente qui
est de voir plus souvent les formateurs sur le terrain de manière
à ce qu'ils ne soient plus dans cet écart qui pour elle a
été préjudiciable à son apprentissage.
Ensuite, en fonction de cette représentation, elle est
guidée dans sa démarche d'encadrement, c'est-à-dire que ce
dont elle n'a pas bénéficié, elle souhaite maintenant le
transmettre à l'étudiant. Par conséquent, comme la
théorie nous le confirmera (partie II, chapitre II, pp. 56 à 59),
sa représentation guide son action et lui a créé un
système d'attentes envers le formateur.
Pour continuer dans l'analyse, quand je pose la question
« la recette de la bonne formation pour arriver à ce
qu'ils deviennent compétent ? »,
l'interviewée répond : « j'ai appris sur le
terrain. Il y a des choses que j'ai pas apprises à l'école et
qu'on apprend sur le terrain. Donc obligatoirement le terrain a une très
grande importance, plus grande que la théorie ». Cela
vient confirmer l'idée que de ce qu'elle a vécu, elle a
créé un système de référence propre (ses
représentations) qui la fait agir et parler aujourd'hui. Enfin, quand je
lui demande si elle a une expérience marquante avec un formateur
à me raconter depuis qu'elle est en poste, elle précise qu'elle
n'a pas « vraiment eu de contact avec les
formateurs ». Ce qui me laisse pour l'instant supposer que, de
ce fait, aucune confrontation avec un formateur n'aurait pu permettre de
conforter ou d'aller à l'encontre de sa représentation.
2.2/ Analyse entretien n°6
La deuxième interviewée relate une
expérience avec les formateurs réellement positive. Quand elle
parle du formateur dans ses souvenirs d'étudiante, elle parle des deux
versants : en institut et en stage. D'un côté, les
« formateurs, c'est bien quand ils enseignent »
car ils citent des exemples grâce à leur expérience. De
l'autre, « en stage, [...] il nous suivait
vraiment ». Cette infirmière m'expose les nombreuses
qualités du formateur reposant sur son expérience. Tout d'abord,
en institut, le formateur est « toujours
présent », « le mien [NDR8(*) : son formateur
référent] s'occupait très bien »,
« ils nous dévalorisaient jamais »,
« c'est toujours le premier à nous remonter le
moral » et « il nous boostait ».
Ensuite, en stage, « quand on avait un souci sur une
démarche ou autre, il nous en faisait faire, il la corrigeait. Donc
comme ça on voyait qu'il y avait pas de souci ». Sur un
plan plus personnel, « c'est bien parce qu'il nous connaissait,
au fur et à mesure », « ils voient nos
motivations », « ils voient aussi nos
connaissances, nos compétences [...] et il connaît même
simplement notre caractère ». Elle explique cela en
disant « plus souvent ils nous suivent, plus ils voient
... ». Pour cette personne, les éléments
constitutifs de sa représentation sont plutôt positifs. Sous le
noyau central, je place « la présence » du
formateur (« c'est vrai qu'il était très
présent ») et « le suivi »,
les éléments périphériques étant toutes les
qualités citées. D'ailleurs elle me répondra plus loin que
pour former un bon infirmier, « dans les stages, il faut un bon
encadrement, un bon suivi » et que dans les IFSI, il faut
« du suivi aussi par les formateurs ».
Alors, je lui ai posé la question de sa relation avec
les formateurs aujourd'hui. Il s'avère, comme pour la première,
qu'elle les voit très peu, « les formateurs, je les croise
que pour les MSP ». De la même façon que
précédemment, peu de confrontation participe à ne pas
mettre en conflit sa représentation.
Elle m'explique qu'elle n'a pas d'évènement
marquant à citer depuis qu'elle est en poste. Elle me parle d'une
occasion où lorsqu'un formateur est venu voir une étudiante en
stage, « ça se voyait qu'il la suivait bien ».
Elle reste toujours sur le même schéma de
représentation à savoir le suivi marqué de
l'étudiant par le formateur. Ainsi sa relation avec ce dernier est bien
perçue. En MSP, le formateur pose les questions à
l'étudiant et elle réajuste grâce à sa connaissance
du patient. Avec lui, « on se complète »,
explique-t-elle, « on compare aussi nos
idées » et elle « participe aussi à
la notation ». La relation est fondée sur la
complémentarité des deux acteurs ressources pour le
bénéfice de l'étudiant et notamment une notation lors des
mises en situation professionnelle plus équilibrée :
« tous les deux, on arrive quand même à s'arranger
en fait. » Elle dit qu'ils ont « la même
idée » sur les fautes graves des étudiants en
évaluation et sinon, « c'est pour les petits
détails » qu'ils n'ont pas le même point de vue.
En termes d'attente, elle n'en a pas particulièrement
car « ça s'est toujours bien passé, il y a pas de
soucis ». En creusant le questionnement, l'interviewée
attend du formateur un rôle de
« médiateur » seulement en cas de souci
entre l'étudiant et le terrain de stage. Ce rôle permettrait
d'être bénéfique à l'étudiant pour
qu' « il se sente mieux ». J'apprendrais
après qu'elle a eu elle-même une mauvaise expérience en
tant qu'étudiante sur un terrain de stage qui
« était vraiment une catastrophe » et que
le formateur l'a beaucoup aidée à surmonter le problème
par sa présence.
Pour synthétiser, la deuxième personne
interrogée possède des représentations positives des
formateurs fondées sur un noyau central de présence et de suivi
et des éléments périphériques de qualités de
formateurs et de bénéfices pour l'étudiant. En
découle des relations complémentaires et d'échanges avec
le formateur aujourd'hui malgré un passage rare de ce dernier sur le
lieu de stage.
En clair, on peut supposer que quoique fasse un formateur, il
aura toujours cette qualité de suivi de l'étudiant du fait de
cette représentation.
2.3/ Analyse entretien
n°7
Les premières impressions que me cite la
troisième personne interrogée est le manque de présence du
formateur sur le lieu de stage, « Ils ne sont pas assez sur le
terrain. Ils sont très dans leur théorie ». Ce qui
pour elle, ne leur permet pas de se rendre compte de ce que peut offrir un lieu
de stage à l'étudiant. De même, elle souligne que ce manque
de présence conduit le formateur à enseigner des cours qui ne
sont plus adaptés à la réalité :
« je pense que c'est important qu'ils se tiennent au courant de
comment ça marche encore dans les services ». Elle
renforce sa pensée en disant que pour l'étudiant,
« à la limité la théorie ça lui a
servi à rien avant ». Elle n'a pas énoncé
le terme d' « écart » ou de
« décalage » comme dans les
précédentes analyses mais je me permets de regrouper ses
idées sous cette notion. Je replacerai ici la notion
d' « écart » comme appartenant au noyau central
de sa représentation.
Lorsqu'elle me dit qu'ils devraient venir plus souvent sur le
terrain, je lui demande comment devrait se passer alors la relation avec eux.
Elle a émis des attentes envers eux au même titre que les
premières interviewées, surtout au niveau du nouveau
référentiel de formation. Ceci rejoint également les
premières vagues d'entretien sur ce thème en termes d'attentes et
de questionnement. Elle exprime des attentes pour le bénéfice de
l'étudiant d'une part : « il nous demandera ce qu'on
pense de l'étudiant, où il en est dans le stage, comment on le
ressent » et d'autre part, pour apporter des réponses au
soignant : « nous après peut être le
questionnement de qu'est-ce qu'on peut faire valider à
l'étudiant ». Elle imagine la relation comme
« un groupe autour de l'étudiant ; un moment de
rencontre peut être même avec lui pour discuter un peu de où
il en est, comment on avance ». De même elle attend cette
rencontre à trois en cas de souci avec un étudiant, ce qui
permettrait au formateur de jouer son rôle de médiateur pour
«désamorcer le conflit » et
« soutenir » l'étudiant. Elle m'a
raconté également avoir eu une mauvaise expérience de
stage en tant qu'étudiante et sa formatrice, la « maman
type » l'avait beaucoup aidée. Pour elle, les
qualités d'un formateur doivent être
« l'impartialité »,
« abordables », « qu'il se montre
présent », celui qui « permet de resituer
les choses et de recadrer un peu l'étudiant », quelqu'un
de « neutre et juste ». Ainsi les
bénéfices de ce comportement sont de deux ordres : en faveur
de l'étudiant, et en faveur du professionnel car il lui permet
« de se remettre en question ».
Enfin je lui ai demandé les ingrédients d'une
formation plus efficace. A cela, elle pense qu'il faut que les étudiants
« soient plus encadrés, plus suivis ». Le
suivi apparaît ici comme un élément de réussite
à développer pour l'étudiant.
J'arrête ici l'analyse de l'entretien pour deux
raisons. D'une part, j'ai éprouvé moins de facilités
à repérer dans le discours les éléments des
représentations. J'ai eu des difficultés à lui faire
parler de son expérience en tant qu'étudiante, ce qui fait que je
ne peux retracer l'origine de ses représentations. D'autre part, les
éléments recueillis restent suffisants pour conclure cette
vague.
SYNTHESE DE LA TROISIEME
VAGUE
Tout en gardant en conscience les limites de l'étude
qui mériterait plus amples investigations, cette vague me permet
d'identifier deux types de représentations. L'une à connotation
négative dont le noyau central correspond au « manque de
terrain » du formateur et l'autre à connotation positive dont
le noyau central est symbolisé par la qualité de son
« suivi, sa présence » auprès de
l'étudiant. J'ai choisi de les regrouper sous forme de
schémas :
Pour la première et la troisième
interviewée :
Figure 1 : structure de la
représentation étudiée pour les première et
troisième interviewées de la troisième vague
d'entretien
Eléments périphériques
Noyau central
Ecart du formateur avec la réalité
La théorie n'est pas importante
Le formateur manque de présence sur le terrain
Impacts :
Sur l'étudiant : le terrain a une très
grande importance, plus grande que la théorie.
Sur la relation soignant-formateur : le formateur doit
être plus présent sur le terrain.
Pour la deuxième personne interrogée :
Ne dévalorise pas l'étudiant
Figure 2 : structure de la
représentation étudiée pour la deuxième
interviewée de la troisième vague d'entretien
Remonte le moral de l'étudiant
Booste l'étudiant
Le formateur suit ses étudiants, il est toujours
disponible
Reconnaît les compétences de l'étudiant
Connaît le caractère de l'étudiant
Impacts :
Sur l'étudiant : il est suivi, donc sa
réussite est facilitée. Son évaluation en stage est plus
juste car elle se fait avec deux regards complémentaires.
Pour la relation soignant-formateur : ils sont
complémentaires. Chacun apporte son regard sur l'étudiant,
notamment en termes d'évaluation.
Quelles qu'elles soient, les représentations ont des
impacts réels sur les relations des professionnels de proximité
avec les formateurs et sur la vision de la formation nécessaire aux
étudiants. Ces systèmes de représentations créent
essentiellement des attentes sur le rôle du formateur, en termes de
comportement. D'un côté, le formateur doit venir plus sur le
terrain pour réduire son écart avec la réalité, car
il est trop théorique, de l'autre, il doit également être
plus présent sur le terrain mais pour apporter son soutien à
l'étudiant, le suivre. Nous pouvons voir deux points communs de ces
représentations, qui sont une attente des soignants
envers les formateurs et la présence sur le terrain du
formateur.
Il convient maintenant de faire le bilan de ces trois vagues
d'entretiens.CONCLUSION DE LA PARTIE EMPIRIQUE
BILAN D'ETAPE PERSONNEL
Tout d'abord, cette recherche n'a pas la prétention
d'être exhaustive et son analyse reste limitée par le nombre
d'entretiens effectués, faute de temps, et par le fait que l'analyse
résulte de ma propre interprétation différente de tout
autre individu. Ce n'est qu'un début de recherche qui
nécessiterait d'être approfondie par « une approche
multi-méthodologique des représentations, organisée en
trois temps successifs : 1. le repérage du contenu de la
représentation, 2. l'étude des relations entre les
éléments, de leur importance relative et de leur
hiérarchie, 3. la détermination et le contrôle du noyau
central » (J.-C. Abric, 2003, p. 60).
L'entretien, dans ce contexte, a ses limites, il permet au
moins « d'avoir accès au contenu d'une
représentation et aux attitudes développées par
l'individu » (J.-C. Abric, 2003, p. 62). Je me suis
donc essayée dans ce travail, à une première approche
d'étude sur les représentations qui vont me permettre de
développer une posture favorisant les relations institut-stage pour le
bénéfice des étudiants.
Cette approche m'a permis de développer des contacts
et de mieux connaître une profession avec laquelle je continuerai de
travailler lors de mon exercice de cadre de santé formatrice en IFMEM.
Par une technique d'entretien, au départ nouvelle et peu
maîtrisée, j'ai réussi à développer
l'écoute et la prise en compte des opinions des individus sans jugement.
Toutefois, je ne peux pas me permettre d'affirmer que c'est une pratique que je
maîtrise totalement. Elle dépend beaucoup de l'interlocuteur et du
contexte. S'ils ont été favorables ici, ils ont
nécessité un travail sur soi important.
Ma responsabilité se trouve engagée dans
l'interprétation que je fais des propos tenus lors des entretiens. Il a
fallu que j'opère des choix, parfois complexes, qui me paraissaient les
plus justes et que je laisse de côté la frustration de ne pouvoir
aller plus loin dans la recherche pour avoir une approche plus scientifique.
Cependant, j'ai senti une évolution dans l'appropriation de cet outil de
recherche et surtout dans l'analyse. Autant le fait d'aborder les entretiens de
façon empirique est une vraie remise en cause de ses propres
représentations et force à faire des choix qui nous
appartiennent, autant l'apport théorique a été une aide
dans l'appréhension des discours et permet d'être plus
assurée dans les prises de position. C'est un bon exercice de
connaissance de soi.
BILAN D'ETAPE SUR LA RECHERCHE
J'ai relu les entretiens et j'ai choisi de compléter un
tableau regroupant les principaux items cités jusqu'ici afin
d'identifier un axe conceptuel permettant d'utiliser les contenus des
représentations des soignants afin de développer les relations
qui participent à la professionnalisation des étudiants.
DES REPRÉSENTATIONS A LA PRATIQUE
RÉFLEXIVE : PROU UNE CO-CONSTRUCTION DE LA PROFESSIONNALISATION
IDE 7
|
|
|
|
|
|
|
|
Le formateur est en décalage avec la
réalité
|
oui
|
Pas abordé
|
oui
|
Pas du tout
|
oui
|
Pas abordé
|
oui
|
A propos du nouveau
référentiel
|
questionnement
|
Questionnement, inquiet sur la manière dont
ça va se mettre en place, doute
|
questionnement
|
Questionnement, attentes, certitudes
|
|
|
questionnement
|
- 43 -
Les attentes
DES REPRÉSENTATIONS A LA PRATIQUE
RÉFLEXIVE : POUR UNE CO-CONSTRUCTION DE LA PROFESSIONNALISATION
faire
Une rencontre à 3,
Savoir ce que les formateurs attendent d'elle
Un formateur permet aux étudiants d'avancer, de
s'évaluer,
Il permet aux étudiants comme aux soignants de se
remettre en question
|
Le tuteur comme lien, créer des liens,
Etroite collaboration,
recevoir des informations des formateurs, aller les
chercher et que les formateurs leur donnent,
|
|
Rencontre à 3,
médiateur
|
Devraient venir plus souvent sur le terrain,
Rencontres à 3, médiateur,
Un formateur permet aux étudiants comme aux
soignants de se remettre en question
|
|
|
|
Représentation de ce qu'est un formateur et son
rôle
|
Transmet son savoir, prépare les cours,
|
Transmet son savoir,
Pédagogue, prépare les cours, organise le
planning des interventions, participe à des groupes de travail
|
Apporte la théorie, les bases
|
Apporte la théorie, les bases,
|
Juste une formatrice qui nous enseigne,
Très théorique
|
Qui suit vraiment les étudiants,
Dévalorise jamais, remonte le moral, booste,
connaît l'étudiant
|
Sont « très dans la
théorie »
|
Représentations de ses qualités, ce que
le formateur devrait être
|
Enthousiaste, donner envie d'apprendre,
juste
|
|
Ecoute,
Patience,
|
Pédagogie
Compréhensif,
Pas de jugement,
Juste, ne pas mettre en difficulté,
|
|
|
|
- 44 -
autre
|
Rôle différent du cadre de santé en
unité
|
Rôle différent du cadre de santé en
unité, l'étudiant est le lien stage-institut
|
« on est complémentaire. Parce que eux, ils
leur apprennent des choses, nous aussi, on se complète en fait.
|
L'étudiant est lien entre stage et institut
|
|
|
|
Ainsi, globalement ces entretiens m'auront permis de
dégager des items communs, parmi les infirmiers
interrogés :
- Tous sans exception me disent ne voir le formateur que pour
des moments formels comme les MSP ;
- Les soignants ont tous, à un près, cité
le nouveau référentiel de formation infirmier alors que je ne
l'ai jamais abordé dans mes questions ou mes relances. Ils expriment
tous des questionnements en regard de ce que va leur demander ce nouveau
référentiel vis-à-vis de l'étudiant et deux ont
évoqué des doutes quant au niveau des étudiants qui seront
diplômés de cette formation ;
- Tous relient le formateur à celui qui transmet le
savoir, qui représente la théorie ;
- Quatre sur sept parlent d'écart du formateur avec la
réalité du terrain, deux ne m'en parlent pas et un pense le
contraire.
Ces représentations n'ont pour vocation ni d'être
fausses ni d'être vraies, elles permettent de mieux comprendre l'autre
pour mieux communiquer. Cependant, j'ai dégagé à mon sens
des versants positifs et des versants négatifs des
représentations qui influent sur les relations aujourd'hui. La
différence est que si elles sont négatives, elles conditionnent
un cloisonnement entre théorie et pratique dans le discours des
professionnels de proximité alors que les étudiants sont tenus de
faire le lien constamment.
« Le problème n'est pas de savoir si ces
représentations sont vraies ou fausses, complètes ou
incomplètes, mais bien de comprendre qu'elles sont l'individu et que si
l'on a le désir d'accompagner cet individu vers des
représentations plus complexes, il conviendra alors de coopérer
avec lui et de concevoir une formation non plus uniquement en termes de
transmissions mais en termes d'interactions entre des formes de savoir
différentes. » (J. Clenet, 1998, p. 53)
Ma première idée serait de rechercher les
conditions de modification des représentations afin que cela devienne un
levier possible du formateur pour qu'elles induisent un comportement positif.
Il s'agit là d'un premier concept à approfondir.
De plus, les représentations induisent une attente
unanime chez les soignants envers le formateur qui est de rencontrer plus
souvent le formateur. Cette rencontre, d'après eux, doit se faire
à trois avec l'étudiant. Ceci pourrait créer une relation
triangulaire entre ces trois acteurs où chacun apporte à l'autre.
Ils souhaitent ainsi que le formateur puisse répondre à leur
question, puisse leur dire ce qu'il est attendu d'eux dans la formation ou
encore faire le point du parcours de l'étudiant. Ainsi, la relation
reste, dans leur discours, toujours unilatérale du formateur vers le
soignant ou du formateur vers l'étudiant et non triangulaire, comme sur
ce schéma :
FORMATEUR
SOIGNANT
ETUDIANT
Figure 3 : interactions
observées lors des analyses d'entretien
Or, je me permets de supposer que si le formateur apporte des
réponses au soignant, le risque est d'accroître le sentiment
d'écart existant. En effet, comment être sûr que la
réponse soit prise comme allant de soi par le soignant ?
Plutôt qu'une relation unidirectionnelle, une relation triangulaire
serait en mesure de créer de la cohésion. De plus, il n'existe
pas une seule réponse qui convienne à tous. Nous nous
retrouverions dans une impasse.
FORMATEUR
SOIGNANT
ETUDIANT
A l'inverse, si le formateur apporte un questionnement, il
permettrait au soignant comme à l'étudiant de participer à
la construction des connaissances de l'étudiant. Les trois acteurs se
retrouveraient pour participer, chacun avec sa spécificité,
autour d'un moment d'analyse de pratique où les réponses sont des
compromis entre les trois acteurs répondant à une situation
vécue dans un esprit réellement triangulaire comme
illustré ainsi :
Figure 4 : interactions
visées pour la professionnalisation des étudiants
Dans cette optique, il me semble intéressant d'explorer
un deuxième concept qui est la pratique
réflexive.
Enfin, je ne dois pas occulter que toute mise en discours
d'une représentation est fonction d'une « situation
d'interlocution donnée » (D. Jodelet, 2003, p. 172).
L'expression des interviewés est à remettre dans le contexte de
la réingénierie du diplôme d'Etat infirmier, comme ils y
ont fait régulièrement référence. Il
m'apparaît donc essentiel de poser les bases du nouveau dispositif de
formation infirmier et notamment de l'alternance.
Il permettra entre autres de situer clairement la
finalité de la formation pour construire un langage commun de l'objectif
que l'on se donne ensemble. Ainsi, je présenterai les concepts de
professionnalisation auxquels j'ai déjà fait
référence et d'acquisition des compétences pour fonder ma
réflexion sur une théorie reconnue. De plus, ce contexte
s'apparentera à celui de la formation des manipulateurs qui
m'intéressera en partie pragmatique.
J'espère répondre à ma question ainsi
modifiée à l'issue de cette première partie :
En quoi la pratique réflexive utilisée
au coeur du triptyque formateur-étudiant-soignant, est un moyen de
favoriser une représentation commune de la formation au
bénéfice de la professionnalisation de l'étudiant
?
PARTIE II
PARTIE THEORIQUE
N.B. :
J'emploie familièrement
« formateur » pour cadre de santé formateur en IFSI
et « soignant » par rapport aux personnes que j'ai choisi
d'interroger, c'est-à-dire les infirmiers.
INTRODUCTION
De ces entretiens, j'interprète que l'interaction
soignant - formateur est peu présente. L'étudiant est le liant de
la relation. Ayant déduit que les soignants connaissent peu le
rôle de formateur - ce qui corrobore d'ailleurs mon constat - leurs
réponses restent de l'ordre de la généralité, voire
de la banalité que j'explique par l'imprégnation de
représentations. Il n'en reste pas moins vrai qu'ils ont des attentes
vis-à-vis du formateur qu'ils souhaitent davantage rencontrer.
Dans un premier temps, comprendre les représentations
par leur versant théorique me permettra de compléter le travail
amorcé en partie empirique. Avec cette question en toile de fond :
quels sont les éléments structurant les
représentations ?, je souhaiterai connaître la façon
dont se modifient les représentations pour faciliter les interactions
avec les soignants.
Pour y répondre, je commencerai par montrer le
rôle important que jouent les représentations sur les
échanges, puis je développerai le concept par ses
définitions, ses différentes approches. Ensuite, je tenterai de
comprendre ses caractéristiques, fonctions et la façon dont se
construisent les représentations. La finalité de cette approche
devrait me conduire à savoir ce qui dans les représentations
pourrait constituer un levier possible du cadre de santé pour
améliorer les relations avec comme but : participer à la
professionnalisation de l'étudiant.
Travailler les relations en amont nécessite
également de comprendre le contexte de la formation dans lequel
évoluent tous ces acteurs. Je pose alors cet axiome trouvant son
origine dans mon constat : pour que la formation de l'étudiant se
veuille efficiente, les deux acteurs (stage et institut) doivent être
cohérents dans leur discours et rôles dans la formation ;
Ainsi les étudiants pourront y prendre leur place.
Le contexte de la mise en place d'un nouveau
référentiel de formation m'a semblé l'occasion de reposer
les conditions de la professionnalisation des étudiants avec tous les
acteurs. « Cette réforme obligera les professionnels des
services de soins et des instituts de formation en soins infirmiers, mais aussi
les étudiants à un partenariat et à une collaboration
étroite en perspective d'une cohésion nouvelle dans le parcours
formatif des futurs professionnels » (C. Cattiaux, 2009, p.
S4).
Je vais donc reprendre les caractéristiques principales
du référentiel de formation infirmier en replaçant les
rôles des trois acteurs et par des concepts pédagogiques. En
effet, en développant la finalité de la formation que sont la
professionnalisation et l'acquisition des
compétences, j'ouvrirai la porte à la pratique
réflexive comme reliance potentielle parmi d'autres des deux univers de
la formation que sont les lieux de stage et l'institut.
CHAPITRE I
DE L'IMPORTANCE DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
I - LES REPRESENTATIONS SONT INCONTOURNABLES
Pourquoi parler de représentations dans un
mémoire cadre de santé ? Qui est vraiment
concerné ? D. Jodelet (2003, p.47) nous éclaircit
d'emblée sur le caractère prégnant de ce
phénomène : « Nous avons toujours besoin de
savoir à quoi nous en tenir avec le monde qui nous entoure. Il faut bien
s'y ajuster, s'y conduire, le maîtriser physiquement ou
intellectuellement, identifier et résoudre les problèmes qu'il
pose. C'est pourquoi nous fabriquons des représentations [...]. Elles
nous guident dans la façon de nommer et définir ensemble les
différents aspects de notre réalité de tous les jours,
dans la façon de les interpréter, statuer sur eux et, le cas
échéant, prendre une position à leur égard et la
défendre ». Autrement dit, tout le monde est
concerné, chaque jour, dans nos rapports avec les autres, tous ce que
nous faisons, disons, aussi bien dans la vie professionnelle que dans la vie
privée, nous sommes sujets ou objets de représentations. Nous ne
pouvons en faire abstraction. S. Moscovici (1976, cité par G.R. Semin in
D. Jodelet, 2003, p. 261), fondateur de la psychologie sociale
européenne, nous ouvre la conscience : « Les
représentations sociales sont des entités presque tangibles.
Elles circulent, se croisent et se cristallisent sans cesse à travers
une parole, un geste, une rencontre, dans notre univers quotidien. La plupart
des rapports sociaux noués, des objets produits ou consommés, des
communications échangées, en sont
imprégnés».
Prendre en compte les représentations dans les
échanges professionnels quels qu'ils soient, c'est rechercher ce qui
conditionnent les rencontres. Si des gens s'unissent dans des projets ou des
actions, c'est qu'ils ont une vision partagée de ce dans quoi ils
s'engagent. Dans le but de participer à la formation des futurs
paramédicaux, formateurs et tuteurs s'engagent dans la construction de
leurs compétences. Si les trois acteurs n'ont pas les mêmes
représentations de leurs rôles distincts, la construction des
compétences sera freinée et nullement efficiente. W. Doise (1996,
p. 13) montre combien les représentations peuvent permettre de
comprendre la nature de l'échange voire sa finalité :
« toutes les interactions humaines, qu'elles se vérifient entre
deux individus ou deux groupes, présupposent de telles
représentations9(*).
C'est ce qui les rend spécifiques. Toujours et partout, lorsqu'on se
rencontre, qu'on entre en contact avec des personnes, des choses, on
véhicule certaines attentes, un certain contenu mental correspondant
à des jugements et à une connaissance des groupes, des personnes
et des choses en présence. Si l'on néglige cette
réalité, on n'étudie que des échanges, des actions
et des réactions élémentaires et
pauvres. »
En écrivant le constat, je me doutais d'aborder cette
notion importante qui concerne chaque acteur de la formation. Etudiants, cadres
de santé, soignants, patients, ... élaborent des
représentations avec lesquelles ils agissent, parlent, évoluent,
pensent. Il m'appartenait alors de délimiter le champ de mon
étude. Que les représentations soient prégnantes est un
fait mais le but de mon travail est de comprendre le réel impact
qu'elles ont sur les relations qui participent à la professionnalisation
des étudiants. Je tenterai ici de rapprocher les éléments
d'analyse de la partie empirique à la théorie en espérant
faire partager mon point de vue. Approfondir la connaissance de ce concept de
représentation pourra enrichir une recherche d'intérêt
commun. Avant cela, je me propose d'exposer les définitions de la
représentation.
1.1/ Définitions
· Définitions
générales
« Action de rendre sensible quelque chose au
moyen d'une figure, d'un symbole, d'un signe ; image, figure, symbole,
signe qui représente un phénomène, une idée ;
en psychologie, perception, image mentale, etc. dont le contenu se rapporte
à un objet, à une situation, à une scène, etc. du
monde dans lequel vit le sujet. » Telles sont quelques
définitions proposées par le Petit Larousse, (2009). Cette
première approche nous permet de comprendre qu'il existe
différentes notions mises en jeu dans les représentations et qui
peuvent se rapporter à notre travail.
Tout d'abord, le concept fait intervenir
« quelque chose », un
« objet » qui correspond au formateur ou plus
précisément de la fonction de formateur, comme nous l'avons
posé au début de cet écrit.
Le « sujet » est pour notre cas
le soignant ou l'équipe soignante, qui par une
« perception, une image mentale, une figure, un symbole, un signe
» s'approprie (« action »)
l' « objet » formateur.
Jean Claude Abric (1988) définit la
représentation comme « le produit et le processus d'une
activité mentale par rapport à laquelle un individu ou un groupe
reconstitue le réel auquel il est confronté et lui attribue une
signification spécifique ». « La
représentation est donc un ensemble organisé d'opinions,
d'attitudes, de croyances et d'informations se référant à
un objet ou une situation». (J.-C. Abric, 2003, p. 206.) L'individu,
ici le soignant, opère un processus mental qui va lui permettre de
reconstituer le réel de sa relation avec le formateur pour lui donner
une signification qui lui est propre. Ce nouveau réel sera formé
d'opinions et de croyances particulières sur l'objet formateur.
D. Jodelet (2003, p. 53) préfère employer la
notion de représentations sociales dans la mesure où
« c'est une forme de connaissance, socialement
élaborée et partagée, ayant une visée pratique et
concourant à la construction d'une réalité commune
à un ensemble social ».
· Les différents types de
représentations
Si D. Jodelet parle de représentations sociales,
d'autres auteurs ont considéré les représentations sous
d'autres angles. A la fin du XIXème siècle, E. Durkheim (1967)
les étudie essentiellement sous l'angle sociologique et plus
précisément en termes de représentations collectives. Il
les distingue des représentations individuelles comme englobant ces
dernières et comme étant homogènes, partagées par
tous les membres d'un groupe de la même façon qu'ils partagent une
langue. Elles seraient le lien entre eux et même ce qui les pousse
à penser et agir de manière uniforme. Elles sont le vecteur du
langage qui permet lui-même leurs expressions. Ainsi, elles sont beaucoup
moins changeantes que les représentations individuelles et sont beaucoup
plus ancrées dans le groupe.
« Les représentations collectives sont
plus stables que les représentations individuelles car tandis que
l'individu est sensible même à de faibles changements qui se
produisent dans son milieu interne ou externe, seuls des
événements d'une suffisante gravité réussissent
à affecter l'assiette mentale de la société »
(E. Durkheim, 1967).
En prémisses, si on en croit cet auteur, nous pouvons
supposer qu'il sera beaucoup plus difficile de trouver un levier d'action sur
les représentations collectives que sur les représentations
individuelles.
Dans les années 60, S. Moscovici (1961)
préfère attribuer les représentations aux individus. Il
prétend alors que l'individu construit ses propres perceptions dans son
environnement. Elles lui servent de référence à partir
desquelles il va interpréter les situations auxquelles il est
confronté.
Je ferai référence plus longuement à D.
Sperber, qui dans l'ouvrage collectif de D. Jodelet, propose d'autres analyses.
Il reprend pour cela les termes mis en relation dans toute
représentation, dont nous avons parlé plus haut mais qu'il n'est
pas inutile de rappeler ici. La représentation met en relation la
représentation elle-même (l'objet), le contenu (l'image, la
figure, ...) et un utilisateur (le sujet). Il ajoute à cela la notion
qui m'intéresse plus particulièrement qui est celle de
« producteur de la représentation lorsque celui-ci est
distinct de l'utilisateur » (D. Sperber, 2003, p. 133). Il
explique qu'une représentation peut exister à l'intérieur
même de l'utilisateur et dans ce cas il s'agira d'une
représentation mentale (exemple : souvenir, intention,
hypothèse). Lorsqu'une représentation est mise à
disposition de l'environnement de l'utilisateur, elle devient alors
représentation publique. L'utilisateur premier devient alors producteur
et les personnes de l'environnement deviennent utilisateur. La
différence, précise-t-il, est que « une
représentation mentale n'a bien sûr qu'un utilisateur. Une
représentation publique peut en avoir plusieurs... » (D.
Sperber, 2003, p. 133). Les représentations mentales, on l'aura
compris, peuvent être très nombreuses à l'intérieur
de l'individu. Une très petite partie deviendra représentation
publique. Lorsqu'un autre individu se l'appropriera, il en fera à son
tour une représentation mentale qui risque d'être
différente de la toute première. D'une représentation
mentale devenue publique, nous pouvons donc obtenir autant de
représentations mentales qu'il y a d'individu qui se l'approprie.
A partir du moment où les représentations
« sont largement distribuées dans un groupe social et
l'habitent de façon durable », elles sont
représentations culturelles. « Les
représentations culturelles sont ainsi un sous ensemble aux contours
flous de l'ensemble des représentations mentales et publiques qui
habitent un groupe social. ». Or, « les
représentations sont plus ou moins largement et durablement
distribuées, et donc plus ou moins culturelles. » (D.
Sperber, 2003, p. 145).
Ces définitions m'amènent à affirmer que
les représentations de mon groupe d'étude (les professionnels de
proximité) sont par conséquent, des représentations avant
tout sociales, dans la mesure où elles sont, d'après les
sept entretiens, communes à un
groupe « infirmier » ; puis mentales
(individuelles), car elles sont obligatoirement produites par chaque soignant
qui aura affaire avec le formateur, culturelles, enfin, dans la mesure
où elles sont distribuées dans le groupe (ou alors collectives au
sens de E. Durkheim).
1.2/ L'impact des représentations sociales
Forme de connaissance, image, figure, croyances ... telles
sont les composantes des représentations. C'est sur ces formes de
connaissance que j'ai fondé mes entretiens. J'ai voulu rechercher
quelles étaient les croyances des soignants. Elles sont importantes dans
ce sens qu'elles peuvent ne pas correspondre à la réalité
ou du moins pas à la réalité que ce font les formateurs de
leurs relations avec eux. « Cette vision, qui peut entrer en
conflit avec celle d'autres groupes », précise D.
Jodelet, « est un guide pour les actions et échanges
quotidiens » (2003, p. 52). Ce sont donc bien les
représentations, les « visions » qui vont
déterminer, orienter les échanges et relations entre formateur et
soignant. En effet, « on reconnaît
généralement que les représentations sociales, en tant que
systèmes d'interprétation régissant notre relation au
monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les
communications sociales » (D. Jodelet, 2003, p. 53). En
d'autres termes, si les infirmiers - formateurs ne se comprennent pas ou que
leurs interactions n'abondent pas dans le même sens, c'est en partie
à cause des représentations des uns comme des autres. Mais si
chaque personne agit, pense, communique sous l'influence de ses
représentations, il ne faut pas oublier que celles-ci s'alimentent
également de cette relation. Ce sont elles qui donnent sens au
comportement de chacun.
Ainsi lors de chacune de nos interactions, nous abordons
l'autre, nous lui parlons, nous le regardons avec en inconscient, nos
représentations que nous nous sommes forgées tout au long de nos
histoires, parcours et échanges avec les autres. Chaque parole ou geste
de notre interlocuteur, nous l'interprétons avec ces
représentations et nous lui répondons en conséquence. Les
relations peuvent ainsi être rendues difficiles avant même
qu'elles ne soient engagées. Faire abstraction de nos
représentations semble impossible par essence. En revanche, nous pouvons
en prendre conscience et les utiliser pour trouver des points qui font sens
communs dans la formation. Ce sont tous les points que nous allons
démontrer dans ce qui suit.
II - CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
2.1/ Caractères fondamentaux d'une
représentation sociale (d'après D. Jodelet et J.-C. Abric)
· Sans objet, pas de
représentations
La représentation est toujours en rapport avec un
objet. Suite à mon constat, il m'a paru opportun de mettre le
formateur en position d'objet dans l'approche de la compréhension des
représentations des soignants, ici sujets. Il a bien fallu
délimiter le champ de ce travail.
L'objet et le sujet s'influencent l'un l'autre constamment.
Cette recherche empirique nous aura amené à nous
intéresser au processus qui intervient dans la mise en place de
l'interaction et mieux discerner les comportements et attitudes
engendrées.
· Le caractère
imageant
L'image créée dans la représentation
renvoie à l'imaginaire social et individuel. Elle facilite la
compréhension et permet de mettre des mots sur des notions abstraites ou
des choses que nous avons des difficultés à percevoir.
« Elle le rend présent quand il est lointain ou
absent. » (D. Jodelet, 1994, pp. 36-57).
· Le caractère symbolique et
signifiant
Ce caractère renvoie aux processus idéologiques
qui traversent les individus. La représentation confère à
son objet une signification qui résulte de la construction mentale du
sujet. Cette symbolisation lui permet de donner un sens à l'objet. La
représentation « est donc le représentant mental de
l'objet qu'elle restitue symboliquement ».
· Le caractère
constructif
Cela renvoie à la notion d'action de la première
définition. Par un processus cognitif, le sujet s'approprie la
réalité en la construisant pour l'intégrer dans son
système de valeurs.
· Le caractère autonome et
créatif
Cette caractéristique renvoie à la notion
d'impact que j'ai développée plus haut. La représentation
induit les comportements et attitudes que nous avons lors de nos interactions
avec l'objet. C'est la « part de re-construction,
d'interprétation de l'objet et d'expression du sujet »
(D. Jodelet, 1994, pp. 36-57) dans la représentation.
2.2/ Fonctions des représentations sociales
(d'après J.-C. ABRIC)
2.2.1/ Des fonctions cognitives ou de
« domestication de l'étrange » (S.
Moscovici, 1984, cité par W. Doise, 1996, p.21)
Les représentations permettent à l'individu
d'intégrer des connaissances dans un cadre de pensée
compréhensible pour lui. Elles lui permettent de classer des choses
inconnues dans son univers cognitif et ainsi rendent moins abstraites ces
choses. Les représentations procurent à l'individu sa
manière de penser et d'interpréter la vie quotidienne en fonction
de ses valeurs. De plus, « elles définissent un cadre de
référence commun qui permet l'échange social. »
(J.-C. Abric, 1996, p.16). C'est donc grâce aux
représentations que l'individu peut communiquer socialement.
2.2.2/ Des fonctions d'orientation des
comportements
La représentation sert à agir sur le monde et
autrui. C'est grâce à elle que l'individu oriente ses
comportements, opinions, attitudes car elle donne un sens à l'objet.
Elle « oriente et organise les conduites et communications
sociales » (D. Jodelet, 2003, p.53).
Elle a pour fonction d'anticiper les rapports sociaux, ce qui
me semble important dans l'approche d'une collaboration.
« L'existence d'une représentation de la situation
préalable à l'interaction elle-même fait que dans la
plupart des cas « les jeux sont faits à l'avance »,
les conclusions sont posées avant même que l'action ne
débute ». Autant du côté du formateur que du
soignant ou de l'étudiant, c'est sur ce point je pense qu'il faut porter
son attention. Les relations se construisent, si les individus se rencontrent,
c'est pour produire et non pour stagner. De cette fonction se crée
également un système d'attentes dont j'ai extrait les composantes
dans l'analyse des entretiens : « elle est un système
de prédécodage de la réalité car elle
détermine en ensemble d'anticipations et d'attentes. »
(J.-C. Abric, 1994, p.13).
C'est sur cette fonction que j'ai dès le départ
voulu orienter mes entretiens et ma recherche. Lorsque les membres d'un groupe
construisent une vision de la réalité
« consensuelle », « cette vision, qui peut
entrer en conflit avec celle d'autres groupes, est un guide pour les actions et
échanges quotidiens » (D. Jodelet, 2003, p. 52). Outre
le fait de confirmer que les représentations conditionnent les
échanges, la théorie affirme plus particulièrement que
cette vision peut faire entrer en conflit les individus en interaction à
partir du moment où elle n'est pas partagée. Si les formateurs ne
partagent pas la vision des soignants sur la formation, alors il va y avoir
conflit dans les discours portés aux étudiants. D'où
l'importance de bien définir l'objet de la représentation, ce que
nous aborderons en deuxième chapitre.
Construire une vision commune entre les trois
acteurs qu'ils ne soient pas en interaction non constructive me semble
être une clef d'action pour l'efficience de l'ingénierie de
formation. Mes conclusions de la partie empirique sont ici
corroborées et enrichies : comme les représentations ont un
rôle dans la qualité de la formation, il ne faut pas aller contre
mais les comprendre pour les utiliser. Créer une relation triangulaire
bénéfique à chacun revient à construire ensemble
une vision commune de la réalité de la formation pour faciliter
la professionnalisation de l'étudiant.
2.2.3/ Des fonctions identitaires
Les représentations ont une part d'élaboration
individuelle ou collective. Communes, elles contribuent au partage d'un
même langage, d'une même idée soit
d' « une vision consensuelle de la réalité
pour ce groupe » (D. Jodelet, 2003, p. 52). Ainsi, lorsque le
groupe adhère aux mêmes représentations, il renforce son
lien social et affirme une identité sociale avec cet objectif de garder
une image gratifiante.
Ainsi, si formateurs, soignants et étudiants devaient
renforcer leur lien social, ils créeraient une identité commune
de constructeurs de la formation.
2.2.4/ Des fonctions justificatives
Le groupe va se comporter face à un autre groupe en
légitimant ses actes et prises de positions par les
représentations qu'il partage. Il renforce ainsi son affiliation sociale
au groupe. « La représentation faite de l'autre sert
à justifier l'action qu'on entreprend à son
égard » (W. Doise, 1996, p. 24). Alors la
représentation sera la justification d'un comportement face à un
autre groupe, notamment, dit Abric, pour se « donner bonne
conscience ». « Ainsi, dans la situation de
rapports compétitifs vont être progressivement
élaborées des représentations du groupe adverse, visant
à lui attribuer des caractéristiques justifiant un comportement
hostile à son égard » (J.-C. Abric, 1994, p.
18).
Or nous avons vu lors des entretiens que les
représentations des soignants avaient tendance à comparer la
fonction du formateur à un unique rôle de transmetteur de savoirs
et d'évaluateur (présent que pour les MSP). Donc le formateur
devra s'attendre à avoir des comportements ou des discours sur les lieux
de stage qui le cantonnent à ces fonctions.
Synthèse intermédiaire
Reprenons les caractéristiques et fonctions des
représentations pour le cas qui nous intéresse. Des entretiens,
j'ai dégagé que les soignants connaissaient peu les formateurs ou
leur rôle. D'une manière générale, ils ont alors
créé tout un système d'images communes
représentées par la théorie, la transmission de
connaissances, les bases auxquelles ils relient la fonction de formateur. Ils
l'opposent d'ailleurs à la pratique à laquelle, eux, sujets, sont
liés. Ils ont développé un langage commun qui justifie
leurs pratiques et leurs comportements face à l'étudiant. Par
exemple, ainsi certaines (entretien n°5) sont exigeantes sur certains
critères de formation parce qu'elles se sont construites une
réalité de l'activité infirmière qui rend ce point
important dans l'exercice de la profession. Leurs représentations se
sont élaborées dans le contexte de formation qu'elles ont
vécu et donne sens aujourd'hui à leur action d'encadrement.
Maintenant si je considère, comme je le fais depuis le
début du travail, les soignants comme un groupe social formant une
entité, ils partagent une certaine représentation des formateurs
ou de la formation qui renforce leur identité professionnelle de
tuteurs.
III - CONSTRUCTION DES REPRESENTATIONS SOCIALES
Avec le recul de la théorie, ma recherche aura
contribué à identifier de façon non exhaustive, le contenu
des représentations des soignants. J'ai tenté une approche de
leurs structures et des relations qui lient les éléments entre
eux. J'ai signalé en première partie que j'avais
éclairé cette approche par la lecture sur le thème des
représentations. L'objet ici est de structurer ces apports
théoriques autour de trois questions :
- Quelle est l'origine des représentations ?
- Quelle est leur structure ?
- Et comment évoluent-elles ?
Pour appréhender ces notions, je me suis aidée
non seulement de D. Jodelet mais aussi de J.-C. Abric qui, dans ses recherches
avec C. Flament, a beaucoup travaillé sur les mécanismes de
transformation des représentations. Tous deux s'appuient sur les
écrits de S. Moscovici quand ils abordent l'origine des
représentations.
3.1/ Genèse des représentations sociales
Moscovici a décrit deux processus qui interviennent
lors de la création les représentations sociales :
l'objectivation et l'ancrage.
3.1.1/ L'objectivation
L'objectivation caractérise le passage du concept
(ici la fonction de formateur, l'abstrait) à sa représentation
c'est-à-dire un contenu et une structure compréhensible pour
l'individu. Ce processus se divise lui-même en trois phases. La
première est la « construction
sélective » ou de décontextualisation.
L'individu va sélectionner une partie des informations en fonction de
critères culturels et va donc en éliminer certaines. Les
éléments les plus résistants de la représentation
sont alors dissociés du contexte qui leur a donné naissance,
« acquérant ainsi une plus grande autonomie qui augmente
leur possibilité d'utilisation pour l'individu. » (J.-C.
Abric, 1994, p. 21).
La deuxième phase, la
« schématisation
structurante », va consister en la formation d'un
modèle ou « noyau figuratif ». Les
informations retenues s'organisent selon un agencement particulier des
connaissances concernant cet objet, et notamment selon un noyau
« simple, concret, imagé et cohérent avec la
culture et les normes sociales ambiantes. » (M.-L. Rouquette, P.
Rateau, 1998, p. 32). Ce noyau figuratif constitue une base forte de la
représentation autour duquel sont retenus, catégorisés et
interprétés les autres éléments de la
représentation. Je reprendrais cette théorie du noyau figuratif
ensuite par la théorie du noyau central de J.-C. Abric.
La communication et les contraintes liées à
l'appartenance sociale des sujets ont un effet majeur sur ces deux phases.
« Enfin, la dernière étape,
celle de naturalisation a lieu quand les
éléments du schéma figuratif sont presque physiquement
perçus ou perceptibles par le sujet. » (N. Rousiau, C.
Bonardi, 2001, p. 20).
J.-C. Abric montrera que ces trois phases ne sont pas
nécessairement présentes lors de la construction d'une
représentation mais que celle-ci puise largement dans le système
de valeurs de l'individu.
3.1.2/ L'ancrage
L'ancrage complète le processus
d'objectivation en enracinant la représentation et son objet dans
l'espace social afin d'en faire un usage quotidien. Il permet d'intégrer
ce que nous ne connaissons pas ou peu dans un cadre plus familier qui nous est
propre, correspondant à notre système de valeurs
déjà présent. W. Doise en propose une
définition : « mettre un objet nouveau dans un cadre
de référence bien connu pour pouvoir
l'interpréter. » (W. Doise, 1996, p. 22).
3.2/ Structure des représentations sociales
Nous comprenons donc que la représentation n'est pas
seulement constituée de contenu mais qu'elle est organisée autour
d'un système qui rend ses éléments interdépendants.
J.-C. Abric a décrit deux systèmes structurant une
représentation associés à des fonctions spécifiques
rendant plus ou moins stable la représentation.
3.2.1/ La théorie du noyau central
Alors que Moscovici parlait de noyau figuratif, Abric parle
de noyau central ou noyau structurant. Il est l'élément
fondamental d'une représentation, lui donne sens et donne sens au groupe
qui le partage.
Indépendant du contexte immédiat, il a deux donc
fonctions essentielles : une fonction génératrice, qui donne
le sens, et une fonction organisatrice, qui donne l'orientation
générale à la représentation (négative ou
positive, bien ou mal).
De là découle sa propriété
essentielle qui nous intéressera lors de la partie transformation. Le
noyau central est la partie la plus stable de la représentation,
« celui qui en assure la pérennité dans des
contextes mouvants et évolutifs » (J.-C. Abric, 1994, p.
22). En effet, une représentation a une connotation tout à fait
différente si le noyau central est différent. En revanche, par sa
stabilité, il sera très difficile de le modifier.
En outre, le noyau comprend deux dimensions. Une
première dimension fonctionnelle à laquelle sera rattaché
un aspect fonctionnel à l'objet de la représentation. Sont ainsi
liés à la représentation dans le noyau les
éléments concernant la réalisation de la tâche. Une
deuxième dimension, normative, correspond à tout ce qui a trait
aux dimensions socio-affective, sociale ou affective. Ainsi le noyau sera
davantage constitué de stéréotypes, de normes ou
d'attitudes fortement marqués envers l'objet de la
représentation.
Dans le cas de mon travail, j'ai rencontré les deux
dimensions, ce qui me semble confirmer ma conclusion sur les deux types de
représentations que j'ai dégagé des entretiens (une
fonctionnelle avec un rôle de transmetteur de savoirs, une normative avec
la présence accrue du formateur). De là j'en déduis un
biais important de mon étude qui vient s'appuyer sur la
théorie.
En effet, j'ai fait le choix d'une population précise
de personnes interviewées. Or si en voulant déterminer une
représentation qui soit commune à un groupe social, ici
professionnel, j'ai choisi des infirmiers. J'émettais l'idée de
rechercher la construction du noyau central de leur représentation en
les interrogeant sur leur premier contact avec les formateurs. J'aurais du
alors identifier un noyau commun, ce qui ne fut pas le cas. J'attribue cela au
fait que les infirmières interrogées n'ont pas été
formées dans le même IFSI. Se pose le problème de
l'identification de l'objet de la représentation. Les formateurs ont une
attitude pédagogique entendue différente d'un IFSI à
l'autre (projet pédagogique propre). De même les méthodes
pédagogiques peuvent être différentes. Il aurait donc fallu
que j'interroge des infirmiers formés au même endroit lors de ma
troisième vague. Encore une fois, je ne prétends pas
réinventer la recherche en représentation mais j'en ai eu une
approche qui m'aura au moins permis de dégager des informations
concrètes en vue de développer la relation triangulaire en
formation paramédicale. Grâce à cet apport
théorique, mes informations s'organisent pour une meilleure
compréhension des relations entre soignants et formateurs et ce
malgré les biais induits par la méthode empirique et mes faibles
connaissances de départ sur les représentations sociales.
3.2.2/ Les éléments
périphériques de la représentation
Autour du noyau vont donc s'organiser des
éléments périphériques plus ou moins proches et qui
constituent « l'interface entre le noyau central et la situation
concrète dans laquelle s'élabore la
représentation » (J.-C. Abric, 1994, p. 25). Alors ils
sont directement associés au contexte dans lequel l'individu se trouve.
Ils ont trois fonctions :
C'est tout d'abord à eux qu'est rattachée la
fonction de « concrétisation » qui se
rapproche de la fonction cognitive et résulte de l'ancrage de la
représentation dans la réalité. C'est en effet par cette
fonction que les représentations sont rendues compréhensibles,
transmissibles et plus facilement intégrable dans la pensée de
l'individu.
Les éléments périphériques ont
également une fonction
« régulation ». C'est une fonction tampon
qui va permettre à l'individu d'intégrer des données
nouvelles sur l'objet de la représentation soit en minimisant
l'information soit en les interprétant dans le sens de la valeur du
noyau central. Autrement dit, ils vont permettre à la
représentation de s'adapter au contexte mouvant.
Enfin, les éléments périphériques,
par une fonction « défense », qui rejoint
la précédente, permettent au noyau central de garder sa
stabilité. Ils absorbent tout ce qui apporte des nouvelles
données contradictoires de la représentation et se modifient au
gré des contextes sans pour autant que le noyau, lui, se modifie.
Ainsi, en conclusion de cette partie sur la structure des
représentations, ce qui va nous intéresser ci-après, est
que les éléments périphériques sont en
étroite relation entre eux, ils sont négociables et peuvent
être instables, incohérents et parfois individuels à la
différence du noyau central qui est stable et qui détermine
l'organisation des éléments périphériques.
« Les éléments périphériques se
déforment, changent, mais cela n'affecte en rien le contenu global et
l'orientation générale de la représentation sociale
touchée. »10(*)
En partie empirique, j'avais tenté une illustration des
représentations des soignants sur l'objet formateur. J.-M. Séca
propose un schéma de la structure des représentations
sociales pour se rendre compte de la centralité du noyau :
SYSTEME PERIPHERIQUE
Eléments descriptifs
Eléments(s) de définition,
Fonctionnel(s) ou normative(s),
Plus ou moins négociables
NOYAU OU SYSTEME CENTRAL
Figure 5 : structure des représentations
sociales (D'après Jean-Marie Seca, 2002)
Les schémas de la partie empirique peuvent être
ainsi repris et enrichis sous cette forme grâce à tous ces apports
théoriques.
Première représentation avec une fonction
organisatrice à valeur négative du fait de la
caractéristique du noyau central :
SYSTEME PERIPHERIQUE
Ecart du formateur avec la réalité
La théorie n'est pas importante
Le formateur n'a pas l'idée du terrain actuel
NOYAU OU SYSTEME CENTRAL
Le formateur manque de présence sur le terrain
Figure 6: Structure de la représentation
négative du soignant
Cette représentation est bien dans une dimension
fonctionnelle, fondée sur le rôle du formateur.
Deuxième représentation qui a pour fonction
organisatrice une valeur positive :
SYSTEME PERIPHERIQUE
Booste l'étudiant
Reconnaît les compétences de l'étudiant
Ne dévalorise pas l'étudiant
Remonte le moral de l'étudiant
Connaît le caractère de l'étudiant
Complémentaire avec le soignant pour l'évaluation
clinique
NOYAU OU SYSTEME CENTRAL
Le formateur suit ses étudiants,
il est toujours disponible
Figure 7: Structure de la représentation positive
du soignant
Cette représentation quant à elle, est sur une
dimension normative, fondée sur le lien socio-affectif entretenu par
l'individu avec l'objet formateur.
Ces représentations ont eu une phase d'objectivation
dans un contexte donné, quand le sujet était étudiant,
ancrées dans ce que l'individu a vécu. Premièrement, il a
connu une rupture entre ce qu'il a appris en formation initiale et sa prise de
poste (entretien n° 5), deuxièmement, il a toujours
été suivi par le formateur et remarque encore aujourd'hui sa
bienveillance auprès de l'étudiant.
De plus, ces représentations permettent aux soignants
de rendre concret le rôle du formateur. Ils peuvent intégrer tout
ce qu'ils pourront entendre sur les formateurs en gardant soit une connotation
positive pour certains, soit une connotation négative pour les autres,
du fait de la fonction de défense des éléments
périphériques.
Ces deux types de représentation sont à
exploiter pour le formateur. L'une n'induit pas forcément de meilleures
relations que l'autre. On aurait tendance à croire que les relations
seront en effet facilitées avec une personne possédant une
représentation positive. Or ces lectures nous prouvent que tout ce
qu'entreprendra le formateur en matière de formation sera, dans le cas
positif, automatiquement ramené à un cadre socio affectif car les
éléments périphériques absorberont les
données nouvelles reçues par le soignant. Le formateur sera celui
qui suit l'étudiant et pas forcément celui qui entreprend de
créer une relation triangulaire autre que pour une évaluation
juste. D'autant que, nous le verrons, le contexte de la formation est
modifié et que le formateur n'aura plus à mener de MSP sur le
lieu de stage. Pourtant même dans ce nouveau contexte, la structure du
noyau central se maintiendra, et ce dans les deux types de
représentation, la valeur et le sens de ces représentations
seront conservés.
De la même façon, si « la
représentation négative de l'autre groupe justifie le
comportement hostile adopté à son égard et cela
indépendamment du comportement réel du groupe
« adverse » (J.-C. Abric, 1994, p. 32), les soignants
ayant pour noyau central cette idée de décalage du formateur avec
la réalité appréhenderont toutes relations dans cette
optique, quelques soient les actes initiés par le formateur sur le lieu
de stage.
Nous avons donc vu que le noyau central était
très stable et que les éléments
périphériques permettaient, par leur fonction de
régulation et de défense, de supporter les contradictions. La
difficulté est là :
« Elles [les représentations]
sont à la fois stables et mouvantes, rigides et souples. Stables et
rigides parce que déterminées par un noyau central
profondément ancré dans le système de valeurs
partagé par les membres du groupe, mouvantes et souples parce que
nourries des expériences individuelles, elles intègrent les
données du vécu et de la situation spécifique, et
l'évolution des relations et des pratiques sociales dans lesquelles
s'insèrent les individus ou les groupes. » (J.-C. Abric,
1994, p. 29).
Ainsi quelles sont les possibilités de voir transformer
une représentation ?
3.3/ Evolution et transformation des représentations
sociales (d'après C. FLAMENT, 1994, pp. 37-58)
3.3.1/ Introduction
Par son noyau central stable et des éléments
périphériques en défense, une représentation est
donc résistante au changement. Le noyau central représente la
base de la représentation et Abric l'affirme :
« c'est donc bien la transformation du noyau central qui engendre
le changement de la représentation. » (J.-C. Abric, 1994,
p. 35).
3.3.2/ La notion de schème
Pour aborder le mécanisme de transformation, C. Flament
parle de schèmes. Il considère les éléments
périphériques comme étant des schèmes qui servent
à décrypter les situations comme une grille de lecture.
Toujours selon Flament, les schèmes ont trois
fonctions. Ils sont tout d'abord « prescripteur de
comportement ». Ils indiquent ce qui est normal de ce qui ne
l'est pas dans les situations. Ce sont alors des schèmes normaux.
Lorsque la représentation est mise à mal, c'est-à-dire
lorsque le noyau central est menacé, les schèmes normaux
deviennent des « schèmes étranges »
définis par quatre composantes : « le rappel du
normal, la désignation de l'élément étranger,
l'affirmation d'une contradiction entre ces deux termes, la proposition d'une
rationalisation permettant de supporter (pour un temps) la
contradiction. » (C. Flament, cité par J.-C. Abric, 1994,
p. 27). Ils permettent ensuite une « modulation
personnalisée » des représentations et des
conduites associées. Pour un même noyau central, ils expliquent
alors la différence de comportement possible d'un individu à
l'autre en fonction d'une même situation. Enfin, Flament reprend la
fonction de défense pour les schèmes étranges, en termes
de protection du noyau central.
3.3.3/ Le schéma d'une transformation d'une
représentation
Cet auteur développe la notion de prescripteurs pour
expliquer les conditions de modification d'une représentation en
utilisant le paradigme de Moliner (1998) qui a écrit une thèse
sur les transformations des représentations des chasseurs. Je vais
tenter ici de reprendre l'explication succinctement.
Tout d'abord, il faut comprendre deux notions. La notion de
prescription, pour commencer, est une norme, une règle d'action qui
induit un comportement ou une pratique. Puis la notion de grille de lecture.
C'est le contenu de la représentation que va utiliser le sujet pour
décrypter l'objet de la représentation. Elle contient des
descripteurs qui correspondent soit aux éléments
périphériques, soit au noyau central.
Lorsqu'on soumet les descripteurs de la grille de lecture
à une prescription, deux cas peuvent se produire :
« - la grille de lecture est maintenue, et on
conclut que la prescription relative au descripteur mis en cause est
conditionnelle ;
- La grille de lecture est rejetée comme
inadéquate, et on déclare que la prescription correspondant au
descripteur mis en cause est absolue. » (C. Flament, 1994, p.
44).
La prescription aurait donc la même
caractéristique que le noyau central à savoir qu'elle modifie la
représentation à elle seule si elle s'opère.
Le schéma de la modification de la
représentation selon C. Flament (1994, p. 50) est celui-ci :
Modifications des circonstances externes
Modifications des pratiques sociales
Modifications des prescripteurs conditionnels
Modifications des prescripteurs absolus
figure 8 : mécanisme de la modification de la
représentation
Les circonstances externes sont tout ce qui est
extérieur à la représentation.
Les pratiques sociales sont les comportements qui
évoluent pour s'adapter aux changements des circonstances externes.
On comprend par ce schéma que les prescripteurs absolus
ne pourront être modifiés que si les prescripteurs conditionnels
le sont avant.
En outre, si les circonstances changent souvent, le
schéma repart à zéro à chaque fois.
Ce schéma n'a pas valeur heuristique selon l'auteur,
mais il permet de comprendre le processus de modification de la
représentation.
3.3.4/ Les différents types de transformation
d'une représentation sociale
C. FLAMENT propose un tableau et une explication, que je vais
résumer, sur les variables influençant le processus et les
résultats (C. Flament, 1994, p. 52) :
|
Circonstances perçues comme
|
réversibles
|
irréversibles
|
Bonnes raisons définies par la représentation
sociale
|
A
|
B
|
Définies hors représentation sociale
|
Une bonne raison unique
|
C
|
D
|
Une multiplicité de bonnes raisons
|
E
|
F
|
o A propos de la perception des circonstances :
Elles sont dites réversibles lorsque l'individu croit,
à tort ou à raison, que la situation reviendra comme elle
l'était initialement, c'est-à-dire au statu quo ante.
Flament émet alors l'hypothèse que
« la réversibilité perçue ralentira le
processus de transformation de la représentation sociale, et notamment
interdira tout changement au niveau du noyau central. » (C.
Flament, 1994, p. 53).
o A propos des bonnes raisons :
Elles peuvent s'expliquer par cette phrase que se dit
l'individu concerné : « de par les circonstances, je
fais quelque chose d'inhabituel, mais j'ai de bonnes raisons pour
cela. »
Si les circonstances qui impliquent cette pratique
inhabituelle sont de plus en plus fréquentes, cette évolution
progressive peut mener jusqu'au changement du noyau central sans
brutalité. La bonne raison peut trouver sa source soit dans la
représentation elle -même, ce qui appelle l'apparition des
schèmes étranges, soit hors représentation
c'est-à-dire dans la culture globale.
La présence des schèmes étranges suppose
des processus de transformation de la représentation plus brutaux.
o A propos de la case « A » :
La combinaison des deux variables
« circonstances perçues comme réversibles X bonnes
raisons définies par la représentation sociale »,
induit un statu quo ante donc pas de changement de la représentation
mais quelques traces tout de même sur le processus cognitif qui a eu
lieu.
o A propos de la case « B » :
Le résultat de cette combinatoire est le
changement progressif, non brutal, de la représentation.
o A propos de la case « C » :
Processus de transformation de la représentation
freiné, modification du noyau central impossible.
o A propos de la case « D » :
Apparition de schèmes étranges, processus brutal
de changement.
o A propos de la case « E » :
Correspond à la case « C ».
« Le caractère réversible des circonstances est,
à lui seul, une bonne raison qui s'impose à
tous. »
o A propos de la case « F » :
Conduit ici à l'éclatement du noyau central
radical.
3.3.5/ La pratique comme déterminant du changement
d'une représentation sociale
Par conséquent, le seul déterminant du
changement des représentations est l'évolution des pratiques.
« Un changement au niveau des idées doit être
inévitablement précédé d'un vécu au niveau
des pratiques. » (C. Guimelli, 1994, p. 83).
Dans une étude sur les représentations des
infirmières sur leur rôle, Guimelli a ainsi démontré
que des infirmières qui ont pris l'habitude d'effectuer des tâches
nouvelles, c'est-à-dire relatives au rôle propre infirmier ont
progressivement modifié le noyau central de leur représentation
vers la notion de rôle propre. En revanche, les infirmières qui
exerçaient plus souvent des tâches traditionnelles conservent une
représentation qui associe la fonction infirmière à un
rôle prescrit. Il démontre d'ailleurs que dans leurs
représentations, les étudiants infirmiers, qui ont
effectué nombreux stages sur des sites différents, ont
associé le secteur privé au lieu où l'on exerce
essentiellement le rôle propre infirmier, qui est davantage valorisant.
Ainsi, ils étaient plus nombreux à vouloir postuler en secteur
privé. Guimelli a ici obtenu la preuve que le noyau central est
générateur de prises de position.
Preuve est faite, à plusieurs reprises cet auteur
affirme que « l'accès à des pratiques nouvelles
modifie de façon massive la structure de la
représentation » (C. Guimelli, 1994, p. 106) et
en même temps, que la transformation est progressive et sans rupture du
noyau central.
Je persiste par Abric qui conclue : « ce
sont bien les pratiques qui créent les représentations et non
l'inverse » (J.-C. Abric, 1994, p. 219).
Il ajoute un point qui me semble important pour la suite du
travail. « Il ne suffit pas que l'individu soit engagé
dans une pratique pour qu'il la reconnaisse comme sienne et se l'approprie.
Encore faut-il qu'elle lui apparaisse comme acceptable par rapport au
système de valeurs qui est le sien. » (J.-C. Abric, 1994,
p. 220).
3.3.6/ Pour résumer
Ces apports théoriques nous permettent de distinguer
trois types de transformations et le processus en oeuvre (J.-C. Abric,
1994, p. 236) :
o Transformation progressive :
« Lorsque les pratiques nouvelles ne sont pas
totalement contradictoires avec le noyau central de la
représentation ». Il n'y a alors ni rupture, ni
éclatement du noyau central.
o Transformation résistante :
C'est le cas lorsque les pratiques nouvelles sont
contradictoires mais se heurtent au mécanisme de défense de la
représentation. Elles créent des schèmes étranges
qui, par l'augmentation de leur fréquence, transforme le noyau central
et donc la représentation.
o Transformation brutale :
Les nouvelles pratiques atteignent directement et sans frein
le coeur de la représentation.
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Etudier les représentations nécessite un travail
davantage quantitatif sur la récurrence des items que qualitatif.
L'avantage de la méthode inductive que de vouloir partir du terrain, le
plus neutre possible de tout apport savant est alors devenu inconvénient
de s'attacher à une étude bien plus complexe que je ne le
pensais. Je ne regrette en rien ce choix car il m'a au moins permis de prendre
conscience de mes propres représentations et de l'intérêt
de les alimenter par les écrits théoriques pour en dégager
un sens dans ma recherche. En effet, travailler à partir de quelques
entretiens m'a permis de m'approprier l'outil
« représentation » dans l'analyse même non
exhaustive des comportements et des relations entre tuteurs et formateurs. De
plus, la méthode m'aura permise d'avancer dans ma réflexion par
le biais des représentations.
Si les représentations sociales guident nos
comportements, elles sont également difficilement modifiables. On
retiendra que pour transformer une représentation négative du
soignant sur la relation qu'il entretient avec le formateur, il devra passer
par l'exercice de nouvelles pratiques, caractérisées par leur
fréquence importante, dans un nouveau contexte. Or, le soignant ne sera
pas le seul soumis à un nouveau contexte et de nouvelles pratiques. Les
étudiants et les formateurs vont devoir travailler leurs propres
pratiques également. Leurs représentations risquent donc
également de connaître l'une des trois possibilités de
transformations. L'intérêt sera alors de provoquer des changements
qui conduisent les trois acteurs vers une représentation de la formation
qui les guide vers le même but.
Qui plus est, nous savons qu'actuellement, la profession
infirmière vit une transformation de sa formation initiale. Les
circonstances externes, pour reprendre les termes de C. Flament, ont
changé. On assiste donc au premier palier de modifications des
représentations liées à la formation. Gageons que ce soit
le point de départ de reconstruction de la formation associant tous les
acteurs de la formation.
Pour répondre à cet élément, je
vais continuer ce travail par la présentation des « nouvelles
circonstances externes » de la formation infirmière en
reprenant spécifiquement les points relatifs aux trois acteurs qui
m'intéressent. En outre, il me faudra identifier l'objet de la
représentation qui pourrait être commun et peut-être
considérer un nouveau partenariat.
CHAPITRE II
ELEMENTS CONTEXTUELS
DE LA FORMATION INFIRMIERE
I - LES PRINCIPES DE BASE DE LA FORMATION INFIRMIERE
1.1/ Un nouveau texte comme nouvelles circonstances
externes
Le 31 juillet 2009, le ministère de la santé et
des sports publie un arrêté relatif au diplôme d'Etat
infirmier, abrogeant ainsi par l'article 67 les arrêtés qui
faisaient référence depuis 1992 et notamment
l'arrêté du 23 mars 1992 modifié relatif au programme des
études conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier.
Ainsi cet arrêté définit le
référentiel de formation qui permet de fixer le cadre des
études conduisant au diplôme d'Etat infirmier. On y retrouve la
plupart des enseignements théoriques du programme
précédent (1992). Mais « les modalités de la
formation sont modifiées par des principes pédagogiques
fondés sur l'acquisition des compétences et la posture
réflexive » (J. Clément, 2009). Le propos ne
sera pas ici de détailler chaque nouveau principe de la formation mais
de retenir ce qui dans le prescrit, fait intervenir la relation entre les trois
acteurs de la formation que sont le professionnel de terrain, l'étudiant
et le formateur. Ce nouveau référentiel spécifie notamment
les modalités de la formation clinique en stage et incite donc chacun
à se réapproprier à bon escient ce système.
Si le principe de l'alternance est maintenu,
il est reprécisé. La finalité de la formation est, quant
à elle, définie autour de deux autres principes : les
compétences et la
professionnalisation.
Je me propose de les analyser pour clairement identifier les
circonstances externes actuelles, point de départ du processus de
reconstruction des représentations.
« La réforme bouscule les habitudes, les
organisations et même les personnes. » (M.-A. Coudray,
2010, p.75).
1.2 / Trois acteurs de la formation
Plus que jamais, l'étudiant est invité à
participer activement à sa propre formation. Il est encadré par
une équipe de professionnels qui ont chacun un rôle
spécifique. L'intérêt de tous sera qu'une relation
triangulaire se co-construise par leur implication.
· L'étudiant
« Chaque étudiant est sous la
responsabilité d'un maître de stage, d'un tuteur de stage et d'un
professionnel de proximité au quotidien »
(arrêté du 31/07/2009, p. 78).
Grâce à cette proximité dans les lieux de
stage, il devra acquérir progressivement l'autonomie pour exercer son
futur métier.
· Les professionnels de
proximité
Si le maître de stage (souvent le cadre de santé
des services) est plus garant de l'organisation générale du
stage, les soignants « assurent le suivi de
l'étudiant » au quotidien. Ils guident l'étudiant
dans ses actes, les expliquent, l'encourage. Etant en contact constant avec
eux, ils délivrent un message professionnel qui me semblait important
car de manière répétée, il est enregistré
par les étudiants. C'est d'ailleurs pourquoi, j'ai choisi cette
population dans mes entretiens.
Le professionnel de proximité est en contact
régulier avec le tuteur de stage. C'est un rôle formalisé
par ce nouveau référentiel appartenant à un professionnel
de proximité de préférence volontaire. Il peut être
le cadre de santé ou un soignant du service ou du pôle.
Ce dernier est responsable de l'encadrement pédagogique
en stage. Il permet à l'étudiant de se questionner et de faire le
bilan de ses acquisitions.
Si trois rôles au sein du stage sont ici distincts, je
continuerai dans ce travail à les considérer comme faisant partie
de la même population en les regroupant sous les termes de professionnels
de proximité, car ils sont l'un des piliers de la relation triangulaire
stage - institut - étudiant à savoir le lieu de stage.
· Le formateur
Il est désigné comme référent d'un
lieu de stage. Son rôle est décliné, au même titre
que les autres acteurs, dans le portfolio de l'étudiant, livret de suivi
de l'acquisition des compétences de l'étudiant en stage.
En lien avec le maître de stage, il organise la
période de stage de l'étudiant. En lien avec le tuteur, il suit
le parcours de l'étudiant et règle les questions
pédagogiques éventuelles. Il a accès au lieu de stage pour
rencontrer les acteurs si besoin.
Il apparaît ici comme celui qui crée les liens
directs, comme attendu par les personnes interrogées lors de mes
entretiens.
Trois lieux, trois acteurs se retrouvent donc ici inscrits
dans l'alternance.
1.3/ L'alternance intégrative comme méthode
pédagogique
« Le référentiel de formation est
construit par alternance entre des temps de formation
théorique réalisés dans les instituts de formation et des
temps de formation clinique réalisés sur les lieux où sont
réalisées des activités de soins »
(arrêté du 31/07/2009, annexe 3, p. 71).
L'alternance ne doit pas être considérée
dans ces mots comme la juxtaposition de deux lieux d'apprentissage que
l'étudiant doit séparer. Pourtant, lors des entretiens, les
interviewés me faisaient remarquer un décalage du formateur avec
« la réalité du terrain ». L'IDE 1
cite : « Bah oui, il y a des fois, il y a un décalage
et puis ce qui est tout à fait normal quoi ». Je retiens
ici un mot : « normal ». En quoi ce
décalage pourrait être normal ?
Si l'institut est associé à la théorie,
le stage est associé à la pratique. « Trop souvent
on sépare absolument pratique et théorie en fonction des lieux de
formation : d'un côté le centre, l'Institut de formation, et,
d'un autre côté, le terrain, lieu de stage considéré
comme le miroir du futur poste professionnel » (B. Donnadieu, M.
Genthon, M. Vial, 1998, p. 31). Ce n'est donc pas forcément que le
point de vue des interrogés est la réalité mais c'est une
représentation construite par le système. «La logique de
production du système travail et la logique de formation du
système école sont contradictoires [...] Il y aura donc toujours
tension et conflit entre les deux finalités dans un système
alterné [...] C'est que ce conflit de logiques structure les
représentations de chaque lieu et se traduit par une opposition
théorie / pratique.» (A. Geay, 1998, p. 36). Ainsi, si, comme
l'a fait transparaitre l'analyse des entretiens, le formateur représente
la théorie et le stage la pratique, je me permets d'extrapoler cette
opposition théorie / pratique vers une opposition entre
formateur et soignant.
Qu'en est-il de l'étudiant dans cette vision
dichotomique ? Ces deux logiques confrontées, « il
devient évident que l'étudiant rencontre très rapidement
d'énormes difficultés » (A. Goudeaux, 1998, p.
37). Donc cela viendrait confirmer que si l'opposition théorie
/ pratique ou encore formateur / soignant est abolie, l'étudiant
trouverait sa place plus facilement.
Mon constat reposait en partie sur ce point. Les
représentations étant en amont de cette opposition, le fait de
travailler les représentations soignant / formateur contribuerait
à rendre plus facile l'apprentissage de l'étudiant au sens
large.
Si le travail sur les représentations a permis de
mettre en exergue les conditions de leur changement par des circonstances
externes nouvelles, il s'avère que l'alternance comme principe
pédagogique de cette formation infirmière ne change pas par
rapport au référentiel précédent. Donc comment
considérer l'alternance si l'on souhaite faciliter les
relations ?
Nombre d'auteurs (Geay 1998, Schneider 1999, Clenet 1998)
argumentent la notion par le même constat et donnent trois façons
de classifier l'alternance.
Tout d'abord l'alternance dite juxtapositive qui font se
succéder période de stage et période de cours sans liens.
Ensuite l'alternance dite associative, qui rapproche les deux milieux sans pour
autant considérer l'étudiant comme acteur. Enfin il existe
l'alternance dite intégrative, « la forme
la plus efficace sur le plan de l'apprentissage » (A. Goudeaux,
1998, p. 36), qui permet à l'étudiant de confronter les deux
univers pour les lier.
C'est dans cette dernière définition que
s'inscrit le référentiel de formation infirmier. La
volonté de ce référentiel est de permettre à
l'étudiant une véritable confrontation de ses apprentissages tant
sur les lieux de stage qu'en IFSI. Ces deux « mondes » vont
devoir opérer un réel échange. Il est écrit :
« des liens forts sont établis entre le terrain et
l'institut de formation, aussi les dispositifs pédagogiques et les
projets d'encadrement en stage sont-ils construits entre des
représentants des IFSI et des lieux de soins et sont largement
partagés » (arrêté du 31/07/2009, annexe 3).
Plus que des échanges sur les étudiants présents en stage
à un moment donné, les soignants et formateurs devront
« construire » la démarche d'encadrement. Ils
entrent ainsi dans une collaboration pour une ingénierie de la
formation. C'est écrit, mais comme nous l'avons vu dans la partie sur
les représentations, les relations sont parfois irrationnelles et
écrire ne suffit pas à rendre effectif. Dans l'alternance,
« il faut l'engagement des deux institutions dans un projet
commun où les rôles et les responsabilités de chacun sont
clairement définis » (A. Geay, 1998, p. 58) au risque que
les représentations ne prennent le dessus sur l'efficacité de la
relation.
Le partenariat institut - formation doit donc être un
engagement des deux parties, éclairé, un partage, et
co-construit. « Le travail de co-construction initié entre
formateurs et partenaires du terrain se révèle aujourd'hui
nécessaire et incontournable » (N. Akara, V.
Cabaret, S. Lougez, C. Tournant, 2009, p. S10).
Nous avons vu l'importance du partenariat institut - stage
dans l'alternance. Mais à ce stade, je m'interroge sur la place
laissée à l'étudiant. « L'étudiant
est amené à devenir un praticien autonome, responsable et
réflexif, c'est-à-dire un professionnel capable d'analyser toute
situation de santé, de prendre des décisions dans les limites de
son rôle et de mener des interventions seul et en équipe pluri
professionnelle. » L'enjeu est là mais la question du
comment reste. Il ne s'agit pas de lui dire « tu deviendras un
praticien autonome, ... » mais de l'amener à. Pour en arriver
à ce résultat, il lui faut l'aide des professionnels mais il faut
aussi son implication. Pour mesurer ses acquisitions, encore faut-il qu'il
parvienne à les conscientiser. Or seul lui peut y arriver. C'est en cela
qu'on peut le qualifier d' « acteur » de sa formation.
C'est également pour cela que institut et stage ne peuvent concevoir le
partenariat qu'en y incluant l'étudiant. « Ainsi,
l'alternance, au niveau des acteurs de terrains, se joue à
trois. » Point commun entre les professionnels de
proximité et les formateurs, l'étudiant est placé au
centre de leurs réflexions, et « cela nécessite
d'associer les jeunes : à la définition des objectifs de
leur formation ; au processus d'évaluation, en développant
l'auto-évaluation. » (J. Schneider, 1999, p. 151).
Par conséquent, par alternance, on doit comprendre
projet commun, partenariat, c'est-à-dire moyens devant assurer la
formation de l'étudiant. Si les conditions du partenariat sont
posées à savoir la nécessité de définir
clairement le rôle des trois acteurs dans l'alternance
intégrative, le projet commun reste à éclaircir. Si le
projet est la projection d'une démarche, si l'étudiant est au
centre de la formation, c'est dans la finalité de la formation pour
l'étudiant que l'on va éclairer ce point. Cette finalité,
une fois définie pourra constituer l'objet de la représentation
commune des soignants et des formateurs en vue de créer ou
recréer le lien social les unissant pour la formation de
l'étudiant.
II - LA FINALITE DE LA FORMATION COMME OBJET DE REPRESENTATION
COMMUN
2.1 / Dans les textes
Si l'on reprend le texte officiel : « la
formation conduisant au diplôme d'Etat d'infirmier vise l'acquisition de
compétences pour répondre aux besoins de
santé des personnes dans le cadre d'une pluri
professionnalité. » (arrêté du 31/07/2009,
annexe 3, p. 69).
De même, « Le référentiel de
formation des infirmiers a pour objet de professionnaliser le
parcours de l'étudiant, lequel construit progressivement les
éléments de sa compétence à travers l'acquisition
de savoirs et savoir-faire, attitudes et comportements. »
(arrêté du 31/07/2009, annexe 3, p. 69).
Nous retrouvons ici les fondements de la formation en
alternance parce que penser la formation à trois est une démarche
dont le fil conducteur « est la construction de l'identité
professionnelle des jeunes qui vise l'acquisition des compétences et
celle du diplôme mais surtout la capacité à se situer
professionnellement et à entrer dans le développement d'un projet
professionnel » (J. Schneider, 1999, p. 154).
Voilà donc comment j'en viens à concevoir la
finalité de la formation ou le projet commun autour de deux notions que
sont l'acquisition de compétences et la
professionnalisation.
Pour aller plus loin dans la réflexion, je ressens le
besoin de préciser ces notions.
2.2 / La professionnalisation
2.2.1 / Définition
Tout d'abord précisons la notion de profession. Si elle
se confond parfois avec celle de métier, elle s'en distingue par cinq
caractéristiques (F. Gomez, 2001, p.
174). « Autonomie dans l'expertise, expertise liée
à un haut niveau de formation, existence d'un code éthique,
responsabilité pleines des actes produits et instances internes pour
juger de ses actes. » Le processus visant à devenir
professionnel, notion de prestige social, est la
professionnalisation. Elle devient alors un processus
politique s'appuyant sur une quête d'approfondissement des savoirs et de
la morale professionnelle.
Pour mieux comprendre cette notion et son
intérêt comme finalité, j'ai choisi de reprendre
l'interprétation de R. Wittorski. Pour lui
professionnalisation cache trois sens différents. Le
deuxième nous intéresse plus particulièrement. Il
concerne « la professionnalisation des acteurs, au sens à
la fois de la transmission de savoirs et de compétences
(considérées comme nécessaires pour exercer la profession)
et de la construction d'une identité de
professionnelle »
« La professionnalisation est donc un processus
de formation d'individus aux contenus d'une profession
existante » (R. Wittorski, 2005, p. 28).
Former un professionnel passe alors par des étapes visant
à la construction et/ou l'acquisition des éléments tels
que savoirs, connaissances, capacités, compétences.
G. Le Boterf considère sept critères qui
permettent de confirmer qu'un individu est professionnalisé (cité
par M.-H. Doublet, mars 2010) :
- Il prend des initiatives pertinentes dans des situations
complexes, évolutives, inédites,
- Il suit l'évolution de l'état de l'art du
métier,
- Il anticipe et ne laisse échapper aucune dimension
importante de la situation problème et de la demande du client....les
détails,
- Il met en oeuvre des pratiques professionnelles pertinentes,
mobilise des ressources appropriées,
- Il coopère de façon efficace et fait appel
à des ressources extérieures nécessaires (on ne peut pas
être compétent tout seul),
- Il tire les leçons de l'expérience pour
transposer et transmettre,
- Il agit en conformité avec une éthique de
service.
2.2.2/ Les voies de la professionnalisation
Pour en arriver au résultat de
« professionnel », je reprendrais R. Wittorski (2007, pp.
117 à 122) qui montre six voies possibles de la
professionnalisation. Les énoncer dans ce travail
permettra de trouver une voie commune associant tous les acteurs étant
entendu que l'acteur automatiquement concerné est l'étudiant car
il est l'acteur de sa professionnalisation.
La première voie est la voie de « la
logique de l'action ». Elle s'opère dans une situation
professionnelle (par exemple en stage) qui est généralement
connue. Mais lorsqu'elle présente un caractère nouveau,
l'individu ajuste son comportement en fonction souvent de manière
inconsciente. Chaque fois que cette nouvelle situation aura lieu, l'individu
reproduira ou amplifiera ce comportement.
La deuxième voie est « la logique de la
réflexion et de l'action ». L'individu opère un
changement de comportement pendant la réalisation d'une tâche
inédite, de façon consciente, par la réflexion qu'il
mène dans l'action.
La troisième voie est la « logique de la
réflexion sur l'action ». Les individus analysent de
façon rétrospective l'action pour mieux la comprendre. Par cette
conscientisation de ses actes, notamment par le biais d'analyse de pratiques,
il construit des « connaissances sur l'action ».
La quatrième voie est la « logique de la
réflexion pour l'action ». C'est une phase de
réflexion anticipée en vue de prévoir un changement de
l'action.
La cinquième voie est la « logique de
traduction culturelle par rapport à l'action ». Dans ce
cas, un tiers, généralement le tuteur, accompagne l'action et
contribue à transmettre ses connaissances tout en forçant
à voir l'action autrement.
La sixième voie de la professionnalisation est
« la logique de l'intégration
assimilation. » L'individu utilise dans cette situation,
davantage des ressources documentaires, des lectures, des savoirs, des
exercices pour développer ses capacités. C'est donc une voie non
tournée sur l'action en elle-même, de l'individu mais sur la
théorie.
La professionnalisation est donc le processus
attendu de la ou des voie(s) que l'étudiant va prendre pour devenir un
professionnel.
Les deux notions se rejoignent dans ce processus : (se)
former, c'est acquérir des compétences et acquérir des
compétences, c'est se professionnaliser.
Wittorski permet de considérer deux dimensions de cette
finalité : l'action qui se fait en stage et la réflexion qui
est amené par la théorie. J'en reviens au principe de
l'alternance intégrative et des deux logiques d'apprentissage.
« Relier les deux dimensions de la professionnalisation, ce n'est
pas employer l'un pour analyser, découper l'autre, mais de donner des
principes d'intelligibilité des pratiques » (B.
Donnadieu, M. Genthon, M. Vial, 1998, p. 31).
Par et pour la professionnalisation, en
aidant à comprendre les pratiques, on peut espérer
« relier les deux dimensions ». Par rapport
à ce travail, je pose le postulat qu'en les reliant, on recréera
des représentations communes.
2.3 / L'acquisition des compétences.
Sujet de multiples ouvrages, il ne s'agit pas ici de
définir la compétence mais l'acquisition des
compétences. En effet, le référentiel fixe
concrètement ce qu'elles sont. Au nombre de dix, elles identifient
l'ensemble des savoir-faire, savoir-être, savoirs que doit
acquérir l'étudiant pour prétendre à l'exercice du
métier d'infirmier.
La question est, quel est leur processus d'acquisition ?
Un principe fondamental : les compétences ne
s'enseignent pas.
Elles ne peuvent s'acquérir que dans l'action. Le stage
représente l'action et les situations vécues sont le point de
départ de la construction de la compétence. On peut en
déduire que plus les situations rencontrées seront
variées, plus le champ des compétences couvert sera important.
A. Geay compare la compétence à un iceberg. 80%
de la compétence est implicite et donc impossible pour l'individu
à transmettre. « Il y a donc un savoir d'expérience
(non formalisé et non réfléchi) dans la compétence
professionnelle. » (A. Geay, 1998, p. 111). L'enjeu sera de
pouvoir transformer l'expérience des stages en connaissances
généralisables et transférables donc formalisées.
Cela revient pour l'étudiant à construire ses savoirs à
partir de son action en stage, sachant qu'au départ il n'est pas
conscient de ce savoir.
L'ingénierie de formation ne pourra ici se concevoir
que dans un modèle constructiviste fondé, comme le suggère
Piaget, sur des processus successifs hiérarchisés pour permettre
le développement cognitif des étudiants. En effet, nous avons vu
que le stage est nécessaire à l'acquisition de la
compétence mais ne suffit pas. Encore faut-il que
l'étudiant comprenne ce qu'il fait pour entamer le processus
d'acquisition de la compétence et pour cela, il faut
savoir l'expliciter.
Devenir compétent ou construire son savoir, autrement
dit comprendre, nécessite de prendre conscience du savoir utilisé
pendant l'action ou « connaissance en acte »
(VERGNAUD, 1995). « On voit donc qu'entre réussir et
comprendre il y a du conscientisable, dit Piaget, la prise de conscience est
toujours en retard sur l'action. » (A. Geay, 1998, p. 120). La
prise de conscience est alors le passage de réussir à
comprendre.
Je vais à ce stade me permettre de
schématiser : si le stage sert à réussir, la
théorie sert à comprendre. Soignants et formateurs ont donc un
rôle à jouer dans la prise de conscience des étudiants de
leurs savoirs en acte.
« Les savoirs théoriques, techniques,
organisationnels et relationnels utilisés dans les activités sont
mis en évidence par les professionnels qui encadrent le stagiaire et par
les formateurs dans les rencontres avant, pendant et après la mise en
stage des étudiants. » (arrêté du
31/07/2009, p. 77).
Faisons le point :
Professionnalisation et acquisition
de compétences ont pour principe commun le processus
nécessaire au développement cognitif de l'étudiant soit la
prise de conscience des savoirs implicites de l'action. Cela renvoie à
la troisième voie de la professionnalisation, la « logique
de la réflexion sur l'action » proposée par R.
Wittorski.
C'est en cela que doit s'entendre le partenariat formateur -
soignant en y incluant l'étudiant. Chacun doit savoir emprunter avec son
rôle spécifique, la voie de la prise de conscience pour
l'étudiant de ses savoirs en acte au nom de sa professionnalisation et
de son acquisition de compétences. La prise de conscience doit lui
apporter le sens de son action, nécessaire à son implication en
tant qu'acteur de sa formation.
« L'homme ne peut apprendre qu'à partir
de quelque chose qui a du sens pour lui (autoréférence) dans la
représentation qu'il s'en fait. » (A. Geay, 1998, p.
113).
La pratique des trois partenaires au quotidien, aura pour but
de leur permettre de co-construire ce sens. Cette pratique
répétée dans ce nouveau contexte de formation constituera
le deuxième palier de la modification de représentation de la
professionnalisation vers une représentation commune.
Je rappelle le schéma de modification d'une
représentation sociale :
Modifications des circonstances externes
Modifications des pratiques sociales
Modifications des prescripteurs conditionnels
Modifications des prescripteurs absolus
Figure 8 : mécanisme de la modification d'une
représentation
2.4 / La nécessité de la nuance
« On ne peut donc se contenter de penser
l'alternance comme l'addition de deux lieux de formation
complémentaires. Il faut la penser comme la mise sous tension de deux
lieux aux logiques contradictoires et même paradoxales, mais dont la
synergie est nécessaire pour produire de la
compétence » (A. Geay, 1998, p. 40).
Pratique et théorie sont opposées, les textes et
les entretiens le révèlent. Maintenant, il convient de nuancer
cette opposition. Elles ne se veulent pas complémentaires, mais leur
association est nécessaire chacune avec sa spécificité
dans la professionnalisation de l'étudiant. Dans la réflexion,
l'étudiant a besoin de croiser sans cesse les deux pour comprendre
l'action.
En s'entendant sur ce mécanisme de
professionnalisation, le rôle de chacun est clairement identifié
comme spécifique et non pas comme l'un étant plus utile que
l'autre. Cela me fait repenser à des propos du début de ce
travail. Quand lors de mon constat, un soignant a dit à un
étudiant « la pratique ça sert à
rien » ou quand dans les entretiens l'IDE 3 fait
référence à la théorie et la pratique :
« nous on va beaucoup leur apprendre ce qui est pratique mais
après tout ce qui est théorie, sur les pathologies, il leur
faudrait un cours à côté », ils sont dans la
juxtaposition des deux dimensions de la formation ou le rejet de la
théorie.
Si lors des rencontres à trois, comme elles le sont
sollicitées dans les entretiens, des séances d'analyse de
situations interviennent régulièrement, non seulement
l'étudiant construit ses connaissances, mais en plus, la synergie entre
théorie et pratique apparaîtra comme indispensable. Par cette
pratique quotidienne de posture réflexive, les représentations
peuvent changer.
Mise en place de tuteurs, « entrainement
réflexif exigé »11(*), attentes en termes d'échanges,
référentiel de compétences, portfolio, autant
d'éléments qui contribuent à la modification des
circonstances externes. La pratique régulière d'analyse de
situation, quant à elle, vient modifier la pratique sociale. Les
soignants ne seront plus dans un modèle transmissif de pratiques mais un
modèle constructiviste.
L'étudiant est le seul à pouvoir construire ses
connaissances. Comme nous l'avons vu, il est donc associé à part
entière à sa professionnalisation mais sans la
spécificité scientifique et pratique du formateur et du tuteur,
il ne peut y arriver.
« Les relations entre les soignants, les
enseignants et les cadres infirmiers ne peuvent rester conflictuelles tant que
chacun des partenaires n'a pu faire un pas dans la compréhension et
l'acceptation de la spécificité de son collègue [...]. Le
problème est que l'étudiant fait bien souvent les frais des
tensions existant entre les stages et l'école. Il ne faut pas chercher
à tous prix la conformité de pensée entre les deux
milieux, clinique et enseignant, pour autant que les éléments
fondamentaux soient respectés. Des pensées différentes ou
simplement nuancées participent à l'ouverture d'esprit de
l'étudiant, à l'élargissement de ses points de
vue. » (W. Hesbeen, 2004, p. 129)
Cet extrait de W. Hesbeen me permet de nuancer un autre point
de vue ou plutôt de le repréciser. La compréhension et
l'acceptation de son collègue se fait dans les deux sens et pas
uniquement du soignant vers le formateur. « Le partenariat dans
l'alternance est bien « un partage de pouvoir de former »
(J. Clénet, Gérard, cités par A. Geay, 1998, p.
59).
III - QUELLE PRATIQUE POUR LA RELIANCE ?
3.1 / Le mécanisme de l'acquisition de la
compétence comme point de départ de la relation triangulaire
Concrètement, quel est le processus proposé pour
permettre la professionnalisation des futurs infirmiers, finalité de la
formation ?
Je souhaite à ce stade éclairer tous ces propos
à l'aide d'un schéma dont le point de départ est
emprunté à J. CLENET c'est-à-dire la boucle
« faire pour comprendre et comprendre pour faire ». Il
s'est enrichi de mes lectures et de ce travail d'écriture. Il n'a pas
pour prétention d'avoir une valeur heuristique mais situe les fondements
de la relation triangulaire dont nous fixons les jalons dans cette partie.
FAIRE - REUSSIR
Nécessite
PRISE DE CONSCIENCE
De ses savoirs en actes (« l'iceberg »)
Passe par
LA REFLEXION SUR L'ACTION
Pour
COMPRENDRE
Dans l'action - en stage
Acteur : l'étudiant
-----------------------------
Acteur : l'étudiant
-----------------------------
L'étudiant analyse,
Le formateur et le professionnel de proximité
accompagnent
-----------------------------
Acteur : l'étudiant
Figure 9 : le mécanisme de l'acquisition de la
compétence.
Schématiquement, la multiplication de ce
mécanisme pour chaque compétence constitue le processus de
professionnalisation.
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Nous avons vu que pour passer de réussir à
comprendre, la posture réflexive est un des éléments
nécessaire à l'acquisition de compétences de
l'étudiant. Ce travail de mémoire est l'occasion pour moi
d'approfondir les notions qui pourront participer à une réflexion
plus pragmatique. En effet, créer un véritable partenariat de la
professionnalisation ne se décrète pas. Comme l'alternance, il se
construit. Les trois acteurs peuvent ensemble être d'accord sur la
finalité de la formation, sur l'indispensable prise de conscience, la
réflexion essentielle sur l'action ou encore la
spécificité de chaque rôle dans le partenariat obligatoire
à trois, mais la co-construction des moyens que l'on se donne pour
atteindre la finalité ne va pas de soi.
Jusqu'ici les textes préconisent de permettre aux
étudiants une pratique réflexive
accompagnés par les tuteurs et formateurs, ce qui est nouveau. A
l'heure où les formateurs ne vont plus pratiquer de MSP sur les terrains
de stage, ils ont un partenariat à recréer avec les soignants
autour de l'analyse de pratiques. Les textes précisent dans ce cadre le
rôle de chacun.
C'est pourquoi j'ai désiré, étudier la
notion de pratique réflexive dans une partie propre
pour voir dans quelles mesures et dans quelles limites elle pouvait constituer
un élément de reliance12(*) du partenariat triangulaire dans le nouveau
référentiel de formation.
CHAPITRE III
LA PRATIQUE REFLEXIVE
La réflexivité étant bien un concept, je
me suis posé la question de savoir si la pratique réflexive en
était un. Le Larousse définit ainsi le terme de concept :
« Idée générale et abstraite que se fait
l'esprit humain d'un objet de pensée concret ou abstrait, et qui lui
permet de rattacher à ce même objet les diverses perceptions qu'il
en a, et d'en organiser les connaissances ». Les nombreuses
lectures, la complexité des définitions qu'on lui accorde me
conduisent à bel et bien l'assimiler à un concept.
I - ELEMENTS DE BASE DU CONCEPT
Structurée autour de trois paliers d'apprentissage,
comprendre, agir, transférer, le référentiel de la
formation vise « la pratique régulière de l'analyse
de situations professionnelles » (arrêté du
31/07/2009, p. 69).
« Le retour sur la pratique, la réflexion
et le questionnement sont accompagnés par un professionnel chargé
de la fonction tutorale et un formateur. Ceci contribue à
développer chez l'étudiant la pratique réflexive
nécessaire au développement de la compétence
infirmière. » (arrêté du 31/07/2009, p. 77).
Je comprends maintenant mieux l'esprit de ces paragraphes.
L'analyse de situation correspond à ce moment réflexif sur
l'action et après l'action nécessaire pour la prise de conscience
qui conduit à comprendre et donc à acquérir la
compétence. Cette prise de conscience est aidée par les
représentants de la pratique et de la théorie à savoir
professionnels de proximité et formateurs.
Mieux connaître la pratique réflexive
me semble évident pour se l'approprier.
Se l'approprier pour « simplement »
l'utiliser en termes d'outil pédagogique ? ; Pour développer
les compétences de l'étudiant, ou ses propres compétences
? ; Pour uniquement reconstruire les représentations de la
formation ? Autant de questions à éclaircir.
C'est l'objet de cette partie. Je me suis inspirée
essentiellement des écrits de P. Perrenoud, D. A. Schön, M. Altet,
d'un dossier de recherche et formation ...
« La prise de conscience des pratiques est un
enjeu prioritaire. En dehors du coeur de nos métiers, être
professionnel aujourd'hui, c'est mettre en oeuvre une démarche
réflexive sur nos pratiques afin d'être transparent sur les
contenus du service que l'on offre et d'être en mesure d'en afficher
clairement les effets... » (M.-H. Doublet, mars 2010).
La pratique réflexive est donc un enjeu pour tous
professionnels de santé.
1.1/ Origine
Donald A. Schön publiait en 1983 «the reflective
practitioner. How professional think in action». La traduction
française a apporté des notions essentielles : « le
praticien réflexif, à la recherche du savoir caché dans
l'agir professionnel ». Il devient le père de la pratique
réflexive et a fait des émules essentiellement dans le monde
enseignant. La pratique s'est alors développée pour la formation
des maîtres et a suscité de nombreux écrits et de
nombreuses recherches en la matière. Attribuée aux métiers
de l'humain, elle s'est ancrée dans une volonté de ne pas
réduire une définition du métier à sa simple
tâche. Elle est naît de ce que D. Schön (1994, pp. 23 à
44) appelle « la crise de confiance du savoir
professionnel ». Changements technologiques, pressions
multiples, ont exigé du professionnel une adaptabilité sans
précédent. Selon lui, en 1983, les décennies qui allaient
suivre et par exemple la réorganisation et la rationalisation des soins
médicaux, le rôle médical ou des acteurs remanié,
allaient exiger une redéfinition du rôle du professionnel. Combien
d'articles de revue professionnelle paramédicale commencent par
« le système hospitalier est aujourd'hui confronté
à des évolutions majeures » (A.-M. Lagadec, mai
2009, p. 43) ; « réforme après réforme,
le monde de la santé évolue, se transforme »
(M.-A. Coudray, 2010, p. 74) ? Etc.
La pratique réflexive rejoint aujourd'hui la formation
paramédicale pour mettre au centre de cette adaptation exigée les
compétences.
1.2 / Des notions à éclairer
1.2.1 / Le savoir caché
« Connaissances en acte »,
« savoirs d'action », « savoirs
tacites », autant de termes employés pour identifier
l'implicite qui existe derrière chacune de nos actions.
Nous l'avons vu, devenir compétent, c'est
prendre conscience. Prendre conscience du savoir implicite qui nous permet de
réaliser nos actions. Or, il est très difficile de pouvoir mettre
des mots sur les processus qui nous ont amené à prendre telle ou
telle décision ou à avoir tel ou tel comportement alors que nous
sommes en cours d'action. « Notre savoir est dans nos
actes » (D.A. Schön, 1994, p. 76). Pour se faire,
l'étudiant a besoin de l'éclairage des professionnels en exercice
ou « déjà » compétents et des
formateurs représentant la théorie. Arriver ensuite à
expliciter seul ses actions, ferait de lui un praticien réflexif.
Voilà ce que vise la formation infirmière.
Il restera à mettre en place les outils
pédagogiques permettant cette explicitation. La clinique des
activités de Y. Clot (auto confrontation croisée, le sosie),
l'entretien d'explicitation, l'analyse des pratiques professionnelles,
l'analyse de situation, qu'elles soient orales ou écrites, individuelles
ou collectives en sont des formes.
1.2.2 / Réflexion sur et dans
l'action
La pratique réflexive est la pratique même de la
réflexion, ce que chacun fait lorsqu'il réfléchit. C'est
donc une suite d'opérations intellectuelles, dont les états
mentaux ne sont que le point de départ, un état temporaire ou le
point d'arrivée.
Là où Perrenoud entend la réflexion comme
une pratique, Schön parle de pratique professionnelle et de
réflexion sur la pratique professionnelle. Il a montré que la
pratique professionnelle (qui correspondrait au stage pour les
étudiants) est le lieu de développement de compétences
professionnelles. Le professionnel construit son savoir par la réflexion
dans et la réflexion sur l'action.
La réflexion dans l'action
« est fondée sur des cognitions implicites
enchâssée dans la situation et que le professionnel est souvent
incapable de décrire » (A. Bouvier, J.-P.
Obin, 1998, p.47). Elle a lieu préférentiellement quand il y a
des situations qui surprennent l'acteur et qui le conduisent à prendre
conscience sur le moment de ce qu'il fait et envisager des réponses
adaptées.
La réflexion sur l'action
« se situe avant et après l'action et est fondée
sur des connaissances explicites ». Lors de l'action, l'individu
effectue sa tâche de manière spontanée, sans penser aux
stratégies à déployer. Cette pratique quasi automatique
s'appuie sur les savoirs cachés. L'individu réfléchit
à son action a priori ou a posteriori.
Schön défendait surtout une première
thèse : aucune action professionnelle complexe n'est, même
dans l'urgence, une action impensée, produit d'un pur
« automatisme ». L'action découle d'un jugement
professionnel et d'une décision qui résultent d'une
réflexion dans l'action.
D'autres défendent l'imprégnation de la pratique
réflexive dans la réflexion sur
l'action. « La pratique réflexive est quasi
nécessairement une réflexion sur l'action menée a
posteriori » (L. Paquay, R. Sirota, 2001, p. 6) ; Elle est
d'autant plus propice aux échanges avec formateurs et soignants a
posteriori.
1.2.3 / Le praticien réflexif
Le praticien est « celui qui connaît
la pratique de son art et travaille à la mise en oeuvre des
connaissances apprises en les adaptant et en les affinant sans cesse au
gré des situations changeantes et souvent
imprévisibles. »
Le praticien réflexif devient « un
chercheur qui ausculte les réalités de sa pratique
professionnelle. Il réfléchit non pas aux caractéristiques
des choses, mais aux actions qu'ils posent ou qu'il a
effectuées » (J. Heynemand, 1994, p. 13).
L'objet de sa réflexion émane bien de sa propre
pratique professionnelle comme l'étudiant part de sa situation
vécue en stage.
« Le praticien réflexif est un praticien
qui se regarde agir comme dans un miroir et cherche à comprendre comment
il s'y prend, et parfois pourquoi il fait ce qu'il fait, éventuellement
contre son gré. » (P. Perrenoud, 2004, p. 37).
Il va chercher enseignement à partir de son propre agir
professionnel.
1.2.4 / L'analyse de pratiques
La pratique réflexive peut alors s'assimiler à
l'analyse de pratiques. D'ailleurs les textes n'en font pas vraiment de
distinction. Perrenoud suggère pour plus de précisions, de
spécifier l'objectif de la pratique réflexive. Soit elle est
objectif de formation travaillé à partir de l'analyse de
pratiques, soit elle est objectif d'autres finalités comme par exemple
la construction de compétences (P. Perrenoud, 2003).
Elle pourrait dans notre cas s'apparenter à un outil de
la pratique réflexive. Correspondant davantage à un moment
précis partant de la situation, elle contribue à alimenter la
pratique réflexive qui elle peut s'inscrire dans le temps. Fort de cet
habitus, le praticien devient réflexif.
L'analyse se conduit à l'aide de modèles
théoriques, de lecture, de concepts proposés par le formateur.
Grâce à cette analyse, l'étudiant prend un moment de recul
pour se questionner sur ses pratiques. Il est parfois conduit à porter
un autre regard dessus et parvient à problématiser les situations
vécues et résoudre les problèmes rencontrés.
« L'analyse de pratiques est donc une
démarche de théorisation des pratiques, à partir de
modèles et concepts issus de recherches, ou de la formalisation des
outils qui émanent de la confrontation des expériences des
praticiens eux-mêmes. » (M. Altet, 2000, p. 23).
1.2.5 / La posture réflexive
Elle définit le praticien en exercice comme
étant une composante même de son identité. C'est être
capable de réfléchir dans et
sur l'action. « C'est par une posture
et une pratique réflexive assidue qu'on développe un habitus de
réflexion sur la pratique et qu'on se développe
professionnellement ». (L. Paquay, R. Sirota, 2001, p. 6)
II - L'INTERET DE LA PRATIQUE REFLEXIVE
2.1/ Du lien avec les finalités de la
formation
Nous l'avons vu la construction de la compétence
implique la nécessaire posture réflexive sur l'action. Le
corollaire est-il pour autant vrai ?
S'agissant des pratiques réflexives,
« ces dernières ont pour objet d'accroître la
compétence de professionnels dans certains aspects de leur pratique en
utilisant à la fois des apports conceptuels et méthodologiques et
des exercices et des simulations » (M. Soula-Desroche, 2000, p.
255). Je retiens ici accroître et non acquérir. Cela suppose, en
effet, qu'il existe un précédent dans l'acquisition de la
compétence et peut donc concerner le professionnel en activité
(dans le cadre de la formation continue notamment).
« De tels dispositifs ont essentiellement une
fonction de professionnalisation, de construction des compétences
professionnelles par la médiation de petits groupes qui
fédèrent les acteurs, les pairs et formateurs et
réorganisent la formation autour des pratiques » (M.
Altet 2000, p. 30). C'est dans cette phrase que nous retrouvons
entièrement l'idée même de cette partie théorique et
la reliance recherchée. Cette citation apporte également une
autre notion que nous avons occultée jusqu'ici. Elle précise
l'intérêt d'une confrontation entre pairs qui au même titre
que formateurs et soignants professionnels, peuvent faire office de
médiateurs de la réflexion. Il conviendra de garder cela en
tête dans la partie pragmatique pour l'exercice de la pratique
réflexive en institut de formation.
2.2 / Du lien avec les représentations
« La visée de l'analyse de pratique sera
d'explorer plus particulièrement les projections et les
déplacements des valeurs, représentations, normes et croyances
des praticiens sur les situations qu'ils ont à
résoudre » (M. Soula-Desroche, 2000, p. 257). On
reprend ici ce qui a été abordé lors de la partie sur la
modification des représentations sociales. Par la pratique
régulière de cette activité réflexive à
partir de ses propres actions, l'individu peut espérer déplacer
les valeurs autrement dit, les prescripteurs conditionnels de la
représentation voire à long terme, les prescripteurs absolus.
« Ce sont les stagiaires en formation
eux-mêmes, qui à partir des analyses, déterminent ensemble,
dans un partenariat avec leurs formateurs, les compétences
professionnelles à construire. Ainsi la rationalisation des savoirs
professionnels est visée, avec parallèlement la prise en compte
du développement de l'autonomie de l'acteur » (M. Altet,
2000, p. 32).
« Le choix d'intervenir par une analyse de
situation, plutôt que par d'autres modes, permet aux différents
participants de disposer de nouveaux repères, de critères de
compréhension et d'évaluation de leur propre situation
professionnelle, et de celle des autres, et par conséquence de
dépasser les stéréotypes liés aux
représentations mutuelles de chaque profession. » (M.
Soula-Desroche, 2000, pp. 261-262).
Autant M. Altet que M. Soula Desroche dégagent ici
l'intérêt de pratiquer la réflexivité en partenariat
et à tous les niveaux. Elles vont au-delà et vont énoncent
l'idée que la représentation de l'autre peut également se
modifier. Si au départ, ce travail était fondé sur la
représentation du soignant envers le formateur, on rejoint ici la
volonté de « dépasser les
stéréotypes » vers des représentations plus
proches de la réalité pouvant, on l'espère, guider les
comportements vers ce « projet commun ».
III - LES LIMITES DE LA PRATIQUE REFLEXIVE
3.1/ De praticien
réflexif formé à praticien réflexif formateur
L'enjeu n'est pas simplement d'apprendre à
réfléchir. La formation réflexive n'est pas de l'ordre du
savoir mais du rapport au savoir, du regard sur l'action, de la
posture critique, de la compétence. Tout cela ne se développera
que si cette préoccupation traverse l'ensemble du programme de
formation. C'est le but des unités d'intégration (U.I.)
prévues au programme de formation infirmière. Les
étudiants apportent les situations vécues en stage (retranscrites
dans le portfolio) et contribuent à alimenter les débats autour
de l'analyse de pratiques et de situations. Les U.I., placées à
la fin de chaque semestre, ont été conçues de façon
à relier les unités d'enseignements et les stages
effectués avant et visent à l'acquisition progressive des
compétences prévues lors de ces semestres. Il est
nécessaire d'acquérir une compétence à la pratique
réflexive pour espérer devenir un praticien réflexif
quotidien. Cela laisse entrevoir les difficultés majeures des
accompagnateurs de cette démarche.
Perrenoud prétend qu'il serait injuste que les
institutions de formation initiale demandent aux soignants et autres formateurs
de terrain de développer une pratique réflexive chez leurs
stagiaires, alors que les formateurs se limiteraient à dispenser des
savoirs.
« Si l'on veut former des praticiens
réflexifs, mieux vaudrait que leurs conseillers pédagogiques ou
maîtres de stages se situent eux-mêmes dans cette orientation.
» (P. Perrenoud, 2001).
Ainsi, il faut envisager la formation des formateurs mais
également des tuteurs de stage pour espérer être efficace
dans la pratique réflexive de l'étudiant.
3.2/ Un sens
nécessaire
La pratique réflexive ne doit pas être
considérée comme contrainte institutionnelle (obligation de
valider les U.I.) mais comme processus interne contribuant au
développement professionnel. C'est en cela que l'étudiant peut
espérer trouver un sens à ses actions, principal moteur du
processus réflexif, nous l'avons vu.
3.3/ La prise en compte des
valeurs
Reste le problème des valeurs. Dans le monde
enseignant, pionniers de la pratique, les recherches ont montrées que
« les conflits qui apparaissent souvent dans l'enseignement et
auxquels doit faire face le praticien par sa capacité réflexive
sont souvent des problèmes de valeurs, or il s'agit de débats
publics qui concernent la société et pas seulement la
corporation » (F. Gomez, 2001, p. 186). La question des valeurs
ou de l'éthique est évidente en milieu hospitalier et dans les
conditions énoncées, l'exercice de la pratique réflexive
dans des milieux « fermés » seraient susceptibles de
ne pas résoudre ces problèmes de valeurs et limiterait
l'ouverture du praticien à ses propres conceptions. Je ne rentrerai pas
plus loin dans le débat mais c'est une discussion à entreprendre
entre partenaires.
3.4/ Outils pour un autre
but
Enfin, «il n'est pas exigé du praticien
réflexif une implication dans un changement institutionnel ou social,
or, une pratique réflexive compétente devrait aussi examiner les
conditions [d'enseignement] et veiller à les changer ».
Cette phrase une nouvelle fois reprise du monde enseignant, si on la transpose
à l'univers soignant, nous suggère de penser la pratique
réflexive aussi comme un outil d'amélioration des pratiques
soignantes.
3.5/ Ne pas
considérer la pratique réflexive comme une fin en soi
Pour synthétiser, la pratique
réflexive n'est pas une fin en soi, ni la panacée.
« Elle pourrait même servir à consolider certaines
croyances préexistantes à la formation plutôt qu'à
construire des savoirs professionnels au service de l'apprentissage et du
développement des élèves. » (H. Hensler, C.
Garant, M.-J. Dumoulin, 2001, p. 38). Il ne faut donc pas la
considérer comme l'unique voie de la professionnalisation. Les
fondamentaux de l'enseignement (programmes théoriques, travail
personnel, motivation) ne sauraient être oubliés au
bénéfice d'une seule pratique réflexive. Il sera utile
d'en tenir compte dans une vision pragmatique et dans le langage utilisé
lors des échanges entre partenaires. La vigilance doit être de
mise dans la construction des représentations de ce type de pratique.
IV - LA POSTURE D'ACCOMPAGNATEUR DE LA PRATIQUE REFLEXIVE
4.1/ De la complexité de la démarche
Nous avons apporté une esquisse à la
complexité d'accompagner la démarche réflexive tant en
formation initiale qu'en formation continue.
Lors de la journée du CEFIEC de mars 2010 à
Armentières, M.-H. Doublet précise : « cette
accompagnement est d'une très grande complexité. En effet, il
s'agit pour le formateur ou le tuteur de permettre à l'étudiant
d'exprimer au mieux ses compétences sans influencer les
réponses ».
« Quant à l'accompagnement
réflexif, il se définit comme une démarche d'analyse
« médiée » par une personne ressource
expérimentée en vue d'aider l'enseignant débutant
[pour nous, l'étudiant infirmier] à déterminer
comment et pourquoi une intervention a ou n'a pas été efficace
pour résoudre un problème de la pratique
professionnelle » (H. Hensler, C. Garant, M.-J. Dumoulin, 2001,
p. 35).
Etre accompagnateur exige non seulement d'être soi
même formé à former mais aussi d'être praticien
réflexif.
Le monde enseignant a entrepris de nombreuses recherches sur
ce sujet. Je vais m'inspirer d'une de ces recherches (H. Hensler, C. Garant,
M.-J. Dumoulin, 2001, pp. 35 à 40) sur l'accompagnement réflexif
pour initier la réflexion dans le domaine soignant.
Les auteurs suggèrent la nécessité
d'élaborer « un modèle du type de réflexion
à promouvoir dans un programme de formation initiale axée sur la
professionnalisation ».
4.2 / Les indicateurs de réflexivité dans
l'analyse de pratiques
Si nous prenons pour exemple les séances d'analyse de
pratiques, les accompagnateurs doivent rester vigilants quant aux facteurs
favorisant ou freinant ce que les auteurs appellent le raisonnement
pédagogique.
La question de la recherche pourrait se rapporter
à qu'est-ce qui permet à l'accompagnateur de déceler la
présence d'une activité réflexive et d'un raisonnement
pédagogique ?
L'analyse a permis d'extraire des indicateurs de raisonnement
pédagogique :
· Différentes activités
réflexives :
o Description de la situation professionnelle
o Son analyse
o L'examen de ses effets
o La formulation d'hypothèses explicatives
o L'identification des pistes de solution prometteuses
o L'analyse de leur impact
· Réinvestissement ou changements apportés
par l'étudiant
· Pour les plus novices :
o Va et vient entre la description de la situation, son
analyse et son interprétation au niveau des causes et
conséquences
o identification de la solution
D'une façon plus globale, le raisonnement se veut
évolutif vers la complexité sachant que cette dernière
dépend du niveau de l'étudiant.
Pour les indicateurs de l'évolution qualitative du
raisonnement pédagogique, on retrouve :
· la richesse de la description de la situation
· la référence explicite à des
expériences antérieures et à des connaissances pour
l'analyse de la situation
· la variété des hypothèses
émises pour l'interprétation et la recherche de solution
· la présence de justification pour la
sélection d'une hypothèse ou d'une solution
particulière
· la pertinence des anticipations et la
référence à des connaissances explicites pour l'analyse
des effets de l'intervention
Il faut présence d'une ou plusieurs de ces
activités (cette vision du sujet est chercheur dépendant) pour
qu'il y ait raisonnement pédagogique.
4.3/ Préoccupations de la démarche
d'accompagnement de la pratique réflexive
De l'expérience des accompagnateurs de la
démarche réflexive des enseignants, il ressort différentes
préoccupations que l'on peut imaginer transférer aux formations
paramédicales :
- les savoirs conceptuels sont très rarement
utilisés. Il faut rester vigilant à les mobiliser pour ne pas que
le raisonnement pédagogique tourne à vide.
- la composante émotive est considérée
comme essentielle pour le passage à un raisonnement plus rationnel.
- la prise de conscience est considérée comme
facteur déclenchant du raisonnement pédagogique.
- La mise en place d'un modèle d'accompagnement est
nécessaire et comportant les facteurs favorisant le raisonnement
pédagogique et ceux le freinant.
- limites : le raisonnement pédagogique est
souvent vu comme contrainte institutionnelle et moins comme processus interne
contribuant au développement professionnel.
- il est plus facile d'accompagner quelqu'un qui est
déjà dans la démarche réflexive.
- l'enseignant doit parfois parler de son propre savoir
professionnel pour susciter une véritable réflexion sur l'action
mais il doit rester vigilant à ne pas entrer dans un discours sur soi,
ce qui inhiberait la réflexion de l'étudiant sur ses actions.
- Il est parfois difficile pour l'étudiant de tirer des
leçons de la rationalisation du raisonnement pédagogique car il
opère une réaction de défense naturelle contre la remise
en question.
- la relation de connivence formateur - étudiant peut
constituer un frein.
- il est parfois difficile de sortir du terrain
(méthode d'explicitation)
- « on ne peut pas forcer l'élaboration
et l'expression du raisonnement pédagogique. Il se construit sur le long
terme, dans une relation de confiance. » (H. Hensler, C. Garant,
M.-J. Dumoulin, 2001, p. 39)
CONCLUSION DU CHAPITRE III
En introduction de ce chapitre, j'avais posé des
questions.
La pratique réflexive : fallait-il se l'approprier
pour « simplement » l'utiliser en termes d'outil
pédagogique ? ; Pour développer les compétences de
l'étudiant, ou ses propres compétences ? ; Pour uniquement
reconstruire les représentations de la formation ?
Il s'avère que c'est tout à la fois.
Prétendre former à la pratique réflexive nécessite
d'être soi même dans la démarche avec toutes les limites que
cela impose. Outil d'acquisition des compétences, elle est aussi un
outil de développement des compétences pour les professionnels en
place et les invite à réfléchir sur l'amélioration
de leurs propres pratiques. Ainsi, les représentations seront
révisitées.
Suite à la recherche sur l'accompagnement du
raisonnement pédagogique, les auteures émettent une conclusion
applicable à l'univers enseignant qui dispose maintenant d'un recul dans
la pratique réflexive. Même si en 2001, le monde enseignant
émettait cette même réflexion, on peut se l'approprier
aujourd'hui comme un retour d'expérience d'une profession ayant
déjà expérimenté la pratique réflexive pour
avancer plus efficacement dans notre milieu hospitalier.
« Former des praticiens réflexifs
capables d'analyser leur expérience et de la transformer en savoirs
professionnels communicables est un objectif ambitieux qui ne se
réalisera pleinement que par le renforcement de la collaboration entre
les institutions universitaires chargées de la formation des enseignants
et les formateurs et acteurs du milieu scolaire. [...] Elle nécessite
aussi des recherches conjointes pour concevoir et expérimenter des
dispositifs favorisant une pratique réflexive source de
compétences professionnelles et orientée vers le
développement de l'éducation. » (H. Hensler, C.
Garant, M.-J. Dumoulin, 2001, p. 40).
Ce que je me permets de transposer en : Former des
praticiens réflexifs capables d'analyser leur expérience et de la
transformer en savoirs professionnels communicables est un objectif ambitieux
qui ne se réalisera pleinement que par le renforcement de la
collaboration entre [les formateurs des instituts chargées de la
formation initiale des infirmiers et les soignants et acteurs du milieu
hospitaliers]. [...] Elle nécessite aussi des recherches
conjointes pour concevoir et expérimenter des dispositifs favorisant une
pratique réflexive source de compétences professionnelles et
orientée vers le développement de
l'éducation.
CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE
Rappelons une dernière fois ce qui a motivé le
développement des concepts d'alternance, de
professionnalisation, d'acquisition de
compétences et de pratique
réflexive.
Modifications des circonstances externes
Modifications des pratiques sociales
Modifications des prescripteurs conditionnels
Modifications des prescripteurs absolus
Figure 8 : mécanisme de la modification d'une
représentation
Comprendre la structure, l'élaboration, les fonctions
d'une représentation sociale nous a permis de comprendre le
mécanisme de ses modifications. Nous avons également saisi
la difficulté de pouvoir agir dessus tellement les
représentations sont ancrées dans notre vie quotidienne et nos
comportements. Cependant, sans nécessairement vouloir les changer,
développer ce concept ouvre des perspectives de compréhension des
comportements des individus avec qui nous travaillons, et de nos propres
comportements, mais surtout autorise à mieux comprendre les relations
que nous entretenons.
Dans cet exercice d'approches théoriques, le but
était de relier le concept de représentation avec l'objectif de
professionnalisation de l'étudiant. Exercice complexe tant il passe par
des enchevêtrements multiples de nombreux autres concepts, il m'aura
permis de mettre au clair quelques enjeux induits par les organisations
pédagogiques de la formation de nos futurs professionnels
paramédicaux.
Que pouvons-nous retenir ?
Le premier palier de la modification des
représentations de trois partenaires de la formation infirmière
est en marche par l'introduction d'un nouveau référentiel de
formation infirmier.
Nous avons suggéré de redéfinir l'objet
des représentations non seulement des soignants mais aussi des
étudiants et des formateurs. Il s'oriente vers la professionnalisation
de l'étudiant et constitue le projet commun susceptible de
recréer une représentation commune de la finalité de la
formation.
Ce projet commun passe par un partenariat et une alternance
co-construits.
La professionnalisation sous entend entre autres l'acquisition
de compétences nécessaires à la pratique professionnelle
et par la capacité à être un praticien réflexif.
Dans ce contexte, le deuxième palier sera atteint par
la modification soutenue des pratiques d'encadrement par l'imprégnation
des pratiques réflexives dans le quotidien. Du temps et du recul nous
permettront peut être de percevoir une redéfinition des
représentations de chacun des partenaires ; pourquoi pas vers une
représentation de l'alternance qui ne considère plus deux mondes
(théorie et pratique) opposés mais bien un monde, celui de la
professionnalisation des étudiants ?
PROBLEMATIQUE
DE L'EMPIRIQUE A LA THEORIE VERS LE
PRAGMATIQUE
Partant d'entretiens menés sur le terrain, j'ai pu
extraire une problématique de recherche :
En quoi la pratique réflexive utilisée
au coeur du triptyque formateur-étudiant-soignant, est un moyen de
favoriser une représentation commune de la formation au
bénéfice de la professionnalisation de l'étudiant
?
La partie empirique a donné une place idéale de
pseudo chercheur à l'étudiante que je suis, pour connaître
les pensées et avis de la population choisie. Comment
perçoit-elle le sujet ?, comment je peux mieux la connaître
pour ensuite mieux travailler avec elle ? J'ai eu des
éléments de réponses. Mais qu'aurais-je pu en faire sans
l'apport théorique ? L'analyse empirique en serait restée au
stade d'interprétations, imprégnées de mes
représentations, malgré toute la bonne volonté que je mets
à rester objective.
Voilà à quoi a servi la partie théorique.
Analyser, scruter, comprendre, réfléchir, se poser des doutes,
des certitudes, se remettre en question, saisir et revoir ses
représentations.
La partie empirique nous a fait aller à la rencontre
des professionnels soignants pour connaître leurs représentations
de la fonction formateur. Ensuite, nous les avons analysées pour nous
rendre compte d'une chose : elles sont bel et bien les déterminants
d'une relation et de l'expression d'un langage propre à un groupe
professionnel néanmoins social. Alors la partie théorique nous
apporte une chose essentielle : les représentations sont
ancrées dans les individus pour guider leurs comportements, notamment
dans l'encadrement des étudiants. Si l'on se met d'accord sur l'objet de
la représentation, peut-on espérer en construire une, commune qui
répondra à nos attentes nombreuses comme nous l'avons
exprimé dans la première partie empirique ?
La théorie nous aide à dégager en effet
un objet de représentation, un projet commun qui est la
professionnalisation des étudiants et
l'acquisition des compétences.
Des conclusions de ces parties, nous pouvons dire que ce
projet commun passe notamment par la pratique réflexive et qu'ils ont un
point commun pour s'accomplir : c'est le nécessaire partenariat de
tous les acteurs de la formation avec au centre l'étudiant, les
représentations étant au coeur des relations.
Ce travail me conduit à émettre les
hypothèses suivantes :
Ø La pratique
réflexive permet de co-construire les représentations dont
l'objet commun des partenaires peut être la
professionnalisation.
Ø La pratique réflexive, associée
aux fondamentaux pédagogiques, est un vecteur de la professionnalisation
et de l'acquisition des compétences autant pour l'étudiant que
pour les professionnels en exercice.
Ø La pratique réflexive pousse à
la co-construction d'un partenariat à trois rôles
spécifiques centré sur l'étudiant.
Cette recherche va continuer par ouvrir une voie plus
pragmatique dans l'attente peut être un jour, si ce n'est de
répondre à ces hypothèses, au moins de les enrichir...
PARTIE III
PARTIE PRAGMATIQUE
INTRODUCTION
Pragmatique: «
Qui
considère
la
valeur
concrète
des
choses,
la
pratique »
(Larousse, 2009) .
La troisième partie de ce mémoire a pour but de
laisser s'exprimer « les leçons du mémoire ».
De manière tout à fait personnelle, j'ai choisi tout d'abord
d'écrire un récit qui relate de tous ces méandres
réflexifs empruntés lors de l'écriture de ce
mémoire.
Ensuite, je souhaite expliquer ce que j'attendais de ce
travail mais aussi ce que j'ai été surprise d'apprendre ou ce qui
m'a confortée.
Puis, ayant sans cesse considéré ces
réflexions dans la projection d'un poste futur de cadre de santé,
je voudrais émettre mes idées de réinvestissement
professionnel.
Enfin, je terminerai par les limites qu'il est
nécessaire d'apporter à cette
« recherche ».
I - PETIT RECIT
REFLEXIF
Quel parcours initiatique !
Le mémoire est presque terminé ! Qu'il est
bon parfois de se poser et de regarder en arrière...
Après la réussite du concours cadre de
santé, mon collègue, formateur chevronné, m'a
régulièrement incitée à commencer quelques
recherches sur un sujet éventuel que je souhaitais traiter dans mon
mémoire. J'y avais donc réfléchi, trouvé quelques
documentations, discuté. Puis, on nous demande d'écrire
(enfin !) notre constat. Après quelques dizaines de versions, j'en
arrive à un constat traitant de la perception du rôle du
formateur. Finalement, il fût différent de ce que je pensais
traiter quelques mois auparavant. Si je recherche la raison de ce changement,
les remaniements successifs de l'écrit m'ont, dans le fond, emmener sur
un terrain qui était plus ou moins toujours présent dans mon
esprit, qui me tient à coeur, qui me guide dans la vie
professionnelle.
La première idée se voulait finalement
très cadrée, dans les clous comme on dit, pour faire bien. Mieux
comprendre les autres et mieux se comprendre soi, base de relations de
confiance, de partage et de projection vers l'avant. Voilà ce que m'a
apporté non seulement ce travail mais aussi tout ce qui s'est
passé autour : les démarches, les entretiens, les
échanges avec mes pairs. Quels apprentissages !
Jamais je n'aurai pensé approfondir à ce point
un concept sociologique tel que les représentations sociales. Jamais
encore, je n'aurais imaginé qu'il puisse engendrer une réflexion
si importante sur ma fonction de cadre de santé ou même mieux,
qu'il puisse m'être aussi utile dans mes pratiques professionnelles.
Puis me voilà plongée dans les méandres
complexes et sans fins de la professionnalisation ou de l'acquisition des
compétences professionnelles. Certes, l'année
préparatoire, l'année de faisant fonction font aborder ces
concepts sur leur intérêt pour les étudiants
bien-sûr, sur leur appropriation par le formateur quelques peu, sur le
besoin de les approfondir à peine. Ces passages de vie professionnelle
auront tout juste servi à alimenter des représentations de ces
concepts solidement défendues par les éléments
périphériques.
D'un constat et de nombreux échanges avec mes
collègues étudiants cadres, je me pose une question : qu'est
ce qui fait dire toutes ces choses aux personnes avec qui on travaille dans un
même but, porter des soins aux patients. Qu'est ce qui leur fait dire
« ils sont complètement à côté de la
plaque », « ils ne sont pas dans la
réalité » ? J'ai une réponse : la
représentation sociale. La même que je me faisais sur ces concepts
développés dans ce travail. J'oserai dire peu importe les
concepts traités ici. S'il y a bien une chose que je retiens de ce
parcours initiatique à la recherche, c'est que l'on n'apprend pas en
lisant, en écoutant les paroles d'Hommes d'expériences ou plus
cultivés. On ne réfléchit pas pour
réfléchir. On apprend en faisant, en tâtonnant, en
confrontant notre réflexion à celle des autres. Là
interviennent le directeur de mémoire et la formatrice
référente, même LES formatrices. Apporter des
réponses sans les donner, tel a été leur rôle
d'accompagnateur dont j'espère m'inspirer. On bouscule nos
représentations en faisant. - Que de représentations j'ai
bousculées ! - On réfléchit dans et sur l'action pour
mieux se connaître soi et développer ce qui fait de nous un
professionnel capable d'amélioration et d'ouverture.
Prendre conscience de ses représentations est un point
de départ essentiel à toute progression sociale. Toute une vie ne
sera pas suffisante à cela car les représentations, tenaces, nous
guident, elles nous résistent. Ce travail ou devrais-je dire cette
oeuvre (sans aller jusqu'à chef d'oeuvre !) m'a conforter dans mes
valeurs. Nous ne pouvons forcer les gens à changer, le cadre de
santé ne peut forcer les gens à changer, d'ailleurs, qui est-il
pour prétendre à cela ? , mais nous pouvons nous regarder et
plutôt que de dire « tu ne comprends pas ce que je veux
dire », pourquoi ne pas se dire « comment je peux
m'y prendre pour que tu comprennes ce que je veux dire ? »
C'est dans la co-construction des relations avec l'autre que l'on parviendra
à répondre à nos questions.
Travail de mémoire, passage obligatoire pour un
diplôme, certes. Mais au-delà, c'est un moment de vie,
d'apprentissage sur soi même, ses compréhensions, ses
incompréhensions, ses doutes, ses fiertés. J'aurais pu aborder
les compétences sous leur aspect individuel et collectif, les principes
en long et en large des systèmes d'alternance, l'entretien
d'explicitation, l'universitarisation des diplômes paramédicaux
(s'il n'est pas encore un concept, il pourrait le devenir) ou encore la
responsabilité dans la formation, le principe d'autonomie, le
partenariat, l'accompagnement, la motivation, etc. j'en passe et des
meilleures. Mais voilà tout l'intérêt de la méthode
empirique. Elle m'a guidée, je me suis laissée entrainer tout en
affirmant mon appétence pour telle ou telle voie. Peut-on m'en vouloir
pour cela ? Comme je le disais, à la limite, peu importe des
concepts traités, ce travail est soi sans aller de soi, il est
réflexion sur la profession sans prétendre dévoiler toutes
les réponses, il n'est pas tout mais que parti des compétences
professionnelles du cadre de santé, en clair, il est la prémisse
de l'acquisition d'une posture de praticienne réflexive visant à
accompagner vers la voie difficile de la professionnalisation.
II- ATTENTES ET
DECOUVERTES
Au départ je souhaitais diviser cette partie en deux
sous parties : l'une titrée « mes attentes du
mémoire» et l'autre « mes étonnements lors de ce
travail ». Mais je me suis vite aperçue que l'un n'allait pas
sans l'autre. Là où mes attentes ont été
confirmées, suivaient des découvertes et surprises. Le but est
ici de les faire partager. De même, cette partie est un
élément de la réflexion pour le réinvestissement
professionnel.
En abordant les représentations des infirmiers sur les
formateurs en IFSI, je m'attendais globalement à ce qu'ils aient
les mêmes propos que ce que j'avais pu entendre pendant mon
expérience professionnelle. Cela s'est prouvé. Autrement dit,
infirmier, manipulateur et certainement autres professionnels
paramédicaux, tous ont des perceptions du rôle du formateur en
institut quasiment similaires. La théorie nous l'a montré, ces
représentations sont propres à tous systèmes d'alternance.
Mais il ne faut pas généraliser leurs contenus, ce travail nous
l'a aussi démontré. Tantôt positives, tantôt
négatives, les représentations sont ancrées et guident les
comportements. Alors peu importe leur qualificatif, ce qui ressort de ce
mémoire et ce qui me marquera le plus, c'est qu'elles sont de toutes
façons un outil pour toutes relations constructives. Partager une
représentation d'un objet identifié contribuera à cela.
D'autre part, je l'ai mentionné, il a fallu pour cette
recherche et notamment la partie empirique que je laisse de côté
mes propres représentations. Or, nous l'avons vu, c'est utopique car
impossible. Toutefois, et là est mon étonnement, ce
mémoire m'aura permis de conscientiser une partie de mes
représentations. Par exemple, lors des premiers entretiens,
j'appréhendais que les interviewés trouvent le sujet
inintéressant et pure perte de temps. Mais leur discours pertinent et le
temps consacré m'ont prouvé le contraire. A cette période,
je réécrivais mon constat pour l'approfondir, peut-être
étais-je moi-même à me poser la question de la façon
dont j'allais montrer l'intérêt du sujet pour un cadre de
santé.
Puis le constat s'est étoffé, ces entretiens,
les discussions avec la formatrice et le directeur de mémoire ou
même mes pairs m'ont permis de dégager une réelle
perspective de réinvestissement qui s'est dessinée au fur et
à mesure de l'écrit.
Par ailleurs, je reste maintenant persuadée de
l'intérêt des recherches théoriques pour mener une
réflexion sur des pratiques professionnelles, de même que la
théorie est indispensable à la formation initiale. Je me suis
surprise à récolter un nombre d'écrits important sur les
sujets développés et même à vouloir approfondir ces
thèmes a posteriori. Cela dit entre théorie et pratique, il y a
une question de transfert et d'adaptation nécessaire que je vais aborder
dans la partie réinvestissement.
J'ai été globalement marquée par la
réelle volonté d'échange des soignants (et notamment de
ceux interrogés) avec les formateurs des instituts. Même si leurs
représentations de la formation les guident dans leur accompagnement
d'étudiants, ils se posent des questions qui paraissent peu
écoutées. Ils sont tous en attentes de retour soit de leur
façon d'encadrer, soit de ce qu'ils peuvent apporter de plus à
l'étudiant mais surtout de la façon d'évaluer. Une
infirmière me disait avoir posé ces questions directement
à une formatrice mais s'est trouvée blessée de ne pas
avoir de réponse, voire même méprisée. En cela le
cadre de santé, tant formateur qu'en unité, a un devoir. Celui
d'accorder de l'importance aux questionnements et remarques de ses partenaires
et de leur en faire un retour. C'est pour moi le point de départ d'une
relation co-construite où chacun a sa place.
Bien évidemment, le cadre de santé ne peut avoir
les réponses à tout mais ensemble, dans la discussion, les
partenaires peuvent les obtenir.
Ce à quoi je m'attendais le moins et qui me marquera
le plus, est que ce mémoire m'aura donné l'occasion
d'écrire sur mon questionnement professionnel, de l'argumenter, et
d'envisager une réelle prise de position en tant que cadre de
santé. Il ne constitue pas une recherche à mes questionnements
nombreux, mais en initie une démarche transférable en termes de
réflexion.
III - LE REINVESTISSEMENT
PROFESSIONNEL
2.1/ Du
référentiel infirmier au référentiel manipulateur,
il n'y a qu'un pas.
2.1.1/ Premier bilan de parcours infirmier
Nous disposons à ce jour d'un recul de quelques mois
après l'application du nouveau référentiel de formation
infirmière. La journée du CEFIEC du 25 mars 2010 a
été l'occasion de dresser un premier bilan sur le vécu des
différents acteurs que nous pouvons maintenant appeler partenaires de la
formation initiale.
Les formateurs d'un IFSI présent ce jour là font
le point : « le nouveau référentiel de
formation nous donne, à partir de cette année, les moyens de
mettre en place les premiers éléments d'un réel
accompagnement en stage par le formateur référent, en partenariat
avec le tuteur et les professionnels de proximité. »
Le groupe de travail CEFIEC13(*) de dire : « l'étudiant, le
tuteur et le formateur sont dans une relation tripartite ; ils
interagissent en permanence dans une dynamique constructive où chacun
détient sa part de responsabilité, de construction et
d'évaluation. »
Les formateurs d'un autre IFSI renchérissent :
« le nouveau référentiel n'a fait que renforcer le
partenariat établi de longue date entre l'IFSI et les services.
L'implication des partenaires, tuteurs et maîtres de stage, a
été une ressource pour la mise en oeuvre de cette analyse
[NDR : concerne une analyse de pratique réalisée lors du
stage de semestre 1]. D'autre part, cet exercice a aussi prouvé,
par la richesse des éléments exploités et
récoltés par les étudiants infirmiers, le rôle
prépondérant de ces acteurs. »
Sans revenir sur le mécanisme de modification des
représentations ou les représentations elle mêmes, les deux
premiers paliers sont bien en marche. D'un côté, les circonstances
externes changent et de l'autre, les partenaires de la formation mettent en
place de nouvelles pratiques en reprécisant la finalité autour de
la professionnalisation et de l'acquisition des compétences pour
l'étudiant infirmier, futur praticien réflexif. Alors que les
représentations bougent, les comportements s'accordent.
Qu'en est-il de l'étudiant manipulateur ?
2.1.2/ Pour un transfert en IFMEM
En juin 2010, je devrais prendre mon poste de cadre de
santé à l'IFMEM du CHU d'Amiens.
Au départ, j'ai souhaité aborder la profession
infirmière car je voulais garder une position plus neutre dans les
analyses. Surtout, je gardais dans la tête que le
référentiel de formation infirmier était en plein
changement et je voulais voir si les interviewés allait l'aborder
spontanément, ce qui fût le cas. Je cherchais à voir si ce
nouveau contexte influençait les relations soignants / formateurs et
comment concrètement cela pouvait servir de modèle ou de contre
modèle pour le transfert proche dans la formation des manipulateurs.
En effet, la réingénierie des diplômes ne
concerne pas uniquement la profession infirmière, est-il besoin de la
rappeler ?
« L'expérience des IFSI servira pour les
autres écoles qui devront toutes s'y atteler d'ici 2012. Pour les
IFMEM, les travaux de réingénierie commencent. Nous
espérons êtres prêts en septembre 2011 ». (B.
JAMAULT, 2010, p. 14)
Le Comité d'Harmonisation des centres de Formation de
Manipulateurs d'Electroradiologie Médicale, notamment le G.R.A.C.
(Groupe Référentiels Activité et Compétences pour
les manipulateurs) travaille depuis deux ans (juin 2008) sur la
réingénierie des formations menant au diplôme de
manipulateur d'Electroradiologie Médicale pour une application
espérée à la rentrée 2011.
La méthodologie employée pour la construction du
nouveau référentiel de formation manipulateur est sensiblement
égale à celle employée pour les
infirmiers. Après avoir recueilli les données émanant
des autres formations (juin 2008), après avoir élaboré le
référentiel d'activités (juillet 2008 - février
2009), le référentiel de compétences a été
achevé (février - octobre 2009) pour être repris par un
document de synthèse présenté au ministère de la
santé (novembre 2009). Il reste à construire le
référentiel de formation et à valider le travail.
Le référentiel reprend dix compétences
exigées chez l'étudiant manipulateur pour l'obtention du
diplôme au même titre que le référentiel infirmier
mais avec ses spécificités professionnelles bien entendu (annexe
A, p. 136).
De ce fait, l'acquisition de compétences devra
être au coeur de l'organisation pédagogique en vue de la
professionnalisation.
La formation manipulateur est et restera fondée sur
l'alternance également.
Les manipulateurs, même s'ils sont de filière
médico-technique, ont une composante soignante forte, lors de la
réalisation des examens radiologiques diagnostics et
thérapeutiques.
Enfin, toutes les professions de santé ont une
même attente sociale, celle de répondre aux besoins de
santé.
Pour tous ces points, le transfert de tout ce travail dans la
formation des manipulateurs me semble judicieux.
2.2/ Prise de fonction
formatrice
L'idée première que j'avais en commençant
ce mémoire était d'étudier de quelle manière
j'allais pouvoir moi-même être actrice de cette nouvelle formation
en m'inspirant de l'expérience des IFSI. C'est dans ce sens que j'ai
d'ailleurs choisi d'effectuer mon stage du module 5, fonction de formation en
tant qu'étudiante à l'IFCS, dans un IFSI.
Toutes ces expériences, mais également mon
expérience de faisant fonction au sein de l'IFMEM m'ont confirmé
une chose : toutes les réflexions pédagogiques ne peuvent se
concevoir seul. Si le référentiel se construit actuellement en
partenariat avec des directeurs d'Institut (DE ou DTS), des cadres de
santé formateurs ou d'unité d'imagerie mais aussi des
manipulateurs de tous les domaines d'imagerie diagnostique et
thérapeutique, l'application elle, devra se penser au plus près
des étudiants, ensemble.
Si ce travail a renforcé cette notion de partenariat,
il m'a également aidé à appréhender quelques outils
pour le co-construire. Je serais une actrice au même titre que mes
collègues formateurs, manipulateurs ou cadres d'unité et les
étudiants.
Cependant, entre la théorie et la pratique, il y a une
marge. Je serais présomptueuse de dire que je saurais dès demain
utiliser ce travail pour créer des relations tellement bien
fondées et instituer des pratiques réflexives tellement efficaces
que la professionnalisation des étudiants en sera assurée. Cette
année à l'IFCS me l'a encore prouvé : les projets
avancent notamment grâce à l'implication de tous et le partage de
sens.
De nombreuses données sont à considérer
et influent l'une sur l'autre mais ce travail pourra servir de guide dans ce
projet de participer, en équipe, à la formation des
étudiants manipulateurs.
En outre, fait non négligeable, dans leur parcours
à l'IFMEM d'Amiens, les étudiants ont jusqu'ici des stages en
unités de soins infirmiers. Gageons que le projet pédagogique
reste axé sur cette dynamique à l'application du nouveau
référentiel de formation. Ce travail pourra être utile
à la co-construction de ces modalités de stage et des objectifs
recherchés notamment par le renforcement d'un partenariat avec les
infirmiers, fondé sur les mêmes représentations de la
professionnalisation des manipulateurs. Or si celle-ci repose sur les
mêmes principes, sur les mêmes voies, le point important à
apporter sera les spécificités du métier de manipulateur.
Ceci est très important : les compétences à
construire ne seront pas toutes les mêmes que pour les infirmiers, c'est
sur cela qu'il faudra s'entendre.
Je n'aurai réponse à mes questionnements que
dans la pratique et en l'analysant. En cela, ce mémoire sera un guide
dans l'analyse de ma pratique et des pratiques relationnelles en vue de les
améliorer. Jusqu'ici au sein de l'équipe pédagogique dans
laquelle j'ai travaillé, on se pose des questions, on en discute, au
final, on est dans la réflexion sur la pratique. De même, pour les
étudiants, on instille des moments de réflexivité pendant
les séances de travaux pratiques, pendant les visites en stage, les
cours, mais ce ne sont pas des moments formalisés comme tels où
place est faite à l'expression de leur vécu et de leur ressenti.
Ce serait pour moi bénéfique d'instituer ces moments pour leur
apprentissage.
Pour enrichir ma connaissance dans le domaine de l'analyse des
pratiques, je me suis rendue en mai sur mon lieu de stage du module 5 en IFSI.
J'ai assisté et participé à une analyse de pratiques
professionnelles d'un groupe de deuxième année. En interrogeant
les étudiants, ils me disent avoir eu une autre vision de la situation
présentée. Autant avant de la partager, ils étaient
catégoriques quant à leur façon de la voir - certains ont
d'ailleurs parlé de jugement - autant, après, ils ont compris
leurs erreurs ou leurs propres réactions ou celles des autres. De
là, à en faire une démarche personnelle et quotidienne, il
y a encore du chemin.
Ils prennent souvent les lieux de stage comme
référence. Or si la pratique réflexive n'est pas
fréquente, ils n'ont pas ce modèle dans leur projection
professionnelle, dans leur représentation du métier. Il faudra y
porter une attention particulière.
Il conviendra en outre d'adapter les analyses de pratiques
professionnelles au domaine de la formation des manipulateurs. Si les objectifs
des formations paramédicales sont proches sur la forme, sur le fond,
elles sont heureusement spécifiques à chaque profession. Le
métier de manipulateur a une composante technologique importante avec
des évolutions rapides que l'on pourra intégrer à la
démarche réflexive. (Cf compétences 3,4,5,6 du
référentiel de compétences des manipulateurs, annexe A, p.
136).
2.3/ Le
réinvestissement en unité
Ce qui s'est porté ici sur l'objet de la formation et
de la professionnalisation de l'étudiant peut s'appliquer de la
même façon dans les services. Si ici mon intention a
été de développer des concepts liés davantage
à la formation, c'est qu'ils correspondent à mon projet
professionnel immédiat. Mais c'est un premier pas vers un transfert lors
d'une prise de poste éventuelle en unité.
Si l'intérêt de la pratique réflexive a
été ici démontré pour les étudiants, elle se
perçoit de plus en plus au sein des équipes professionnelles
soignantes. Cela rejoint le point abordé en théorie. Comment
concevoir d'accompagner dans la pratique réflexive sans la mener pour
soi ?
Mais le développement des compétences concerne
tous les acteurs de tous les services et pas seulement les étudiants. Le
mécanisme de l'acquisition des compétences (page 87 de ce
travail) nous rappelle qu'elle passe par la conscientisation de ses savoirs en
acte. Le cadre peut impulser cette démarche pour les équipes.
L'approche par compétences dans les référentiels est
nouvelle et les soignants en place n'ont pas connu ce système. Je n'ai
pas eu à ma connaissance d'exemples d'analyse de pratiques
exercées en unité.
Les professionnels de proximité vont devoir trouver un
intérêt à cette démarche. Mais nous l'avons vu,
seule la pratique pourra provoquer l'intérêt ou le
désintérêt. Les premières fois auront un impact
important sur les préjugés.
Cela me semble important pour un cadre de santé car il
travaille avant tout en équipe. Ce qui sous entend une co-construction
et une co-responsabilité des situations rencontrées. De
même, je l'ai évoqué, ces démarches s'engagent sur
du long terme. En avoir conscience permet au cadre de ne pas se
décourager et de ne pas baisser les bras trop rapidement.
2.4/ Globalement
Une combinatoire de circonstances externes, des pratiques
modifiées sur du long terme peut contribuer à remodeler une
représentation de tous les acteurs impliqués. Ainsi si une
situation devient critique, je pense qu'il ne suffira pas d'en parler mais
chacun devra participer à son changement. Ceci ne pourra se faire que si
chacun a conscientisé sa façon de voir. La pratique
réflexive est un élément de réponse à cela
sans pour autant être la réponse unique.
Je profite de ce point pour repréciser le cadre de ce
travail. Autant en institut qu'en unité, la pratique réflexive
n'est pas la réponse à tous les maux. Elle participe à
l'acquisition et au développement des compétences mais ne saurait
être pertinente si pratiquée inutilement. Il s'agit d'une mise
à distance des situations vécues, d'une aide à la
compréhension. Elle ne saurait concernée que des pratiques qui
posent question, qui posent problème éventuellement. Il doit
s'agir d'un moment formalisé comme tel en institut mais aussi en
unité. Souvent, elle sera programmée par les formateurs en
institut et demandée par les soignants eux-mêmes dans
l'unité. Mais, comme je l'ai remarqué dans la séance
à laquelle j'ai assisté à l'IFSI, elle s'avère
productive et efficace si et seulement si les participants sont
impliqués et volontaires à ce type de démarche. Autant au
début de la séance les étudiants ont
présenté un manque d'entrain à exposer une situation,
autant à la prise de parole ils se sont montrés très
loquaces jusqu'à l'émotion.
Si dans le domaine infirmier, l'approche par
compétences a commencé en formation initiale, il n'en est pas de
même chez les manipulateurs. Or c'était le but de ce travail.
Utiliser l'expérience des autres pour mieux se préparer.
L'application d'un nouveau référentiel manipulateur va devoir se
discuter, se co-construire dès le départ. On peut supposer que
le questionnement des professionnels manipulateurs, comme les
représentations, sera le même que les infirmiers. Il s'agira pour
les formateurs d'être présents pour y répondre. Cette
réflexion sur le nouveau référentiel de formation
infirmier ne pourra que me faciliter l'appropriation du nouveau
référentiel de formation des manipulateurs.
Au sein de l'équipe pédagogique, nous nous
partageons les rôles auprès des étudiants. En accord avec
le projet pédagogique co-construit, nous pourrons développer la
pratique réflexive au sein de l'institut avec les professionnels
manipulateurs. De même, s'il est important que les professionnels soient
eux-mêmes dans cette démarche réflexive, il est aussi
important de les y accompagner. Par le biais des formations continues
proposées au sein de l'institut de formation, nous pourrons être
dans cette posture. Je précise que je ne néglige pas l'importance
de m'y former moi-même et d'entretenir la réflexion sur ces
démarches. Nous avons eu une approche durant cette année à
l'IFCS par le récit, les bilans de parcours, l'entretien d'explicitation
qui seront des premiers outils à exploiter.
Pour note, la pratique réflexive ne peut se
prévaloir de méthode congrue sans passer par l'évaluation.
En effet, il conviendra d'évaluer la pertinence de ses outils, le
degré de volontariat des participants, les conditions de mises en
oeuvre, et à long terme, la capacité des étudiants
à la réinvestir en tant que professionnels. Ainsi, nous pourrons
faire les réajustements nécessaires au gré des
évolutions professionnelles et les améliorer.
Enfin, concevoir ces temps de pratique réflexive est
bien une injonction réglementaire. Je ne peux négliger, nous ne
pouvons négliger le temps que cela prend pour des professionnels
déjà bien occupés. Je pense que l'on pourra s'appuyer sur
la toujours bonne volonté des équipes, notamment des tuteurs,
pour leur mise en oeuvre mais il faudra avant tout penser la mise en place
efficiente des outils de la pratique réflexive en partenariat avec les
trois acteurs de la formation.
Je pense alors à un quatrième acteur sur lequel
il faudra compter. Il s'agit de la direction des soins. Cette mise en place des
outils pour la pratique réflexive tant en institut (qui en dépend
fonctionnellement, rappelons le) qu'en unité d'ailleurs, ne pourra se
faire qu'avec la coordination concertée, co-construite de ces acteurs.
Concertation pour dégager du temps, se former, former, évaluer,
améliorer, en un mot professionnaliser.
IV - LIMITES DU MEMOIRE
Je souhaiterai aborder particulièrement quatre
points.
Le premier concerne la méthode employée pour ce
mémoire. La méthode inductive m'a au départ
inspirée bien que je ne puisse comparer avec la méthode
hypothético-déductive pour ne pas l'avoir utilisée. Puis
avant la troisième série d'entretiens, j'ai éprouvé
le besoin de lire sur les représentations. L'interprétation des
derniers entretiens qui a suivi s'est révélée pour moi
plus rationnelle. Je me suis demandé si employer l'autre méthode
n'aurait donc pas été plus judicieuse. Cela restera du domaine de
la supposition. En revanche, je ne peux nier que la méthode ici
adoptée m'a apporté une réflexion qui m'est propre et qui
aurait certainement été influencée par la théorie
dans l'autre cas. Pour cela, je suis satisfaite d'avoir
sélectionné la méthode inductive.
Deuxièmement, et pour rejoindre le premier point, la
réflexion engagée au long de ce travail est le produit d'un
moment donné d'écriture et d'une méthode choisie.
Même s'il a été partagé, lu, relu, remanier, il ne
saurait constituer une valeur heuristique. Il est à considérer
comme un travail d'initiation à la recherche qui m'aura permis un
formidable apprentissage.
Troisièmement, une limite importante de ce
mémoire se situe dans la partie théorique. [Je ne reviendrais pas
sur la limite de la recherche sur les représentations, nous l'avons
évoqué en partie empirique (page 29-30)]. En
effet, le développement théorique est
limité par les lectures que j'ai choisies. Il aurait pu être plus
exhaustif ou d'un regard autre selon les auteurs sélectionnés.
J'ai cité des auteurs soit connu pour leurs écrits sur le
domaine, soit conseillé par mes accompagnateurs, soit parus dans des
revues spécialisées, soit trouvés au hasard de mes
recherches. Si des investigations différentes avaient pu mener à
d'autres réflexions, l'apprentissage et la qualité de la
réflexion en eux-mêmes auraient été tout aussi
enrichissants. J'en retiendrais le plaisir d'avoir lus ces auteurs et
traités de ces sujets.
La quatrième limite qu'il me semble opportun de citer
est sur le fond.
J'y reviens sans insister car je l'ai déjà
écrit. La pratique réflexive n'est pas la panacée !
Elle correspond à une mouvance pédagogique initiée par
Schön (1994) puis reprise par les enseignants pour la formation des
maîtres. Elle est arrivée dans la formation paramédicale
pour palier à tous ces maux liés aux perpétuelles
mouvances, notamment réglementaires, du monde hospitalier. Elle est
l'objet d'un engouement en formation, d'un « tournant »
pour reprendre Schön. Il s'agira de prendre connaissance des
expériences multiples dans le domaine pour évaluer sa pertinence
et son intérêt dans la formation. En aucun cas, la formation ne
saurait se passer de méthodes pédagogiques diversifiées et
fondamentales dans la construction des compétences des futurs
professionnels paramédicaux.
CONCLUSION
« Histoire - trajet -
projet »14(*).
A ma prise de fonction en institut de formation
paramédicale, je ne savais rien de la théorie et des pratiques
pédagogiques. Les situations se présentaient et j'y faisais face
en agissant avec ma personnalité, en demandant à mes
collègues ce qu'ils feraient dans ces situations, bref, avec les
« moyens du bord ». Les résultats de mes actions me
permettaient de les analyser et d'en tirer leçon au cas où elles
se représenteraient. J'ai donc vécu l'apprentissage
expérientiel décrit par Kolb (1984). Aujourd'hui, je
réalise un mémoire dans lequel je me suis trouvée
investie. Au départ non conscientisé, j'ai poursuivi un processus
vers une posture de praticienne réflexive.
Si j'ai pris plaisir à écrire ce mémoire,
j'espère au moins avoir éveillé un intérêt
à sa lecture.
Je vais prendre mon poste de cadre de santé formatrice.
L'expérience dans la fonction prendra sens dans la compréhension
des situations vécues par la mise à distance
régulière de ces situations.
Je serais actrice de la formation mais le premier rôle
sera tenu par l'étudiant. Avec les partenaires, professionnels de
proximité, cadres d'unité, institutions, la région, nous
devrons nous attacher à lui donner la réplique tout en
l'accompagnant vers l'autonomie de son interprétation professionnelle.
La posture n'est pas simple mais par la mise au clair des objectifs :
acquisition de compétences et professionnalisation, nos
représentations nous guideront avec sens dans notre accompagnement
co-construit.
CONCLUSION GENERALE
CONCLUSION
GENERALE
« Le mémoire est centré sur un
problème ancré dans le vécu professionnel de
l'étudiant. »15(*)
Le constat de ce mémoire a relevé de multiples
constations vécues et entendues pendant mon expérience
professionnelle. Il soulevait un problème : la façon dont
est perçu le rôle du formateur par les professionnels de
proximité influe sur la formation de l'étudiant. La question de
départ avait pour but de vérifier le constat de
« décalage » du formateur avec la
réalité.
Cette recherche a donc débuté très
naïvement sur les représentations sociales des soignants envers les
formateurs avec cette question :
Comment sont réellement perçus les formateurs
par les professionnels de proximité ?
La démarche empirique et une première analyse
ont enclenché le mécanisme d'une réflexion plus
précise par un questionnement évoluant vers :
Dans le cadre de la professionnalisation de l'étudiant,
quelles relations souhaitent développer les soignants et quelles
attentes ont-ils du formateur ?
J'ai alors réalisé et analysé une
nouvelle série d'entretien qui m'a permis de confirmer les attentes
nombreuses des infirmiers, comme leur réelle volonté
d'échange et de rencontres. Puis, je me suis aidée de la
théorie pour mieux analyser et m'orienter vers une voie de recherche
plus riche. Les représentations un peu mieux cernées, le travail
a continué avec cette question :
Quels sont les éléments structurant les
représentations des soignants sur les formateurs et quels sont
leurs impacts sur leurs relations ?
Recherches, concept de représentation et nouveaux
entretiens ont ouvert sur cette problématique :
En quoi la pratique réflexive utilisée
au coeur du triptyque formateur-étudiant-soignant, est un moyen de
favoriser une représentation commune de la formation au
bénéfice de la professionnalisation de l'étudiant
?
La partie conceptuelle, quant à elle, a
été incontournable pour s'approprier à bon escient les
concepts sociologiques et pédagogiques que sont respectivement les
représentations sociales et la professionnalisation, l'alternance,
l'acquisition des compétences, la pratique réflexive.
Ces deux parties, empirique et théorique, nous
conduisent à émettre trois hypothèses :
Ø La pratique réflexive permet de
co-construire les représentations dont l'objet commun des partenaires
peut être la professionnalisation.
Ø La pratique réflexive, associée
aux fondamentaux pédagogiques, est un vecteur de la professionnalisation
et de l'acquisition des compétences autant pour l'étudiant que
pour les professionnels en exercice.
Ø La pratique réflexive pousse à
la co-construction d'un partenariat à trois rôles
spécifiques centré sur l'étudiant.
La partie pragmatique, enfin, a resitué
l'intérêt de ce travail dans le réinvestissement
professionnel d'un cadre de santé issu de la profession manipulateur
d'électroradiologie médicale. Il peut aussi être un
outil pour les professionnels de proximité et les cadres en
unité.
Tout ce chemin parcouru et ces hypothèses sont le point
de départ d'une pratique professionnelle centrée non seulement
sur l'étudiant, mais aussi sur les professionnels de proximité.
Telle est ma conception du cadre de santé. Il crée le
partenariat, l'entretient, le stimule. Au nom de quoi ? Forte de ce
travail, je me permets de répliquer : pour répondre aux
besoins en santé de la population. Comment ? En favorisant la
professionnalisation ; non pas pour former et accompagner des
professionnels compétents, nous savons maintenant que c'est un
pléonasme, mais tout simplement former et accompagner des professionnels
de santé. Dans ce contexte, chacun va devoir affirmer son rôle
dans la professionnalisation...
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référence partagé par les acteurs de la formation, in
revue Recherche et Formation pour les professionnels de l'éducation,
n° 36 : le praticien réflexif, la diffusion d'un
modèle de formation, pp. 29 à 41
JAMAULT, B., avril 2010, l'IFMEM a
fêté sa 30ème promotion, Reflets, le
journal interne du CHU Amiens Picardie, n° 85, p.14
LAGADEC, A.-M., mai 2009,
professionnalisation des cadres de santé et analyse de
pratiques, soins cadres, n° 70, pp. 43 à 45
PERRENOUD, P., septembre 2004, adosser la
pratique réflexive aux sciences sociales, condition de la
professionnalisation, in Education Permanente, n°160, pp. 35 à
60
AUTRES :
DOUBLET, M.-H., journée du CEFIEC, 25
mars 2010, Armentières
PAQUAY, L., SIROTA, R., 2001,
éditorial de la revue Recherche et Formation pour les professionnels de
l'éducation, n° 36 : le praticien réflexif, la
diffusion d'un modèle de formation, 2001, pp. 5 à 15
PETIT LAROUSSE, édition 2009
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS
PREAMBULE
- 1 -
INTRODUCTION AU MEMOIRE
- 4 -
PARTIE I : PARTIE EMPIRIQUE
INTRODUCTION A LA PARTIE EMPIRIQUE
- 6 -
CHAPITRE I -
PREMIERE VAGUE D'ENTRETIENS
- 7 -
I - CADRE DES ENTRETIENS
- 7 -
1.1/ Objectifs
- 7 -
1.2/ Population choisie
- 7 -
1.3/ Consignes
- 9 -
1.4/ Déroulement et ressenti du premier
entretien
- 9 -
1.5/ Déroulement et ressenti du
deuxième entretien
- 10 -
1.6/ Synthèse des déroulements et
ressentis
- 11 -
II - ANALYSE DE LA PREMIERE VAGUE
- 11 -
2.1/ Thèmes
récurrents communs
- 11 -
2.2/ Conclusion de la première
vague
- 15 -
SYNTHESE DE LA PREMIERE VAGUE
- 16 -
CHAPITRE II -
DEUXIEME VAGUE D'ENTRETIENS
- 17 -
I - CADRE DES ENTRETIENS
- 17 -
1.1/ Objectifs
- 17 -
1.2/ Population choisie
- 17 -
1.3/ Consignes
- 17 -
1.4/ Déroulement et ressenti du
troisième entretien
- 18 -
1.5/ Déroulement et ressenti du
quatrième entretien
- 19 -
1.6/ Synthèse des déroulements et
ressentis
- 19 -
II - ANALYSE DE LA DEUXIEME VAGUE
- 20 -
2.1/ Thèmes
récurrents communs
- 20 -
2.2/ Conclusion de la deuxième
vague
- 24 -
2.3/ Analyse croisée avec la première
vague
- 25 -
SYNTHESE A L'ISSUE DE LA DEUXIEME
VAGUE
- 27 -
TRANSITION -
QUAND LA THEORIE S'IMPOSE
- 28
-
I - EVOLUTION DE MA RECHERCHE
- 28 -
II - UNE METHODOLOGIE ADAPTEE ?
- 29 -
CHAPITRE III -
TROISIEME VAGUE D'ENTRETIENS
- 31 -
I - CADRE DES ENTRETIENS
- 31 -
1.1/ Objectifs de ces entretiens
- 31 -
1.2/ Population choisie
- 31 -
1.3/ Consignes
- 31 -
1.4/ Synthèses des déroulements et
ressentis de cette vague d'entretien
- 32 -
II - ANALYSE
- 33 -
2.1/ Analyse entretien n°5
- 33 -
2.2/ Analyse entretien n°6
- 35 -
2.3/ Analyse entretien n°7
- 37 -
SYNTHESE DE LA TROISIEME VAGUE
- 39 -
CONCLUSION DE LA PARTIE EMPIRIQUE
- 41 -
BILAN D'ETAPE PERSONNEL
- 41 -
BILAN D'ETAPE SUR LA RECHERCHE
- 42 -
PARTIE II : PARTIE THEORIQUE
INTRODUCTION
- 48 -
CHAPITRE I -
DE L'IMPORTANCE DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
- 50
-
I - LES REPRESENTATIONS SONT
INCONTOURNABLES
- 50 -
1.1/ Définitions
- 51 -
1.2/ L'impact des représentations
sociales
- 54 -
II - CARACTERISTIQUES ET FONCTIONS DES
REPRESENTATIONS SOCIALES
- 56 -
2.1/ Caractères fondamentaux d'une
représentation sociale (d'après D. Jodelet et J.-C. Abric)
- 56 -
2.2/ Fonctions des représentations sociales
(d'après J.-C. ABRIC)
- 57 -
Synthèse intermédiaire
- 59 -
III - CONSTRUCTION DES REPRESENTATIONS
SOCIALES
- 60 -
3.1/ Genèse des représentations
sociales
- 61 -
3.2/ Structure des représentations
sociales
- 62 -
3.3/ Evolution et transformation des
représentations sociales (d'après C. FLAMENT)
- 68 -
CONCLUSION DU CHAPITRE I
- 74 -
CHAPITRE II -
ELEMENTS CONTEXTUELS
DE LA FORMATION INFIRMIERE
- 76 -
I - LES PRINCIPES DE BASE DE LA FORMATION
INFIRMIERE
- 76 -
1.1/ Un nouveau texte comme nouvelles circonstances
externes
- 76 -
1.2 / Trois acteurs de la formation
- 77 -
1.3/ L'alternance intégrative comme
méthode pédagogique
- 78 -
II - LA FINALITE DE LA FORMATION COMME
OBJET DE REPRESENTATION COMMUN
- 81 -
2.1 / Dans les textes
- 81 -
2.2 / La professionnalisation
- 82 -
2.3 / L'acquisition des compétences.
- 85 -
Faisons le point
- 86 -
2.4 / La nécessité de la nuance
- 87 -
III - QUELLE PRATIQUE POUR LA
RELIANCE ?
- 89 -
3.1 / Le mécanisme de l'acquisition de la
compétence comme point de départ de la relation triangulaire
- 89 -
CONCLUSION DU CHAPITRE II
- 90 -
CHAPITRE III -
LA PRATIQUE REFLEXIVE
- 91
-
I - ELEMENTS DE BASE DU CONCEPT
- 91 -
1.1/ Origine
- 92 -
1.2 / Des notions à éclairer
- 93 -
II - L'INTERET DE LA PRATIQUE REFLEXIVE
- 96 -
2.1/ Du lien avec les finalités de la
formation
- 96 -
2.2 / Du lien avec les représentations
- 97 -
III - LES LIMITES DE LA PRATIQUE
REFLEXIVE
- 98 -
3.1/ De praticien réflexif formé
à praticien réflexif formateur
- 98 -
3.2/ Un sens nécessaire
- 98 -
3.3/ La prise en compte des valeurs
- 99 -
3.4/ Outils pour un autre but
- 99 -
3.5/ Ne pas considérer la pratique
réflexive comme une fin en soi
- 99 -
IV - LA POSTURE D'ACCOMPAGNATEUR DE LA
PRATIQUE REFLEXIVE
- 100 -
4.1/ De la complexité de la
démarche
- 100 -
4.2/ Les indicateurs de réflexivité
dans l'analyse de pratiques
- 100 -
4.3/ Préoccupations de la démarche
d'accompagnement de la pratique réflexive
- 102 -
CONCLUSION DU CHAPITRE III
- 103 -
CONCLUSION DE LA PARTIE THEORIQUE
- 105 -
PROBLEMATIQUE
DE L'EMPIRIQUE A LA THEORIE VERS LE
PRAGMATIQUE
- 107 -
PARTIE III : PARTIE PRAGMATIQUE
INTRODUCTION
109
I - PETIT RECIT REFLEXIF
109
II- ATTENTES ET DECOUVERTES
112
III - LE REINVESTISSEMENT PROFESSIONNEL
114
2.1/ Du référentiel infirmier au
référentiel manipulateur, il n'y a qu'un pas.
115
2.2/ Prise de fonction formatrice
116
2.3/ Le réinvestissement en unité
118
2.4/ Globalement
119
IV - LIMITES DU MEMOIRE
121
CONCLUSION
123
CONCLUSION GENERALE
- 124 -
BIBLIOGRAPHIE
- 126 -
TABLE DES MATIERES
- 130 -
ANNEXE A : les 10 compétences IDE et les
10 compétences MEM
- 135 -
ANNEXE A
LES DIX COMPETENCES DEVANT ETRE MAITRISEES PAR LES
PROFESSIONNELS INFIMIERS ET ATTESTEES PAR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETAT
D'INFIRMIER.
(Extrait de l'annexe II de l'Arrêté du 31
juillet 2009 relatif au diplôme d'Etat d'infirmier)
1. Evaluer une situation clinique et établir un
diagnostic dans le domaine infirmier ;
2. Concevoir et conduire un projet de soins infirmiers ;
3. Accompagner une personne dans la réalisation de ses
soins quotidiens ;
4. Mettre en oeuvre des actions à visée
diagnostique et thérapeutique ;
5. Initier et mettre en oeuvre des soins éducatifs et
préventifs ;
6. Communiquer et conduire une relation dans un contexte de
soins ;
7. Analyser la qualité des soins et améliorer sa
pratique professionnelle ;
8. Rechercher et traiter des données professionnelles
et scientifiques ;
9. Organiser et coordonner des interventions soignantes ;
10. Informer et former des professionnels et des personnes en
formation.
LES DIX COMPETENCES DEVANT ETRE MAITRISEES PAR LES
PROFESSIONNELS MANIPULATEURS ET ATTESTEES PAR L'OBTENTION DU DIPLOME D'ETAT DE
MANIPULATEUR D'ELECTRORADIOLOGIE MEDICALE (DOCUMENT DE TRAVAIL)
(Texte issu de la présentation de E. MOERSCHEL,
pour l'AFPPE Alsace, mars 2010 disponible sur
http://www.scribd.com/doc/28671128/AFPPE-040310,
consulté mai 2010)
1. Accueil et information de la personne soignée ;
2. Mise en oeuvre de la continuité des soins ;
3. Réalisation d'actes diagnostiques et
thérapeutiques ;
4. Exploitation, gestion et transfert des
données ;
5. Radioprotection ;
6. Gestion des Risques ;
7. Organisation des activités et gestion administrative
;
8. Contrôle et gestion des matériels, dispositifs
médicaux et produits ;
9. Formation et information des professionnels et
étudiants ;
10. Veille professionnelle et recherche.
MEUNIER - LUCOT Maguy
I.F.C.S. C.H.R.U. de Lille
Promotion 2009 / 2010
DES REPRÉSENTATIONS À LA PRATIQUE
RÉFLEXIVE :
POUR UNE CO-CONSTRUCTION DE LA
PROFESSIONNALISATION
MOTS CLEFS : Représentations -
Professionnalisation - Co-construction -
Etudiants - Pratique réflexive
Résumé
Alors faisant fonction cadre de santé formatrice, un
étudiant manipulateur me dit : « le manipulateur m'a
dit que la théorie ça ne sert à rien, pourquoi dit-il
ça ? ». Partant de ce constat, le but de cette
initiation à la recherche est de comprendre comment le cadre de
santé formateur peut créer une relation triangulaire pour
favoriser la professionnalisation des étudiants en s'appuyant sur les
représentations. Je me suis penchée sur la profession
infirmière plongée dans sa première année de
nouveau référentiel de formation. La méthode inductive
adoptée, sept infirmiers encadrant les étudiants au quotidien ont
été interrogés de façon semi-directive en trois
séries. Une analyse qualitative a permis de dégager les
représentations des infirmiers par rapport au rôle du formateur.
Il en découle des attentes unanimes envers le formateur sur lesquelles
ce dernier va pouvoir s'appuyer. Plus que d'y répondre, la question
s'est posée d'apporter une réflexion. Ainsi est née la
problématique : en quoi la pratique réflexive
utilisée au coeur du triptyque formateur - étudiant - soignant,
est un moyen de favoriser une représentation commune de la formation au
bénéfice de la professionnalisation de
l'étudiant ?
Pour tenter d'apporter des hypothèses de
réponse, des concepts du domaine de la sociologie et de la
pédagogie ont été traités. Une étude sur les
représentations sociales, le mécanisme de leur transformation et
sur les exigences du nouveau référentiel de formation infirmier
nous a conduis vers la nécessaire définition d'un objet commun
des représentations : la professionnalisation. Pour parvenir
à ces buts, la pratique réflexive s'impose comme un outil
possible. En tous les cas, ils ne seront pas atteignables sans un partenariat
co-construit par les acteurs de la formation, les représentations
guidant nos relations.
La partie pragmatique, enfin, a resitué
l'intérêt de ce travail dans le réinvestissement
professionnel d'un cadre de santé formateur issu de la profession
manipulateur d'électroradiologie médicale.
* 1 Ce que j'entends par ce
terme : Savoir être au sens de G. Le Boterf et capable d'une prise en
charge holistique au sens de W. Hesbeen
* 2 Lire partout
Diplôme d'Etat
* 3 Lire partout Institut de
Formation en Soins Infirmiers
* 4 Lire partout Institut de
Formation de manipulateurs d'Electroradiologie Médicale
* 5 Lire partout Infirmier(e)
diplômé(e) d'Etat
* 6 Lire partout Mise en
Situation Professionnelle
* 7 Pour cette analyse, je me
suis fondée sur la théorie de JC ABRIC décrivant la
structure des représentations organisées autour d'un noyau
central et des éléments périphériques. Cette
théorie est reprise dans le chapitre 8 : l'étude
expérimentale des représentations sociales, in JODELET (D.),
« Les représentations sociales ». Paris,
PUF, 7ème édition, avril 2003, p. 215
Voir aussi partie théorique de ce mémoire,
chapitre I, de l'importance des représentations, pp. 50 à 55.
* 8 Lire partout Note de la
Rédactrice
* 9 W. DOISE parle ici de
représentations sociales.
* 10
http://www.psychoweb.fr/articles/psychologie-sociale/130-representations-sociales-theorie-du-noyau-central-abric.html
[consulté avril 2010]
* 11 Extrait de l'annexe 3
de l'arrêté du 31/07/2009, (SEDI, p. 70) : « La
posture réflexive. L'entraînement réflexif est une exigence
de la formation permettant aux étudiants de comprendre la liaison entre
savoirs et actions, donc d'intégrer les savoirs dans une logique de
construction de la compétence. »
* 12 Terme employé
par A. Geay dans son ouvrage l'école de l'alternance, page 40
et repris de M. Bolle De Bal, 1996, voyage au coeur des sciences humaines.
De la reliance, Paris, L'Harmattan. J'ai donc entrepris quelques
recherches sur ce concept en lui-même.
« La reliance possède une double
signification conceptuelle : 1. L'acte de relier ou de se relier
(...) ; 2. Le résultat de cet acte. » M.-B. De Bal
définit à partir de là la notion de relier :
« créer ou recréer des liens, établir ou
rétablir une liaison entre une personne et soit un système dont
elle fait partie, soit l'un des sous-systèmes ». Extrait
du site www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=SOC_080... Article issu de la
revue Sociétés, n° 80, 2ème semestre 2003
intitulé
Reliance,
Déliance, liance : émergence de trois notions
sociologiques, de M.-B. De Bal - [consulté mai
2010]
Dans le cas qui intéresse ce travail, la conception de
l'analyse de pratiques correspondrait davantage à de la
« reliance sociale », c'est-à-dire
« la reliance entre une personne et un autre acteur social,
individuel (une personne) ou collectif (groupe, organisation,
institution,...) ». M.-B. De Bal la définit ainsi :
« l'action visant à créer ou recréer des
liens entre des acteurs sociaux que la société tend à
séparer ou à isoler, les structures permettant de réaliser
cet objectif, les liens ainsi créés ou recrées».
Enfin, pour lui, « l'acte de relier implique toujours une
médiation, un système médiateur ». Comme
nous le laisse supposer la partie précédente de ce travail, le
système médiateur du partenariat entre les trois acteurs de la
formation infirmière serait donc la conception qu'ils se font de
l'analyse de pratiques.
J'ai trouvé ce concept intéressant dans le sens
où il rejoint pleinement ce que ce travail a tenté d'explorer. En
effet, les systèmes médiateurs mis en jeu dans la reliance
sociale sont pour De Bal, entre autres, « des systèmes de
représentations collectives permettant la communication,
l'échange, la reliance ».
* 13 Lire Comité
d'Entente des Formations Infirmières Et Cadres
* 14 Issu du projet
pédagogique de l'IFCS du CHRU de Lille - 2009 / 2010
* 15 Guide de
présentation du mémoire de l'IFCS du CHRU de Lille 2009-2010
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