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Le sort des droits de préemption dans les procédures collectives agricoles

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par Jérémy MAINGUY
Université de Poitiers - Master 2 Droit de l'activité agricole et de l'espace rural 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITÉ DE POITIERS
FACULTÉ DE DROIT ET DES SCIENCES SOCIALES

 

MÉMOIRE DE MASTER II DROIT DE L'ACTIVITÉ AGRICOLE ET DE L'ESPACE RURAL

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION
DANS LES PROCÉDURES COLLECTIVES AGRICOLES

MONSIEUR JÉRÉMY MAINGUY

DIRECTEUR DU MÉMOIRE

Monsieur Pascal RUBELLIN

Maître de conférences à la faculté de droit et des sciences sociales
de l'université de Poitiers

Année universitaire 2009-2010

L'université de Poitiers n'entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce document ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.

Je dédie ce travail à mon défunt grand-père qui m'a soutenu tout au long de mes études.

À Monsieur Pascal Rubellin qui a accepté d'être mon directeur de mémoire À Monsieur Denis Rochard pour ses précieux conseils

À Maître Nelly Leroux-Bostyn et sa collaboratrice Valérie qui m'ont aidé tout au long de l'élaboration de mon travail

À Monsieur Rémy Lérignier pour son aide précieuse

SOMMAIRE

SOMMAIRE 5

LISTE DES ABRÉVIATIONS 7

PREMIÈRE PARTIE.

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION

AU PREMIER TEMPS DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE 15

A. LE SORT DES DROIT DE PRÉEMPTION AU DÉBUT DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE AGRICOLE 17

1. Rappel des règles déterminant l'ouverture d'une procédure collective en matière agricole et de leurs effets 17

2. Les effets du jugement d'ouverture sur les droits de préemption dans le domaine agricole 23

B. LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION RURAUX DANS LES PLANS DE SAUVEGARDE

ET DE LIQUIDATION JUDICIAIRE 34

SECONDE PARTIE.

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION

RURAUX EN CAS DE DISPARITION TOTALE OU PARTIELLE

DE L'EXPLOITATION AGRICOLE 37

A. LES PRINCIPAUX EFFETS DU JUGEMENT OUVRANT UNE PROCÉDURE

DE LIQUIDATION JUDICIAIRE 38

1. La nomination d'un liquidateur judiciaire 39

2. Le dessaisissement du débiteur de ses pouvoirs 39

B. LE PLAN DE CESSION, UN OBSTACLE À L'EXERCICE DES DROITS DE PRÉEMPTION

EN MATIÈRE AGRICOLE ? 40

1. Le plan de cession 40

2. Le sort des droits de préemption ruraux en cas de plan de cession 42

3. Le sort du bail rural dans le plan de cession 44

C. LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION RURAUX EN CAS DE CESSION DES ACTIFS

EN ORDRE DISPERSÉ 52

1. Les règles relatives à la réalisation des actifs isolés 52

2. La cession des actifs isolés et le droit de préemption du preneur 53

3. La cession des actifs isolés et le droit de préemption de la SAFER 58

CONCLUSION 62

ANNEXES

EXEMPLE DE PLAN DE CESSION D'UNE EXPLOITATION AGRICOLE 66

BIBLIOGRAPHIE 79

TABLE DES MATIÈRES 83

LISTE DES ABRÉVIATIONS

Act. proc. coll. Actualités des procédures collectives

AJ Actualités juridiques

act. jurispr. Actualité jurisprudentielle

al. Alinéa

Ann. Loyers Annales des loyers (les)

AN Assemblée nationale

Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles)

BICC Bulletin d'information des arrêts de la Cour de cassation

CA Cour d'appel

Cass. Cour de cassation

ch. chambre

C. civ. Code civil

C. com. Code de commerce

C. rur. Code rural

coll. Collection

comm. Commentaire

concl. Conclusions

D. Dalloz (Recueil)

Dict. perm. Dictionnaire permanent (éditions législatives)

DEA Diplôme d'études approfondies

DPU Droit à paiement unique

doc. Document

éd. Edition

EARL Entreprise agricole à responsabilité limitée

Et. fonc. Etudes foncières

JOAN Q Journal officiel (Questions réponses) Sénat

J.-Cl. Juris-Classeur (Encyclopédies)

JCP E Juris-Classeur périodique- édition entreprise

JCP G Juris-Classeur périodique - édition générale

JCP N Juris-Classeur périodique - édition notariale et immobilière

LPA Les Petites Affiches

L. Loi

n° Numéro

obs. Observation

ord. Ordonnance

p. Page

RMI Revenu minimum d'insertion

RSA Revenu de solidarité active

RD banc. et bourse Revue de droit bancaire et bourse

RD rur. Revue de droit rural

Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives

Rapp. Rapport

SAFER Société d'aménagement foncier et d'établissement rural

SARL Société à responsabilité limitée

SRU Solidarité et renouvellement urbain

soc. social

SAU surface agricole utile

TGI Tribunal de grande instance

T. com. Tribunal de commerce

V. Voir

INTRODUCTION

La loi n° 88-1102 du 30 décembre 1988 a généralisé l'application du droit des procédures collectives aux exploitation agricoles.

En effet, bien que certains agriculteurs étaient déjà soumis aux procédures collectives (agriculteur ayant la qualité de commerçant...), cette loi constitue un tournant.

Elle a pris en compte une situation existant depuis plusieurs décennies un certain nombre d'exploitations agricoles sont confrontées à une situation financière difficile :

- en 1992, 8 000 agriculteurs étaient bénéficiaires du RMI ;

- de 1988 à 1991, 3 500 exploitations agricoles ont cessées d'exister à cause de difficultés financières 1 ;

- plus récemment le revenu des agriculteurs a diminué de 34 % au cours de l'année 2009 et près de 75 000 agriculteurs seraient éligibles au RSA 2.

Cependant, cette loi a aussi créé un espace de confrontation entre le droit des procédures collectives et le droit rural.

Les procédures collectives ont pour effet d'assurer un règlement collectif des créanciers en supprimant le droit des créanciers d'exercer des poursuites individuelles.

Ce droit n'a jamais cessé d'évoluer afin de permettre une meilleure survie des débiteurs en difficulté. Cette priorité est inscrite dans l'article premier de la loi du 25 janvier 1985 qui fixe les objectifs des procédures collectives :

« La sauvegarde de l'entreprise, le maintient de l'activité, de l'emploi et l'apurement du passif ».

La loi n° 2005-45 du 26 juillet 2005 a créé la procédure de sauvegarde. Rompant avec les critères traditionnel, cette procédure peut être ouverte sans que le débiteur ne soit en état de cessation des paiements.

D'autres mécanismes se sont développés : la procédure de conciliation prévue à l'article L. 611-4 du Code de commerce, crée par la loi du 25 janvier 2005 en

1 F. Colson, A. Blogowski, B. Dorin, « Les exploitations agricoles en situation difficile », RD. rur.,

n° 220 février 1994, p. 49.

2 Le Monde, 2 mars 2010.

remplacement de la procédure de règlement amiable. Elle peut être ouverte bien que le débiteur soit déjà en état de cessation des paiements dans la limite de 45 jours.

Comme nous pouvons le constater, les différentes réformes montrent que l'objectif des procédures collectives se modifie. Le but n'est plus seulement d'assurer un règlement du passif mais de faire le nécessaire pour empêcher la disparition de l'entreprise.

La cause se trouvent principalement dans la lutte contre le chômage, objectif prioritaire des gouvernements français depuis la fin des Trente Glorieuses. La sauvegarder d'une entreprise permet d'éviter une hausse du taux de chômage et ainsi éviter une hausse des déficits publics.

L'application des procédures collectives aux agriculteurs a les mêmes causes, le traitement des difficultés d'une exploitation agricole par les procédures collectives est meilleure que si elle était confrontée à de multiples mesures d'exécutions individuelles (saisie conservatoire...) la dépossédant de tout son actif sans lui avoir laissé une chance de procéder à des réformes structurelles. Cependant cela n'est pas sans poser certains problèmes. L'activité agricole est une activité très encadrée par les pouvoirs publics, il suffit d'ouvrir le Code rural et de constater le nombre de dispositions d'ordre public dans le statut du fermage.

Le but de ces dispositions est de protéger l'activité agricole de pratiques nuisibles à l'équilibre économique des exploitations, citons comme exemple la prohibition de la cession du bail rural, érigée par l'article L. 411-35 du Code rural. Elle permet d'éviter une spéculation sur les baux ruraux. Cependant ces règles d'ordre public ne risquentelles- pas de rentrer en conflit avec les règles en matières de procédures collectives ?

Cette question est centrale dans ce mémoire lequel traite de la question du sort des droits de préemption dans les procédures collectives agricoles.

On peut les définir comme l'avantage qui est donné soit par la loi soit par une disposition contractuelle, de pouvoir se substituer à l'acquéreur d'un droit ou d'un bien pour en faire l'acquisition à sa place et dans les mêmes conditions que ce dernier.

Nous étudierions les deux droits de préemption légaux majeurs en droit agricole :

- le droit de préemption du preneur posé à l'article L. 412-1 et suivants du Code rural ;

- le droit de préemption de la SAFER posé à l'article L. 143-1 et suivants du Code rural.

Est soumis au droit de préemption du preneur en vertu de l'article L. 412-1 et suivants du Code rural les opérations d'aliénation à titre onéreux des biens loués en vertu d'un bail rural consenties à des personnes qui ne sont pas parentes ou alliées du bailleur jusqu'au 3° degré inclus, que la cession soit de gré à gré ou par adjudication est sans importance.

Peuvent donc être soumis à ce droit de préemption les opérations de vente ou d'échange d'un bien immobilier sur lequel a été consenti un bail rural. Cependant ce droit est neutralisé si la contrepartie n'est pas en argent. Les baux à nourriture, les apports en société ainsi que les échanges sont donc exclus des opérations soumises au droit de préemption.

Est soumis au droit de préemption de la SAFER en vertu de l'article L. 143-1 du Code rural les opérations d'aliénation à titre onéreux des biens immobiliers à usage agricole ainsi que leurs biens mobiliers accessoires et des biens immobiliers à usage d'habitation faisant partie d'une exploitation agricole à des personnes qui ne sont pas parentes ou alliées du propriétaire jusqu'au 4° degré inclus.

Le caractère volontaire ou forcée de la cession est indifférent. Il existe cependant des exceptions légales, d'une part celles énumérées précédemment pour le droit de préemption du preneur et d'autre part d'autres tenant à la nature du bien. En effet, le droit de préemption de la SAFER est neutralisé en cas de vente d'un bien ayant perdu sa vocation agricole.

Rappelons qu'en vertu de l'article R. 143-7 du Code rural le droit de préemption du preneur est prioritaire à celui de la SAFER sauf si le preneur en place exploite le bien concerné depuis moins de trois ans.

Il est possible que lors d'une procédure collective ouverte à l'encontre d'une exploitation agricole, il soit question de ces deux droits de préemption.

Tel peut être le cas d'un exploitant agricole céréalier en état de cessation des paiement qui a loué des prairies dont il est propriétaire par héritage à un éleveur de bovins. Afin de permettre la rentrée rapide de liquidités, l'administrateur judiciaire peut être tenté de vendre ce bien au cours de la période d'observation à un éleveur d'ovins qui ferait une offre intéressante.

La question est de savoir si les droits de préemption ruraux sont neutralisés ou non. La question n'est pas anodine. Si les droits de préemption ne sont pas neutralisés et que les droits de préemption ne sont pas purgés par le notaire, alors la vente commise en fraude de ces droits encourt l'annulation3.

Afin de répondre à cette question, nous étudierons le sort de des droits de préemption ruraux au cours des différentes étapes de la procédure collective.

3 C. rur, art. L. 412-10 et R. 143-20.

PREMIÈRE PARTIE.

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION
AU PREMIER TEMPS DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE

Le plan de ce mémoire suit les différentes étapes de la procédure collective.

Ce choix est justifié par le fait que le droit des procédures collectives modifie les droits et devoirs des différents acteurs au cours des différentes procédures.

En effet le débiteur, soumis à une procédure collective, verra ses droits restreints au début de la procédure au profit de l'administrateur judiciaire et il en sera totalement dessaisi au moment de la liquidation judiciaire.

Cette partie sera composée de deux temps, dans un premier temps nous rappellerons les règles relatives à l'ouverture dans une procédure collective car l'interaction entre le droit de préemption et le droits des procédures collectives commence à cet instant, ensuite nous essayerons de déterminer les effets de l'ouverture d'une procédure collective sur les droits de préemption en matière agricole.

A. LE SORT DES DROIT DE PRÉEMPTION AU DÉBUT DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE AGRICOLE

Le jugement d'ouverture marque le début de la procédure collective, le tribunal constate que l'entreprise connaît des difficultés de nature à amener à une cessation de l'activité.

Ce jugement a un effet constitutif, il impose une nouvelle organisation et de nouvelles règles à l'entreprise contre laquelle une procédure a été ouverte.

1. Rappel des règles déterminant l'ouverture d'une procédure collective en matière agricole et de leurs effets

Le sujet traité se situe temporellement entre le jugement d'ouverture de la procédure et la clôture, de ce fait il est important de revoir les règles qui commandent l'ouverture d'une procédure et leurs conséquences.

a. L'état de l'entreprise agricole : la notion de difficultés avérées ou prévisibles de cessation des paiements

L'ouverture d'une procédure collective est subordonnée à l'état financier de l'entreprise. Par l'état financier nous entendons le rapport entre l'actif et le passif de l'entreprise.

On utilise le terme « procédures collectives », ce pluriel signifie qu'il existe plusieurs procédures collectives différentes dont le choix est principalement lié à l'état financier de l'entreprise.

Les exploitants agricoles sont soumis aux mêmes procédures que les entreprises commerciales, à l'exception d'une particularité : la procédure de conciliation ne peut être utilisée. Une autre procédure amiable est prévue en matière agricole : le règlement amiable. Il existe une spécificité relative à cette procédure.

En effet, l'article L. 351-1 du Code rural interdit l'ouverture d'une procédure en redressement ou de liquidation judiciaire à l'encontre d'un exploitant agricole suite à la

saisine du tribunal par un créancier avant l'ouverture d'une procédure de règlement amiable.

Cette condition s'applique pour toutes les entreprises agricoles à l'exception des entreprises agricoles exploitantes sous forme de sociétés commerciales (SARL...).

La procédure collective qui intervient le plus en amont est la procédure de sauvegarde. Celle-ci a été instituée par la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 et codifiée aux articles L. 620-1 et suivants du Code de commerce.

Elle est ouverte à deux conditions :

- seul le débiteur peut en demander l'ouverture ;

- l'exploitant doit faire face à des difficultés avérées ou prévisibles.

Cette procédure a donc un caractère volontaire, au contraire de la procédure de redressement et de liquidation judiciaire où le débiteur en état de cessation des paiements est obligé de demander l'ouverture en vertu de l'article L. 631-4 Code de commerce sous peine de sanctions.

Les conditions de fond relatives à l'ouverture de cette procédure ont pour but d'intervenir le plus tôt possible dans la prise en charge des difficultés.

En effet, la notion « des difficultés avérées ou prévisibles » se caractérise par sa souplesse, en effet elle permet d'intervenir sur des difficultés à un stade où elles n'ont pas encore causé des dommages irrémédiables.

Elle appelle une appréciation in concreto de la situation du débiteur par les juges.

En matière agricole, cette notion permet notamment à un exploitant agricole de demander l'ouverture une procédure dès qu'un événement va grever son résultat, par exemple la diminution des cours des matières premières ou une épidémie qui frappe le bétail. La procédure doit amener à l'élaboration d'un plan de sauvegarde à l'issue d'une période d'observation permettant de pérenniser l'entreprise.

La procédure de redressement judiciaire intervient plus en aval. Elle doit être ouverte en principe dès que l'entreprise est en état de cessation des paiements en vertu de l'article L. 631-1 du Code de commerce.

Cette notion appelle une appréciation in abstracto de la part des juges contrairement à la notion « de difficultés avérées ou prévisibles ». Elle signifie que l'entreprise ne peut faire face à son passif exigible avec son actif disponible. C'est une situation comptable.

Par passif exigible on entend l'ensemble des dettes certaines, liquides et exigibles. Il est à noter que l'on entend par dette exigible une dette non seulement dont le terme est expiré mais aussi une dette sur laquelle les créanciers n'ont consenti aucun moratoire ou crédit.

Cette notion a été jugée insuffisante, la connaissance de l'état de cessation des paiements était souvent trop tardive et obligeait à ouvrir une procédure de liquidation judiciaire 4. Cette critique a conduit a créé la procédure de sauvegarde.

En matière agricole, la dette d'un exploitant agricole envers un fournisseur par exemple de matériels dont le terme est expiré est une dette exigible, sauf si ce fournisseur consent une réserve de crédit ou un moratoire 5.

L'actif disponible désigne l'ensemble des ressources financières disponibles immédiatement ou par conversion immédiate, ce qui en terme comptable correspond en grande partie à l'actif circulant dans le bilan : solde créditeur du compte bancaire, stocks de marchandises en cours d'être vendu et argent en caisse.

Il y a un certain nombre de règles relatives à la fixation de la date d'état de cessation des paiements.

La date de cessation des paiements est appréciée au jour où la juridiction statue 6. La seule constatation qu'un exploitant agricole soit débiteur de dettes qu'il refuse de payer ne permet à un créancier d'obtenir l'ouverture d'une procédure collective à son encontre, ce dernier doit établir l'incapacité du débiteur à payer sa dette avec son actif disponible.

La procédure de redressement suit le même cheminement que la procédure de sauvegarde (cette dernière reprend presque toutes les règles de la procédure de sauvegarde mais elle permet d'intervenir plus tôt). Cette procédure doit permettre à l'issue d'une période d'observation l'adoption d'un plan de redressement judiciaire

4 C. Saint-Alary-Houin, « L'ouverture de la procédure de sauvegarde », Rev. proc. coll. Avril-mai-

juin 2008, p. 85.

5 C. com. art. L. 631-1, al. 1.

6 Cass. com. 7 novembre 1989 : Bull. civ. IV, n° 273.

permettant d'assurer la pérennité de l'entreprise par un travail de concertation entre l'administrateur judiciaire, le débiteur et les créanciers.

Enfin la dernière procédure pouvant faire l'objet d'un jugement d'ouverture est la procédure de liquidation judiciaire codifiée aux articles L. 640-1 et suivants du Code de commerce.

Cette procédure est ouverte dès lors que le débiteur est en état de cessation des paiements et que le redressement est impossible, la liquidation est prononcée lorsque la situation du débiteur est irrémédiablement compromise, c'est à dire lorsque la situation du débiteur n'est plus viable et n'a plus de chance d'être redressée 7.

Le but de cette procédure est de tenter d'apurer le passif avec le produit de la réalisation d'actif. Elle peut se faire sous deux modalités depuis la loi du 26 juillet 2005 : une liquidation pure et simple ou un plan de cession, cette dernière solution permet de céder une partie ou la totalité de l'activité permettant d'apurer le passif tout en contribuant au maintien de l'activité.

Si l'état financier de l'entreprise continue de se dégrader au cours de la procédure (le débiteur est en état de cessation de paiement au cours de la procédure de sauvegarde), les magistrats sont tenus de modifier la procédure par un jugement de conversion 8.

b. L'entreprise agricole dans les procédures collectives, rappel des principales règles gouvernant la procédure

Nous avons déterminé les règles relatives à l'ouverture d'une procédure collective, il est maintenant nécessaire de rappeler certaines règles conductrices des procédures collectives en matière agricole.

« Les entreprises agricoles sont placées sous le droit commun des procédures collectives mais bénéficient également de règles spécifiques » 9. Un exemple de ces spécificités est le tribunal compétent en matière de procédures collectives agricoles :

7 Sur la distinction des notions de cessation des paiements et de situation irrémédiablement

compromise, V. Cass. com. 31 mars 2004 : D. 2004, AJ 1231.

8 Cass. com., 20 octobre 2009 : RD rur. février 2010 n°381, comm. 15, C. Lebel.

9 Dict. perm. Entreprises agricoles. décembre 2009 : Exploitations agricoles en difficultés : feuilles

585.

c'est le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve le siège de l'exploitation 10.

Nous allons traiter d'autres spécificités : les droits de préemption et le bail rural.

Il n'y a a pas de différences sur la question des personnes clés de la procédure qui sont :

- du juge-commissaire : il est chargé de veiller au déroulement rapide de la procédure et à la protection des intérêts en présence ( C. com, art. L. 621-9) ;

- de l'administrateur judiciaire : sa nomination est obligatoire dès lors que l'entreprise compte plus de 3 millions d'euros et compte plus de 20 salariés (ce qui est très rare dans le cas des entreprises agricoles), sa fonction est d'assister le débiteur dans l'exercice de ses droits sur son patrimoine au cours de la procédure collective ;

- du ministère public qui possède de nombreuses prérogatives : surveillance du mandataire de justice... ;

- du mandataire judiciaire , c'est le représentant des créanciers, il a un certain nombre de prérogatives notamment en matière de vérification de créances ( C. com, art.

L. 622-24), en matière de maintien des contrats en cours en cas d'absence de nomination d'un administrateur judiciaire ( C. com, art. L. 626-2).

Il est à noter qu'en cas de liquidation judiciaire, le mandataire judiciaire exerce en principe les fonctions de liquidateur judiciaire , dont le but est d'opérer une épuration du passif du débiteur en réalisant son actif.

c. Les effets de l'ouverture d'une procédure collective

C'est la clé de ce sujet, si la procédure collective ne produisait aucun effet les règles prescrits dans le Code rural s'appliquerait normalement. Cependant l'ouverture d'une procédure collective entraine la création d'une période où un certain nombre de règles sont suspendues pour permettre la survie du débiteur.

On peut faire un parallèle avec la notion « d'état d'exception » crée par Carl Schmitt 11. Cette notion est invoquée afin de permettre à un État de déroger à certaines

10 C. rur., art. L. 351-2.

11 Carl Schmitt, Théologie politique, Gallimard, 1988.

règles dans le but de survivre, de la même manière les procédures collectives dérogent au droit commun pour permettre la survie des entreprises contre lesquelles une procédure a été ouverte.

L'ouverture d'une procédure collective a un certain nombre d'effets sur le débiteur, mais il y a trois effets majeurs.

Le premier effet est la suspension des poursuites. C'est l'une des dispositions majeures du droit des procédures collectives 12. Son effet est d'interrompre certaines actions en justice entamées avant l'ouverture de la procédure collective et interdit le fait d'en intenter de nouvelles. Sont visées les actions tendant au paiement d'une somme d'argent et les actions tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement du prix. Sont aussi visées les procédures d'exécution notamment la saisie-attribution.

Cet effet est important dans le cadre de notre sujet, en effet la suspension des actions tendant à la résolution du contrat permet d'interrompre l'action en résiliation du bail rural pour défaut de paiement du fermage 13. Le fermage est le contrat conférant au preneur un droit de préemption sur le fonds loué.

Le deuxième effet est l'arrêt du cours des intérêts des prêts contractés par le débiteur 14. Cela concerne toutes les créances, à l'exception des intérêts des contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an. Cet effet a peu d'intérêt dans le cadre de notre sujet.

Enfin le dernier est l'arrêt du cours des inscriptions notamment les sûretés réelles 15 au jour du jugement d'ouverture. Le but étant de fixer la consistance du patrimoine de l'entreprise débitrice et d'en favoriser le redressement en évaluant exactement sa situation financière.

Nous allons rentrer maintenant plus dans le sujet en étudiant les effets du jugement d'ouverture sur les droits de préemption. En effet, comme nous l'avons dit, le jugement d'ouverture produit des effets faisant rentrer l'entreprise dans un « état d'exception », il sera bon d'étudier ses premiers effets sur les droits de préemption.

12 C. com., art. L. 622-21.

13 C. rur., art. L. 411-31.

14 C. com., art. L. 622-28.

15 C. com., art. L. 622-30.

2. Les effets du jugement d'ouverture sur les droits de préemption dans le domaine agricole

A l'exception de la procédure de sauvegarde, l'état de cessation des paiements est le critère de l'ouverture d'une procédure collective. Il est impossible en pratique que la date de cessation des paiements soit à la date du jugement d'ouverture.

Il existe un décalage entre le moment où le débiteur prend conscience de sa situation financière et le délai nécessaire au tribunal pour prendre sa décision.

a. Le sort des droits de préemption ruraux pendant la période suspecte

Par principe, la cessation des paiements est au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. Cependant le tribunal peut par jugement reporter cette date jusqu'à 18 mois avant la date du jugement d'ouverture, ceci n'est fait que par la demande de certains acteurs tel l'administrateur judiciaire.

Ce jugement crée une période suspecte. La période suspecte est la période entre le jour de l'état de cessation des paiements et le jour du jugement d'ouverture de la procédure collective. La période suspecte présente un intérêt : certains actes conclus par le débiteur soumis à une procédure collective vont pouvoir être annulés par le tribunal. Ce sont les nullités de la période suspecte mentionnées aux articles L. 632-1 et suivants du Code de commerce.

La question de la motivation d'une période s'explique par le comportement de certains débiteurs, certains en effet s'appauvrissent volontairement afin d'organiser leur insolvabilité avec la complicité d'un tiers, d'autres tentent désespérément d'éviter l'état de cessation des paiements par la vente de leur capital ceux qui désavantagent certains créanciers. De tels comportement existent bien évidemment en matière agricole, citons l'arrêt de la cour d'appel de Bourges du 7 décembre 2006 16 qui déclare un agriculteur en état de cessation de paiement du fait qu'il envisage de vendre une partie des 300 hectares qu'il exploite afin de régler l'ensemble de ses dettes qui se chiffrent à environ 300 000 €.

La question dans le cadre de notre sujet est de savoir si les actes effectués dans le cadre de l'exercice des droits de préemption en matière agricole sont touchés.

16 CA Bourges, ch. civ., 7 décembre 2006 : Rev. proc. coll. septembre 2007 n° 3, p. 163.

Les actes commis dans le cadre de l'exercice des droits de préemption ont déjà été énumérés 17. Ce sont des actes de cession à titre onéreux de biens immobiliers à vocation agricole.

Il existe trois types de nullités dans le cadre de la période suspecte :

- Les nullités de droit, ici sont visés les actes d'appauvrissement tels les actes translatifs à titre gratuit, les actes translatifs à titre onéreux lésionnaires, les actes portant atteintes à l'égalité des créanciers comme le paiement de dettes non échues par le débiteur et le paiement par des moyens anormaux ou le fait pour le débiteur de consentir des sûretés afin de garantir des dettes antérieures au début de la période suspecte. Ces actes sont annulés sur simple demande des organes de la procédure cités notamment à l'article L. 632-4 du Code de commerce.

- Les nullités facultatives, ici sont visés, les actes à titre gratuit accomplis dans les 6 mois précédent la date de cessation des paiements ainsi que les actes à titre onéreux et les paiements intervenus en période suspecte mais non visés par les nullités de droit, lorsque les cocontractants savaient que le débiteur était en état de cessation des paiements. Comme dans les nullités de droit ce sont les mêmes organes qui demandent l'annulation, à la différence que le juge dispose ici d'une marge d'appréciation et que les demandeurs sont tenus d'apporter la preuve par tous moyens de la connaissance par les cocontractants de l'état de cessation des paiements du débiteur.

- Les nullités interdites, ce sont des actes qui ne peuvent en aucun cas être annulés bien que réalisés pendant la période suspecte : les paiements au moyen d'un effet de commerce.

L'examen nous amène à la conclusion que la période suspecte peut avoir un impact sur les actes commis dans le cadre de l'exercice d'un droit de préemption.

En effet, la vente de fonds ruraux sur lesquels les droits de préemptions ont été exercés peuvent être annulées si :

- le prix du bien vendu lors de l'exercice du droit de préemption est lésionnaire, l'article 1674 du Code civil considère qu'une vente d'immeuble est lésionnaire si le

17 V. introduction.

vendeur reçoit moins de cinq douzième de la valeur normale de l'immeuble, dans ce cas
il est possible de demander la nullité du contrat car cela rentre dans les nullités de droit ;

- la vente s'est faite pendant la période suspecte et le cocontractant était au courant que le débiteur était en état de cessation des paiements au moment de l'acte.

Illustrons ces deux hypothèses par deux exemples :

- un agriculteur souhaite organiser son insolvabilité en vendant des parcelles à un tiers à vil prix, cependant ce dernier mal informé des droits de la SAFER voit son bien préempté, il ne fait aucun recours ;

- un céréalier, en difficulté financière, vend une parcelle de prairies herbagères qu'il loue actuellement à un éleveur à un tiers, le preneur préempte en connaissant l'état financier de son bailleur.

Il est à noter que ce dernier cas est assez rare dans les faits. Les juges du fond sont très exigeants : une illustration est faite par l'arrêt de la cour d'appel de Paris en date du 20 décembre 2007 18 où la demande en nullité de paiements litigieux a été rejeté alors que le créancier en cause étant le banquier du débiteur.

Quelles seraient les conséquences de l'annulation de la vente du bien préempté ?

L'effet de la nullité d'un contrat est bien connu, elle tient dans un adage « quod nullum est, nullum producit effectum » : ce qui est nul ne produit aucun effet. La nullité oblige à remettre les parties dans la situation où ils se trouvaient:au jour de la vente.

Cela passe par un retour du bien objet de la préemption dans le patrimoine du vendeur et le retour de la contrepartie dans le patrimoine de l'acheteur.

Cependant la nullité se produit lors d'une procédure collective, à un moment où le débiteur est sous contrôle par les acteurs de la procédure, notamment au niveau de la contenance de son patrimoine. Une des restrictions à sa liberté est l'interdiction de payer tout fait générateur de créance antérieur au jour du jugement d'ouverture de la procédure 19.

Il est donc important de déterminer la date de naissance de cette créance.

18 CA Paris, 20 décembre 2007 : Rev. proc. coll. Octobre-novembre-décembre 2008 n° 4, comm. 158, G.B.

19 C. com., art. L. 622-7.

La logique voudrait que l'on considère que la créance soit née au jour du jugement prononçant la nullité de la vente.

La créance de restitution née d'un jugement est effet un fait juridique, c'est à dire un événement quelconque auxquels une règle de droit attache des effets juridiques qui n'ont pas été spécialement et directement voulus par les intéressés 20. L'imprévision amène logiquement à penser que la créance ne peut être née qu'au jour où un acte a entaché un fait d'effets de droit, en l'espèce le jugement a entaché le contrat de vente d'une nullité, les parties ne pouvaient en principe nullement prévoir cela où jour de la conclusion du contrat.

Dans le cadre des procédures collectives, la jurisprudence a reconnu que la créance de restitution, née de l'annulation d'un contrat passée au jugement d'ouverture, est une créance postérieure si l'annulation intervient après le jugement d'ouverture 21.

Cependant la jurisprudence adopte une position contraire dans le cas de la nullité des contrats de vente conclus en période suspecte : l'annulation d'un contrat de vente oblige l'acheteur à déclarer au passif le montant du prix de vente qui doit lui être remboursé selon la procédure décrite à l'article L. 622-24, alinéa 1 du Code de commerce 22. Or les créanciers soumis à cette obligation ne peuvent pas recevoir de paiements tout au long la procédure au contraire des créanciers dont le fait générateur est postérieur au jugement d'ouverture.

La question du fondement de cette position est encore imprécise, des auteurs justifient cela par la volonté des juges de sanctionner les cocontractants 23, d'autres pensent que cette position n'est motivée que par la volonté des juges de sauver l'entreprise en facilitant au maximum les rentrées d'actif dans le patrimoine du débiteur, il est vrai que l'annulation d'une vente conclue en vertu du droit de préemption du preneur permet de récupérer des biens immobiliers agricoles sans avoir à restituer jusqu'à la clôture de la procédure.

20 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette, Droit civil : Les obligations, 9° édition, Dalloz coll. Précis Dalloz,

2007, p. 6.

21 Cass. com. 19 décembre 2006 : JCP E 14 avril 2007, p. 23, obs. M. Cabrillac, Ph. Pétel.

22 Cass. com., 28 janvier 2004 : Rev. proc. coll. n° 4 décembre 2004, p. 389, obs. G. Blanc.

23 P.M Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 5° éd., Dalloz, coll. Dalloz action , 2008-2009, p. 1568.

La situation du preneur qui aurait préempté serait catastrophique : il perd la propriété d'un bien sans récupérer la somme versée.

De plus, le bien peut tout à fait être revendu au cours de la procédure collective. Pire dans l'hypothèse d'une liquidation judiciaire, le preneur serait un créancier antérieur chirographaire 24, ce rang est très défavorable pour le créancier lors de la répartition des fonds obtenues par la réalisation de l'actif du débiteur.

Seul lueur d'espoir, la nullité par son effet rétroactif remet les cocontractants dans l'état où ils étaient avant l'acte. Le preneur reste donc titulaire du bail rural.

La dernière interrogation porte sur les conséquences en cas de cession du bien immobilier agricole préempté avant la déclaration de nullité faite par le tribunal.

La revente du bien est interdite par le preneur pendant neuf ans 25 mais tout à fait possible par la SAFER qui d'ailleurs doit rétrocéder le bien préempté dans les cinq ans 26. Les acquéreurs postérieurs devront-ils restituer le bien immobilier préempté ?

L'effet de la nullité de cette vente faite en période suspecte est très défavorable pour l'acheteur qui est confronté à de multiples difficultés. Étendre les effets de la nullité mettra d'autres créanciers face aux problèmes des créances impayées et les exposera à des ouvertures de procédures collectives à leur encontre.

Bien que conscient de ce problème, la jurisprudence a limité l'annulation de cession subséquente faite par l'acquéreur aux cessions à titre gratuit 27. La solution est juste et contient l'extension des difficultés.

24 C. com, art. L. 641-13 et suivants.

25 C. rur, art L. 412-12.

26 C. rur, art L. 142-4.

27 Cass. com. 30 juin 2004 : Bull. civ. IV n° 137; Act. proc. coll. 2004/15, n° 191, note J. Vallansan.

b. Le sort des droits de préemption ruraux pendant la période d'observation

La période d'observation est un moment important de la procédure. Pendant cette période d'une durée maximum de 18 mois, le sort du débiteur va être décidé. Vulgairement cette période est comparable dans la vie humaine au moment où le médecin vous fait des examens pour déterminer votre maladie. A l'issue on saura si on peut vous guérir ou... vous préparez à votre enterrement.

Pendant cette période, l'entreprise va être soumise à un régime spécial reposant, d'une part un régime spécial pour les contrats en cours afin que l'activité de l'entreprise perdure, et d'autre part sur la préparation d'un plan de sauvegarde ou de redressement pour permettre .

Dans le cadre de ce mémoire nous nous interrogerons sur les conséquences de la période d'observation sur les droits de préemption par une succession de questions.

Première question : un preneur soumis à une procédure collective et qui ne paye pas son loyer peut-il exercer son droit de préemption au cours de la période d'observation ?

La réponse se fera en plusieurs étapes. Il faut déjà déterminer si le bail a été résilié. Comme l'exige l'article L. 411-31 alinéa 2 du Code rural, la résiliation pour défaut de paiement du fermage n'est que possible que si :

- deux défauts de paiement du fermage ont été constatés et ont perduré après deux mises en demeure séparées de trois mois pour régulariser la situation ;

- une résiliation judiciaire prononcée par le Tribunal paritaire des baux ruraux .

La jurisprudence est très claire : si la décision n'a pas été passée en force de chose jugée au jour du jugement d'ouverture l'action en résolution subit l'arrêt des poursuites 28. Le preneur conserve donc son droit au bail et tous les accessoires à celuici.

Il peut exercer son droit de préemption à deux conditions :

28 CA Bordeaux ch. soc., 26 septembre 2006 : Rev. proc. coll. septembre 2007 n° 3, p. 163.

- l'administrateur ou à défaut par le débiteur sous le contrôle du mandataire judiciaire doit respecter les règles posées aux articles L. 622-13 et suivants du Code de commerce relatives à la continuation des contrats en cours sous peine de résiliation du bail rural ;

- le preneur doit s'assurer que les restrictions de pouvoir décidées par le jugement d'ouverture ne lui ont pas enlevé la faculté d'effectuer des actes de disposition. L'article L. 622-3 du Code de commerce précise que :

« Le débiteur continue à exercer sur son patrimoine les actes de disposition et d'administration, ainsi que les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission de l'administrateur ».

L'exercice du droit de préemption par un preneur soumis à une procédure collective reste hypothétique. En effet il est peu probable qu'un preneur soumis à une procédure collective ait les moyens d'acheter des terres dont le coût ne cesse d'augmenter pour atteindre aujourd'hui une moyenne de 5 000 euros par hectare 29.

Il existe certaines exceptions cependant. L'acquisition de parcelles essentielles pour l'exploitation comme les parcelles où se trouvent les points de captage pour l'irrigation des terres est nécessaire..

Ce point résolu, il reste à déterminer si les droits préemption ruraux sont neutralisés pendant la période d'observation.

Deuxième question : quel est le sort des deux droits de préemption en cas de vente du bien au cours de la période d'observation ?

Nous avons démontré qu'il est possible pour un preneur de conserver son bail malgré l'ouverture d'une procédure collective.

Les droits de préemption sont-ils neutralisés par le jugement d'ouverture ? La question n'est pas une pure invention, nous avons vu que l'ouverture d'une procédure collective neutralise certaines dispositions du Code rural comme les dispositions relatives à la résiliation du fermage pour faute.

Il n'existe aucun texte ni aucune jurisprudence en la matière cependant il est possible d'émettre une hypothèse.

29 Le Monde, 29 mai 2010, p. 13

L'article L. 412-4 du Code rural dispose :

« Le droit de préemption (du preneur) s'exerce nonobstant toutes clauses contraires. »

L'article énonce apparemment que, sauf indication expresse du législateur, le droit de préemption s'exerce quelle que soit la situation.

Une réponse ministérielle 30 corrobore ce raisonnement.

De plus l'esprit de la règle a son importance, les droits de préemption ne sont pas en opposition avec l'objectif de sauvegarder l'activité et de permettre le paiement des créanciers.

Il est fort probable que les droits de préemption ne sont pas neutralisés cependant il serait intéressant de déterminer si les actions en révision du prix prévue par le Code rural 31 l'est également.

La durée moyenne de ces actions peut présenter un risque pour une unité ayant besoin d'actifs pour survivre. Ces contentieux limitent les chances de survie des exploitations agricoles.

Il est seulement posé que ces actions sont neutralisées en cas d'adjudication 32. L'adjudication d'un bien peut tout à fait être volontaire, c'est à dire décidée par le propriétaire si le tribunal ne lui a pas retiré ce pouvoir.

Aucune disposition ne réglemente la cession de gré à gré. Il est donc fort probable que l'action ne soit pas neutralisée. La vente se faisant dans un cadre normal sans règles dérogatoires au droit commun.

Troisième question : la vente d'un bien dont le bail rural a été résilié au cours de la période d'observation est-elle constitutive d'une fraude au droit du preneur ?

Nous avons parlé antérieurement de la notion de « contrats en cours », ce sont des contrats qui ne sont pas résiliées au jour du jugement d'ouverture et qui n'ont pas été entièrement exécutés.

30 Rép. Min. n° 11270 : JOAN Q, 11 juillet 1994, p. 3567

31 C. rur., art. L. 412-7 et L. 143-10.

32 C; rur., art. L. 412-11.

Rentrent dans cette catégorie : les contrats à exécution successive, c'est à dire ceux qui ne sont pas arrivés à leur terme au jour du jugement d'ouverture et qui ne sont pas résolus avant le jugement d'ouverture et les contrats à exécution instantanée dont la prestation caractéristique et principale n'a pas encore été fournie.

Afin de sauvegarder l'entreprise, il a été instituée un droit d'option sur ces contrats, notamment « la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours » ( C. com, art. L. 622- 13-II, al. 1) ou de résilier soit de plein droit par l'administrateur après sa mise en demeure par le cocontractant ( C. com, art. L. 622-13-III-1) soit par le juge-commissaire sur demande de l'administrateur ( C. com, art L. 622-13-IV). Les deux dernières options permettent la résiliation, qui dit résiliation dit dans le cas d'un bail rural perte du droit de préemption.

Il est à noter que la nomination d'un administrateur judiciaire si le seuil n'est pas atteint dépend du libre choix des juges. Un examen des jugements prononçant l'ouverture des procédures collectives fait apparaître que chaque tribunal a une position sur ce sujet.

Par exemple le tribunal de grande instance d'Évreux ne nomme un administrateur que si le seuil obligatoire est atteint, alors que la nomination est systématique dans le cas du tribunal de grande instance de Chartres.

En l'absence d'administrateur, le choix appartient au débiteur avec avis favorable du mandataire judiciaire 33.

La question est donc de savoir si l'exercice de l'option ne permettrait pas au débiteur de réaliser une fraude au droit de préemption du preneur.

Un cas concret : un agriculteur céréalier a reçu des prairies herbagères en héritage et les a loué. Cependant au fil du temps une intimité entre les cocontractants est apparue et le bailleur souhaite faire partir son preneur par tous les moyens. De plus une procédure collective a été ouverte à son encontre, il souhaite donc céder des biens qui ne sont pas essentiels à son exploitation.

Maître Nelly Leroux-Bostyn, avocate au barreau d'Évreux et spécialisée en droit rural depuis une dizaine d'années, nous a en effet expliqué que l'échec des procédures de

33 A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 6° édition, 2009, p. 213.

conciliation devant le tribunal paritaire des baux ruraux (sur l'ensemble de ses dossiers deux conciliations ont réussi en 10 ans) avaient pour origine des conflits purement d'ordre privé.

Nombre de conflits devant le tribunal paritaire des baux ruraux peuvent très bien avoir un arrangement, le problème vient d'éléments annexes à l'activité agricole : mésententes, volonté de récupérer les terres afin d'en confier l'exploitation à un membre de la famille.

Il peut donc exister un intérêt personnel et un intérêt financier à résilier le bail.

En effet, les différentes protections dont jouit le fermier et l'encadrement administratif du montant du fermage ont pour conséquence de réduite la valeur d'une terre cédée à bail.

Monsieur Thierry Nansot 34 met en avant le rôle du droit de préemption du preneur et de l'action en révision du prix du fermier dans la moins-value du fonds cédé.

La jurisprudence précise que le tribunal statuant sur l'action en fixation de la valeur vénale du fonds doit tenir compte de la moins-value résultant de l'existence du bail rural 35.

L'intérêt de pouvoir résilier le bail et ainsi de mettre fin au droit de préemption n'est pas vain.

Il existe trois mécanismes permettant de résilier un contrat en cours :

- le cocontractant (dans notre exemple le preneur) met le débiteur en demeure de prendre position sur le sort du contrat. En cas de réponse expresse de refus ou d'absence de réponse du débiteur, le contrat est résilié de plein droit sur le fondement de l'article

L. 622-13, III du Code de commerce ;

- l'administrateur ou le débiteur peut renoncer à la poursuite du contrat sans mise en demeure préalable, dans ce cas le contrat est suspendu et le cocontractant devra faire prononcer en justice la résiliation 36;

34 T. Nansot, « Le prix d'un terrain agricole sous bail rural » , Et. fonc., n° 92, Juillet-août 2001, p. 13.

35 Cass. civ. 3°, 7 novembre 1990 : Bull. civ. III, n° 220 ; JCP G 1991. II. 21 665, note Ourliac.

36 Cass. com 19 mai 2004 : JCP E 2004., n° 37, p. 1388, obs. Ph. Pétel.

- une troisième option a été ouverte par l'ordonnance du 18 décembre 2008 à l'article L. 622-13, IV du Code de commerce.

Le preneur qui ne souhaite pas perdre son droit de préemption ne va mettre en demeure les organes de la procédure.

La deuxième option ne semble pas présenter de risques. En effet, bien que le contrat soit en quelque sorte « suspendu », le preneur conserve son droit d'exploiter les terres en fermage et le bénéfice du droit de préemption.

Le bailleur ne peut le priver de ses droits que par une résiliation du bail.

Seule la troisième option présente un risque. Son caractère récent empêche d'avoir des informations sur la conception retenue par les juges commissaires sur la notion d'atteintes excessives.

Cependant en matière agricole cette notion a plusieurs sens :

- une atteinte économique, notamment une reprise de parcelles nécessaires à la survie économique de la structure ;

- une atteinte juridique, car d'une part la perte des parcelles louées pourrait entrainer une diminution de la taille de l'exploitation en dessous du seuil fixé par le schéma directeur départemental du contrôle des structures, ce qui en principe la subordonne à une autorisation préfectorale et d'autre part la reprise des parcelles a pour effet de mettre fin au droit de préemption.

La doctrine 37 estime qu'il n'y aura pas de dérives dans l'utilisation de cette option, cependant les procédures collectives agricoles présentent des risques d'abus que Monsieur Philippe Roussel Galle ne présente pas :

- il y a le risque d'une mauvaise appréciation par le juge commissaire d'une atteinte excessive est réel en raison de la méconnaissance par une majorité de magistrats de la matière agricole ;

- l'auteur de l'article cité prend pour exemple les baux commerciaux où il est vrai que priver un commerçant de son bail est excessif. Mais en matière de droit rural le

37 Ph. Roussel Galle.« Les nouveaux régimes des contrats en cours et du bail », Rev. proc. coll. n° 1 janvier 2009, p. 85.

problème est différent. Les exploitants ont souvent 3 à 5 bailleurs 38 et une multiplicité de baux portant sur diverses parcelles. De ce fait les preneurs ont plus de difficultés à prouver le caractère excessif de l'atteinte.

La question qui se pose ici est de connaître les éventuels recours du cocontractant lésé.

L'article L. 622-13 IV du Code de commerce nous précise que c'est le juge- commissaire qui prononce la résiliation. Le juge statue par ordonnance.

Celles-ci sont notifiées aux personnes et aux parties dont les droits et obligations sont affectés et elles sont exécutoires de plein droit à titre provisoire 39.

Le Code de commerce prévoit que ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours dans les dix jours de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe 40.

Il conviendra dans une telle situation pour le preneur lésé de démontrer lésé de démontrer la portée de la résiliation (perte de produits d'exploitations par l'impossibilité d'activer des DPU, difficultés pour continuer l'exploitation...) et la réalité des motivations à la réalisation si elles existent.

B. LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION RURAUX DANS LES PLANS DE SAUVEGARDE ET DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

La période d'observation a vocation à se terminer par l'adoption d'un plan en vertu des articles L. 626-1 et L. 631-1 du Code de commerce.

Il est élaboré par l'administrateur avec le concours du débiteur ou en l'absence d'administrateur, le débiteur seul l'établit avec l'assistance éventuelle d'un expert nommé par le tribunal en vertu de l'article L. 631-21 du Code de commerce.

Les plans de sauvegarde et de redressement judiciaire ont de nombreuses dispositions communes aussi bien dans l'élaboration que de son exécution.

38 V. annexe.

39 C. com, art R. 621-21, al. 3.

40 C. com, art. R. 621-21, al. 4.

Nous nous attarderons que sur les différences ayant un rapport avec les droits de préemptions.

La question ici est de savoir si l'élaboration de ces plans et leur exécution peut mettre en jeu les droits de préemption en matière agricole.

Il faut donc déterminer si les plans de sauvegarde et de redressement judiciaire peuvent contenir des mesures visant la cession d'actifs immobiliers.

L'examen des dispositions du Code de commerce relatives aux procédures collectives amène une réponse positive, deux types de mesures sont possibles dans le cadre d'un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire :

- « l'arrêt, l'adjonction ou la cession d'une ou plusieurs activités » ( C. com., art. L. 626-1, al. 2). Cela signifie que le plan peut prévoir une cession partielle de l'entreprise. Beaucoup d'exploitations agricoles sont en polyculture (exemple, une EARL ayant une activité céréalière et laitière), le plan de redressement peut prévoir la cession de l'activité laitière par la vente des pâtures, matériels de traite, quotas...Elle est régie par les dispositions applicables à la cession d'entreprise en cas de liquidation judiciaire, nous l'étudierons donc ultérieurement dans le mémoire.

- La cession d'actifs isolés 41.

La question est de savoir si les dispositions prévues par le Code rural s'applique en cas de cession d'actifs isolés.

L'absence de dispositions nous amène à penser que les droits de préemption ne sont pas neutralisés comme en période d'observation.

Cette solution semble logique, la neutralisation des droits de préemption légaux ne semblent être que des exceptions justifiées par la volonté de sauvegarder l'activité de l'entreprise. La cession d'actifs isolés n'est qu'une opération visant à réaliser un actif dont l'entreprise peut se séparer sans mettre en péril son activité et dont le but est de permettre la rentrée d'argent permettant la continuité de l'activité.

Le problème est que l'exercice des droits de préemption peut être un frein à ces cessions.

41 A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 6e édition, 2009, p. 380.

En effet, la SAFER et le preneur disposent d'une action en contestation du prix de vente 42 d'un bien sur lequel ils peuvent exercer leur droit de préemption.

Or ces actions :

- empêchent la réalisation rapide des actifs, et ainsi elles peuvent mettre en difficulté le débiteur d'honorer les engagements pris dans le plan de sauvegarde ou de redressement ;

- risquent de diminuer la rentrée d'argent escomptée et ainsi remettre en cause le plan, le tribunal paritaire des baux ruraux peut fixer un prix inférieur à ce que le débiteur avait prévu.

De ce fait, il serait peut être opportun de prévoir des règles dérogatoires partiellement.

Il semble que cela soit le cas. En effet, si la cession des actifs isolés est ordonnée par le tribunal dans un jugement. Ce jugement précise :

- le nom de l'acheteur ;

- le bien vendu ;

- les conditions de vente (prix...).

Il est raisonnable de penser que le jugement du tribunal fasse obstacle à l'action en révision du prix qui serait en opposition avec les mesures décidées par le tribunal.

42 V. note 29.

SECONDE PARTIE.

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION
RURAUX EN CAS DE DISPARITION TOTALE OU PARTIELLE
DE L'EXPLOITATION AGRICOLE

Lorsqu'il apparaît que le redressement de l'entreprise est impossible, le tribunal prononce la liquidation judiciaire.

À l'heure actuelle la liquidation judiciaire est la procédure la plus utilisée : le rapport de Monsieur De Roux fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale 43 le démontre :

- 90 % des procédures ouvertes se soldent par une liquidation judiciaire ; - les procédures de liquidation judiciaire durent en moyenne 4 ans.

Ce constat a été à l'origine de la loi sur la sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005.

La liquidation judiciaire consiste à « mettre fin à l'activité de l'entreprise ou à réaliser le patrimoine du débiteur par une cession globale ou séparée de ses droits et de ses biens » 44.

La liquidation judiciaire a pour but d'organiser la cession des biens du débiteur afin de tenter de réaliser le passif.

Il existe deux techniques pour céder les biens du débiteur : - la vente des biens par un plan de cession ;

- la vente des biens en ordre dispersé.

A. LES PRINCIPAUX EFFETS DU JUGEMENT OUVRANT UNE PROCÉDURE DE LIQUIDATION JUDICIAIRE

Afin de traiter au mieux les différentes questions de ce mémoire, il convient de rappeler les principaux effets de la liquidation judiciaire.

43 Rapp. X. De Roux, au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale : Doc. AN 2005, n° 2095.

44 C. com., art. L. 640-1.

1. La nomination d'un liquidateur judiciaire

Le jugement d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire entraine la nomination d'un administrateur judiciaire. Ce dernier est, sauf cas exceptionnel, celui qui a exercé les fonctions de mandataire judiciaire pendant la période d'observation.

Ses missions sont codifiées aux articles L. 641-4 et suivants du Code de commerce, les plus importantes sont :

- la liquidation des actifs de l'entreprise ;

- la plupart des missions dévolues antérieurement au mandataire et à l'administrateur judiciaire.

2. Le dessaisissement du débiteur de ses pouvoirs

Le jugement de liquidation judiciaire entraîne de plein droit un dessaisissement des droits du débiteur sur ses biens en vertu de l'article L. 641-9-I du Code de commerce, qui dispose :

« Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur. »

Son effet porte sur la quasi totalité des biens et interdit le débiteur d'accomplir tout acte d'administration ou de disposition sur ses biens.

Il est à noter que le débiteur est dessaisi et non frappé d'incapacité. Cette différence est fondamentale : les actes faits en violation de cette interdiction ne sont pas nuls mais inopposable aux créanciers de la procédure collective 45.

Le résultat peut choquer : la vente d'un immeuble à un débiteur en liquidation judiciaire au mépris de la règle du dessaisissement ne sera pas annulée mais l'acheteur

45 Cass. com., 19 mai 2004 : JCPE 2004 n°5, p. 1292, obs. M. Cabrillac.

ne pourra être payé sauf en cas de retour à meilleure fortune du débiteur après la clôture de la procédure.

Il sera intéressant de déterminer si un preneur en liquidation judiciaire peut exercer sans l'accord du débiteur son droit de préemption.

Pour étudier le sort des droits de préemption nous suivrons l'ordre du Code de commerce en étudiant en premier le sort des droits de préemption ruraux lors d'un plan de cession puis leur sort en cas de cession en ordre dispersée des actifs immobiliers à vocation agricole.

B. LE PLAN DE CESSION, UN OBSTACLE À L'EXERCICE DES DROITS DE PRÉEMPTION EN MATIÈRE AGRICOLE ?

1. Le plan de cession

a. Un rôle renouvelé par la loi du 26 juillet 2005

Le plan de cession est une procédure organisant la transmission de certains éléments d'exploitation de l'entreprise à un repreneur.

Le plan de cession peut prévoir la cession d'actifs (biens immobiliers, mobiliers) et de contrats.

Il est à noter que par dérogation au droit commun des contrats, le tribunal peut imposer cette cession au cocontractant si les contrats cédés sont nécessaires au maintient de l'activité 46.

Le plan de cession a été profondément modifié par la loi du 26 juillet 2005, sa modification a entraîné la disparition de certaines modalités de cession telle la cession d'unité de production.

Il n'est plus une procédure mais une mesure liquidative qui peut être arrêtée à l'occasion de toute procédure collective : procédure de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaire.

46 C. com, art. L. 642-7.

Les plans de cession arrêtés dans le cadre d'une procédure de sauvegarde et de redressement judiciaire sont soumis aux mêmes règles que ceux arrêtés dans le cadre d'une procédure de liquidation judiciaire 47.

Il est à noter que le plan de cession poursuit plusieurs buts, en effet l'article L. 642-1 du Code de commerce dispose :

« La cession de l'entreprise a pour but d'assurer le maintien d'activités susceptibles d'exploitations autonomes, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés et d'apurer le passif ».

On retrouve l'ordre des priorités instaurées par l'article 1er de la loi du 25 janvier 1985.

La jurisprudence a notamment déduit qu'un tribunal peut arrêter un plan de cession qui ne permet d'apurer que partiellement le passif 48 .

Le but du plan de cession n'est donc pas de payer les créanciers mais de confier l'entreprise à un repreneur apte à la redresser.

b. Une procédure complexe

Cette procédure est marqué par un formalisme important et par la grande liberté du tribunal.

C'est en effet le tribunal qui décide si la cession est possible et qui fixe le délai dans lequel les offres de reprise doivent parvenir au liquidateur et à l'administrateur judiciaire 49.

De plus le Code de commerce réglemente soigneusement les offres destinées à être soumises au tribunal :

- les offres doivent respecter un formalisme prévu à l'article L. 642-2 II du Code de commerce (identité de l'offrant, désignation des biens et des droits inclus dans l'offre, prix...) ;

47 Com, art. L. 626-1, al 2 (sauvegarde) et C. com, art L 631-22 (redressement judiciaire).

48 Cass. com. 26 juin 1990 : Bull. civ. IV,n° 191.

49 C. com., art. L. 642-2-I.

- l'intangibilité des offres, les auteurs ne peuvent les retirer jusqu'à la décision du tribunal.

Lorsque le délai expire, le jugement statue sur les offres de reprise.

Il faut noter que les juges du fond exercent un pouvoir souverain pour apprécier le fait que le plan de cession répond aux objectifs légaux posés à l'article L. 642-5 du Code de commerce 50.

Afin d'éviter des recours purement dilatoires le Code de commerce limite les possibilités de faire appel d'un jugement arrêtant ou rejetant un plan de cession51.

En effet, l'article L. 661-66 du Code de commerce limite les appelant au débiteur, au ministère public et dans certains cas au cessionnaire ainsi qu'aux cocontractants des contrats cédés.

2. Le sort des droits de préemption ruraux en cas de plan de cession

a. Une solution ancienne pour le droit de préemption de la SAFER

Une analyse préliminaire conduit à penser que les droits de préemptions ruraux sont neutralisés en cas de plan de cession.

En cas de plan de cession, l'utilisation par le preneur ou par la SAFER du droit de préemption conduirait à des ingérences et des lenteurs de nature à nuire au plan de cession.

La cession pourrait se trouver perturbée et l'équilibre de l'opération perdue si on autorise le titulaire du droit de préemption à exercer son droit sur un bien compris dans un plan de cession.

Cette analyse a été reprise depuis un certain temps par le législateur et par la jurisprudence.

L'article L. 143-4 du Code rural relatif au droit de préemption de la SAFER dispose dans son alinéa 7 :

50 Cass. com. 26 juin 1990 : JCP E 1991 I n° 73, p. 6.

51 A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, Litec, 6° édition, 2009, n° 855.

« Ne peuvent faire l'objet d'un droit de préemption :[...]

7° : Les biens compris dans un plan de cession totale ou partielle d'une entreprise arrêté conformément aux articles 81 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises ».

La disposition ne laisse aucun doute, le droit de préemption de la SAFER est neutralisé. Cette disposition a aussi été prévue dans le cas du droit de préemption urbain à l'article L. 213-1 du Code de l'urbanisme par la loi SRU du 13 décembre 2000, modifiée par la loi n° 2008-1425 du 27 décembre 2008.

En revanche ce n'est que récemment que des dispositions législatives spécifiques sur le sort du droit de préemption du fermier en cas de plan de cession ont été posées.

b. Le rôle décisif de l'ordonnance du 18 décembre 2008 sur la question du droit de préemption du preneur

L'article L. 412-1 du Code rural dispose :

« Le propriétaire bailleur d'un fonds de terre ou d'un bien rural qui décide ou est contraint de l'aliéner à titre onéreux [...] ne peut procéder à cette aliénation qu'en tenant compte [...] d'un droit de préemption au bénéfice de l'exploitant preneur en place ».

L'article ne prévoit aucune exception que la vente soit volontaire ou contrainte, isolée ou globale.

Une exception existait cependant dans le cas de l'outre-mer, l'ancien article L. 461-18 du Code rural limitait le bénéfice du droit de préemption seulement au « cas d'aliénation volontaire à titre onéreux de tout ou partie des biens qui lui ont été donnés à bail ».

Cet article semble exclure explicitement l'exercice du droit de préemption en cas de plan de cession.

La jurisprudence a d'ailleurs confirmé que le plan de cession n'est pas une aliénation volontaire et que le preneur ne bénéficiait pas du droit de préemption prévu à l'article L. 461-18 52 du Code rural.

52 Cass. civ. 3e, 1er avril 1998 : D. 1998, act. jurispr. p. 805, obs. AL.

Le problème posé par le droit de préemption prévu à l'article L. 412-1 du Code rural n'est cependant pas résolu cette jurisprudence contrairement à ce que monsieur Jacques Lachaud avait affirmé 53.

Nos recherches ne m'ont pas permis de trouver une jurisprudence où la question de l'application de l'article L 412-1 du Code rural dans un plan de cession s'est posée.

Le législateur a consacrée une solution par l'ordonnance du 18 décembre 2008 portant modification des procédures collectives.

L'article L. 642-5 du Code de commerce a été modifié, son 3e alinéa dispose :

« Les droits de préemption institués par le Code rural ou le Code de l'urbanisme ne peuvent s'exercer sur un bien compris dans un plan ».

Cette solution a l'avantage d'affirmer que les droits de préemption sont tous traités sur un pied d'égalité.

Cependant la formulation manque de précision. L'article parle d'un « plan » mais de quel plan ? Il y a le plan de cession, de sauvegarde et de redressement.

Ces derniers peuvent prévoir un projet de cession totale ou partielle de l'exploitation, cependant les plans de sauvegarde ou de redressement judiciaire peuvent aussi prévoir des cessions d'actifs isolés, sont-ils aussi soumis à cette disposition ?

On peut espérer que les juges feront une application des textes en suivant leur esprit et non une application littérale.

3. Le sort du bail rural dans le plan de cession

a. Les effets de la liquidation judiciaire sur le bail rural

Le droit de préemption du fermier est un accessoire du bail rural. C'est un droit personnel du preneur qui ne peut être cédé (C. rur., art. L. 412-4).

Cependant les procédures collectives sont « une période d'exception » où plusieurs principes et règles de droit commun sont écartés.

53 J. Lachaud, « Un soupçon de droit rural dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 portant modification des procédures collectives », Ann. Loyers, n° 1 janvier 2009, p. 85.

La question du devenir du bail rural en cas de liquidation judiciaire et notamment en cas de plan de cession est importante :

- Le bail est-il résilié ou maintenu à la suite d'un jugement prononçant la liquidation judiciaire ?

- Peut il être transféré à un repreneur ce qui signifie de ce fait un transfert du droit de préemption ?

- Ce transfert peut-il être à titre onéreux par exception au statut du fermage ?

La première question est de savoir si la liquidation judiciaire entraîne la résolution du bail purement et simplement.

L'article L. 640-1 du Code de commerce précise en effet que le but de la liquidation est de mettre fin à l'activité de l'entreprise, cela passe nécessairement par la fin des contrats que le débiteur avait conclu.

L'article L. 641-11-1 I du Code de commerce apporte une réponse limpide :

« Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture ou du prononcé d'une liquidation judiciaire. »

Le bail n'est pas résilié par le jugement ouvrant une procédure de liquidation judiciaire.

Comme l'explique Madame Emmanuelle Le Corre-Broly 54, les paragraphes I, II, V, VI de cet article sont calqués sur les mêmes paragraphes de l'article L. 622-13 du Code de commerce que nous avons vu précédemment.

Il existe une disposition propre à la liquidation judiciaire. Le 3e alinéa du paragraphe III de l'article L. 641-11-1 du Code de commerce autorise le liquidateur à résilier de plein droit un contrat obligeant le débiteur a payé une somme d'argent.

Concrètement dans le cadre de notre sujet :

54 E. Le Corre-Broly, « Les modifications apportées au droit commun de la continuation des contrats en cours, » D. 2009, p. 663.

- dans le cas où le bailleur est en liquidation judiciaire, la seule possibilité de résiliation du bail rural par les organes de la procédure consiste à en demander la résiliation auprès du juge-commissaire. La vente du bien ne mettra pas fin au bail ;

- dans le cas où le preneur est en liquidation judiciaire, il sera possible de demander la résiliation du contrat sur le fondement de l'impossibilité pour le preneur de payer une dette dont le paiement est en argent.

b. La cession du bail rural dans le cadre d'un plan de cession

L'article L. 642-7 du Code de commerce impose la cession des contrats nécessaires à l'activité économique.

Il faut cependant rappeler que le statut du fermage repose sur de grands principes d'ordre public :

- le caractère intuitus personnae du fermage, cela signifie que dans le fermage la personnalité cocontractant est déterminant dans la conclusion du contrat ;

- l'incessibilité et la non-patrimonialité du bail rural.

Le Code rural a certes prévu des exceptions au principe d'incessibilité du bail rural mais pas dans le cadre du plan de cession :

- le bail cessible prévue à l'article L. 418-1 du Code rural ;

- la cession dans un cadre familiale prévue à l'article L. 411-35 du Code rural. Les dispositions du Code de commerce et du Code rural sont en conflit.

Il a donc été posé une autre exception dans le cas du plan de cession.

L'article L. 642-1 du Code de commerce dispose dans son alinéa 3 issu de l'article 82 alinéa 3 de la loi du du 25 janvier 1985 :

« Lorsqu'un ensemble est essentiellement constitué du droit à un bail rural, le tribunal peut, sous réserve des droits à indemnité du preneur sortant et nonobstant les autres dispositions du statut du fermage, soit autoriser le bailleur, son conjoint ou l'un de ses descendants à reprendre le fonds pour l'exploiter, soit attribuer le bail rural à un autre preneur proposé par le bailleur ou, à défaut, à tout repreneur dont l'offre a été

recueillie dans les conditions fixées aux articles L. 642-2, L. 642-4 et L. 642-5. Les dispositions relatives au contrôle des structures des exploitations agricoles ne sont pas applicables ».

Ce texte autorise la cession du bail rural et par conséquent le transfert du droit de préemption.

Il faut noter que cette possibilité est cependant très encadrée.

En premier lieu, l'ensemble d'éléments faisant l'objet d'un plan de cession doit être constitué pour l'essentiel par des baux ruraux.

La loi de 1988 n'explicite pas ce critère, aucun élément dans le texte n'indique à partir de quel degré une exploitation ou une branche d'exploitation cédée est essentiellement constituée d'un droit à un bail rural.

La jurisprudence a posé une interprétation par différents arrêts dont les plus importants sont :

- l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 novembre 1993 55 ;

- l'arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 28 avril 1998 56.

Le caractère essentiel ne doit nullement se fonder sur la valeur des biens cédés selon l'arrêt de 1998, le caractère non patrimonial du bail rural tend à rejeter cette interprétation.

Le droit au bail rural doit être essentiel à l'équilibre économique de l'exploitation notamment sur le rapport entre les hectares exploitées et les hectares louées. Si les revenus générés par ces hectares loués sont essentiels à la survie économique d'une exploitation, le caractère essentiel est rempli.

On peut en déduire qu'un nombre important d'exploitations françaises sont susceptibles d'être soumises à un plan de cession. Une enquête sur les structures agricoles réalisée par l'Agreste en 2007 indique que 77 % de la SAU en France est exploitée en mode de faire valoir indirect 57.

55 CA Paris, 2 novembre 1993 : RD banc. et bourse 1994, p. 111; RD rur. Janvier 1994, p. 3.

56 Cass. com. 28 avril 1998 : Bull. civ. IV, n° 138; D. Affaires 1998. 960, obs. V. A.-R.

57 V. http :// agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/file/Gaf09p021-026(1).pdf

Si la condition est remplie, le juge n'est pas libre de choisir le repreneur, le texte offre deux possibilités :

- une reprise des parcelles par le bailleur ou sa famille, en réalité si la reprise est au profit du bailleur il s'agit d'une reprise anticipée du bail ;

- l'attribution du droit au bail à un repreneur, celle-ci est réalisée en priorité au profit d'un preneur proposé par le bailleur. Le choix du tribunal ne s'exerce librement qu'en l'absence de propositions du bailleur.

On en déduit que le bailleur conserve la parfaite maîtrise du choix de son preneur.

On peut donc dire que si le droit de préemption peut être transféré à l'occasion d'un plan de cession, son bénéficiaire doit avoir en principe l'agrément du bailleur.

L'esprit du texte montre le souci de concilier l'esprit du statut du fermage avec les impératifs liés aux procédures collectives.

Malheureusement il a des limites.

Cette disposition apporte en effet une solution idéale dans le cas où un exploitant exploite essentiellement des terres par un fermage consenti par un seul bailleur.

Or les agriculteurs ont souvent trois à cinq bailleurs.

Que doit-on faire si chaque bailleur propose un repreneur ou veut reprendre ses terres ?

Différentes solutions sont possibles :

- ou bien on respecte le texte et le plan de cession peut conduire à un véritable morcellement de l'exploitation si chaque bailleur propose son repreneur ;

- ou bien on considère que si le choix des bailleurs entraîne un morcellement trop important, cette disposition n'est plus applicable car l'objet du plan de cession est de céder l'exploitation ou une branche d'activités ;

- ou bien on considère que si le choix des bailleurs entraine un morcellement trop important de l'exploitation, le juge peut imposer son choix aux bailleurs.

Cette dernière solution est ambiguë, si elle est judicieuse en pratique elle est en contradiction avec le principe selon lequel le juge ne peut créer des lois.

La jurisprudence a tranché dans un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 9 juin 1998 58.

En l'espèce, à l'issu d'une procédure collective le tribunal a attribué les baux détenus par des époux agriculteurs à divers preneurs proposés par les différents propriétaires. Le représentant des créanciers a fait appel de cette décision.

Cet arrêt est emblématique du problème, le plan de cession n'a pas conduit à la cession d'une exploitation ou d'une branche d'activités mais à différents repreneurs.

La jurisprudence considère que les dispositions du 3e alinéa de l'article 82 de la loi du 25 janvier 1985 devenues l'article L. 642-1 alinéa 3 du Code de commerce sont applicables lorsque les biens de l'exploitation agricole sont exploités au moyen de plusieurs baux même consentis par plusieurs propriétaires.

Dès lors le tribunal considère que l'attribution de ces baux aux divers preneurs proposés par chaque preneur est valide si les baux constituent l'essentiel de l'exploitation.

Cette jurisprudence tente de concilier les impératifs liés aux procédures collectives avec le statut du bail rural.

Cependant elle entraîne un véritable détournement du plan de cession.

Au lieu de céder un ou deux ensembles autonomes on cède les différents éléments de l'exploitation.

Cette jurisprudence ne facilite pas le travail des praticiens notamment les avocats et les liquidateurs judiciaires.

L'intérêt des liquidateurs est de céder un ensemble dont le prix permettra de payer les créanciers.

Ne céder que les actifs, sur lesquels les bailleurs n'exercent aucun contrôle, réduit le prix de cession.

58 Cass. com. 9 juin 1998 : Bull. civ IV, n° 186; D. Affaires 1998. 1217, obs. V. A.-R.

b. La question de la cession à titre onéreuse du bail rural

En effet, il ne faut pas éluder une question centrale dans le devoir : la question de la cession à titre onéreux des baux lors des plans de cession, appelée communément « chapeau » ou « pas de porte ».

Cette pratique est interdite en vertu de l'article L. 411-74 du Code rural.

Cependant cette pratique existe toujours. Elle est très répandue dans de nombreuses régions notamment la région naturelle du Vexin normand pour donner un exemple.

Les procédures collectives étant une « période d'exception », il est judicieux de s'interroger si le plan de cession ne permet pas de déroger à cette disposition.

Dans le contexte du plan de cession, l'autorisation de céder les baux ruraux à titre onéreux serait judicieux en pratique :

- le prix permettait de payer les créanciers ;

- le versement d'une somme aux bailleurs éviterait la dispersion des baux que permet l'arrêt du 9 juin 1998.

Il n'existe pas de textes prévoyant expressément cette possibilité.

En son absence, ce sont les dispositions du Code rural qui s'appliquent.

Cependant un jugement du tribunal de grande instance de Chartres en date du 22 mai 1991 59 avait retenu une offre de cession valorisant le bail rural par une interprétation de l'article 82 alinéa 3.

Le tribunal estimait que la dérogation prévue à l'article 82 alinéa 3 de la loi du 25 janvier 1985, portait sur l'intégralité du statut du fermage.

Ce jugement reste une décision d'espèce.

Les professionnels travaillant sur les procédures collectives agricoles connaissent cette règle.

Le plan de cession annexée au mémoire le démontre : l'interdiction du pas de porte posée à l'article L. 411-74 du Code rural est rappelée.

En réalité, il y a un pas de porte versé dans la majorité des cas.

59 TGI Chartres 22 mai 1991 : RD rur. n° 198 décembre 1991, p. 403.

Afin de réaliser les cessions, ces professionnels utilisent une technique simple : ils fixent un prix global et non élément par élément.

Le pas de porte est ainsi englobé dans une totalité rendant le versement de cette somme parfaitement légale.

Autre solution il suffit de surévaluer l'indemnité d'amélioration des fonds loués prévue par l'article L. 411-69 du Code rural, la jurisprudence a facilité cette pratique par l'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 22 octobre 2003 60.

Cet arrêt pose le principe que la répétition d'une somme équivalente à la différence entre le prix des biens mobiliers acquis par le preneur et leur valeur vénale suppose la démonstration d'une contrainte exercée par le cédant à l'encontre du cessionnaire.

Cette condition supplémentaire limite les actions fondées sur l'article L. 411-74 du Code rural.

Il n'y a pas lieu de juger ces professionnels, les pas de porte permettent de réussir des cessions où le choix opéré par le bailleur peut entrainer un morcellement total de l'exploitation.

La pratique du pas de porte est une véritable coutume dans certaines régions.

En effet, la longue pratique des pas de porte a comme résultat que certains agriculteurs assimilent pas de porte et indemnités pour amélioration du fonds.

Il faut noter qu'il y a très peu d'action en répétition des sommes qui sont intentées, même si les sommes sont restituées le preneur aura beaucoup de difficultés à trouver d'autres terres.

Les agriculteurs qui intentent cette action subissent la méfiance et le rejet de la part des propriétaires.

On peut considérer que le pas de porte est une véritable coutume contra leguem.

Il résulte de ces éléments que le plan de cession peut permettre la cession du bail rural et ainsi le transfert du droit de préemption à un autre preneur en dérogation de l'article L. 411-35 du Code rural.

Une cession qui est souvent faite à titre onéreuse mais de manière officieuse.

60 Cass. civ. 3°, 22 octobre 2003 : Ann. Loyers 2004, 455, note Lachaud.

C. LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION RURAUX EN CAS DE CESSION DES ACTIFS EN ORDRE DISPERSÉ

Les règles relatives à la cession des actifs en ordre dispersé s'applique pour les biens du débiteur :

- en cas d'absence de plan de cession ;

- pour les biens du débiteur qui ne sont pas compris dans un plan de cession.

Les articles L. 642-18 et suivants et les articles R. 642-22 et suivants du Code de commerce posent les règles relatives à ce mode de réalisation des actifs.

1. Les règles relatives à la réalisation des actifs isolés

Il existe un principe posé à l'article L. 642-18 : les ventes immobilières ont lieu suivant les dispositions relatives en matière de saisie immobilière posées aux articles 2206 et suivants du Code civil.

Ces articles sont issus de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006.

En vertu de ces articles, les biens saisis peut être vendus soit à l'amiable sur autorisation judiciaire soit par adjudication.

Rappelons que l'adjudication est selon Monsieur le professeur Gérard Cornu : « L'ensemble des formalités d'une vente aux enchères et cette vente même » 61.

Cette vente est selon l'article 2208 du Code civil une vente forcée par opposition à la vente amiable, celle-ci étant considéré comme une vente volontaire.

Le contexte des procédures collectives engendrent certaines particularités.

Le rôle du juge commissaire qui fixe le les conditions de vente ( C.com., art. L. 642- 19), la mise à prix et les modalités de publicité.

Les articles 2206 et 2211 du Code civil ne sont pas applicables.

Si le liquidateur souhaite une cession amiable, il doit présenter une requête au juge-commissaire.

61 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, coll. Dicos poche, 8° édition, 2007.

Ce dernier n'est pas lié par la demande du liquidateur. Cependant son ordonnance fixant les conditions de la vente est notifiée par le greffier au débiteur, au liquidateur, aux créanciers inscrits et aux contrôleurs ( C. com., art R. 642-22).

L'article R. 642-37-1 du Code de commerce ouvre une voie de recours contre cette ordonnance par voie d'appel que seuls le débiteur, certains créanciers, le Ministère public et certains institutions représentatives du personnel peuvent exercer.

De plus en cas de cession amiable, le juge-commissaire a le choix entre deux modalités de cession :

- L'adjudication amiable réalisée par un notaire désigné par le juge-commissaire, cette adjudication est plus souple que l'adjudication judiciaire traditionnelle et tout comme elle, elle emporte aussi la purge automatique des inscriptions.

- La cession de gré à gré, le liquidateur ne peut demander cette cession que s'il a reçu des offres d'acquisition avant de solliciter le juge-commissaire. L'autorisation du jugecommissaire n'est accordée qu'au profit de l'auteur d'une offre identifié et aux conditions fixées par le juge-commissaire. Le liquidateur représente le débiteur dans la vente. Cette cession n'emporte pas le purge des inscriptions.

Cette présentation amène des questions :

- Le caractère volontaire ou forcé de la vente a-t-il un effet sur les droits de préemption ruraux ?

- Le preneur en situation de liquidation judiciaire est dessaisi de ses droits et représenté par le liquidateur peut-il exercer son droit de préemption si ce dernier n'est pas neutralisé ?

2. La cession des actifs isolés et le droit de préemption du preneur

a. L'exercice du droit de préemption du preneur en cas de liquidation judiciaire

La première question est de savoir si le droit de préemption du preneur est neutralisé par la cession d'actifs de manière volontaire ou forcée.

Contrairement au plan de cession il n'existe aucun texte répondant explicitement à cette question.

Cependant au fil de notre réflexion, il est apparu que, sauf textes contraires, les dispositions d'ordre public du Code rural s'appliquent aux procédures collectives.

Nous avons déjà évoqué les conditions d'exercice du droit de préemption du fermier.

Il s'exerce en cas de toutes aliénations à titre onéreux sauf expropriation et apport en société.

L'article L. 412-2 du Code rural précise qu'il s'exerce sur toutes les ventes y compris les adjudications, ce qui inclut les ventes forcées.

Le Code rural ne semble donc pas prévoir une exception pour cette cession, qu'elle soit volontaire ou forcée, sauf dans le cas de l'ancien article L. 461-18 du Code rural aujourd'hui abrogé.

La jurisprudence a confirmé cette position après plusieurs hésitations.

En effet, la jurisprudence s'est déchiré sur le sort du droit de préemption du preneur lors de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.

Bien que la lettre du texte soit favorable à l'exercice du droit de préemption du preneur, plusieurs arrêts de la cour d'appel de Montpellier 62 l'ont neutralisé sur le fondement du caractère non-volontaire de cette aliénation.

Il est vrai que la cession des biens du débiteur, dessaisi de ces droits au profit du liquidateur, ne peut être considérée comme volontaire.

L'arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 5 février 2003 63 a mis fin à cette mauvaise interprétation de la loi dans un attendu qui pose comme principe que la liquidation judiciaire ne neutralisait pas l'exercice du droit de préemption, le caractère volontaire ou forcé de la cession est indifférent.

Cette solution de principe a été confirmée ultérieurement 64.

62 CA Montpellier, 6 novembre 2000 : JurisData n° 2000-136721.

63 Cass. civ. 3e, 5 février 2003 : JCP N 23 avril 2003 n° 21, p. 1339, note B. Grimonprez ; D. 2003, p. 696 ; RD rur. 2003, p. 141, obs. B. Grimonprez.

64 Cass. civ. 3e, 7 avril 2004 : RD rur. décembre 2004, n° 328, comm. 85, B. Grimonprez.

b. La confrontation entre le principe du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire et du droit de préemption

Une difficulté subsiste si c'est le preneur qui est en liquidation judiciaire.

Comme nous l'avons déjà dit, le débiteur en liquidation judiciaire est de plein droit

dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens tant que la liquidation

judiciaire n'est pas clôturée.

Le problème est de savoir si cette mesure ne frappe pas le débiteur dans sa capacité à exercer le droit de préemption et, si c'est le cas, de déterminer les conséquences.

L'étude des articles du Code de commerce relatifs au dessaisissement du débiteur conduit à envisager que le débiteur ne puisse exercer son droit.

La jurisprudence considère que l'article L. 622-9 du Code de commerce devenu l'article L. 641-9 depuis la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 entraîne un dessaisissement s'étendant à toute opération ou tout acte ayant un caractère patrimoniale et atteint l'ensemble des biens du débiteur qu'ils soient affectés ou non à l'exploitation 65.

Or, l'exercice du droit de préemption a pour effet d'engendrer une opération permettant l'entrée d'un bien dans le patrimoine du débiteur, ce bien est affecté à son exploitation.

La lettre du texte conduit donc à dessaisir le preneur de ce droit.

La Cour de cassation a adopté une position contraire dans différents arrêts 66.

Elle considère que l'exercice du droit de préemption ainsi que l'action en

reconnaissance du bail échappent au dessaisissement qui frappe le débiteur en faillite. Traditionnellement, le failli considère certaines prérogatives pour des droits et

actions attachées à sa personne : faculté d'accepter une succession 67...

L'exercice du droit de préemption n'appartient pas à cette sphère d'opération. Il y a cependant des explications à cette position.

En effet, le droit de préemption est un droit attaché au bail rural.

65 T. com Caen, 25 novembre 1997 : BICC 1998, n° 608.

66 Cass. com., 21 janvier 1974 : Bull. civ IV, n° 4; Cass. Civ 3°, 7 avril 2004 : RD rur. décembre 2004, n° 328, comm. 85, B. Grimonprez.

67 Cass. com., 3 mai 2006 : JCP E 2006, n° 37, p. 1553, obs. M. Cabrillac.

Ce bail est un droit personnel, incessible et non patrimonial.

De ce fait bien que l'exercice de ce droit engendre une opération d'ordre patrimonial, ce droit n'a pas en lui même un caractère patrimonial.

Cette explication est très théorique mais elle démontre que la Cour de cassation observe les prescriptions légales et le statut du fermage.

Une autre explication moins théorique existe.

Elle est issue de la nature du droit de préemption. Certains auteurs estiment que c'est droit « potestatif » 68, c'est à dire un droit conférant à leur titulaire le pouvoir d'agir sur une situation juridique préexistante par une manifestation unilatérale de volonté.

Un tel droit apporte un avantage exceptionnel à son titulaire. En l'espèce ce droit permet de déroger au caractère absolu du droit de propriété du bailleur. Le législateur a donc identifié clairement son titulaire : le preneur en place titulaire d'un bail rural.

Ce droit a pour but de permettre la maîtrise de la taille de son exploitation par le preneur. Seul lui est considéré comme seul apte à opérer cette décision.

Or dans le contexte de la liquidation judiciaire, le fait de dessaisir le preneur de ce droit au profit du liquidateur entraîne un changement : ce droit n'est plus confié à un exploitant pour qu'il maîtrise le devenir de son exploitation mais à une personne dont le but est de réaliser au mieux l'actif du débiteur pour payer les créanciers.

Le droit de préemption est ici détourné de son but initial dans ce cas.

On peut objecter que l'exercice de ce droit par le seul preneur est aussi détourné de son but.

En effet, si le preneur achète un bien immobilier, il ne pourra pas pas en conserver la maîtrise par l'effet du dessaisissement, il ne pourra donc consentir à un bail rural à ses proches lui permettant de conserver indirectement ce bien (ce qui est tout à fait normal car cela reviendrait à contourner les effets du dessaisissement).

La question d'une neutralisation du droit de préemption du fermier en situation de liquidation judiciaire n'est donc pas à exclure.

68 C. Saint-Alary, Le Droit de préemption : thèse LGDJ 1979, n° 507.

S'il n'est pas neutralisé, ce n'est que par souci de respecter la lettre du texte mais non son esprit.

Il existe une autre interrogation relatif à ce sujet.

Le but principal de la liquidation judiciaire étant de payer les créanciers, l'action en contestation par le preneur du prix et des conditions de la vente posée à l'article L. 412-7 du Code rural est-elle neutralisée ?

La question est essentielle, cette action est gênante de deux manières pour le liquidateur, d'une part elle peut entraîner la réduction du prix de vente du fonds rural, et d'autre part elle peut entraîner un accroissement du temps nécessaire à la cession du fonds.

Il faut se rappeler que la cession des actifs peut se faire soit par adjudication soit par cession de gré à gré avec autorisation du juge-commissaire.

Le Code rural a prévu une procédure particulière en cas d'exercice du droit de préemption du preneur lors d'une vente par adjudication.

Celle-ci est posée à l'article L. 412-11 du Code rural.

La jurisprudence a déduit de la particularité de l'exercice du droit de préemption en cas de vente par adjudication que l'action en révision du prix ou des conditions de la vente est exclu 69.

Il faut noter que l'exercice d'une telle action serait contraire au principe des enchères de l'adjudication.

Cependant le Code rural ne prévoit aucune procédure particulière lors de la vente de gré à gré au cours d'une liquidation judiciaire.

Mais en cas de cession de gré à gré, l'ordonnance du juge-commissaire détermine le prix et les conditions de vente.

Si la jurisprudence a estimé que l'exercice du droit de préemption n'entrainait pas la nullité de l'ordonnance bien que cela conduise à modifier le nom de l'acheteur

69 Cass. soc., 17 juin 1948 : JCP G 1948, III, 4507.

initialement déterminé 70, il n'est nullement dit que l'exercice de la préemption permet de modifier les autres éléments de l'ordonnance.

De plus si cette action était possible, il est fort probable que les juges-commissaires ne permettraient pas la cession de gré à gré des fonds ruraux, le risque de voir le prix d'achat diminué par l'action en révision du prix est un obstacle trop important.

3. La cession des actifs isolés et le droit de préemption de la SAFER

Bien que la question du sort du droit de préemption de la SAFER en cas de cession des actifs isolés ait les mêmes problématiques que celle du droit de préemption du preneur.

Cependant il existe peut être certaines singularités qui peuvent amener de nouvelles problématiques à ce sujet.

a. Une identité des solutions avec le droit de préemption du preneur

La première question la plus évidente est de savoir si le droit de préemption de la SAFER est traité de la même façon que celui du preneur.

La Cour de cassation a estimé que l'article L. 143-4 alinéa 7 du Code rural ne neutralisait le droit de préemption seulement pour les biens objets d'un plan de cession 71.

Cette solution a été confirmé 72

Elle est donc dépendante de la décision des juges du fond sur la manière de réaliser l'actif.

L'arrêt de la Cour de cassation en date du 19 mai 2010 73 montre la limite de cette décision. Les juges du fond ont choisi le plan de cession, faisant obstacle ainsi au droit de préemption de la SAFER, afin de céder un ensemble d'actifs d'une exploitation

70 Cass. civ. 3°, 5 février 2003 : LPA 14 juillet 2003 n° 139, p. 8, note Ph. Roussel Galle.

71 Cass. com., 15 octobre 2002 : JCP N 25 avril 2003 n° 17, p. 1296, obs. M-A Rakotovahiny ; JCP N 23 mai 2003 n° 21, p. 1342, obs. B. Grimonprez.

72 Cass. civ 3°, 30 avril 2003: JCP N 12 novembre 2004 n °46, p. 1551, note F. Vauvillé.

73 Cass. civ. 3°, 19 mai 2010 : Dict. perm. Entreprises agricoles. juin 2010, n° 431, p. 4.

agricole qui n'étaient pas un ensemble autonome permettant la continuité économique de l'exploitation.

Cet arrêt pose le problème de la grande liberté des juges du fond dans l'appréciation de la décision d'arrêter ou non un plan de cession et les conséquences liées aux restrictions dans la procédure d'appel.

b. La liquidation judiciaire, un contexte potentiellement très favorable à l'exercice du droit de préemption par la SAFER

La deuxième porte sur les modalités de la préemption.

À nouveau les solutions semblent être identiques à celles du preneur.

Si la SAFER dispose de la faculté de discuter le prix par le biais de l'action estimatoire (C. rur., art. L. 143-10), cette faculté est neutralisée en cas d'adjudication, l'article R. 143-13 du Code rural relatif au droit de préemption de la SAFER opère un renvoi à l'article L. 412-11 du Code rural.

La seule question réside en cas de cession de gré à gré, il est fort probable que la SAFER ne puisse pas discuter le prix fixé par le juge-commissaire.

Cela entraverait la procédure de liquidation, certains auteurs corroborent cette position 74.

La question de la préemption de la SAFER pose cependant d'autres questions. En effet, la SAFER est dans une position différente du preneur.

Elle est extérieure à la procédure, contrairement au preneur qui est soit en liquidation judiciaire, soit débiteur du bailleur en liquidation judiciaire.

Contrairement au preneur qui doit exploiter les terres personnellement et pendant 9 ans à la suite de l'exercice de son droit de préemption, elle est dans l'obligation de rétrocéder les fonds ruraux acquis de manière amiable ou par préemption 75.

Il est donc possible qu'elle puisse rétrocéder à un des membres de la famille le bien préempté.

74 E. Lemmonier, « Le droit commercial frappé de ruralité », RD rur. 2003, n° 309, p. 20-21.

75 C. rur., art. L. 143-2.

Les articles L. 642-3 et L. 642-20 du Code de commerce prohibent la cession des actifs réalisés aux parents ou alliés du débiteur ou du dirigeant de fait et de droit de la société liquidée.

Cependant il est prévu une exception en matière agricole au 2e alinéa de cet article.

La SAFER peut donc très bien rétrocéder un fonds rural acquis à l'occasion d'une adjudication ou d'une vente de gré à gré à un proche parent du débiteur.

L'article L. 143-4 alinéa 3 du Code rural neutralise l'exercice du droit de préemption de la SAFER pour :

« Les acquisitions effectuées par des cohéritiers sur licitation amiable ou judiciaire et les cessions consenties à des parents ou alliés jusqu'au quatrième degré inclus, ou à des cohéritiers ou à leur conjoint survivant ainsi que les actes conclus entre indivisaires en application des articles 815-14, 815-15 et 882 du Code civil. »

Cet article est-il neutralisé par le contexte de la liquidation judiciaire ?

A priori non aucune disposition ne dispose expressément qu'un tel article est neutralisé.

Il faut noter que le contexte peut induire peut être une neutralisation de cette disposition.

En cas de cession de gré à gré, l'exercice du droit de préemption par la SAFER entraîne une substitution de l'acquéreur nommé dans l'ordonnance elle-même.

Il y a donc une modification des conditions de la vente, celle-ci est faite pour la SAFER.

La question porte sur les conséquences, la préemption oblige le juge-commissaire a modifié l'ordonnance.

Le liquidateur est en effet tenu de vendre le bien à la personne ayant fait l'offre acceptée par le juge commissaire.

L'ordonnance ne vaut pas vente 76, on peut donc estimer que dans ce contexte particulier seul l'acte de vente vaut vente et non le consentement par dérogation à l'article 1589 du Code civil.

76 Cass. com., 5 décembre 1995 : Bull. civ. IV n° 279, p. 258.

La SAFER ne fait pas ici obstacle à la réalisation d'une vente mais à une procédure dont l'objectif est une vente.

La nuance est subtile mais on peut considérer que la SAFER évince indirectement les acheteurs visés par l'article L. 143-7 alinéa 3 du Code rural et ainsi conduire à neutraliser cette disposition en cas de cession de gré à gré.

Il n'existe pas de jurisprudence relative à cette question.

Il existe par contre une jurisprudence en cas d'adjudication.

L'arrêt de la troisième chambre civile de Cour de cassation en date du 10 juin 2009 77 exclut l'exception prévue à l'article L. 143-7 alinéa 3 dans le cas où l'adjudicataire évincé était le frère du débiteur.

la Cour estimant que la cession n'ayant pas été consentie par le débiteur lui-même. L'adjudication ayant été autorisée par le juge-commissaire et non le débiteur lui même.

Par cet arrêt la Cour restreint le champ des exceptions de la SAFER aux seules acquisitions effectuées par les cohéritiers du débiteur au liquidation judiciaire.

Il en résulte que paradoxalement à la plupart de nos constations dans le mémoire, la liquidation judiciaire renforce le droit de préemption de la SAFER en neutralisant certaines de ses exceptions.

77 Cass. 3° civ., 10 juin 2009 : RD rur. Août-septembre 2009 n° 375, comm. 129, note J-J Barbiéri ; Ann. Loyers décembre 2009 n° 12, p. 2449.

CONCLUSION

Nous avons étudié le sort des droits de préemption ruraux tout au long de la procédure collective.

Il nous a permis de faire ressortir une problématique qui traverse le droit rural : le droit agricole n'est pas le droit de l'entreprise agricole mais celui de l'exploitation agricole.

L'esprit du droit commercial et du droit rural sont en partie opposés. Il suffit de lire certains titres d'articles au titre explicite : « Le droit commercial frappé de ruralité »..., ces deux droits sont perçus comme antagonistes et leur interaction comme un empiètement de l'un sur l'autre.

En effet, si ces deux droits encadrent une activité dont le but est de générer un profit, les formes souhaitées de l'activité sont radicalement différentes.

Le statut du fermage vise à protéger l'exploitation familiale des bailleurs et de phénomènes spéculatifs tels le prix du loyer ou la vente de fonds agricole. La volonté de les encadrer résulte d'un but protéger les exploitations moyennes d'une disparition.

Si l'intention est louable, nous avons constaté tout au long du mémoire que le droit des procédures collectives se prête parfois très mal aux problèmes des exploitations agricoles.

Le statut des baux ruraux d'ordre public rend le bail rural rigide 78, cette rigidité s'accorde mal du droit des procédures collectives agricoles dont le but est de libérer le débiteur d'un certain nombre de contraintes afin de se redresser.

Ce statut souffre dans une certaine mesure d'un vieillissement, son esprit ne correspond plus à l'époque actuel. L'esprit qui a motivé l'introduction du droit de préemption du preneur en est l'exemple.

Introduit afin d'accroître le faire-valoir direct des exploitations moyennes, il est souvent peu utilisé. Les agriculteurs concentrent majoritairement leur investissement sur l'achat de matériel agricole. De plus, le faire-valoir direct pose des problèmes successorales que le salaire différé ne peut résoudre.

Les résultats de ces difficultés sont édifiantes.

78 S. Crevel, La rigidité des contrats, RD rur., 2010, n° 384, p. 13.

Les différents acteurs (juge, avocat...) sont obligés de contourner le statut du fermage afin de sauver les exploitations agricoles, la pratique de versements de pas de porte de manière détournée est un triste exemple.

La Cour de cassation face aux multiples points de frictions entre le droit rural et le le droit des procédures collectives interprète littéralement les textes avec comme critère pour écarter le droit rural une disposition expresse du Code de commerce, le principe est donc : « Un ordre public chasse l'autre ».

Elle conduit à poser des principes dont les conséquences sont incertaines telle la conservation de la maîtrise par le preneur en situation de liquidation judiciaire de son droit de préemption.

La plupart des tentatives tendant à faire évoluer les pratiques telle la validation des pas de porte des baux en cas de plan de cession ont échoué, pourtant elles n'auraient que légaliser des pratiques.

Les juges sont certes tenus par un droit, cependant la jurisprudence a parfois provoqué le législateur pour changer la loi.

L'arrêt Desmares 79 est un exemple. La jurisprudence voulait une intervention du législateur sur la question de la responsabilité des conducteurs d'engins terrestres à moteur. Cet arrêt avait eu pour but de provoquer le législateur, la Cour de cassation avait en l'espèce adopté une position extrêmement sévère vis à vis des conducteurs d'engins à moteur.

La loi du 5 juillet 1985 a institué un droit à indemnisation des victimes d'accident de la circulation routière. L'élan de la réforme est venue de la jurisprudence.

C'est donc le droit qu'il faut modifier. Il existe plusieurs options :

- écarter purement et simplement la plupart des dispositions du Code rural en cas de procédures collectives ;

- créer un droit des procédures collectives agricoles autonomes ;

- modifier le statut du fermage pour glisser progressivement vers l'entreprise agricole.

79 Cass. civ. 2e, 21 juilllet 1982 : D. 1982, p. 449, concl. Charbonnier.

Les deux premières options sont irréalistes et contraires à l'évolution actuelle du monde agricole, la troisième est plus cohérente et permettrait une adaptation lente de la législation agricole au monde actuel.

La loi d'orientation agricole n° 2006-11 du 5 janvier 2006 a apporté un début d'évolution par la création du bail cessible et du fonds agricole.

La dernière loi d'orientation agricole n° 2010-874 en date du 27 juillet 2010 n'aborde pas ce domaine alors que suite aux difficultés économiques rencontrées par les agriculteurs ces deux dernières années le nombre d'exploitations agricoles en difficultés a explosé.

Il est vrai qu'elle aborde d'autres sujets inexplorés ou presque : règles applicables aux contrats écrits entre producteurs et acheteurs de certains produits agricoles, assurances agricoles...

Peut être est-ce pour la prochaine fois.

ANNEXES

EXEMPLE DE PLAN DE CESSION D'UNE EXPLOITATION AGRICOLE

- Page 67 -

- Page 71 -

- Page 73 -

- Page 75 -

- Page 77 -

BIBLIOGRAPHIE

I. OUVRAGES GÉNÉRAUX, TRAITÉS, MANUELS, PRÉCIS

· C. Dupeyron, J.-P Theron, J.-C Barbieri, Droit agraire, 1re éd., 1er volume, Economica, 1985.

· A. Jacquemont, Droit des entreprises en difficulté, 6e éd., Litec, 2009.

· D. Krajeski, Droit rural, Defrénois, 2009.

· P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, 5e éd., Dalloz, coll. Dalloz action, 2008- 2009.

· Ph. Pétel, Procédures collectives, Dalloz, coll. Cours, 5e éd. 2006.

· F. Terré, P. Simler, Y. Lequette, Droit civil : Les obligations, 9e édition, Dalloz, coll. Précis Dalloz, 2005.

II. OUVRAGES SPÉCIAUX, THÈSES, MONOGRAPHIES

· M. Amary, L'incessibilité et la non patrimonialité du bail rural, Mémoire de DEA de droit rural, Poitiers, 1995.

· V. Brouard, Le sort du bail rural dans les procédures collectives, Mémoire de DEA de droit rural, Poitiers, 1996.

III. RECUEILS

· Dictionnaire permanent entreprise agricole 2009 :

- Exploitations agricoles en difficulté : feuilles 583.

· Dictionnaire permanent droit des affaires 2009 :

- Procédures collectives : feuilles 2345.

?Jurisclasseur droit rural :

- Volume 1 : Droits et obligations du preneur : Droit de préemption : fascicule 60-70. - Volume 5 : SAFER : fascicule 30-35-40.

?Jurisclasseur procédures collectives :

- Volume 1 : Procédures collectives agricoles : fascicule 1715.

- Volume 1 : Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire : Continuation des contrats en cours : fascicule 2335.

- Volume 1 : Redressement et liquidation judiciaire : Nullités de droit et nullités facultatives : fascicule 2502.

- Volume 2 : Liquidation judiciaire : Réalisation de l'actif : Réalisation immobilières en liquidation judiciaire : fascicule 2707

- Volume 2 : Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire : Plan de cession : cession des contrats : fascicule 2740.

IV. ARTICLES, CHRONIQUES, ÉTUDES ET NOTES

· J.-J. Barbiéri, Sur la survivance du droit de préemption de la SAFER en cas de ventes résultant d'une liquidation judiciaire, RD rur. n° 375 août-septembre 2009, p. 43.

· J.-J. Barbiéri, Nouvelle exclusion de la SAFER dans les procédures collectives, Dict. perm. Entreprises agricoles. n° 431 juin 2010, p. 4.

n M. Cabrillac, Ph. Pétel, Sauvegarde, redressement et liquidation judiciaire des entreprises, JCP E n° 14 avril 2007, 1450, p. 23.

n G. Blanc, Nullités de la période suspecte-Effets de la nullité, Rev. proc. coll. n° 4 décembre 2004, p. 389

n F. Colson, A. Blogowski, B. Dorin, Les exploitations agricoles en situation difficile, RD rur. n° 220 février 1994, p. 49.

n J. Dannet, Les procédures collectives en agriculture : des premiers débats jurisprudentiels à la loi du 10 juin 1994, RD rur. n° 229 janvier 1995, p. 1 et RD rur n° 230 février 1995, p. 57.

n X. De Roux, Rapport au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale : Doc. AN 2005, n ° 2095.

n D. Ferru, Le bail rural peut-il avoir un prix ?, RD rur. n° 198 décembre 1991, p. 401.

n J.-A. Gravillou, Incessibilité du bail rural et droit des procédures collectives, JCP N n° 5 30 janvier 1998, p. 173

n B. Grimonprez, La liquidation judiciaire laisse entières les prérogatives de la SAFER, JCP N n° 2123 mai 2003, p. 1342.

N B. Grimonprez, Le dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire ne s'étend pas aux prérogatives issues du fermage, RD rur. n° 328 décembre 2004, comm. 85.

n B. Grimonprez, L'influence de l'ouverture d'une procédure collective sur le droit de préemption du preneur en place, JCP N n° 21 23 mai 2003, p. 821.

n J. Lachaud, Un soupçon de droit rural dans l'ordonnance du 18 décembre 2008 portant modification des procédures collectives, Ann. Loyers n °1 janvier 2009, p. 84.

N E. Lemonnier, Le droit commercial frappé de ruralité, RD rur. n° 309 janvier 2003, p. 319.

n T. Nansot, Le prix d'un terrain agricole sous bail rural, Et. fonc., n° 92, Juillet-août 2001, p. 13.

n M.A. Rakotovahiny, La singularité du droit de préemption de la SAFER dans le cadre d'une liquidation judiciaire, JCP N n° 17 25 avril 2003, p. 661.

N C. Rollot, Le Monde, 2 mars 2010.

n Ph. Roussel Galle, Les « nouveaux »régimes des contrats en cours et du bail, Rev. proc. coll. janvier 2009, p. 55.

n C. Saint-Alary-Houin, L'ouverture de la procédure de sauvegarde, Rev. proc. coll. Avril-mai-juin 2008, p. 85.

n F. Vauvillé, Faut-il purger les droits de préemption en cas de procédure collective ?, JCP N n° 46 12 novembre 2004, p. 1551.

V. PRINCIPAUX ARRÊTS

n Cass. com., 21 janvier 1974 (conséquence du dessaisissement du preneur en liquidation judiciaire dans l'exercice de son droit de préemption, note 66).

n Cass. com, 26 juin 1990 (faculté du tribunal d'arrêter un plan de cession n'apurant que partiellement le passif, note 48).

n Cass. civ. 3°, 7 novembre 1990 (effet de l'existence d'un bail rural sur la valeur d'un bien immobilier vendu, note 35).

n Cass. com 28 avril 1998 (sur l'appréciation du caractère essentiel du droit au bail rural dans une exploitation agricole, note 56).

n Cass. com 9 juin 1998 (application de l'article L. 642-1 al. 3 du Code de commerce en présence de plusieurs bailleurs, note 58).


· Cass. com., 15 octobre 2002 (sur le sort du droit de préemption de la SAFER en cas de réalisation des actifs en ordre dispersé, note 72).

· Cass. civ. 3°, 5 février 2003 (sur le sort du droit de préemption du preneur en cas de réalisation des actifs en ordre dispersé, note 63).

· Cass. civ. 3°, 22 octobre 2003 (sur l'exigence de la démonstration d'une contrainte exercée dans le cadre du versement d'un pas de porte, note 60).

· Cass. com., 28 janvier 2004 (conséquence de la nullité du contrat passé en période suspecte, note 22).

· Cass. Com., 30 juin 2004 (effet de l'annulation du contrat de vente passé en période suspecte sur les cessions ultérieures, note 27).

· CA Bordeaux ch. soc., 26 septembre 2006 (effet du jugement d'ouverture sur l'action en résiliation du bail rural, note 28).

· Cass. civ. 3°, 10 juin 2009 (droit de préemption de la SAFER et droit des parents du débiteurs en liquidation judiciaire, note 77).

· Cass. civ. 3°, 19 mai 2010 (droit de préemption de la SAFER et liberté des juges du fond dans la décision d'arrêter un plan de cession , note 73).

TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 5

LISTE DES ABRÉVIATIONS 7

PREMIÈRE PARTIE.

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION

AU PREMIER TEMPS DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE 15

A. LE SORT DES DROIT DE PRÉEMPTION AU DÉBUT DE LA PROCÉDURE COLLECTIVE AGRICOLE 17

1. Rappel des règles déterminant l'ouverture d'une procédure collective

en matière agricole et de leurs effets 17

a. L'état de l'entreprise agricole : la notion de difficultés avérées ou prévisibles de cessation des paiements 17

b. L'entreprise agricole dans les procédures collectives, rappel des principales règles gouvernant la procédure 20

c. Les effets de l'ouverture d'une procédure collective 21

2. Les effets du jugement d'ouverture sur les droits de préemption

dans le domaine agricole 23

a. Le sort des droits de préemption ruraux pendant la période suspecte 23

b. Le sort des droits de préemption ruraux pendant la période d'observation 28

B. LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION RURAUX DANS LES PLANS DE SAUVEGARDE

ET DE LIQUIDATION JUDICIAIRE 34

SECONDE PARTIE.

LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION

RURAUX EN CAS DE DISPARITION TOTALE OU PARTIELLE

DE L'EXPLOITATION AGRICOLE 37

A. LES PRINCIPAUX EFFETS DU JUGEMENT OUVRANT UNE PROCÉDURE

DE LIQUIDATION JUDICIAIRE 38

1. La nomination d'un liquidateur judiciaire 39

2. Le dessaisissement du débiteur de ses pouvoirs 39

B. LE PLAN DE CESSION, UN OBSTACLE À L'EXERCICE DES DROITS DE PRÉEMPTION

EN MATIÈRE AGRICOLE ? 40

1. Le plan de cession 40

a. Un rôle renouvelé par la loi du 26 juillet 2005 40

b. Une procédure complexe 41

2. Le sort des droits de préemption ruraux en cas de plan de cession 42

a. Une solution ancienne pour le droit de préemption de la SAFER 42

b. Le rôle décisif de l'ordonnance du 18 décembre 2008 sur la question du droit de préemption du preneur 43

3. Le sort du bail rural dans le plan de cession 44

a. Les effets de la liquidation judiciaire sur le bail rural 44

b. La cession du bail rural dans le cadre d'un plan de cession 46

b. La question de la cession à titre onéreuse du bail rural 50

C. LE SORT DES DROITS DE PRÉEMPTION RURAUX EN CAS DE CESSION DES ACTIFS

EN ORDRE DISPERSÉ 52

1. Les règles relatives à la réalisation des actifs isolés 52

2. La cession des actifs isolés et le droit de préemption du preneur 53

a. L'exercice du droit de préemption du preneur en cas de liquidation judiciaire 53

b. La confrontation entre le principe du dessaisissement du débiteur en liquidation judiciaire et du droit de préemption 55

3. La cession des actifs isolés et le droit de préemption de la SAFER 58

a. Une identité des solutions avec le droit de préemption du preneur 58

b. La liquidation judiciaire, un contexte potentiellement très favorable à l'exercice du droit de préemption par la SAFER 59

CONCLUSION 62

ANNEXES

EXEMPLE DE PLAN DE CESSION D'UNE EXPLOITATION AGRICOLE 66

BIBLIOGRAPHIE 79

TABLE DES MATIÈRES 83






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