II - LIMITES ET PERSPECTIVES DE
LA REGLEMENTATION PRUDENTIELLE
La réglementation prudentielle présente
des limites c'est-à-dire que la posologie des organisations
financières internationales (Fonds Monétaire International et
Banque Mondiale) présente des avantages et des inconvénients ou
pose encore des problèmes non résolus dans la
société camerounaise.
1- Les limites de la
réglementation prudentielle au Cameroun
La réglementation prudentielle du
système bancaire camerounais présente un certain nombre de
limites empêchant son efficacité totale dans sa mise en oeuvre.
Elle a placé le capital social minimum d'une banque à un milliard
de franc CFA, mais ce planché reste très élevé pour
des investisseurs qui voudraient créer des petites banques. De plus, la
COBAC (Commission Bancaire pour l'Afrique Centrale) impose un ratio de
solvabilité de 5%, à savoir les capitaux propres de la banque
doivent représenter au moins 5% de ses engagements. Ce capital minimum
et le respect du ratio de solvabilité place la barre assez haute pour
les initiatives individuelles ou en groupes limités de création
d'un petit établissement financier ou de crédit. La
réglementation bancaire n'a pas prévu un cadre commun minimum ou
édité au moins quelques directives communes sur les diverses
restructurations internes des banques ou sur les réformes bancaires
(Guidoux, 2004). En effet, chaque banque est allée de sa propre petite
idée pour un programme de réformes en fonction de son niveau de
délabrement. Bien que l'ordonnance n° 96/03 du 24 juin 1996 ait
essayé de combler cette lacune, elle est arrivée un peu
tardivement par rapport à l'urgence de la restructuration du
système bancaire du début des années 90.
La réglementation bancaire présente non
seulement des carences ou des lacunes internes mais elle laisse aussi
apparaître un manque de coordination entre ses diverses dispositions. On
a du mal à identifier clairement les rôles dévoués
aux structures nationales créées et ceux des supranationales
(Lacoue-Labarthe, 2004). De plus, il apparaît un manque de coordination
entre ces divers rôles, à savoir les sphères de
compétences ou les limites de structures financières nationales
par rapport aux structures financières étrangères. Par
exemple, la COBAC censée assurer la surveillance des
établissements de crédit, a couvert par un certain laxisme les
activités de la BIAO-Meridien Bank. De plus, il y a certaines structures
qui ont exercé des activités bancaires de manière
clandestine. A titre d'exemple, on peut citer la Banque Unie de Crédit
en 1994. La procédure de prise des sanctions dans la
réglementation semble ne pas être assez bien définie. Elle
présente des carences entraînant un certain laxisme. Par exemple,
le pouvoir de scellée n'est pas donné à la COBAC pour
sanctionner durement les structures clandestines.
La réglementation bancaire a prévu la
création ou la naissance d'autres types d'établissements
financiers, mais leurs conditions de mise en oeuvre ne sont pas clairement
définies et même spécifiées (Nouy, 2004). Il en est
de même pour leur fonctionnement dans une sphère financière
sans marché financier ou des capitaux. Le marché monétaire
prévu dans les textes de la BEAC, ayant démarré en 1994,
présente toujours des blocages relevant de la crise de confiance ou de
la méfiance entre la Banque Centrale et les établissements de
crédit. Au niveau réglementaire, des carences existent dans les
textes pour des garanties juridiques (Brossard et Chetioui, 2003) permettant de
rétablir la confiance perdue entre les divers auteurs du marché
monétaire.
L'application des réformes prévues
par la réglementation bancaire a posé des problèmes
pratiques à cause de l'absence d'une période transitoire
clairement définie car les diverses mesures semblaient être
inadaptées et inacceptables par rapport à la situation des
banques (Daoud, 2004). Au niveau de la conduite des réformes, des
lacunes apparaissaient également dans les textes. En d'autres termes, la
réglementation n'avait aucune disposition commune relative aux
restructurations bancaires. Pendant que certaines institutions bancaires
commençaient par des recapitalisations, d'autres procédaient
d'abord aux allégements des effectifs pour réduire leurs frais
généraux (Rochet, 2004). Les dispositions réglementaires
communes auraient permis aux banques de se concerter pour conduire au mieux les
diverses réformes bancaires (Simon, 2004).
Nous savons que par la libéralisation bancaire,
la réglementation bancaire a pour objectif principal d'augmenter
l'accumulation de l'épargne pour des crédits d'investissement. La
productivité de ces investissements servira à relancer
l'activité ou la croissance économique (Venet, 1995). Les zones
rurales regorgent néanmoins d'une masse non négligeable de
liquidités pouvant constituer une partie de l'épargne (Koulibaly,
1992). De plus, l'ouverture et la gestion d'un compte d'épargne dans une
banque sont souvent soumises à des conditions drastiques
s'écartant des moeurs et des habitudes de la clientèle. Toutes
ces conditions écartent beaucoup d'agents économiques
(commerçants, salariés, etc...) qui se retournent vers le secteur
informel présentant des conditions plus souples et adaptées
(Philon, 2006).
La réglementation bancaire actuelle dans sa
logique de libéralisation bancaire a préconisé un
désengagement de l'Etat de la sphère bancaire au profit du
marché (Yilmaz, 1995), mais l'influence de l'Etat camerounais dans la
sphère financière reste toujours perceptible avec ses
participations actuelles dans les banques (exemple : le Crédit
foncier, etc.).
La libéralisation bancaire nécessite la
création d'un marché financier où s'exercera la
concurrence entre les établissements de crédits avec une
innovation et une diversification des produits financiers et un
perfectionnement des instruments financiers existants. Le Cameroun ne dispose
pas actuellement d'un marché financier ou d'une bourse de valeurs. Ce
manquement reste préjudiciable à la mise en place effective de la
libéralisation bancaire qui ne produit pas actuellement tous les
résultats attendus. Elle semble avoir divisé la
société camerounaise en deux parties : les nantis et les
misérables (Bekolo, 1989 ; Servet, 1990). Cette dichotomie
entraîne actuellement des problèmes sociaux (l'exode rural,
l'insécurité, le grand banditisme, la corruption, le
chômage, la misère, etc...). En fait, ces problèmes sociaux
présentent une autre face de la libéralisation bancaire avec un
coût social observé actuellement au Cameroun.
La réglementation prudentielle n'a pas produit
tous les résultats escomptés. Nous avons constaté qu'il y
a eu d'autres faillites bancaires après les réformes bancaires de
1990, par exemples le Crédit Agricole en 1995, la BIAO-Meridien Bank en
1998 et Amity Bank en 2009. Près d'une dizaine d'années
après, certaines banques présentent toujours des portefeuilles
financiers dégradés et n'arrivent pas à respecter toutes
les règles prudentielles (Couppey et Madies, 1996)
édictées par la commission Bancaire de l'Afrique Centrale
(COBAC). En pratique, certaines banques camerounaises ne parviennent pas encore
à respecter les normes de couverture des risques à cause d'une
accumulation permanente des besoins en capitaux propres. L'intérêt
de cette règle est pourtant d'empêcher aux banques d'utiliser en
désordre les dépôts de la clientèle. Pour limiter
les frais généraux, la COBAC a exigé le respect du ratio
des immobilisations ou de l'achat des matériels et des mobiliers, etc...
Beaucoup d'efforts sont fait par les banques camerounaises mais il existe
encore certaines banques qui ne respectent pas cette norme à cause des
frais d'exploitation encore élevés. Certaines banques ayant
investi pour la construction de luxueux sièges, n'arrivent pas à
limiter leurs financements de l'amortissement des investissements
entamés et de l'entretien des diverses immobilisations. Les charges
brutes d'exploitation et les frais généraux restent encore en
général très élevés pour les banques
camerounaises. Par souci de protéger les dépôts de la
clientèle et de faire qu'il y ait une saine gestion des ressources
financières, les banques doivent aussi respecter les ratios de
liquidité générale et de transformation à long
terme. Presque toutes les banques camerounaises font des efforts pour respecter
le ratio de liquidité générale mais celui de la
transformation à long terme reste encore délaissé. Notons
néanmoins que l'insolvabilité du secteur bancaire a grandement
régressé depuis une dizaine d'années. La
réglementation bancaire du Cameroun n'intègre pas les
spécificités bancaires dues aux asymétries d'information
(Mishkin, 1991). L'intégration des asymétries d'information de la
réglementation bancaire permettra de réduire un peu plus les
risques de faillite ou la probabilité de faillites bancaires (Scialom,
2010).
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