WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'accès de la société civile à  la justice internationale économique

( Télécharger le fichier original )
par Farouk El-Hosseny
Université de Montréal - LLM 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

V) Asymétrie au niveau de l'accès à la justice internationale économique.

À ce stade, nous avons traité des motifs à l'appui de l'accès de la société civile à la justice internationale économique. Cette dernière y accèderait comme sujet actif de droit international au même titre que les multinationales ou les investisseurs. De plus, les symétries entre ces deux acteurs non étatiques que nous venons d'identifier militent pour leur accorder un statut égalitaire. Il s'agit maintenant d'identifier le domaine où un double standard existe entre ces deux forces, soit l'asymétrie au niveau de l'accès à la justice internationale économique.

1) L'accès direct des investisseurs

Le Chapitre XI de l'ALENA et les TBI sont considérés comme un << human rights treaty >> ou comme un << bill of rights >> pour les investisseurs315. Le Chapitre XI et les TBI accordent des droits et des protections conséquents pour les investisseurs étrangers, garantis par un mode de règlement de différend accessible directement à l'investisseur lésé. Cela lui permet d'intenter un recours devant une juridiction

315 Charles BROWER II, «NAFTA's Investment Chapter: Initial Thoughts about Second-Generation Rights», Vanderbilt Journal of Transnational Law, Fiona BEVERIGDE (dir.), Globalization and International Investment, Burlington, Ashgate, 2005, p.384; D. SCHNEIDERMAN, op. cit., note 34, p. 69.

arbitrale internationale sans être nécessairement obligé de recourir aux tribunaux internes316.

Les investisseurs bénéficient en effet des garanties du procès équitable dont la garantie contre le déni de justice317. L'application de ce principe a connu un élargissement récent dû notamment à l'émergence de procédures prévues en vertu des TBI permettant aux victimes d'agir directement contre les États afin d'être dédommagées318. Grâce aux TBI, l'investisseur étranger pourrait saisir une juridiction arbitrale internationale, indépendante et impartiale qui se prononcerait sur le déni de justice et sur la responsabilité de l'État selon le droit international.

Le CIRDI est un exemple de ce type de juridiction. Entrée en vigueur en 1966 dans le cadre du groupe de la Banque mondiale, la Convention du CIRDI avait pour but de créer un forum de règlement de différends regroupant investisseurs et États. Le processus arbitral encadré par l'institution implique une procédure contradictoire, une garantie des droits de la défense, l'égalité entre les parties ainsi qu'une décision fondée sur des considérations juridiques et non politiques319. Les investisseurs peuvent donc dépendre sur une juridiction qui respecte leur droit à un procès équitable, ce qui n'est pas souvent le cas devant les juridictions des pays d'accueil.

Les TBI visent par ailleurs la protection des investissements étrangers à travers la juridicisation (legalization) des relations commerciales internationales. Il

316 Une illustration intéressante de ces droits intervient dans une affaire où un investisseur, ayant la double nationalité égyptienne et italienne, abandonne la première pour poursuivre l'Égypte en vertu du traité d'investissement en vigueur entre ses deux pays. L'investisseur était convaincu d'avoir plus de chance à obtenir une juste compensation devant un tribunal arbitral international. En effet, sans motif, ni justification, l'État égyptien lui avait tout simplement confisqué un terrain qu'il avait acquis pour un projet de développement touristique. Voir Waguih Elie George Siag et Clorinda Vecchi c. Égypte dans Walid BEN HAMIDA, « La notion d'investisseur : les nouveaux défis de l'accès des personnes physiques au CIRDI », dans Ibrahim FADLALLAH et al. (dir.), Investissements internationaux et arbitrage, Paris, La Gazette du Palais, Décembre 2007, p. 32.

317 J. PAULSSON, op. cit., note 162, p.2.

318 Id., note 162, p.3.

319 N. QUOC DINH, op. cit., note 221, p. 827.

s'agit d'un phénomène par lequel la présence et la force obligatoire du droit s'accroissent et par lequel le rôle du droit tend à se renforcer dans la conduite des relations internationales320. Ladite juridicisation s'est matérialisée et s'est concrétisée par la juridictionnalisation du règlement des différends internationaux, signifiant que leur règlement se fait par un mécanisme ressemblant de plus en plus à une juridiction internationale, soit de plus en plus similaire à un tribunal judiciaire. Grâce à une volonté internationale de juridiciser les relations commerciales, il y a eu un développement d'un mécanisme de règlement des différends commerciaux internationaux de plus en plus juridictionnalisé321. L'objectif est ainsi de garantir l'accès à la justice, soit le droit à un recours et le droit à un juge aux investisseurs étrangers selon les préceptes de la règle de droit et du procès équitable. C'est à cet effet et tel que discuté plus haut que les multinationales et les investisseurs défendent et réclament désormais la règle de droit322.

Ce constat est illustré dans le nouveau TBI entre l'Australie et les États-Unis signé en 2004. Ce traité contient les dispositions typiques concernant la protection et la promotion des investissements directs entre les deux pays. En revanche, l'accord diffère de ceux qui ont été signés récemment par les États-Unis puisqu'il ne prévoit aucun mode de règlement de différend pour son application. Le traité n'octroierait aucun recours direct aux investisseurs devant des juridictions arbitrales internationales. Selon le gouvernement australien, les raisons sont les suivantes :

320 Charles-Emmanuel CÔTÉ, « La participation des personnes privées dans le règlement des différends internationaux économiques : Les cas de l'élargissement du droit de porter plainte à l'OMC », Montréal, Thèses de doctorat de McGill, 2005, p.11; D. SCHNEIDERMAN, op. cit., note 34, p. 206.

321 Id., note 309, p. 13.

322 D. SCHNEIDERMAN, op. cit., note 34, p. 222.

<< «The Parties' open economic environments», their «shared legal traditions, and the confidence of investors in the fairness and integrity of their respective legal systems»323».

Le mécanisme de règlement des différends prévu typiquement dans les TBI n'était pas nécessaire en l'espèce puisque l'investisseur américain ou australien peut s'attendre à un système de common law similaire au sien, à un traitement juste et équitable par l'administration ainsi qu'à un respect des exigences du procès équitable devant les tribunaux de droit commun.

En effet, l'ALENA et le règlement de différend arbitral prévu sont initialement des outils d'imperméabilité des investissements contre les défis judiciaires et administratifs du Mexique. L'ALENA impose également des principes de la rule of law américaine et de libre échange. Les signataires s'engagent à respecter la << norme minimale de traitement », le << traitement juste et équitable » et la << protection et sécurité intégrale » qui sont des principes incarnant le constitutionnalisme libéral américain324. Selon la vision américaine, le but est d'instaurer un modèle de libéralisme économique adoptant la règle de droit dans la règlementation des marchés et qui permettra la promotion de la liberté économique. La règle de droit accorderait aux investisseurs une série de protections ou de garanties couvrant les diverses discriminations, les expropriations sans indemnisation, le traitement juste et équitable ainsi que la protection et sécurité entière pour leurs

323 Citant l'Australian Department of Foreign Affairs and Trade dans Id., note 34, p. 220.

324 Emmanuel DARANKOUM, << L'arbitrage commercial international », dans Guy LEFÈBVRE et Stéphane ROUSSEAU (dir.), Introduction au droit des affaires, Montréal, Thémis, 2006, p.672; D. SCHNEIDERMAN, op. cit., note 34, p. 206.

investissements325. Ce modèle de libéralisme économique assurerait une stabilité et une prévisibilité accrues dans le domaine de l'investissement étranger direct326.

Du fait de l'inexistence d'un régime multilatéral universel d'investissement, les TBI constituent le véritable régime du droit de l'investissement étranger direct. Étant une composante du droit international, ces règles sont considérées comme étant supra-constitutionnelles327. Grâce à ce régime, les entreprises deviennent de véritables sujets du droit international de l'investissement328. Elles sont capables d'exécuter et de sanctionner des violations aux obligations de droit international et de les imposer aux États grâce à l'arbitrage329.

L'objectif d'attraction des investissements étrangers a pour conséquence d'accorder de plus amples droits aux investisseurs. Cet objectif a omis cependant la considération des droits des personnes affectées par les violations commises par les investisseurs dans la conduite de leurs activités330. Les justiciables affectés n'ont aucun recours ni aucune garantie d'accès devant la juridiction arbitrale. Cette dernière est désormais la juridiction exclusive, responsable pour entendre les litiges découlant de l'application du traité d'investissement en vertu duquel l'investisseur a pu mener ses activités.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld