2. Le syndrome d'insularité
Les effets de l'isolement ne se limitent pas aux lles (ils se
retrouvent, à des degrés divers, dans les milieux isolés
sur les continents). Ils sont cependant caractéristiques des
systèmes insulaires et entralnent chez les populations et
communautés animales et végétales de nombreuses
évolutions biologiques connues sous le nom de "syndrome
d'insularité".
« Le syndrome d'insularité résulte de
divers ajustements écologiques, de l'isolement et des stratégies
adaptatives qui en découlent. Sur les lles, les peuplements, les
espèces et les populations présentent différentes
caractéristiques ou manifestations du syndrome d'insularité qui
sont propres à leur situation insulaire et qui les distinguent de
peuplements, espèces et populations similaires sur le continent. »
(Defrêne, 2003) .
Le syndrome d'insularité regroupe un ensemble de
modifications d'ordres morphologiques (tendance à l'uniformisation des
tailles des différentes espèces occupant une lle),
écologiques et éthologiques.
2.1. Richesse spécifique
« A surface égale, il y a toujours moins
d'espèces sur une lle que sur le continent. Les taxocénoses
insulaires se caractérisent par ailleurs par un élagage
d'espèces prédatrices et super-prédatrices, qui ne peuvent
coexister sur des espaces de surface restreinte. Par ailleurs, c'est sur les
lles qu'on observe une plus grande proportion d'espèces
endémiques, avec de grandes proportions sur les lles isolées de
grande taille. » (Defrêne, 2003)
Le terme « endémie » vient du grec
Endêmon qui signifie « indigène ». Ce terme est
utilisé en biologie pour signifier le caractère d'une
espèce (ou autre taxon) particulière à un zone
géographique déterminée (qui peut varier d'une
échelle micro-localisée à l'échelle d'un pays ou
d'un continent). L'endémisme est donc toujours relatif à une
délimitation territoriale.
On distingue classiquement deux types d'endémisme :
1) Le néo-endémisme qui est lié au
processus de spéciation. Les réponses et l'adaptation à
l'environnement conditionnent l'apparition de nouvelles espèces par
divergence progressive des caractéristiques génétiques
et/ou morphologiques.
2) Le paléo-endémisme qui est lié
à la disparition des espèces. Une espèce peut devenir
endémique d'une zone géographique spécifique lorsque son
aire géographique originelle s'y trouve réduite. Les
endémiques « reliques » appartiennent à de très
anciennes lignées disparues ailleurs par réduction de leur aire
géographique primitive, comme Juania Australis ou Lactoris
Fernándeziana sur l'lle Robinson Crusoe (Fellmann, 2004).
Le taux d'endémisme est un des indicateurs de la
biodiversité. Les lles sont des territoires à haut taux
d'endémisme et sont reconnues comme des « hauts lieux » de la
biodiversité du globe. A titre d'indication, sur l'archipel Juan
Fernández, le calcul du taux d'endémisme floristique le plus
récent donne un résultat de 64.30% (ratio espèces
natives/espèces endémiques) (Danton et Perrier, 2006). Gardons
à l'esprit qu'un indicateur dépend fortement du mode et de la
date du calcul effectué pour l'obtenir6. Les échelles
sont donc relatives et difficiles à comparer entre études.
Cependant, elles permettent de mettre en évidence l'intérêt
biologique de divers endroits, dont les lles.
6 Il existe différents modes de calcul du taux
d'endémisme desquels se dégagent deux tendances avec chacune des
avantages et des inconvénients (Christophe Perrier commentaire
personnel):
- Ratio taxons natifs / taxons endémiques
Cet indice donne une idée de l'importance de
l'endémisme végétal et animal, c'est-à-dire de
l'isolement biologique, qui caractérise un lieu donné. La
difficulté réside dans la définition et la distinction des
taxons natifs.
- Ratio espèces endémiques / surface totale
considérée
Ce rapport permet des comparaisons entre différents
lieux mais sa nature efface la réalité qualitative des
territoires concernés. Concernant Juan Fernández, sa faible
superficie terrestre (environ 100km2) en fait un des lieux au plus
haut taux d'endémisme par unité de surface au niveau
planétaire.
Sur les îles, le nombre d'espèces relativement
plus pauvres que sur les continents cache donc une richesse spécifique
incomparable. Sur Juan Fernández par exemple, aucune espèce
d'amphibiens, de reptiles ou encore de mammifères terrestres
n'était présente avant l'arrivée de l'homme. De plus, il
n'y existe que 16 espèces d'oiseaux et un peu plus de 200 espèces
de plantes vasculaires indigènes. Mais parmi ces espèces, 4
espèces d'oiseaux sont endémiques de l'île Robinson Crusoe,
deux espèces sont endémiques de l'île Alejandro Selkirk.
Parmi les 213 espèces végétales indigènes, 137 sont
endémiques. Sur les 687 espèces d'insectes recensées en
1952, 54 genres et 440 espèces sont endémiques de l'archipel. Au
niveau marin, il existe un crustacé endémique de l'archipel et de
l'archipel des Desventuradas et divers poissons marins
endémiques.7
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