2.1. Disparitions naturelles
Les <<extinctions de fond)) correspondent aux
disparitions d'espèces liées aux modifications des
écosystèmes. Ces extinctions adviennent peu fréquemment et
relèvent de la "normalité" du monde naturel. Des espèces
disparaissent quand elles ne sont plus capables de survivre dans des conditions
changeantes ou face à une concurrence qu'elles ne peuvent affronter.
Typiquement, une espèce s'éteint en 5 à 10 millions
d'années (hors période de crise biogéologique) (Ricklefs
et Miller, 2003).
Dans un écosystème insulaire, une espèce
colonisatrice va s'installer en plusieurs étapes de
différenciation, d'adaptation et de spécialisation
(jusqu'à l'endémisme parfois). A chaque étape de cette
installation, l'espèce devient plus vulnérable aux changements de
son habitat et à la concurrence de nouvelles espèces
colonisatrices.
Dans ce contexte, deux facteurs généraux peuvent
provoquer une extinction: l'apparition de nouvelles espèces
colonisatrices compétitives ou prédatrices et les transformations
dans les conditions environnementales (<< toutes les espèces
vivant dans une certaine gamme de conditions environnementales telles que la
température, la concentration en oxygène, la lumière, etc.
)) (Ricklefs et Miller, 2003)).
2.2. Disparitions liées au forçage anthropique
(la place de l'homme dans la perte de biodiversité)
L'extinction anthropique s'apparente aux grandes crises
d'extinction si l'on considère sa dimension globale, le nombre
d'unités taxinomiques touchées et sa nature catastrophique. Elle
s'en distingue précisément parce que ses origines dérivent
des activités construites et organisées par l'homme et de leur
développement (Ricklefs et Miller, 2003).
Hors, << Au cours des soixante-cinq derniers millions
d'années, le taux d'extinction moyen a tourné autour d'une
extinction par an pour un million d'espèce. Aujourd'hui, ce taux serait
entre "50 et 560 fois supérieur au taux d'extinction attendu pour une
biodiversité stable" (Teyssèdre, 2004) mais beaucoup affirment
que ce taux serait en fait 100 fois plus important et qu'il continue
d'augmenter. Tout cela va dans le sens de l'hypothèse d'une
sixième grande crise d'extinction. La Terre a en effet connu plusieurs
grandes crises d'extinction dont la dernière est liée à
l'apparition d'Homo sapiens sapiens et son extraordinaire expansion. ))
(Levrel, 2007)
L'épisode d'extinction actuel présente des
différences à la fois quantitatives et qualitatives en
comparaison aux épisodes antérieurs. Aujourd'hui, la majeure
partie des extinctions est attribuable à des causes humaines et les
estimations et projections du taux d'extinction pour divers groupes
d'organismes donnent des valeurs supérieures à leur
équivalent dans les registres fossiles (TorresMura, Castro et Oliva,
2008).
Alors que les extinctions massives antérieures ont
été causées par des processus liés à la
Terre et à l'espace, (volcanisme, impact de
météorites,...), la cause principale de l'extinction actuelle est
liée aux activités humaines.
Historiquement, ce sont les changements dans l'habitat et
l'affectation des sols qui ont eu le plus gros impact sur la
biodiversité dans tous les écosystèmes (et en particulier
dans les forêts tropicales, les zones humides et les zones
côtières) mais l'introduction d'espèces envahissantes, la
surexploitation des ressources biologiques, notamment par la pêche
intensive, ainsi que la pollution et les signes désormais manifestes de
changement climatique sont autant de menaces permanentes pour la
biodiversité, liées aux activités humaines. En outre, ces
différents facteurs interagissent. Ainsi, par exemple, la destruction
des habitats, ou encore la surexploitation d'espèces situées en
bout de chaîne trophique, peut favoriser l'installation d'espèces
exogènes envahissantes. Le plus souvent, une espèce ne
disparaît pas à cause d'une seule menace mais suite à la
combinaison de plusieurs d'entre elles. Comme pour la plupart des
mécanismes écologiques, l'érosion de la
biodiversité met en évidence que les relations de cause à
effet ne sont pas linéaires mais systémiques.
Ces interrelations entre les causes anthropiques
ajoutées aux causes naturelles entraînent des variations dans la
composition en espèces et la diversité biologique à
différentes échelles, une petite variation pouvant influencer les
processus biotiques et abiotiques jusqu'à perturber le fonctionnement
d'un écosystème et les processus écosystémiques.
Figure 03. Les 3 grands facteurs de perte de
biodiversité (en orange) et leurs relations (en vert les variables
environnementales et en bleu les variables anthropiques) :
Source : Vanhulst, 2009 d'après MEA, 2005, Fig. 5 et
Barbault, 2002, Fig. 3.
Ce diagramme intègre deux schémas issus de la
littérature scientifique qui conçoivent le problème de la
perte de biodiversité d'un point de vue macrosystémique. Il met
en évidence les 3 grands facteurs de perte de biodiversité et
leurs conséquences sur les processus écosystémiques et
à long terme sur les "services écologiques". Il rassemble aussi
dans un grand ensemble les facteurs indirects qui influencent les autres
variables (gouvernances, valeurs sociales, science et technologie,
éthique et mode de vie). Ces variables indirectes sont susceptibles
d'influencer positivement ou négativement la biodiversité selon
les choix et les alternatives envisagées. Si les causes actuelles de
perte de biodiversité sont à rechercher dans les activités
humaines au sens large, les réponses s'y trouvent aussi.
D'après le Millenium Ecosystem Assesment, les
exceptions aux régimes d'extinctions « sont presque toujours dues
à des interventions humaines, comme la protection dans des
réserves ou au fait que certaines espèces ont tendance à
prospérer dans les paysages dominés par l'homme. »
(Greenfacts, 2006)
Etant donné le constat relatif aux facteurs de perte de
biodiversité, le rôle de l'homme dans la dynamique de la
biodiversité est aussi de tendre vers l'inversion de la tendance
actuelle en modifiant ses activités dans un sens plus durable. Si les
disparitions naturelles sont inévitables, les conséquences des
actions humaines sont potentiellement corrigibles ou modifiables. «
Beaucoup de mesures prises pour conserver la biodiversité et promouvoir
son utilisation durable sont parvenues à limiter la perte de
biodiversité. Les rythmes de perte de biodiversité sont
aujourd'hui plus bas qu'ils n'auraient été en l'absence de telles
mesures. Il y aurait moins de biodiversité sur Terre aujourd'hui si
certaines communautés, ONG, gouvernements et, de plus en plus, certains
milieux d'affaires et industriels n'avaient pas pris de mesures pour conserver
la biodiversité, atténuer son déclin et encourager son
utilisation durable. Pour atteindre des résultats plus
conséquents en matière de conservation, il sera nécessaire
(mais pas suffisant) de renforcer une série de mesures se
concentrant prioritairement sur la conservation et
l'utilisation durable de la biodiversité et des services fournis par les
écosystèmes » (Greenfacts, 2006). Seulement, si les
réactions d'une société face à ses problèmes
(environnementaux entre autres) dépendent de ses institutions
politiques, économiques et sociales ainsi que de ses valeurs
culturelles, actuellement, ces institutions et les valeurs contemporaines (dans
les sociétés « occidentales ») restent majoritairement
marquées par le dualisme Homme - Nature.
3. Enjeux écologiques, sociopolitiques et
économiques
Les métamorphoses du sens de la diversité
biologique autour du concept de « Biodiversité » ont
entraîné la définition d'enjeux écologiques,
économiques et sociopolitiques globaux. Bien entendu, ces enjeux doivent
être déclinés localement selon les réalités
régionales spécifiques. Cependant, l'objectif majeur que
sous-tend le concept de biodiversité est la réalisation d'un
développement durable en conciliant la préservation de la
diversité des espèces et des écosystèmes et le
développement des populations concernées.
Les changements et la perte de biodiversité engendrent
des impacts significatifs sur les processus écosystémiques
à l'échelle globale (mondiale) et locale. Il est donc
impératif de conserver la biodiversité. En effet, les
espèces, leurs génomes, les écosystèmes,..., bref,
la biosphère représente des "ressources" inestimables
réelles ou potentielles pour l'humanité (comme aliments, sources
de produits médicaux et de contrôle biologique, de travail, de
commerce, de régulation mais aussi d'équilibre des
écosystèmes). Il faut aussi considérer les valeurs
culturelles, religieuses et sociales que la biodiversité renferme.
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